Après avoir banni Patrick Doyle (Thor de K. Brannagh, 2011), Brian Tyler (Thor : Le Monde des Ténèbres de A. Taylor, 2013) puis Mark Mothersbaugh (Thor : Ragnarök de T. Waititi, 2017) – n’étaient-ils pas assez dignes de mettre en musique les aventures du fils d’Odin ? – Marvel tend le marteau à Michael Giacchino, qui s’empare de la mythologie du dieu nordique dans Thor : Love and Thunder, de son acolyte Taika Waititi(Jojo Rabbit), et décroche au passage le titre de compositeur le plus prolifique du MCU. La co-compositrice Nami Melumad, grande cinéphile passionnée, nous raconte son passage chez le studio super-héroïque le plus célèbre du monde et la création de cette partition aussi musclée que Chris Hemsworth !
EN ROUTE POUR HOLLYWOOD
Quelles partitions ont fait naître votre envie de devenir compositrice pour le cinéma ?
J’ai commencé à m’intéresser au cinéma vers l’âge de 15 ans. J’écoutais de nombreuses bandes-originales avant même de regarder les films en question, c’était le cas pour Star Wars notamment. A l’époque où j’ai grandi, il y avait toutes ces musiques fantastiques comme Le Seigneur des Anneaux d’Howard Shore, le Pirates des Caraïbes de Hans Zimmer ou Harry Potter de John Williams. J’aimais aussi beaucoup les musiques de comédies comme Maman, j’ai raté l’avion ! [de John Williams] – ma sœur et moi le regardions tout le temps. Un jour, je me suis dit : « Et si je jouais le thème du Gondor ou le thème de l’Anneau au piano ». Je me suis rendu compte que c’était faisable : il suffit de reprendre les accords de la mélodie pour pouvoir la jouer, vous n’avez pas besoin de tout un orchestre. Puis, j’ai réalisé que si je pouvais la jouer, je pourrais probablement écrire quelque chose aussi. Ça a été un moment d’illumination ! Je me suis donc mis à imaginer quelle musique serait appropriée pour un quatrième film du Seigneur des Anneaux. Qu’est-ce que j’écrirais pour un tel film ? Ou pour le quatrième volet de Pirates des Caraïbes ? Je me souviens de cette pièce que j’ai écrite en imaginant que Frodon et Sam retourneraient à cette grande rivière que l’on voit dans le premier film… A partir de là, j’ai rejoint l’Académie de musique de Jérusalem et effectué mon service militaire avant de déménager en Californie à mes 25 ans. J’y ai suivi un programme spécial musique de films très intense où ils vous apprennent comment Hollywood fonctionne et ce que faire de la musique de films signifie. Parce qu’il ne s’agit pas seulement de composer. Il y a un milliard d’autres choses qui doivent être réalisées sur une grande production : l’orchestration, la préparation musicale, le montage de la musique, etc. Toute cette compréhension est nécessaire pour vous permettre de vous lancer dans le métier après l’école.
Ce doit être une grande aventure de s’établir à Hollywood !
Oui, c’est une grande aventure ! J’ai beaucoup appris et j’en apprends encore beaucoup tous les jours. On ne sait jamais à quoi s’attendre. Tous ces événements – les avant-premières, les fêtes – qui vous donnent l’opportunité de rencontrer vos acteurs préférés sont très amusants et excitants. Mais il y a un autre aspect dont on ne parle pas : la vie hollywoodienne implique énormément de travail acharné, de nuits blanches et de stress. Parfois, il faut renoncer à ces évènements parce qu’il vous reste encore beaucoup de travail. J’ai justement dû écourter ma venue à la convention du Comic-Con de San Diego jeudi dernier pour cette raison… C’est la partie la moins glamour d’Hollywood… Mais j’aime toujours autant ma vie et mon métier. J’adore raconter des histoires, regarder les acteurs à travers l’écran. Et surtout, j’adore la façon dont la musique peut aider une histoire à prendre vie.
