Un enfant à tête de patate dictateur machiavélique en culottes courtes… Une plongée dans les affres de la schizophrénie… Les rapports hommes/femmes décryptés depuis la nuit des temps… De la science-fiction sur fond de résistance sans traction ni béret… Un western africain sur le sort des migrants… La succession houleuse du roi des Gueux dans une cour des miracles moyenâgeuse… Un polar brillamment adapté d’un roman du grand Pierre Lemaître… Et pour terminer, le parcours de Joseph Darnand, personnage hautement controversé de l’histoire ! Alors, heureux ? Pas moins de huit BD dans ce dernier « Papiers à bulles » qui va vous embarquer au coeur d’univers très différents avec un riche panel d’émotions diverses et variées ! Bonnes lectures à toutes et à tous… Et à très bientôt pour de nouvelles découvertes !
Après « La geste d’Aglaé » et « Cixtite impératrice »… Tadam ! Voici le troisième volet de la saga d’Anne Simon, «Les contes de Marylène”, une fois encore édité par Misma (on ne change pas une équipe qui gagne !). Si vous n’avez pas eu le bonheur de lire les deux premiers opus (Il n’est pas trop tard !), vous pouvez néanmoins lire « Boris l’enfant patate » comme un one-shot ! De toute façon, vous trouverez sous les rabats de la (jolie) couverture un récapitulatif des personnages ainsi que des repères chronologiques. Bon, qui est Marylène et cet étrange Boris à la tête de rocher en forme de tubercule ? Tout d’abord, Marylène n’est pas une jolie nénette comme celle dont les Martin Circus ont chanté les charmes il y a quelques décennies (Ma ma ma ma marylééééne !!!!), mais un pays qui est passé de la tyrannique dictature de Victor Van Krantz à une paisible autarcie où le troc fait la nique au capitalisme. Comment, me direz-vous ? Grâce à la reine Aglaé qui, n’en pouvant plus de cet époux sanguinaire et macho, zigouilla l’odieux autoritaire (Brigitte, si tu m’entends, hein…). Une fois son forfait accompli, Aglaé n’eut d’autre choix que de s’enfuir avec son fils illégitime, Boris, pour se réfugier dans l’anonymat d’une vie qui aurait pu être paisible, si son fiston, un brin caractériel, ne lui pourrissait pas la vie dans les grandes largeurs ! Aglaé, surnommée désormais Bulle, subit au quotidien la tyrannie et la méchanceté de son moutard, tout en lui pardonnant ses caprices avec une indulgence et un sens de l’amour maternel qui confine au masochisme… A longueur de journée, la reine déchue épluche des patates qu’elle transforme en frites (seule nourriture acceptée par l’affreux) avec abnégation, sous les ordres aboyeurs et furibards de sa progéniture exécrable. Bon, conflit familial, adolescence turbulente, me direz-vous… Que nenni ! Boris est de la pire engeance, de la vraie mauvaise graine qui n’aspire qu’à s’enrichir et à prendre le pouvoir… Ce qu’il va réussir, avec l’aide de Sabine (son Eva Braun !), une frite guerrière de l’armée de Van Krantz au look « Vegetaline » sexy qui ne vit que pour se venger d’Aglaé. Petit à petit, le nuisible et mégalomane Boris va asservir la population de Marylène en réintroduisant la monnaie et en créant une chaîne de baraques à frites et une marque de bière qui vont rendre le peuple auparavant si heureux, dépendant (et alcoolique)… Anne Simon nous dépeint les affres du capitalisme et les conséquences du consumérisme avec autant d’humour que d’intelligence, dans cette fable digne d’une tragédie antique, aux irrésistibles et expressifs dessins en noir et blanc. Cet album délirant au casting surréaliste où vous croiserez des seconds rôles totalement décalés (Gousse et Gigot, les filles martyres de Van Krantz, et Simone Michel, la fidèle assistance d’Aglaé du temps où elle régnait encore, entre autres !) vous immerge dans un univers impitoyable qui a autant la frite que les boules ! Ce troisième tome donne envie de dévorer les deux premiers… En attendant le quatrième ! A suivre…
Boris l’enfant patate d’Anne Simon, Misma, 2018 / 18€
