Le passionnant laboratoire intérieur de Matisse, un Kamasutra très design et joyeusement coquin, la face cachée des romans à l’eau de rose, un essai sur la bibliothérapie et les dessins féroces et drôles de Tignous sur les religions de tous poils ! Arts, érotisme, littérature et caricatures au menu du jour ! Régalez-vous !!!
Ce superbe ouvrage que je vous présente aujourd’hui est le catalogue de l’exposition consacrée à Matisse, toujours visible au musée des beaux-arts de Lyon (en partenariat avec le centre Pompidou) jusqu’au 6 mars prochain. 240 œuvres y sont exposées, prêtées par la famille de Matisse et par des musées nationaux et internationaux. Pourquoi Lyon ? Matisse y a séjourné en 1941, pour y subir une importante opération chirurgicale et y est resté le temps de sa convalescence. Loin d’être un mauvais souvenir, Matisse a vécu cette période comme une « résurrection », car pendant son séjour il a réalisé ce qu’il nomme lui-même une « floraison » de dessins, dont certains de la série « Thèmes et variations » ont été offerts à ce même musée des beaux-arts. Le dessin prépare, accompagne et prolonge l’œuvre de Matisse. « Le trait est un chant, la ligne une danse », ce texte d’Aragon, qui fut son ami, par ces quelques mots, décrit parfaitement le travail de l’artiste… S’il a commencé par peindre des paysages et des natures mortes, Matisse est très vite passé à l’autoportrait et au portrait, avec un profond intérêt pour « le visage humain ». Il s’est essayé à toutes les techniques, avec le même talent : pastels, huile, fusain, gravure sur bois, lithographies, encres, sculpture sur bronze… Matisse a toujours oscillé entre classique et avant-gardisme, ce qui fait toute la richesse de son œuvre ! Photos, reproductions d’œuvres (toiles et surtout dessins), notes, entretiens et lettres de Matisse, biographie richement illustrée et bibliographie composent cet ouvrage exhaustif sur le maître, commentés par quelques-uns des spécialistes de son travail. Ce « laboratoire intérieur » explore en profondeur les coulisses de l’œuvre d’une vie avec passion et érudition. Passionnant et incontournable.
Henri Matisse : le laboratoire intérieur, Hazan, 2016 / 44,95€
Le Kamasutra et ses figures acrobatiques furieusement imaginatives…Le pratiquer est raisonnablement déconseillé lorsqu’on a dépassé les cinquante printemps, au risque de se retrouver chez l’ostéopathe, une minerve autour du cou et bourré d’anti-inflammatoires… A moins que dame nature vous ait doté d’une constitution physique hors normes doublée d’une souplesse de félin, ou encore que vous ayez décidé de pimenter votre vie sexuelle, à vos risques et périls. Le Kamasutra que nous propose Ionna Vautrin ne vous propose pas un catalogue de galipettes aussi élaborées soient-elles, mais bel et bien un ouvrage avec une démarche artistique autour de la sexualité, qu’elle a enrobée d’un humour irrésistible et d’une imagination galopante. Ses personnages filiformes, évidemment très « design » dégagent un charme fou dans un style épuré étonnamment parlant dans leur trompeuse simplicité ! Chaque position proposée porte un nom évocateur, rieur, poétique ou sensuel. Plus esthétique que grivois, le dessin de Ionna Vautrin entrouvre la porte d’une sexualité saine et complice où éclat de rire rime avec plaisir ! C’est bientôt la Saint Valentin et si vous êtes adeptes de cette tradition et amoureux fou de votre (ou de vos) partenaires, voici un cadeau à partager à deux (voire plus si affinités), au chaud sous la couette !
Le Kamasutra illustré de Ionna Vautrin, Flammarion, 2017 / 12€
Pour des raisons purement alimentaires (il faut bien vivre …) Camille Emmanuelle a prêté sa plume, d’ailleurs fort jolie, à des bluettes pseudo érotiques pour des maisons d’édition spécialisées dans le genre. Depuis, elle a arrêté et nous fait part de cette expérience de « nègre » avec un humour ravageur et séduisant, en nous racontant de l’intérieur comment sont produits ces bouquins à deux balles. On sent qu’écrire ce livre fut libérateur de toutes ses frustrations vu la manière dont elle se lâche après des mois d’esclavage plumitif ! Le constat est simple : aucune liberté dans l’écriture, personnages formatés, sexisme à tous les étages, censure éditoriale drastique…Ces romans à l’eau de rose ne sont pas si innocents qu’ils n’y paraissent… La femme, jeune, jolie, de préférence issue d’un milieu modeste, se pâme devant un milliardaire (pas un millionnaire, hein !) d’âge un peu plus mûr, beau gosse, sportif, qui va la sortir de sa condition et la couvrir de cadeaux luxueux (belle promo au passage pour des produits de luxe qui sponsorisent d’ailleurs les maisons d’édition !). Tous deux se traînent une blessure secrète et de préférence profonde (contrairement à leur intellect, surtout celui de l’élément féminin…) Bien entendu, tous deux sont américains, hétérosexuels et lorsqu’ils pratiquent l’acte sexuel, la femme est passive et éperdue de reconnaissance pour le beau mâle sévèrement membré (deux versions sont d’ailleurs proposées aux lectrices : une « hot » avec des scènes « cochonnes » et une autre où ces moments d’intimité sont supprimés…) Pas de références culturelles, inutile de faire croire à la potiche qu’elle est capable de réfléchir sans l’aide de Superman !!! Voilà en gros le pitch, quasiment toujours le même, censé faire rêver au prince charmant jeunes (et moins jeunes) filles…Si votre mec est fauché et que vous ne vous fringuez pas dans les magasins des Champs Élysées, sachez, comme dirait l’autre, que vous avez raté votre vie ! Prenez exemple sur Cindy et Priscilla, bon sang !!! Réducteurs, rétrogrades, ces clichés sont une insulte à toute femme qui se respecte… Et pourtant, ça se vend…Cruel constat ! Un pamphlet corrosif et irrésistiblement drôle ! Édifiant !
