Une chronique d’album, 2 extraits de la bête et une interview (entrevue chez les québécois)…
Quand Marie-Annick Lépine, la géniale multi-instrumentiste des Cowboys Fringants sort un album solo, Le Rascal est sur le coup…
Et ça fait bien plaisir !
Moi, j’ai une relation particulière à Marie-Annick Lépine.
Je l’ai découvert sur scène, avec les Cowboys Fringants au Printemps de Bourges 2010.
J’ai été subjugué par le charisme de cette musicienne hors pair, qui dirigeait le groupe et le public de son sourire et de son archet. Le tout avec rage et brio.
Un immense souvenir de concert !
J’ai revu maintes fois les Cowboys depuis, et je prends soin toujours d’être face à ce lutin botté, charmant et démoniaque.
Je suis comme un junkie cherchant sa dose de bonheur. Entre violon et accordéon…
Par contraste, à la même époque, il y avait cette chanson presque chancelante, totalement bouleversante. Lâchée du bout des lèvres et qui intriguait dans le paysage… La Belle Sophie, sur la Grand-Messe, l’album de tous les succès du gang québécois.
Aussi lorsque l’enlumineuse sort ENTRE BEAURIVAGE ET L’ANGE-GARDIEN, son 3eme album solo, c’est avec gourmandise que je me précipite… Un album qui s’ouvre et se ferme par deux instrumentaux majestueux et dévoile, pour ceux qui en douteraient, les talents de compositrice de Marie-Annick…
La fille dont les initiales font MAL et qui pourtant est la douceur et l’humanisme incarnés.
Marie-Annick Lépine chante d’une voix apaisante, le départ, l’absence et l’attente dans une poignée de chansons contrastées entre mélancolie, autodérision et joyeuses bamboches…
« …Le Monde est Beau Pis Laid… »
Sur cet album, elle laisse tomber son costume de Tigresse de Scène pour celui d’une Conteuse moderne. Tout en humanité et profondeur d’âme. Des textes ciselés sur une musique au service d’atmosphères singulières. Une forme d’émotion dans la simplicité.
Le cœur n’a pas besoin d’esbroufe…
« …Je Mange mes Peaux… »
Un disque pour allumer un feu dans la cheminée et se blottir avec sa blonde au fond du canapé. Ce qui n’empêche pas de pousser les meubles, d’inviter les amis, les voisins, pour guincher un peu…
« …Et Faire Confiance à la Vie… »
On pourrait s’attendre avec une artiste capable de côtoyer sans rougir les musiciens classiques des plus grands orchestres symphoniques, à un étalage de savoir-faire et de grandiloquence. Mais ce n’est pas le genre de la maison, on reste le plus souvent dans l’intime et la pudeur. Avec l’impression que Marie, sur sa production solo, laisse l’instrumentiste au repos, pour libérer l’auteure-compositrice qu’elle porte en elle…
Enfin tout est relatif, car elle ne joue pas moins de 12 instruments sur la galette !
Pis le violon qui brode sur des édifices élancés… C’est lui si je puis dire, avec les guitares stylées de Pierre Fortin et de Jean-Sébastien Chouinard , qui tout au long des pistes tient la corde.
Tu Veux Rester…
Marie-Annick prouve aussi de sa fine écriture, que tout en étant la garante d’une certaine tradition folk, elle peut voguer aussi vers des horizons transatlantiques, lorgnant sur une certaine chanson française pleine d’élégance…
A Toi Le Grand Héron …
Dans les musts, je prends Les Cheveux Gras… Un constat sans concessions, mais non sans humour, sur la dérive de la quarantaine. Et qui donne malgré tout l’envie de danser et de chanter. Même si ce doit être en pyjama !
TBK que c’est bon et ben fun ! Et moi je veux voir ce truc avec les Cowboys !
Je prends aussi Le Monde est Beau, pis Laid, avec sa belle et luxueuse chorale assurée par les Cowboys Fringants et qui sera sûrement repris dans les écoles de la Belle Province et ailleurs…
Le malicieux/délicieux Je Mange Mes Bas en formule hawaïenne… (Hommage aux 3 Accords ?)
Et Elle s’en Va sur un des rares airs d’accordéon…
Après un opus charmant pour les tout-petits, Marie-Annick s’adresse ici aux grands.