Peppo et Sylvio, deux frères jumeaux adolescents, passent leurs vacances dans une petite île méditerranéenne. Entre la pêche et le reluquage des filles sur la plage, les vacances s’écoulent paisiblement… jusqu’à l’arrivée dans une maison voisine, d’Edwige, une jeune femme peintre. Au premier regard, Peppo en tombe follement amoureux et les rapports entre les deux frères deviennent extrêmement tendus du fait de la jalousie de Sylvio qui se sent délaissé : une situation qui va s’aggraver lorsque Peppo deviendra l’amant d’Edwige avec laquelle il découvrira ses premiers émois amoureux… Un matin, alors qu’il se rend chez la jeune femme, il la trouve morte, assassinée d’un coup de couteau en plein cœur : désespéré, Peppo est persuadé que Sylvio a commis ce crime odieux pour se venger… Il se confie à son vieil ami Hugo, vieux loup de mer reconverti dans la lutherie, qui en reste aussi sidéré qu’inquiet : Sylvio est mort deux ans plus tôt, lors d’une balade en bateau avec Peppo… Dans le même temps, la police arrête un vagabond qu’elle soupçonne d’être coupable du meurtre … La disparition de Sylvio est dévoilée assez rapidement dans ce thriller psychologique qui s’attache essentiellement à creuser la personnalité tourmentée de Peppo : traumatisé par la mort de son jumeau et en proie à la culpabilité du survivant, celui-ci vit dans le déni, tout en étant la proie de graves troubles psychiques. Le scénario de ce roman graphique étonnant, signé par Rodolphe, nous immerge en profondeur dans l’âme de ce jeune homme qui se débat douloureusement avec ses démons, servi par le dessin très élégant (le côté très « vintage » laisse penser que l’action de cette intrigue passionnante se déroule dans les années 60) et la palette de couleurs de Laurent Gnoni qui passe des couleurs chaudes aux bleus glaçants, selon l’état psychologique de Peppo. La conjugaison de ces deux talents met remarquablement en lumière l’ambiance oppressante de cette histoire aussi envoûtante que dérangeante. Un voyage au bout de la nuit brillamment orchestré qui fait froid dans le dos…
Je suis un autre de Laurent Gnoni et Rodolphe, Soleil, 2018 / 18,95€
A l’heure où les inégalités entre hommes et femmes font grand bruit, notamment au niveau salarial, que les histoires nauséabondes de harcèlements sexuels font la une des journaux, il était peut-être temps de remettre les pendules à l’heure en faisant un bilan, le plus objectif possible, des causes et effets de ce déséquilibre égalitaire entre les sexes… Soledad Bravi et Dorothée Werner se sont donc retroussé les manches à la manière de « Rosie la riveteuse » pour établir chronologiquement et à partir de faits historiques avérés, le tableau peu reluisant de la condition des femmes au fil des siècles. Bien sûr, toutes deux se sont armées d’humour, l’arme la plus redoutable qui soit, et la lecture de ce petit opus est non seulement édifiante mais aussi fort drôle, même si elle fait parfois (souvent) mal aux ovaires… Alors pourquoi les hommes se sont ils donné d’emblée le beau rôle en traitant au mieux les femmes comme des potiches, au pire comme des esclaves asservies à leur bon vouloir ? En faisant des lois à leur avantage, pardi ! Et comme seuls les hommes, pendant longtemps, disposaient de ce privilège (on ne peut pas dire encore aujourd’hui, hélas, qu’elles aient beaucoup gagné sur ce terrain…), ils ont profité de leur totale impunité pour asseoir leur autorité sur le sexe qu’ils ont décrété « faible »… Déjà, au temps de la Préhistoire, sans reconnaissance aucune, les femmes, chargées de la cueillette, se tapaient 70% du boulot pour nourrir la tribu ! ça commençait mal… Pendant de longs siècles, elles furent enfermées dans le rôle strict de grillon du foyer avec pour mission de veiller au bonheur et au confort du mâle (ménage, cuisine, bonne volonté sous la couette) et d’assurer sa descendance (mâle de préférence). Petite éclaircie à la Renaissance, puis au siècle des lumières (où elles obtinrent le droit de divorcer) vite assombrie par Napoléon qui, droit dans ses bottes, remit les choses au point et la femme à sa place initiale… Il aura fallu attendre le vingtième siècle, et la lutte acharnée de pasionarias courageuses, pour obtenir des droits aujourd’hui élémentaires comme le droit de voter, de disposer de son autonomie financière, d’être maîtresse de son corps avec la contraception et le droit à l’avortement… Et même de s’habiller comme on l’entend ! Sous nos latitudes, ce n’est pas encore terrible, terrible… Mais quand on voit le sort des femmes dans le monde, il y a de quoi frémir ! Alors, oui ! Repartons sur de bonnes bases, mais veillons mes sœurs, car ces messieurs ne lâcheront pas l’affaire sans résister et le chemin risque d’être long et pour beaucoup bien périlleux, pour obtenir une saine et légitime égalité ! Un album réaliste à l’humour acide et pétillant à mettre impérativement sous les yeux des machos et des femmes soumises, et surtout de nos ados, filles ou garçons… Si l’on peut espérer un changement radical et en profondeur, ils en sont les seuls espoirs !
