Pour cette 29 éme édition, Tulle a tissé sa toile autour de l’accordéon et de l’image plurielle avec pour fil conducteur le grand Roland Romanelli qui œuvre dans le milieu cinématographique depuis des lustres. En ce vendredi soir, l’ambiance est plutôt fraiche, grise et humide mais pour ma part ce genre de petit désagrément ne m’empêchera pas de faire mon petit bonhomme de chemin au fil de ce festival à la programmation aussi grandiose, qu’éclectique ! Suivez le guide !
Pour commencer, rendez-vous au chapiteau « Magic mirrors » où les cinq musiciens du « Peuple Étincelle » entrent en scène. C’est en toute simplicité qu’ils démarrent leur show avec quelques scottish et autres biguines pour réchauffer l’ambiance. Très vite, le public se met en jambes, ça remue du popotin, tape dans les mains , chante à tout va ! Nous voila tous partis à danser dans de grandes rondes qui, le temps d’un instant, font oublier la dure réalité de la vie ! Les compères ont le don de rallumer l’étincelle qu’il y a dans nos yeux, que ce soit avec leurs compositions ou des airs populaires faits de partage et de convivialité. Ils nous ont offert ce soir un spectacle bien vivant… Qu’ils gardent à tout jamais,comme ils le disent si bien, l’étincelle poétique !
Allez hop, direction le théâtre des Sept Collines où une belle affiche nous attend : deux grands musiciens du jazz moderne, messieurs Vincent Peirani ( accordéon, voix ) et Émile Parisien ( saxophone soprano ) se produisent accompagnés par le peintre Stéphane Cattanéo qui doit réaliser en temps réel une de ses créations. La salle est bondée et beaucoup plus studieuse que sous le chapiteau ! Pas de chichis, lumière blanche et une grande toile qui n’attend plus que les pinceaux et le savoir-faire de Cattanéo ! Le décor est planté, nos trois artistes débarquent et nous embarquent dans des standards de Sidney Bechet, duke Ellington, mais aussi avec des compos personnelles telle que cette valse créée pour leur ami Michel « P » (Petrucciani ? Non, non, Portal !) Ce duo atypique et créatif nous a fait partager sa passion pour ce jazz aux sonorités étourdissantes… Peirani et Parisien nous ont montré toutes les facettes de leur talent dans un large panel de styles différents pimenté par leur gout prononcé pour l’improvisation. Cattanéo, quant à lui a su s’adapter pour réaliser son œuvre au son et au rythme de ce sublime concert. Pari réussi pour ce moment alliant visuel et virtuosité, la toile est tissée !
Direction place Jean Tavé où Roland Romanelli se produit avec claude Salmiéri. Les deux artistes ne sont pas venus seuls, la grosse artillerie est de sortie et croyez moi c’est du lourd ! Les frères Guillard à la section cuivre, Fifi Chayeb à la basse, Gregory Ott au piano, Alexis Salmiéri aux percussions, excusez-moi du peu ! Nos deux protagonistes vont très prochainement sortir un album sur la réinterprétation jazz de leurs compositions pour le cinéma, ainsi que de grands standards de série TV et nous en dévoilent ce soir le contenu. Les images de ces classiques qui ont bercé notre jeunesse défilent dans nos têtes et sur un grand écran derrière la scène : d’Amicalement vôtre à Mission impossible en passant par les Rues de San Francisco, les musiciens s’en donnent à cœur joie et chacun y va de son solo pour le plus grand plaisir de tous. C’est rondement bien ficelé et sous l’œil aguerri et bienveillant de Romanelli, notre équipe de choc nous offre ce pur moment de bonheur malgré la pluie qui s’est invitée… Le public présent sur cette place de Tulle n’est pas près d’oublier ce magnifique concert de jazz…
Pas le temps de souffler ! Retour au « Magic mirrors » blindé et survolté ! ça danse ,chante, mais pour qui toute cette effervescence ??? Mais pour « La Gapette« , bien sûr, qui entraine tout son petit monde dans son univers « muzouche » entre musette et manouche ! Vous connaissiez, vous, le « Muzouche » ? Non ? et Ben, c’est vachement bien ! Ces cinq musiciens « touche à tout »: le chanteur guitariste joue de la trompette, le guitariste banjoïste joue du trombone, nous ont concocté un show énergique et rythmé où se mêlent des textes touchants, drôles et engagés. La scène, le spectacle vivant, c’est le leitmotiv et le crédo de La Gapette qui, avec dextérité, talent et enthousiasme nous a démontré ce soir à quel point c’est important que la musique se partage en « live » ! Ce n’est pas le public présent ce soir qui les contredira …
Une petite pause bien méritée, le temps du changement de plateau. Les festivités sont loin d’être terminées car le chapiteau accueille pour son dernier concert, le groupe Asa- I- Viata. Venant directement de Lille, ce groupe, d’après le programme, devrait déclencher un frénétique déchainement de guiboles ! Le mot est faible ! Dès l’arrivée de nos lillois encapuchonnés , le gros son est de sortie ! Nous voila entrainés dans un rock balkanique et survitaminé par la guitare électrique ! Sur une rythmique basse batterie et des samples programmés, le violoniste, l’accordéoniste / saxophoniste et le guitariste nous envoient leurs solos. C’est puissant et le public, resté encore nombreux malgré l’heure avancée, est carrément en transes ! Asa- I- Viata qui signifie en roumain « c’est la vie » nous en donne une belle définition, toute en énergie et vitalité. Le programme disait vrai, les guiboles sont vraiment mises à rude épreuve mais qu’est ce que ça fait du bien !
Après cette soirée bien remplie, je m’apprêtais à rejoindre mes pénates pour un repos bien mérité, quand un son de percussions indiennes est venu titiller mes oreilles… Sur la place Jean Tavé, Toucas Trio Vasco terminait son concert … Quelle aubaine ! Nous n’étions plus très nombreux, mais suffisamment pour assister à ce beau métissage musical. Sur fond d’écran diffusant des photos de Serge Bouvet, le trio (guitare acoustique, accordéon et tablas ) nous entrainait sur la route des épices : voyage bluffant, compositions originales interprétées de façon magistrale et tout en virtuosité, sur une rythmique indienne de toute beauté…. Malheureusement le concert se terminait, et la frustration fut bien grande pour moi de n’avoir pu assister à l’intégralité de ce spectacle qui, d’après ce que j’en ai entendu, valait carrément le détour !
Bruno Robert