Des portraits de paumés, sans jugement… Un regard sur des vies et de la bienveillance…
Avec une belle production, ENTRE BEAURIVAGE ET L’ANGE-GARDIEN est sûrement l’album le plus ambitieux et le plus abouti de la magicienne de l’Assomption.
Et ce n’est pas le fan qui parle !
« …Oh Oui Marie ! T’es capable Marie ! … »
Entre Beaurivage et L’Ange-Gardien / Marie-Annick Lépine / La Tribu / Sortie le 03 Décembre 2021
Marie-Annick Lépine : L’intervue ou L’entreview ?
Je ne suis pas sûr que Marie ait compris toutes les questions. Je suis à peu près sûr de ne pas avoir compris tout des réponses… Putains d’Accents !
N’empêche, on s’est bien marré et Marie-Annick a bien défendu son album. Elle m’a ouvert les yeux et les oreilles sur son évolution musicale. Et je la remercie encore de m’avoir reçu dans son salon comme je l’ai reçu dans le mien. Avec une tronche verdâtre, déformée outrageusement par la webcam. Je lui ai tout de suite assuré que ce n’était pas le vrai moi !
Nous avons parlé de nos accents respectifs…
Et la machine s’est emballée. Marie-Annick parlait et je comptais les points…
Comme une nage à contre-courant. Tu sais où il faut aller mais les flots te submergent.
Marie-Annick est pétillante, malicieuse, rieuse et déterminée.
Il faut la voir parler de son spectacle jeunesse, quand elle mime la réaction des petits. Elle se régale de grimaces et de rires…
Voilà c’était un beau moment, trop court comme chaque fois que l’on approche l’un des membres de cette tribu de saltimbanques créateurs d’Étoiles Filantes…
A propos d’accent, vous défendez bec et ongles une identité québécoise…
Oh oui ? Vous trouvez, dans les textes ?
Non justement, j’ai l’impression qu’on retrouve cette implication plus dans la musique que dans les textes…
Oh oui ? La musique serait plus québécoise que les textes ? Rires…
Oui je trouve…
Si on parle des chansons « Tu Veux Rester », « Le Bonheur est à Chacun », « À toi le Grand Héron » ou des deux pièces instrumentales, elles ont quand même un petit côté chansons françaises. Et dans les arrangements aussi, on a cette dynamique…
Ce sont les plus majestueuses de l’album…
Oui… et les moins radiophoniques. Rires…
Et qui ne sont pas forcément les moins intéressantes à écouter…
Non, exactement, c’est tout le contraire même.
Des influences ?
Je trouve que c’est toujours difficile de parler d’influences, parce que c’est tellement inné en soit que ce n’est même pas réfléchi. Je n’ai rien écrit en pensant à un artiste en particulier, mais il est certain que je suis une personne qui cadre très bien dans les années 70. Donc j’ai toujours beaucoup aimé le folk de ces année-là. Il y a des chansons qui ont un petit accent Tom Petty ou Lou Reed même. Je pense que chacune des pièces sur l’album a sa personnalité. Il y a des supers countrys, d’autres sont très folk, d’autres influencées par la chanson française… Ce sont différentes influences qui se retrouvent dans cet album, mais c’est aussi 25 ans d’expérience de studio, de scène et de musique.
Il peut y avoir des influences plus proches aussi ?
Oui il y a aussi des influences de mes Cowboys d’amour. Rires…
C’est quand même un luxe de se payer les Cowboys Fringants comme choristes !
Eh bien ce sont mes meilleurs amis, ils étaient mieux de dire oui ! Rires…
Cela n’a pas grevé le budget quand même ?
Rires… Non ! Ils sont venus faire des voix sur mon disque avec beaucoup de plaisir comme d’habitude…
Comment s’est faite la genèse de l’album, vous aviez l’idée globale de ce tour de votre quartier d’enfance ou ce sont les chansons déjà écrites qui vous ont donné la direction ?