Puisez-vous votre inspiration dans les images ou dans le scénario ?
En général, on me fait intervenir au moment où le film est déjà tourné. Dans ce cas, je n’ai pas besoin de lire le scénario. Je me contente simplement de regarder le montage du film. Ce sont donc principalement l’histoire, les personnages, les couleurs de l’écran, le rythme du montage, les répliques ou l’ambiance générale du film qui m’inspirent. Mais honnêtement, je pense que les deadlines sont la meilleure source d’inspiration possible. Il n’y a aucun moyen de repousser une deadline. Alors, vous n’avez pas d’autres choix que de trouver des idées pour terminer le travail. Il ne suffit pas de se poser quelque part dans un coin et d’attendre une poussée d’inspiration. Non, il faut se plonger dans l’écriture, essayer des choses. Cela suppose beaucoup d’essais et d’erreurs. Peu importe si ça fonctionne ou non, une fois que vous avez défini un concept ; qu’il s’agisse d’une thématique ou d’un paysage sonore, et votre palette instrumentale ; par exemple une guitare, des flûtes ou un orchestre, tout paraît ensuite beaucoup plus facile !
Comment avez-vous rencontré Michael Giacchino ?
Michael et moi nous sommes rencontrés en Janvier 2019 à l’occasion du film An American Pickle qui parle d’un immigrant juif – joué par Seth Rogen – saumuré dans un baril de cornichons pendant un siècle entier. C’est une comédie juive, un peu fantaisiste. Et il se trouve que je suis juive ! Mon agent pensait que je devrais postuler, il y voyait là une bonne opportunité. J’ai alors écrit des airs de clarinettes et soumis une maquette que j’ai enregistré avec mon cousin. Plus tard, la production du film m’a contacté pour me suggérer de travailler avec Michael Giacchino. Je ne sais pas qui y a pensé – à priori, ce serait lui – mais quelqu’un a eu la bonne idée de nous faire collaborer ! On a donc fait ce premier film ensemble où il a écrit une suite complète contenant les thèmes que j’ai transformé en une longue partition de 68 minutes. J’ai pu rencontrer son équipe et en apprendre énormément sur la façon dont il travaille avec elle. Il est toujours de bons conseils pour nous aider à devenir un meilleur compositeur. Et puis, on s’est retrouvé sur plusieurs projets [comme le jeu vidéo Medal of Honor : Above and Beyond, la série Star Trek : Prodigy] et le dernier Thor que je n’avais pas vu venir. Quand tu sais que tes acteurs préférés – Natalie Portman, Chris Hemsworth, Russell Crowe et Chris Pratt – sont de la partie, il n’est pas difficile de se laisser embarquer !
UNE NOUVELLE VENUE CHEZ MARVEL
Grâce à Thor : Love and Thunder, vous venez officiellement de rejoindre le MCU. Quel effet ça vous fait de prendre part à un univers de super-héros aussi emblématique que celui-ci ?
