Le temps de souffler, soupeser les soupirs autour de soi, saisir le temps de lire. Enfin. Me revoici avec quelques pages au compteur.

Gagner la guerre

Dernier roman à me faire chavirer, je vous présente « Gagner la guerre » avec un empressement un brin douloureux : ces 900 pages ont filé beaucoup trop vite..

Magistralement construite, cette architecture narrative a pour guide Gesufal Benvenuto, assassin et maître espion. Abject humain, à l’esprit aussi tordu qu’affûté, il est pris en étau entre son passé et ses contrats dans la ville sulfureuse et toxique de Ciudalia. La République et l’ordre géopolitique de toute la région sont sur le fil, et l’écheveau complexe de complots et stratégies nous apparaît de page en page. 

Jean-Philippe Jaworski, auteur de cette fantasy machiavélique, est aussi concepteur de jeu de rôle et ses talents de faiseur de mondes trouvent ici un écrin parfait. La langue, extrêmement recherchée, aux registres variés, nous emporte en une Renaissance torturée où magie et manigances sculptent l’échiquier politique.

Les amples chapitres nous entraînent toujours plus loin, mais comme à coup de dés, dans une intrigue dévastatrice pour le sommeil…

Gagner la guerre, par Jean-Philippe Jaworski , éditions Gallimard, collection Folio SF, 2009/ 12,90€

Memoria : récits d’une autre histoire

Entre catalogue d’exposition et recueil de perspectives sensibles et politiques, ce bel ouvrage aborde les territoires mentaux et sensuels d’artistes femmes africaines ou liées aux diasporas de ce continent. Leurs œuvres sont les vaisseaux de questions clés : passé colonial, politiques raciales, ségrégations, humiliations, rapport à son propre corps, rapt et réécriture de la mémoire collective, techniques genrées… 

De la peinture à la vidéo en passant par les arts textiles, les pages tournées en appellent à nos sens.

Riche d’illustrations et de réflexions, ce livre décode certaines œuvres et nous invite à découvrir le parcours des artistes, en marge de leur exposition à Bordeaux pour la Saison Africa2020. 

En préambule de chaque section thématique, les commissaires d’exposition dialoguent avec des chercheurs, des historiens et conférenciers : des regards sur l’Afrique depuis l’Afrique et ses itinérances, afin de “comprendre ce qui nous distingue sans nous séparer”.

Si, comme moi, vous n’avez pas pu voir l’exposition du Frac Nouvelle-Aquitaine MÉCA, cet ouvrage vous en restituera l’essence.

Memoria : récits d’une autre histoire, ouvrage collectif, direction Nadine Hounkpatin et Céline Seror, éditions Actes Sud, Frac Nouvelle Aquitaine MÉCA, 2020 / 28€

Je veux me battre partout où il y a de la vie

Coordonné et introduit par la journaliste Florence Hervé, cet ouvrage laisse Clara Zetkin se présenter -presque- d’elle-même : ses lettres, discours, articles et écrits théoriques sont compulsés et restituent ainsi la pensée rigoureuse à l’origine de la journée internationale des femmes et bien plus encore. 

Militante communiste, féministe stratège et écrivaine prolifique, Clara Zetkin fit très tôt converger ses luttes : la misère prolétaire, le bellicisme et suprémacisme masculin se heurtèrent à sa pensée humaniste révolutionnaire. 

Une biographie et les portraits réalisés par différents auteurs complètent un corpus précieux (certaines traductions sont inédites) et nous permettent d’apprécier son parcours singulier.

Un ouvrage de référence lorsqu’on s’intéresse à l’histoire des mouvements féministes européens.

Je veux me battre partout où il y a de la vie, par Clara Zetkin, coordonné par Florence Hervé, éditions Hors d’atteinte, 2021/ 19€

Nush