Du Maghreb en passant par le Chili, le Brésil, Cuba, la Martinique ou l’Iran, ce Juke Box vous offrira quelques beaux détours tout autour du monde sous des sonorités jazz, folk, rock et électro cumbia… Avec une jolie escale au pays de la chanson française de qualité ! Bonne écoute à toutes et à tous !!!
Avec « Kasbatek », Abdul et son gang nous ouvrent grand les portes de leur discothèque de la casbah… Un album où sonorités orientales se mêlent au raï, au rock et au funk dans une fusion énergique et harmonieuse qui donne furieusement envie de se déhancher ! Leur rock oriental, nappé de guitares électrisantes, de percussions traditionnelles et de cuivres, prend toute sa substance avec l’apport d’un synthé peu ordinaire (le Roland E40 oriental) qui apporte sa touche si particulière à cet album qui marie les genres avec une sacrée belle énergie. Les dix titres s’enchainent sans se ressembler, d’ambiances festives en atmosphères hypnotiques en passant par du blues Gnawa qui dévoile la belle âme de cette formation, mais aussi son inventivité inspirée par leurs grands frères que sont Rachid Taha, Tinariwen ou l’Orchestre National de Barbès. Un album qui nous invite avec classe et conviction à « bouger avant que la musique ne soit plus là »… Car sans elle « ya walou » ! No stress… Car avec Abdul & The Gang, la musique a un bel avenir devant elle !!!
Kasbatek / Abdul & The Gang / 9 Février 2024
Doté d’une belle énergie et armé d’une solide force de conviction, le duo franco-chilien Chu Chi Cha distille un électro cumbia cosmopolite où instruments traditionnels (violon, accordéon) se mêlent harmonieusement à des boîtes à rythmes et autres synthés qui donnent le tempo. Si les cinq titres de cet EP sont résolument festifs, ils se déclinent néanmoins dans une riche palette sonore qui nous embarque dans des atmosphères changeantes qui explosent en tourbillons d’émotions. Un univers hypnotique et fascinant qui nous invite à la danse et à la transe sur des textes qui ouvrent la porte à une multitude de réflexions sur le manque d’empathie et d’humanité de notre société individuelle où chacun se replie sur lui-même sans se soucier des plus faibles. Que ce soit en français ou en espagnol, les voix de Lolita et de David nous envoûtent « Sans peur de dénoncer, sans peur de vivre, de rire ou de danser, sans peur de se mélanger et de mélanger les cultures ». Écoutez les sans modération… « Après ça ira mieux » !
Sin Miedo / Chu Chi Cha / 12 Avril 2024
« Hors piste » : voilà un album qui porte bien son nom. Car le lumineux folk rock distillé par les bretons du Pied de la Pompe ne se range pas sagement dans une catégorie. L’étiquette, tout comme les étiquettes, ne rentrent pas dans l’éthique de ces artistes qui naviguent en totale liberté dans un monde lisse et formaté où les valeurs se barrent à la vitesse du son. Et le leur de son, propre et net, énergique et clair comme une nuit de pleine lune, nous transporte bien loin des tristes contingences de notre époque ! Mais si la musique est bonne (bonne, bonne !), les textes sont quant à eux tout simplement parfaits. Sous la voix éraillée de Gérôme qui nous prend les tripes dès la première écoute, les mots évoquent nos maux avec autant de rage que de poésie. Engagés vers un idéal fraternel, révoltés contre l’apathie et la bêtise ambiante ou par la morgue insolente de nos politiques, le Pied de la Pompe dénonce et tranche dans le vif en mots puissants et sincères qui nous interpellent avec évidence. « A l’horizon, les affamés regardent les 1% qui rendent cette vie dégueulasse, ces petits rois qui se prélassent et qui se foutent de nous éperdument ». Des mots qui savent aussi se faire tendres quand ils dévoilent l’intime ou qu’ils laissent entrevoir la possibilité d’un avenir plus juste sous l’effet de notre simple volonté : « C’est maintenant, c’est demain qu’il faut avancer main dans la main ». « Enfants du vent et de l’orage, amoureux de la tempête, des coups de foudre et des coups de fête », Le Pied de la Pompe nous insuffle en mots et en musique un vent frais et vivifiant qui éloigne la froideur de ce monde déshumanisé !
Hors piste / Le Pied de la Pompe / Baco Distribution / 9 Février 2024 / 14€
Après « La délicatesse » (chroniqué ici !), Nicolas Paugam est de retour avec ce somptueux nouvel opus où il nous dévoile une fois de plus son univers atypique que l’on savoure comme une friandise au goût inattendu. L’univers d’un « animal du genre pas banal » que l’on aime parcourir au gré d’ondulantes ballades pop rock, habillées de textes surréalistes empreints d’humour et non dénués de profondeur. En jardinier des mots et en magicien des sons, l’indompté Nicolas Paugam cultive encore et toujours son originalité avec une liberté aussi folle que rare au fil des onze titres de cet album qui gagne sans le moindre doute « le prix de la singularité » ! A noter la superbe et sensible reprise bluesy de « Bécassine » de Brassens… Qui annonce un spectacle (et un album ?) en préparation autour du grand Georges ! Hâte !!!