Pourquoi y a-t-il des inégalités entre les hommes et les femmes ? Par Soledad Bravi et Dorothée Werner, Rue de Sèvres, 2018 / 10,50€
Les humains ne sont plus les maîtres sur Terre depuis qu’ils ont été colonisés par les Drix, un peuple venu d’une autre planète… Les hommes sont désormais contraints de travailler pour eux comme des esclaves : les plus récalcitrants dans des mines où ils extraient la corzite qui sert de carburant aux vaisseaux spatiaux de l’envahisseur, ceux qui semblent plus soumis dans des usines sous haute surveillance où ils prélèvent le kallium, un gaz extrêmement explosif. C’est à ce poste que Coline travaille, comme tant d’autres, pour survivre : unique survivante d’une famille aisée, sa fortune a été confisquée par les Drix tout puissants. Ses parents, sa sœur, son mari et Lucy, leur petite fille, ont disparu sans laisser de trace… Contre tout espoir, Coline retrouve Lucy, vivante mais complètement traumatisée, et dans le même temps fait la connaissance de Jann, membre des Chromats, un gang hostile aux Drix. Jann, Coline et Lucy reforment un semblant de famille, bien que Coline s’interdit d’aimer, par peur de souffrir… Si les Drix règnent en toute omnipotence, un mouvement de résistance, les Valtis, s’organise pour les contrer… Coline et Jann décide de les rejoindre pour libérer la Terre de leur emprise… Ce one shot futuriste nous offre une intrigue palpitante doublée d’une réflexion à plusieurs niveaux. On ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec les horreurs de la colonisation ou avec la seconde guerre mondiale où certains ont fait preuve de courage pour se libérer de l’oppresseur : sous couvert de science-fiction, « La révolte des Valtis » avec ses personnages très nuancés et son ambiance apocalyptique nous donne une leçon d’humanité et de courage par l’engagement et le refus de la soumission. Le dessin précis et tout en finesse, alternant tons sombres et vifs selon le déroulé de l’histoire, offre une apparence faussement simpliste qui devrait accrocher les ados, ce qui est plutôt une bonne chose vu les thèmes abordés ! Un album séduisant sur tous rapports pour toute la famille !