Cela s’est fait de fil en aiguille… Je n’avais pas un concept avant l’écriture du disque. Quand on a décidé avec Pierre Fortin et Jean-Sébastien Chouinard d’y ajouter une pièce instrumentale, on voulait recréer l’ambiance des chansons évoquées plus tôt, et dans « Tu Veux Rester », le refrain parle d’ »Entre Beaurivage et Ange-Gardien », je me suis dit que ce serait un beau titre de disque. Au final nous avons fait deux pièces instrumentales. J’ai décidé de mettre la première au début de l’album et la deuxième à la fin. Les nommant avec les deux rues qui délimitent le quartier de mon enfance….
Cela crée automatiquement un lien sur le reste de l’album…
Exactement, puis c’est à la toute fin que j’ai composé « Toujours Partir » où je dis « …Et si ce soir tu reviens, viendras-tu me voir entre Beaurivage et Ange-Gardien ? …‘’ Et nous avons bouclé la boucle de ce quartier avec cette dernière chanson. ‘’ENTRE BEAURIVAGE ET L’ANGE- GARDIEN’’ est un titre très évocateur pour moi. C’est le quartier de mes parents qui habitent encore là. Un quartier qui date des années 70 à L’Assomption. Ils y sont depuis 1973, ils sont à un stade de leur vie où ils ont de la difficulté à entretenir la maison, le terrain… On est dans le questionnement de quand on va quitter… Pour aller en logement, en condo ou en résidence. C’est un gros pas dans la vie de quitter la maison où tu as élevé tes enfants, où tu as vu grandir les arbres, les cèdres et que tu as eu un partage avec les voisins… C’est pourquoi, je dis dans cette chanson que c’est plus qu’un quartier, c’est toute une vie imprégnée. Dans le fond c’est une preuve d’avoir existé. C’est une chanson qui parle de départ, mais beaucoup de mes chansons parlent de départ et de commencement. Le concept est venu vraiment au fil de l’enregistrement du disque…
Comme beaucoup de sorties actuelles, est-ce que ENTRE BEAURIVAGE ET L’ANGE-GARDIEN est un enfant du Covid ?
J’ai composé les chansons parce que notre tournée a été complètement interrompue en mars 2020. On venait de sortir les Antipodes. On avait une tournée prévue en Europe au mois de mars. Puis tout a été annulé. Je m’ennuyais beaucoup. Je suis une personne qui aime être occupée, au point que pendant cette pandémie je me suis trouvé un emploi à temps plein, pour la ville l’Assomption où j’habite. Je suis maintenant gestionnaire administrative et culturelle pour une petite salle de concert chez nous. Oui, il y eu beaucoup d’ennui et j’avais le gout d’écrire… Je suis musicienne dans la vie. J’aime l’écriture des chansons et des arrangements… L’album venait de se terminer avec les Cowboys, je n’avais pas de projet d’arrangements sur un nouveau disque. Il m’est donc venu le désir d’écriture de chansons…
Une question de quelqu’un que vous connaissez : le petit Xavier de Liège, co-fondateur des Cousins Fringants
Oui… Oui… Oui… Oui ! Oui ! Je le connais…
Vos albums nous emmènent dans des univers très différents de celui des Cowboys. Le grand écart est-il simple à gérer ?
En fait, ce que je fais en ce moment est un complément à la belle carrière que j’ai la chance de vivre avec les Cowboys Fringants. C’est un complément dans le sens où je fonctionne toujours par rapport aux tournées des Cowboys. Quand il y a du temps dans une tournée, je travaille pour mes disques, ou à la promotion de mes albums. Je fais beaucoup d’arrangements sur les tounes des Cowboys. Mais là, j’ai écrit cet album du début à la fin. Paroles, musiques et arrangements aussi, avec mes deux compagnons Pierre Fortin et Jean-Sébastien Chouinard. Il y a quand même des similitudes avec l’écriture de Jean-François, car il prend toujours la peine de mettre un peu d’humour dans nos albums. Je pense qu’avec ce disque, j’ai réussi à amener un peu de légèreté, malgré un propos pas toujours facile…
Je suis sûr qu’on va vous réclamer les » Cheveux Gras « par exemple… pour les shows des Cowboys, est-ce envisageable ?
Oui c’est envisageable. Nous les Cowboys, sommes ouverts à toutes sortes de choses. Nous avons tous nos projets extérieurs. Être un groupe n’oblige pas à tout faire ensemble.