Oh, j’adore ça, je suis fan – mais pas autant que Star Trek ! J’ai regardé beaucoup de Marvel avant ça, presque tout ce qui est sorti. En termes de musique, Thor : Love and Thunder était une expérience très différente de ce que j’ai connu jusqu’à présent. C’était surtout l’occasion d’écrire des thèmes particulièrement épiques, très héroïques. Je le fais aussi sur les séries Star Trek mais d’une toute autre manière. Les personnages ne sont pas des super-héros ni des super-humains, ils n’ont aucuns super pouvoirs. Chez Marvel, c’est une notion avec laquelle vous pouvez jouer pour développer un grand thème héroïque ou un gros morceau épique. La taille de l’orchestre était impressionnante : 94 musiciens et 36 chanteurs ont interprétés le score, soit le plus grand ensemble avec lequel j’ai eu l’occasion de travailler. A titre de comparaison, dans Star Trek, nous atteignons à peine la moitié de cet effectif. L’approche diffère légèrement, mais au bout du compte, ne racontons-nous pas toujours une histoire sur les émotions humaines ? Que l’on navigue dans l’espace à bord de l’Enterprise ou du Protostar, que l’on s’intéresse à telle ou telle planète, telle ou telle civilisation ou tel ou tel uniforme, on en revient toujours à la façon dont notre point de vue « terrien » s’adapte pour raconter une histoire. Tout est question de relations humaines, des défis auxquels les personnages vont faire face et ce que ça implique. N’est-ce pas un peu la même chose avec Thor ? Thor, Valkyrie, Zeus sont tous des dieux, même Jane Foster grâce au pouvoir de Mjöllnir. Dans le film, on parle de tomber amoureux, de perdre un être cher, etc. Encore une fois, on raconte essentiellement une histoire sur les émotions. C’est le rôle de la musique. Elle est là pour soutenir les émotions, y compris dans les scènes d’action. La façon dont vous voulez amplifier l’impact de ce genre de scène ne se limite pas à l’action en elle-même ni à l’utilisation de quelques rythmes. Non, seule l’émotion peut le permettre. D’où l’importance de parvenir à capter l’ensemble des composants émotionnels de l’histoire et des personnages. Dans le combat final par exemple, lorsque nous voyons Jane se débattre, nous devions entendre sa lutte et sa souffrance dans la musique. C’est un aspect que nous aurions manqué si la musique ne s’en était pas chargée.
Quelle est votre partition Marvel favorite ?
Je dirai le premier Avengers d’Alan Silvestri – c’est un véritable chef d’œuvre – suivi d’Avengers Infinity War, du même Alan Silvestri. Mais il y a tout un tas de scores fantastiques dans cet univers : le Doctor Strange de Michael, celui de Danny Elfman, Doctor Strange : In The Multiverse of Madness ; les Spider-Man de Michael, Loki [de Natalie Holdt, ndlr] ou encore Wandavision [de Christophe Beck, ndlr]. Je n’ai pas vu la série, mais j’écoute la partition parce que c’est comme ça que je fonctionne : j’écoute toujours avant de regarder. J’ai aussi oublié de mentionner Miss Marvel de Laura Karpman qui est tout bonnement incroyable.
Tout comme vous, Pinar Toprak (Captain Marvel), Natalie Holt (Loki Saison 1 et 2), Laura Karpman (What If, Miss Marvel, The Marvels) et Amie Doherty (She Hulk : Avocate) ont également été attachées à une production de cet univers. Pensez-vous que Marvel favorise l’expansion des compositrices ?
Je pense qu’ils le permettent davantage à présent. Quand vous faites le bilan, il y a eu cinq compositrices qui ont travaillé sur une production Marvel. C’est un bon début. Mais combien de Marvel y a-t-il eu ? Bien plus que ça, non ? L’idéal serait d’avoir 50% de compositeurs et 50% de compositrices. Avec un peu de chance, on y arrivera. Ce qui est amusant chez Marvel, c’est qu’il y a une grande diversité de styles et de genres. C’est un univers si coloré, si excitant : il y a toutes sortes de super-héros, et de nouveautés, notamment aux niveaux des acteurs. C’est donc important qu’ils choisissent aussi de nouveaux types de musiques et de nouveaux styles musicaux. La diversité est importante. Une partition comme celle de Loki n’aurait pas été la même si elle avait été écrite par d’autres personnes… Employer de nouveaux compositeurs ou compositrices contribue à rendre les choses beaucoup plus excitantes, plus variées et moins semblables. J’espère qu’ils vont poursuivre dans cette voie.
Jusqu’à présent, Brian Tyler et Danny Elfman formait le seul et unique duo musical d’un film Marvel (Avengers : L’Ère d’Ultron de J. WHedon, 2015) mais Michael Giacchino et vous-même avez changé la donne. Comment avez-vous été impliquée sur Thor : Love and Thunder ?