Lettre à celle qui lit mes romances érotiques, et qui devrait arrêter tout de suite de Camille Emmanuelle, Les Échappés, 2017 / 13,90€
Lire fait du bien… Ce n’est certainement pas moi qui vais affirmer le contraire ! Plus sérieusement, la bibliothérapie n’est pas une nouvelle lubie « bobo » à la mode, mais une « science » qui est même étudiée dans les universités… Psychologues, psychiatres et neuroscientifiques ne s’y trompent pas et s’intéressent de plus en plus à la valeur thérapeutique de la lecture (et même les écrivains : Je vous parlerai très prochainement du livre de Régine Detambel « Les livres prennent soin de vous »). La bibliothérapie part de ce postulat que tout problème rencontré dans notre vie peut trouver sa solution à la lecture d’un ouvrage, en nous apportant des clés, des éléments déclencheurs pour analyser une situation donnée en nous aidant à y voir plus clair. La littérature comme thérapie ? Cette réflexion nous interpelle dans notre relation à la littérature : Pourquoi lisons-nous ? Que recherchons-nous dans l’acte de lire ? Et pourquoi y prend-on autant de plaisir ? Les chemins de vie de l’auteur qu’ils soient autobiographiques ou purement fictifs sont parfois très proches de notre propre vécu et, mine de rien, ils nous aident à puiser les forces qui nous font défaut et à mettre des mots sur nos maux : ne sous-estimons pas leur pouvoir évocateur et leur puissance émotionnelle qui sont immenses ! Pas besoin de chercher bien loin, il suffit de se remémorer les livres qui ont marqué notre esprit et dans quelles conditions nous les avons lus… Nous en avons tous une liste plus ou moins longue et en gardons un souvenir vif, des années plus tard… Pour ma part, j’ai des jalons très précis : Victor Hugo aura toujours le parfum de mes douze ans et des vacances à la campagne où j’ai dévoré « Notre-Dame de Paris »… « L’écume des jours » de Boris Vian marquera à jamais mon passage à l’adolescence et « Le voyage au bout de la nuit » est et restera une de mes plus grandes « baffes » littéraires. Ces livres m’ont marquée et je me rappelle très précisément quand et où je les ai lus, car ils correspondent à des étapes importantes de ma vie et leur lecture a été pour moi fédératrice. Christilla Pellé-Douël (journaliste au magazine « Psychologies »), à travers cet ouvrage, nous donne les clés pour comprendre ce qu’est la bibliothérapie. Elle nous dresse sa propre liste d’ouvrages qui lui ont procuré une aide précieuse face à des moments difficiles, ainsi que celle d’auteurs qui nous parlent du ou des livres qui ont marqué leur existence ou leur ont donné l’impulsion pour se lancer dans l’écriture. Pas de règles, pas de mode d’emploi, chacun puise dans les livres ce dont il a besoin et une vraie richesse se propose à nos yeux et nos esprits ! Alors, lisez !!!! Pour vous détendre, rire, pleurer, réfléchir, bref, comme bon vous semble ! La littérature nous éclaire comme un phare dans la pénombre… Profitons de sa lumière. Pour aller bien, pour aller mieux …
Ces livres qui nous font du bien : invitation à la bibliothérapie par Christilla Pellé-Douël, Marabout, 2017 /1 5,90€
Cet album regroupe une centaine de dessins parus dans Charlie Hebdo et Marianne, sélectionnés et choisis par Chloé, la femme de Tignous. Tous ont pour thème le cheval de bataille de la regrettée « petite teigne » : Les religions sous toutes leurs formes, sans distinction. Tignous n’avait rien contre les croyants mais contre l’usage que les religions peuvent engendrer : endoctrinement, aveuglement, obscurantisme… Quelle ironie du sort … Lui qui était profondément humaniste et bienveillant a fini sa courte vie sous les balles d’un de ces illuminés … La préface est signée par son ami Gilbert Thiel (juge d’instruction au pôle antiterroriste) qui trouve les mots justes pour exprimer notre colère et notre tristesse face à cette barbarie qui a fauché son ami. Traitée avec humour et haine du « con » ces quelques mots nous invitent à (re) découvrir d’un autre œil les « con »victions du dessinateur qui a œuvré, à sa manière vacharde, à nous faire prendre conscience de la dangerosité des fous de dieu. L’ouvrage se conclut par un texte déchirant de Chloé, déterminée à continuer l’œuvre de son mari, plus que jamais, malgré son immense chagrin. Des sourires, de la rage, et beaucoup d’émotions m’ont submergée à la lecture de cette superbe compilation qui reflète le talent et l’humour d’un mec bien.
Ni Dieu ni eux de Tignous, Le Chêne, 2017 / 14,90€
Christine Le Garrec