Nouvelle fournée de BD ! Pour fêter ses 15 ans, Ankama Éditions réédite des titres phares de ses collections, avec de nouvelles couvertures et des petits bonus exclusifs. L’occasion de découvrir des oeuvres qui ont marqué la maison d’édition. En plus de ces rééditions, les sorties repoussées sont enfin là ! On parlera du nouveau Doggybags en plein dans l’actualité ainsi que Loba Loca qui vient de s’achever avec deux derniers tomes explosifs.
Le Trop Grand Vide d’Alphonse Tabouret
On commence en douceur avec la réédition du Trop Grand Vide d’Alphonse Tabouret, un récit pour enfants aux multiples interprétations qui pourra également plaire aux plus grands.
BD phare de la superbe collection Étincelle d’Ankama, cette histoire créée par Sibylline, Capucine et Jérôme d’Aviau, nous fait suivre le parcours d’Alphonse, un “petit machin” qui se réveille dans une clairière mais ne se souvient de rien. Accompagné du Monsieur, Alphonse apprend peu à peu certaines choses. Mais un jour le Monsieur disparait, laissant notre p’tit bonhomme bien paumé. Ni une ni deux, le ”petit machin” se lance en quête de retrouver son seul compagnon. On assiste alors à la quête existentielle d’Alphonse.
Avec un style graphique minimaliste d’une vraie beauté, cette BD nous transporte dans un univers enfantin, absurde et mystérieux. Cette atmosphère est renforcée par le dessin crayonné, tout en noir et blanc, où aucune case n’est présente. Ce qui offre une mise en page aérée donnant un sentiment de liberté.
Oscillant entre des pages d’un blanc immaculé où notre petit Alphonse paraît bien minuscule et perdu, et d’autres pages foisonnant de vie et de mouvement, l’œuvre de ce trio est un véritable régal pour les yeux.
Une véritable ode à l’enfance et à l’insouciance, Le Trop Grand Vide d’Alphonse Tabouret et une vraie pépite visuelle.
Les amateurs d’absurde trouveront également leurs marques avec de nombreux jeux de mots et expressions amusantes.
Une superbe BD accessible à tous, pleine de douceur. Je ne peux que chaudement vous la recommander.
Le Trop Grand Vide d’Alphonse Tabouret est disponible en librairie et sur l’Ankama Shop
Autres rééditions de ces derniers mois ! Les amateurs de manga pourront se procurer le Tome 1 de Radiant, la série à succès de Tony Valente. P.T.S.D. de Guillaume Singelin qui s’offre une nouvelle peau, avec une couverture sublime et quelques petits bonus. Une bonne raison de découvrir ces œuvres si vous les avez loupées à leur sortie.
N’étant pas vraiment fan de manga je n’ai pas grand chose à dire sur Radiant. Le dessin est très propre, les personnages sont haut en couleurs mais je n’accroche décidément pas à ce format.
La chronique de P.T.S.D. est à retrouver ici
Loba Loca
Ça y est, Loba Loca, le nouveau spin off de Mutafukaz vient de s’achever avec son 6ème numéro.
Il était difficile d’en parler sans avoir la vision globale de l’histoire. Et il faut dire ce qui est : Run et Guillaume Singelin nous ont régalés !
Dans Loba Loca, on suit la vie de Guada, une jeune fille de Dark Meat City plongée dans les tourments de l’adolescence. Entre quête identitaire et road trip, Guada va croiser la route de Tigre, ancien membre de la Lucha Ultima, et va tenter de trouver sa voie.
Une histoire émouvante et pleine de rebondissements qui ravira les fans de Mutafukaz qui n’ont pas encore mis la main dessus. Il est conseillé d’avoir lu l’œuvre originale de Run ainsi que le spin off Puta Madre pour profiter pleinement du récit. (Tous les deux chroniqués ici)
C’est un plaisir également de retrouver Guillaume Singelin au dessin, qui m’avait scotché avec son one shot P.T.S.D.. Le travail sur les couleurs est d’ailleurs excellent, et l’on sent vraiment l’atmosphère chatoyante de la côte Ouest des USA. Entre les scènes d’action toujours aussi bien mises en scène et les moments grouillant de vie, Guillaume Singelin vient ravir nos pupilles avec des séquences purement contemplatives qui apportent un rythme très cinématographique.
Comme pas mal de productions du Label 619, Loba Loca prend son temps, pose le décor et l’ambiance, nous laisse contempler et vient donner plus de force aux moments d’émotion.
Run aborde d’ailleurs des sujets intéressants comme l’écart générationnel, les réseaux sociaux, le racisme, l’identification ou encore le poids de l’héritage.