C’est drôle parce que je n’étais pas censée l’être ! Il y a quelques mois encore, je ne savais pas que j’allais travailler dessus. Michael devait s’en occuper seul jusqu’à ce que son emploi du temps change – vous ne le savez peut-être pas mais il réalise un film Marvel [Werewolf By Night, ndlr], tourné à Atlanta, en Géorgie. Puis, la production de Thor : Love and Thunder a été retardée en raison des reshoots ; la sortie a été repoussée. Michael m’a alors envoyé un message pour me demander de l’aide : « Hé, Lady Thor, peux-tu écrire quelques morceaux pour Thor : Love and Thunder ? ». Forcément, je ne pouvais pas répondre autre chose que « Bien sûr » ! Quand j’ai commencé à m’y atteler, je n’avais aucune idée de l’ampleur du travail à réaliser mais j’étais vraiment excitée à l’idée de m’y plonger dedans. Ça remonte à Mars 2022… J’avais déjà beaucoup de travail. C’était très intense – je n’ai pas dormi pendant un certain temps – mais ça en valait la peine pour plusieurs raisons. D’abord parce que j’avais la possibilité de mettre ma patte sur un univers et un personnage que j’ai toujours adoré à travers les précédents films. Et puis, c’était une nouvelle occasion de collaborer avec Michael ce qui est, bien évidemment, une expérience incroyable à chaque fois. Ajoutez-y les bras de Natalie Portman et les fesses de Thor et vous obtenez ma signature ! J’ai vraiment apprécié le processus musical. Il y avait ce grand orchestre, ces guitares, ces batteries, ces basses mais aussi tous ces éléments rock que Michael a intégré dès le début. Il avait déjà enregistré un thème et quelques autres morceaux qu’il m’a fait écouter pour comprendre le style que nous allions développer. Cela me ramène à ce que j’expliquais au début de l’interview : lorsque vous tenez le concept, tout est plus facile pour la suite. Michael l’avait. Et il souhaitait pousser les sonorités rock à leur maximum. Tout ce que j’avais à faire, c’était de trouver comment m’intégrer dans ce concept et le faire progresser tout en veillant à satisfaire le réalisateur et les producteurs. C’était très amusant de réfléchir à la manière d’incorporer ces éléments dans le score. Et malheureusement, on a écrit beaucoup de musiques qui n’ont pas été retenues dans le film parce que certaines scènes ont été retirées dont une avec Les Gardiens de la Galaxie. La version finale demeure la meilleure version du film selon moi !
N’est-il pas difficile d’exprimer votre personnalité musicale en tant que co-compositrice ?
Pas vraiment dans la mesure où j’ai grandi en écoutant ses partitions comme Les Indestructibles, Star Trek et toutes les autres. Je suis familiarisé avec son style d’écriture depuis très longtemps et je pense qu’il a certainement influencé le mien. Depuis quatre ans maintenant, nous collaborons ensemble sur de multiples projets. Je comprends si bien ses choix que j’ai l’impression de faire intuitivement les mêmes de mon côté. La confiance est réciproque, c’est en partie pour ça que nous travaillons si bien ensemble. Evidemment, il révise toujours ce que j’écris et je me sers beaucoup de ses idées, de ses conseils. Quoiqu’il en soit, je n’essaie pas de lui ressembler, j’essaie juste de faire ce qui est bon pour le film.
En plus de réaliser Werewolf By Night, Michael Giacchino vient d’enchaîner Spider-Man : No Way Home, The Batman, Jurassic World : Le Monde d’Après et Buzz l’Éclair. Il doit être complètement épuisé !