Une question collégiale, de Marie en Belgique, Ophélie en Normandie et Gwenaëlle à Paris … (Vos Marines préférées en Europe) : à quand un spectacle de Marie Annick en Europe pour les petits ou les grands ?
J’aimerais beaucoup faire mon spectacle jeunesse en Europe ! Il a eu une belle réception ici au Québec. De la part des parents autant que des enfants, c’est vraiment merveilleux. Je présente onze instruments différents aux enfants. Et en même temps j’ai composé une petite histoire hyper magique. Cette histoire est pleine de beauté, avec des jeux de mots pour les enfants. Comme : ‘’La petite sorcière a un cœur tellement grand qu’il est plus grand qu’elle…’’ Les enfants : « Non ça ne se peut pas ! « . Rires… Il y a des petits jeux de mots que les parents comprennent, et voir les enfants, c’est trop charmant… Ils lèvent la main, puis ils ne répondent pas à ta question et disent « Moi ma meilleure amie c’est Lauralie ». Oh ben c’est le fun on va continuer le spectacle ! Rires… J’adore les enfants. J’aurais peut-être la chance de faire des spectacles avec cet album-là.
Et une tournée commune avec Jean-Karl ?
Rires… Eux font un spectacle de trois heures et demi !
Trois heures et demi ! Ça ne va pas vous laissez grand-chose ! Rires…
Le spectacle serait un peu long. Le show du boulier est très long. Ils ne se tannent pas les deux gars. Je croise les doigts pour, peut-être, jouer à Pully en Suisse début juin avec cet album. J’espère que je ferai la première partie des Cowboys…
Vous y êtes invité tout naturellement… Pully tous les deux ans, il y a les Cowboys Fringants !
Les Cowboys oui !
Mais Marie-Annick Lépine quand même !
On verra… Rires…
J’ai l’impression que sur cet album votre chant a évolué, plus de lâcher prise peut-être…
Oui, je pense que vous avez raison, je pense qu’il y a plus de confiance tout simplement et d’acceptation de mon timbre de voix, et du fait que je ne suis pas quelqu’un qui hurle, pas dans la toute-puissance.
Pour le coup, vous n’êtes pas dans la tradition des chanteuses québécoises… Rires…
Je suis plus dans la tradition française, avec beaucoup d’air dans la voix. Mais en fait, ici au Québec, ma voix ne ressemble à celle d’aucune autre personne…
C’est ce qui est bien. Il ne faut pas ressembler à quelqu’un, il faut être soi…
Mais oui, mais des fois, j’entends : « Elle chante comme… ou un gars a le même timbre qu’un tel… »
C’est plus facile à cataloguer, mais ce n’est pas ce qui nous intéresse…
Tant mieux. Je suis contente, tout l’enregistrement s’est fait dans la simplicité et le plaisir vraiment…
Y-a-t-il des choses bricolées à maison, ou tout a été fait en studio ?
Tout a été fait en studio, à part au début, l’écriture des chansons s’est faite en solitaire. Tout a été enregistré dans le studio de Jean-Sébastien Chouinard à Montréal.
C’est le tableau de la pochette du premier album, derrière vous ?
Oui, j’avais créé la pochette de mon premier disque. Parce les couleurs fonctionnent bien avec mon divan. C’est pour ça que j’ai une belle décoration chez moi…
Il ne faudra pas changer de divan, sinon il faudra changer de tableau ! Rires…
Je n’aurais pas le choix, ça ne marchera plus ! Mais j’avais passé beaucoup de temps sur mes pochettes du premier et du deuxième album. C’était quasiment un petit livre bricolé à la main. Pour celui-ci, je me suis dit, on va y aller avec une photo. Rires…
C’est une belle photo, qui illustre bien l’impression générale de l’album… Un cheminement…
Oui je pense…
Et bien merci Marie-Annick…
Merci à vous. Bonne écoute de cet album à tous en Europe. Je pense qu’il y a des pièces que les français et les européens vont pouvoir apprécier…Nous avons hâte d’aller vous voir en février, on croise les doigts !
Bonne écoute d’ENTRE BEAURIVAGE ET L’ANGE-GARDIEN… en attendant notre venue…
LE RASCAL (Avec le concours de Geneviève Audy à la transcription et de Catherine Charvet pour la rédaction).
Photo d’appel: Sylvain COSTES de l’Agence Fringante