Avec la réouverture des librairies, la réapparition des lecteurs sur les pelouses et des sourires démasqués, je vous partage mes dernières découvertes & amours littéraires : univers de science-fiction politique et non moins poétique y côtoie gestes-couleurs et trajectoires musicales.
Colombe… blanche
Ce livre accordéon déploie un poème en deux temps : recto, verso, dans une danse d’images. Il est le fruit d’un travail à six mains :
Pénélope illustre les signes de Levent Beskardès, poète-comédien sourd, avec des lignes douces et espiègles grâce à l’aide précieuse de leur interprète.
En noir sur blanc ; elle, chevelure solaire, évoquant la colombe.
En blanc sur noir ; lui, l’air malicieux invoquant la panthère
La lecture se fait ici via le silence, la polychromie et la texture, car c’est un livre dont on imite les images et caresse les pages. De nouvelles dimensions offertes à la poésie, signée et lue, mise en couleurs et mouvements.
Il s’agit d’un partage de gestes et d’imaginaire, pour tous ; sourds et entendants, lesquels apprendront au détour des pages à signer quelques mots.
Colombe Blanche, par Levent Beskardès et Pénélope (conception et illustration), Les Grandes Personnes, 2020 / 18€
La Horde du Contrevent
Le dernier chef-d’œuvre de poésie, de jeux de langue et d’idées que j’ai rencontré : la Horde du contrevent, deuxième et avant-dernier roman d’Alain Damasio.
Les mots, la ponctuation, la graphie sonore de ce roman déconcertent, mais quelques pages suffisent pour qu’on se laisse guider à la serpe dans les strates mouvantes du récit qui emprunte certains de ses sillons à la philosophie deleuzienne (le livre est inspiré des Milles plateaux, écrit par Félix Guattari et Gilles Deleuze).
Il s’agit de science-fiction/fantasy, soit, mais surtout d’un manifeste pour le vivant actif, pluriel et fertile. En même temps que la 34ème Horde, meute de femmes et d’hommes marchant contre le vent pour rejoindre l’Extrême-amont, source des turbulences, le lecteur embrasse le paysage d’une Terre balayée par les bourrasques. Il est brassé par les voix de ce roman choral, qui offre 23 visages à la quête et autant de perceptions différentes.
L’équipe traverse le monde, dans le doute et la douleur, les éclats et les ans. Ces pages nous en offrent l’aventure, et parfois la cadence ; on y trébuche sur une phrase, on découvre une tangente à nos rythmes de lecture, à nos attentes..
De secousses en pulsations, ce roman nous aspire tel un vortex et nous relâche le souffle haché, mais vifs encore.
La Horde du contrevent, par Alain Damasio, Gallimard, 2015 / 12€
Catherine Ringer et les Rita Mitsouko
Stan Cuesta, journaliste musical (Rock & Folk, Rolling Stone, Mojo), mais aussi chanteur et musicien, retrace ici la carrière de Catherine Ringer, divine diva rock et moitié de l’inclassable duo les Rita Mitsouko.
Femme caméléon à la voix excentrique, elle vit les décennies au corps à corps sur les diverses scènes : théâtre, cinéma, concerts, comédie musicale… Ce livre aborde ses mille et une collaborations et est l’occasion de revisiter les 80” : punk, rock, coldwave, funk, tous les genres s’y croisent et accompagnent la lecture. Les témoignages d’amis du groupe nous offrent un formidable aperçu de la scène musicale française de cette époque, des concerts dans des coins de restaurants au Gibus, de la Cigale aux squats…
On y suit le couple Catherine Ringer-Frédéric Chichin dans ses explorations sonores, de Paris à New York, toujours dans le respect de leur vie privée, car il est ici question de musique, exclusivement. Bêtes de scène aux textes sensibles, aux collages expérimentaux et à l’énergie folle, ils se taillent progressivement une place à la mesure de leur talent dans l’histoire de la musique.
En dix temps forts, le livre parcourt les époques et influences sans frontières de la chanteuse, désormais solo. Émaillé de photos sublimes et de paroles de chansons mythiques, il se clôt sur une interview exclusive de la chanteuse, toujours aussi charismatique. Un pavé électrique qui ravivent des rifts fabuleux.
Catherine Ringer et les Rita Mitsouko, par Stan Cuesta, préface d’Alfredo Arias, Hoëbeke, 2019 / 25€
Nush