Pas du tout ! Il a énormément d’énergie ! Parfois je me demande comment il fait ça ! Est-ce le café ou autre chose ? Quelle est sa recette ? Si vous voulez mon avis, c’est tout simplement l’excitation de la musique, de la composition. Michael est un nerd, tout comme moi. Il adore Star Trek, Star Wars, Jurassic Park, etc. Alors, quand vous aimez les choses sur lesquelles vous travaillez, quand vous êtes passionné par ça, vous avez beaucoup plus de facilités à vous atteler à la tâche. Mais il faut reconnaître qu’il a eu des années très chargées, même s’il est très rapide et s’il a sûrement commencé à écrire certaines de ces partitions l’année dernière. Tout ne s’est pas enchaîné d’un coup, les films sont simplement sortis les uns après les autres, certains sont même bouclés depuis plusieurs mois. Ce serait humainement impossible à accomplir !
COUP DE FOUDRE MUSICAL
En l’espace de quatre films, le personnage de Thor a bénéficié d’autant de visions musicales différentes que de compositeurs. Vous a-t-il paru difficile de remodeler l’entièreté de son univers musical ?
Thor : Love and Thunder est différent des précédents films. C’est une comédie romantique dans l’espace, parfois proche de la fantaisie. A l’époque des premiers films, Thor était un jeune homme. A présent, on sent que le personnage a évolué. Il a perdu toute sa famille : son père, sa mère, son frère, son meilleur ami, son royaume. Et puis, il a fini par perdre l’amour de sa vie. Au cours de ce nouveau voyage, il semble confronté à l’amour et à la vulnérabilité d’une autre manière. C’est un nouveau Thor que l’on présente. En termes musicaux, le thème principal, le thème d’amour et les autres motifs devaient refléter cette évolution. On n’aurait pas pu les utiliser sur Thor ou Thor : Le Monde des Ténèbres par exemple. Et inversement : est-ce que le thème de Patrick Doyle ou celui de Brian Tyler vous sembleraient-ils toujours aussi appropriés ? Probablement pas. En ce sens, je comprends pourquoi Marvel choisi de changer de compositeur de films en films. Mais on garde toujours des lignes directrices : par exemple, on continue toujours de jouer avec la masculinité du personnage. Quand on voit ses muscles, on se dit : « C’est le sommet de l’apparence masculine, c’est à ça que ressemble un Dieu » ! C’est le dieu du tonnerre après tout ! Alors, on laisse transparaître ça dans un orchestre rempli de cors, de trombones, de guitares, d’éléments rocks ou même de synthétiseurs ; comme Mark Mothersbaugh l’avait fait sur Ragnarök. Notre musique s’inscrit donc dans le même monde que les précédents films mais nous façonnons un nouveau personnage, plus évolué. C’était une expérience amusante à mener pour Thor et Jane. D’ailleurs, elle aussi a évolué depuis le premier film en devenant Mighty Thor.
La dimension mythologique du dieu nordique est aussi représentée par cette utilisation massive des chœurs.
C’était une bonne manière de représenter cette histoire de Dieux. Les voix humaines ont toujours eu une ampleur plus céleste. Quand vous les ajoutez à l’orchestre, ça l’amène à un niveau supérieur, parfois même écrasant. Il y a aussi beaucoup de sonorités que vous pouvez produire grâce aux chœurs mais pas avec l’orchestre, comme ces chuchotements ou ces sons effrayants qui correspondaient bien au personnage de Gorr [Christian Bale, ndlr]. On peut faire toutes sortes d’expérimentations avec le chœur pour le rendre encore plus effrayant. Quand on voulait qu’il explose d’une manière atone, il nous arrivait souvent de demander aux choristes de choisir la note qu’ils voulaient pour lui conférer une toute autre portée. De manière générale, les chœurs ont donc permis d’élargir la palette orchestrale et les chansons rock. Je ne suis pas à l’origine de ce choix, c’était celui de Michael qui a commencé à écrire le score avant moi. L’autre choix intéressant qu’il a fait était de ne pas utiliser de bois. Il n’y avait que des cuivres, des cordes et des harpes – deux pour être exact – les chœurs et les éléments du groupe de rock. Les bois sont généralement des instruments plus doux, ils rendent les choses plus lumineuses. Et je trouve justement que ce voyage de Thor ne devait pas être doux ni lumineux, car ça ne correspondait pas à l’évolution du personnage. Tout comme Jane qui a développé un cancer et qui vit dans un monde plus sombre et plus masculin.