La révolte des Valtis de Molly Knox Ostertag et Sharon Shinn, Rue de Sèvres, 2018 / 16€
Keita, un maigre sac à ses pieds, attend au pied d’un baobab, à la nuit tombée… Qui ? Certainement pas les hommes qui, débarquant brusquement d’un pick-up, le somment de monter à bord. Keita, qui ne les connaît pas, se rebiffe, se prend une balle et s’effondre… Les hommes s’enfuient après avoir chargé son corps dans leur camionnette… Des années plus tard, un homme en piteux état fait son entrée dans le village, provoquant immédiatement l’hostilité des villageois : il vient du désert et personne n’en revient vivant… Le pasteur le baptise « Ange » et le met sous sa protection, à l’écart des habitants, ce qui suscite leur profonde réprobation… Le village est pauvre, le travail rare, hormis celui proposé par Claudia et son gendre Benjamin qui dirigent d’une main de fer la construction d’une route vers l’Ouest. Claudia surtout, femme dure et autoritaire traite ses employés comme des esclaves. Sa fille, Grâce, mariée à Benjamin par dépit et par convenance financière par sa mère, ne se remet pas du départ de son fiancé, Keita, qui, pense t-elle, l’a abandonnée pour rejoindre l’Europe… Elle se console en apprenant le chant et le piano avec l’aide de Dassine, la tenancière du bordel du village, ce qui met sa mère folle de rage… « Les natifs », quant à eux, voient d’un mauvais œil, l’avancée du chantier qui grignote peu à peu leur territoire : la colère gronde… Avec des thèmes tristement dans l’actualité comme l’exploitation et la détresse des migrants poussés à l’exil pour fuir la misère, sur fond de corruption et de trafics en tous genres, Marguerite Abouet et Charli Beleteau signent le scénario d’un western captivant, très classique dans sa construction. Tout y est ! Ange, le cow-boy solitaire, le saloon et ses prostituées, les « indiens » qui défendent leur territoire… jusqu’à la construction d’une route au lieu du traditionnel chemin de fer ! Les bons d’un côté, les méchants de l’autre, tous les codes du genre répondent à l’appel, y compris dans le dessin de Christian de Metter qui transpose avec réalisme les tensions et la dureté des relations humaines aussi bien que la rudesse du climat dans une magnifique mise en couleurs de l’Afrique. Premier tome d’une série (quatre sont prévus !), « Ange, le migrant » apporte tous les ingrédients d’un cocktail explosif qui n’attend plus que l’allumette pour mettre le feu aux poudres… Patience !
Terre gâtée : Ange, le migrant (tome 1) de Marguerite Abouet, Charli Beleteau et Christian de Metter, Rue de Sèvres, 2018 / 16€
Paris, 1667. Anacréon, roi des Gueux et 84ème roi du même nom, est vieux et fatigué… Il est temps pour lui de laisser la main à son fils Petit Jean pour lui succéder sur le trône de son royaume peuplé de voleurs, mendiants, prostituées et infirmes : la célèbre et mal famée Cour des Miracles. Mais pour cela, le gamin doit faire ses preuves, car régner sur pareille engeance n’est pas chose aisée ! Manigances et trahisons sont monnaie courante dans ce milieu de filous et une main de fer est nécessaire pour maintenir son autorité sur ces sans foi ni loi… De plus, il faut graisser la pâte généreusement à la police, représentée par Tardieu, afin que celle-ci ferme les yeux sur certaines exactions… Sans parler de Louis XIV qui voit d’un mauvais œil ce roi de pacotille qui sème le désordre dans tout Paris ! Petit Jean sera-t-il à la hauteur de cette tâche immense ? Sa sœur, la Marquise, en aurait davantage l’étoffe, mais une femme ne règne pas dans ce milieu d’hommes rompus à tous les vices… Juste avant son intronisation, Petit Jean se fait choper par les autorités et se retrouve sous les verrous : il est condamné à la mort par écartèlement… Pour ne rien arranger, Tardieu est assassiné et son remplaçant, La Reynie, est nettement moins conciliant pour se laisser corrompre… Anacréon se trouve face à un choix cornélien : sauver son fils en trahissant son peuple ou le laisser mourir… Ce premier opus (cinq tomes sont prévus, ce qui laisse présager moult rebondissements !) est un véritable petit bijou, tant au niveau du scénario que du dessin ! Trognes patibulaires, dialogues truculents, les affreux, sales et méchants de la Cour des Miracles dépeinte par le grand Hugo dans Notre-Dame de Paris sont splendidement représentés avec un réalisme que l’on sent fort bien documenté ! On est directement plongé dans les bas-fonds du Paris de la fin du XVIIème siècle, dans un univers de violence et de roublardise où ne manquent que les odeurs qu’on soupçonne des plus nauséabondes ! Un début de série fort prometteur… Vite, la suite !!!