Il a d’ailleurs joué à fond avec l’aspect des réseaux sociaux, déjà bien présent dans la BD, en alimentant un compte Instagram et Twitter pour Guada. En suivant @guadamayflow on pouvait donc interagir avec le personnage tout en visionnant des photos faisant écho au nouveau numéro ou teasant le prochain. Une belle manière de pousser un peu plus l’immersion.
Un des points fort de ce spin off c’est sans aucun doute la relation entre Guada et Tigre. Une sorte de relation père/fille, mentor/apprentie qui donne des échanges aussi amusants que percutants. Entre la jeune fille à la recherche d’elle-même et le vieil homme bourru perdu dans ce monde qu’il ne reconnaît pas, on est rapidement happé par le récit.
En plus de ce personnage faisant le lien avec Mutafukaz, Run a disséminé plusieurs petits clins d’oeil à son oeuvre.
Il semblerait qu’il y ait aussi quelques infos sur les évènements de l’arc 2 de Mutafukaz actuellement en préparation. Voilà qui vient rajouter de l’huile sur le feu de l’impatience !
Loba Loca est disponible sur l’Ankama Shop et dans toutes les bonnes librairies. Les premiers numéros doivent être rares désormais vu qu’il s’agit d’éditions limitées, mais peut-être aurons nous droit à une intégrale…
En attendant, les fans qui rangent consciencieusement leurs numéros pour garnir leurs étagères, sachez que le numéro 6 est disponible avec un coffret de rangement ainsi qu’un très beau sticker.
Doggybags
Avec ce nouveau Doggybags le Label 619 frappe fort. Sa sortie ayant été décalée, ce deuxième numéro de la saison 2 s’ancre encore plus dans les récents événements qui ont marqué l’actualité.
Ayant pour thématique l’Amérique et plus particulièrement le racisme, ce nouvel opus de la série d’anthologie nous offre une série d’histoires glaçantes allant du fantastique à un contexte bien plus réaliste.
Après une préface très intéressante de Run faisant le point sur le climat social aux États-Unis, ce Doggybags s’ouvre avec une histoire signée Klobcar, qui nous plonge dans les tréfonds poisseux des bayous en Louisiane.
On y suit Sydney, un jeune afro-américain qui arrive in extremis à échapper à son exécution fomentée par deux racistes. S’ensuit alors une traque dans le bayou pour retrouver le jeune homme… Mais il semblerait qu’il y ait un autre traqueur dans la partie.
C’est la première fois que je découvre le travail de Klobcar et son style est vraiment bon. Avec une palette de nuances de noir et blanc, il donne une vraie dynamique à l’action avec une superbe découpe des cases, et nous retranscrit à la perfection l’ambiance nocturne et hostile du bayou.
On retrouve ensuite Tanguy Mandias qui vient à nouveau nous surprendre au travers d’une nouvelle où l’on suit “les esprits” de l’Amérique, comme Elvis Presley ou encore la Statue de la Liberté, qui assistent à l’Apocalypse. Un récit rempli d’humour noir et de situations aussi absurdes que cauchemardesques.
Avec Conspi Racism, Run et Ludovic Chesnot frappent en plein dans l’actualité avec une histoire aussi prenante que terriblement frustrante.
A la suite d’une fusillade dans une église de la ville de Brenham, la police mène l’enquête pour comprendre les motivations du tireur qui s’est suicidé juste après l’acte. Rapidement, les investigations mènent à la conclusion qu’il s’agissait d’un suprémaciste blanc influencé par les médias complotistes.
Avec cette histoire, Run explore l’impact et l’influence des médias sur la population, en explorant en particulier les médias adeptes des théories du complot qui s’avèrent extrêmement nocifs. Accompagné de documentation, Conspi Racism nous plonge dans un univers bien réel, tirant ses inspirations du présentateur Alex Jones.
C’est avec plaisir que l’on retrouve Ludovic Chesnot au dessin, qui pour ma part m’avait bien marqué avec le sordide et excellent Mapple Squares. Avec une galerie de personnages au design quasi caricatural, Ludovic Chesnot nous prend aux tripes avec son trait toujours aussi habile pour renforcer les scènes macabres avec des cadrages très cinématographiques.
Ce Doggybags se conclut avec fracas, avec l’histoire Héritage signé Run et Jérémie Gasparutto.
On y suit la quête de vengeance de la jeune Tallulah, victime de membres du Ku Klux Klan dans son enfance.
Traitant du cercle vicieux qu’est la vengeance, cette histoire marque par son réalisme et sa violence.
Les dessins de Gasparutto au style réaliste rendent le récit plus percutant, notamment grâce à l’absence de décors dans certaines cases, ce qui met en valeur les protagonistes.
Un nouveau Doggybags qui frappe encore plus fort cette fois tant il tombe dans l’actualité qui secoue le monde en ce moment. Toujours aussi prenant à lire et toujours aussi intéressant avec ses nombreuses pages documentées.
Alexandre Vergne