Le thème principal (« Mama’s Got A Brand New Hammer ») est intéressant parce qu’il représente à la fois Thor et Mighty Thor (Jane Foster). Pourquoi ce choix ?
C’est une question qu’il faudrait plutôt poser à Michael ! De mon point de vue, il paraissait logique que leur thématique soit proche parce qu’ils sont connectés l’un à l’autre de multiples façons. Thor n’aurait pas pu battre Gorr sans Jane. Mais il parvient à convaincre Gorr de choisir l’amour à l’anéantissement des dieux. Par amour, il demande aussi à Mjöllnir de protéger Jane. Son propre thème et le thème de l’amour ne forme donc qu’un. A l’origine, il y avait une scène de transformation qui n’a pas été conservée dans le montage final. C’est dommage car elle permettait vraiment au thème de se développer au moment où Jane devenait Mighty Thor. J’espère qu’ils la sortiront à un moment donné…
Taika Waititi souhaitait que Thor : Love and Thunder ait une résonance rock, d’où les sonorités rock/heavy metal que vous employez dans « Mama’s Got A Brand New Hammer » ou « Saving Face ». Vous a-t-il donné d’autres directives musicales ?
Dans certaines scènes, Taika voulait injecter plus d’énergie. Parfois, il voulait aussi que la musique décolle grâce à un morceau plus massif. Dans la scène où Thor et Jane se baladent dans l’Omnipotence City, il a suggéré de jouer de la harpe comme musique de fond. Au départ, elle en était dépourvue mais il s’est dit : « Et si nous réchauffions un peu l’ambiance ? ». Son idée était brillante car le son de la harpe est si céleste, il illustre parfaitement cette Cité des Dieux. J’ai donc écrit cette partie-là. Beaucoup d’autres directives émanaient des producteurs ; notamment Victoria Alonso, ou de l’équipe des monteurs. Dans un film comme celui-ci, les responsabilités et les opinions de chacun sont multiples. Généralement, les monteurs en savent beaucoup sur le rôle de la musique. J’ai donc reçu quelques conseils de leur part. Et puis évidemment Michael est familier avec ce genre de production, ses conseils m’ont été tout autant précieux. C’était un grand effort mutuel, une grande collaboration. J’ai beaucoup appris sur ces gens qui ont travaillé sur des films que j’ai toujours aimé regarder, en particulier Michael, les producteurs Marvel et Taika. C’est un rêve d’avoir participé à l’un de ses films, j’en suis très heureuse !
En tant de fan absolue de Star Trek, vous avez la chance d’avoir travaillé avec Michael Giacchino, compositeur de la dernière trilogie de films, mais vous avez aussi pu écrire la musique des récentes séries Star Trek : Prodigy et Star Trek : Strange New Worlds. Tout semble bien parti pour Star Trek 4…
Nous n’avons pas parlé de tout ça encore, je ne sais rien à ce sujet. Mais j’espère qu’un jour nous travaillerons ensemble sur un film Star Trek, ce serait logique après tout. Pour l’instant, on a beaucoup de projets chacun de notre côté. Donc, on verra ce qui se passe par la suite. Mais j’adore cette idée !
Propos recueillis par Zoom le 24 juillet 2022.
(Copyright photos: www.namimelumad.com / Nami Melumad Facebook Photos)
Je remercie chaleureusement Nami Melumad pour sa disponibilité et sa gentillesse incroyable !!
David-Emmanuel – Le BOvore