La cour des miracles : livre premier : Anacréon, roi des gueux de Stéphane Piatzszek et Julien Maffre, Soleil, 2018 / 15,50€
Le commandant Camille Verhoeven, chef de brigade à la crim’, n’a décidément pas le profil de l’emploi : petit (limite nain), chauve, discret et rêveur, ce flic hors normes, sous des airs faussement lunaires, est néanmoins plutôt du genre malin et perspicace, qualités qui lui valent le total respect de la part de son équipe de fins limiers. Une bombe vient d’exploser en plein Paris, ne faisant heureusement que des blessés légers. Acte de terrorisme ? Le suspense ne sera pas bien long, puisque le responsable de cet attentat, Jean Garnier, se livre lui-même à la police, demandant à être entendu par Verhoeven et par lui seul … Lors de son interrogatoire, Verhoeven apprend que le jeune homme a posé cinq autres bombes (des obus de la guerre de 14 qu’il a déterrés) dans différents endroits de la capitale et que si ses revendications ne sont pas satisfaites, il les fera sauter… Or, les desideratas de Jean sont sidérantes : faire libérer sa mère de prison où elle purge une peine après avoir tué la petite amie de son fils, deux passeports et billets d’avion pour l’Australie et cinq millions d’euros… Pourquoi vouloir faire libérer sa mère qui a tué sa compagne ? Un jeu du chat et de la souris s’engage entre les deux hommes, Verhoeven piégé dans le rôle de la souris : impossible pour lui de prendre le moindre risque que ces bombes explosent. Et le temps est hélas compté… Un scénario machiavélique, des personnages attachants, un dessin fluide et très agréable et un dénouement surprenant sont les clés de la réussite de cet album adapté du roman de Pierre Lemaître « Rosy et John ». Le prix Goncourt pour « Au revoir là-haut » (également adapté par Lemaître et Christian de Metter, toujours aux éditions Rue de Sèvres ) ne nous fait pas oublier que cet auteur excelle aussi dans le polar ! Un one shot haletant qui sera suivi, Ô joie, de trois autres adaptations de la série Verhoeven ! Allez, plus vite, plus vite ! on a hâte !!!
Brigade Verhoeven : Rosie de Pascal Bertho et Yannick Corboz (d’après le roman de Pierre Lemaître), Rue de Sèvres, 2018 / 16€
Reims, 1918. Le baroud d’honneur de l’armée allemande est annoncé. L’état major français confie à un groupe de volontaires la mission d’aller chercher les plans de la future bataille en pénétrant dans les lignes ennemies. Menée par le sergent Darnand, cette mission suicide sera remplie avec succès et cet acte de bravoure, qui va faire basculer le cours de la guerre, lui vaudra d’être décoré de la croix de la Légion d’honneur comme « Artisan de la victoire » . Une distinction remise seulement à Foch et Clémenceau … Lors de cette mission, un des hommes qui accompagnait Darnand, Ange Servaz, a été blessé. Darnand, le patriote toujours prêt à en découdre et Ange qui vit retiré loin de la folie des hommes, sont depuis lors liés par une sincère amitié, malgré leurs aspirations opposées : une relation ambigüe basée sur le respect mutuel et l’admiration de Servaz pour la bravoure de son sergent, héros de la grande guerre. En 1939, Darnand reprend les armes contre les allemands pour défendre la patrie, comme en 14. Mais en 1941, il basculera dans la collaboration avec Pétain dans le gouvernement de Vichy, prenant position dans le camp des bourreaux… Ce premier tome d’une série qui en comptera trois, s’attache à dépeindre la personnalité trouble de Darnand qui passera du statut de héros à celui de salaud prêt à tout pour accéder à la gloire. Brutal, convaincu de la pertinence de ses convictions, il ne reculera devant rien pour les mettre en action. Bedouel et Perna exposent les faits, sans parti pris, laissant au lecteur tout loisir de se faire sa propre opinion dans cette biographie romancée au dessin réaliste et précis qui met en valeur les personnages dans des gros plans qui soulignent les expressions de chaque protagoniste, reflétant la violence de ces deux périodes troublées de notre Histoire. On attend la suite avec impatience !
Darnand le bourreau français (tome 1) de Fabien Bedouel et Patrice Perna, Rue de Sèvres, 2018 / 15€
Christine Le Garrec