La balade sauvage / Nicolas Paugam / Syncop’s records / Inouïe Distribution / 26 Avril 2024 / 19€
Il suffit d’observer la tristesse blasée de Mathieu Ramage sur la (jolie !) pochette de cet album pour se douter que les chansons de ce bel oiseau sont tout, sauf bien évidemment joyeuses ! Car s’il ne manque pas d’humour, celui-ci se fait toujours grinçant et sarcastique au fil des onze titres de cet opus où il décline en mots choisis son univers poétique et désabusé, habillé de multiples atmosphères, pétillantes, musclées de rock ou colorées d’ambiances jazzy. Cet album est un collier de perles noires que l’on déroule tel un chapelet pour égrener la mauvaise marche du monde. Les mots percutants de cet artiste écorché vif, sous sa voix chantée ou slamée, nous réconfortent parfois, nous confortent souvent devant l’évidence, mais nous invitent aussi à relever la tête : « Productions intensives, enjeux économiques, continent de plastique voguant à la dérive, mais de quoi, c’est logique, la finance est cruelle et noires les étincelles des vilaines polémiques. Notre puissance est aujourd’hui fragile et est venu le temps de nos colères. « La tendresse perce ici où là, les sourires aussi, mais l’ensemble reste grave. Alors, Mathieu Ramage, oiseau de mauvaise augure ? Disons plutôt lanceur d’alerte. Et authentique, sans le moindre doute.
Chansons joyeuses / Mathieu Ramage / IDO productions / 1er Mars 2024 / 15€
Sur l’invitation du saxophoniste français Benoît Crauste, le brésilien Itiberê Zwarg (multi-instrumentiste, compositeur et chef d’orchestre) a dirigé, le temps de quelques concerts, un fabuleux orchestre composé d’une vingtaine de talentueux musiciens… Un projet aussi pharaonique qu’exaltant dont on peut apprécier la richesse luxuriante au fil des cinq titres de cet album « live » où ce big band majestueux nous offre un jazz solaire métissé de rythmes brésiliens, ponctué de choeurs et d’acrobatiques vocalises ! La « Musica universal », libre et vivant langage musical puisé dans les racines du folklore brésilien et du jazz le plus pur, se dévoile ici avec une incroyable énergie et dans un chaleureux esprit de partage, offrant à chacun une extrême liberté d’inventer et de créer au fil d’éblouissantes improvisations où l’on ressent l’infini plaisir de ces musiciens en parfaite communion. Ébouriffant de virtuosité et de générosité !
Live à Paris / Itiberê Orquestra Familia Da França / Inouïe distribution / 19 Avril 2024 / 13€
« Airotele Ona » : croisées inattendues entre Jazz et musique cubaine, mais aussi parcours intime d’un musicien sensible et talentueux qui rend ici un vibrant hommage à ses racines, au fil d’une partition aux trajectoires mouvantes. Car cet album nous dévoile un jazz solaire et vivifiant qui explose sous l’éclat des cuivres, avant de se poser, serein, sur des plages voluptueusement nostalgiques ou sensuelles. Un jazz entre ombre et lumière qui nous transporte, à l’image de la vie, sur des montagnes russes émotionnelles… Entouré d’un collectif de musiciens de haut vol (dont l’immense Chucho Valdès au piano), Lukmil Perez nous offre bien plus qu’un album de jazz avec « Airotele Ona ». Il nous ouvre son coeur pour dévoiler le tourbillon de la vie des Hommes avec une élégance mêlée d’humilité. Ce qui est, sans conteste, la marque des grands.
Airotele Ona – Croisées inattendues / Lukmil Perez Colectivo / Jazz Eleven / 12 Avril 2024 / 14€
Après « Nomad » que je vous avais présenté (ici !) en 2021, le pianiste Simon Denizart nous dévoile un cinquième album novateur où il nous convie à un éblouissant tourbillon d’émotions au coeur de son intimité. Un album où le jazz se mue en atmosphères apaisantes, solaires ou nostalgiques au fil de huit audacieuses compositions qui démontrent aussi bien le talent de musicien que de compositeur de ce maestro multi-récompensé. Sous les notes cristallines du piano qui naissent avec une insolente virtuosité sous les doigts de ce magicien, le jazz se fait ondulant et puissant sous une rythmique diaboliquement efficace nourrie de percussions flamboyantes, quand il ne côtoie pas des sonorités douces issues du classique, par la grâce d’un sensible trio de cordes (violon, alto et violoncelle). Un album élégant et vivant, lumineusement coloré des multiples influences de cet incomparable artiste qui, entre autres talents, possède celui de savoir s’entourer de musiciens en totale osmose avec son univers. Tout simplement sublime !!!
Piece of mind / Simon Denizart / Justin Time Records / 29 Mars 2024 / 18€
Grégory Privat nous emmène dans un fabuleux voyage sidéral au fil de cet album onirique, mélodieux et chaleureux où, la tête dans les étoiles et tous les sens tournés vers la lumière, on se laisse guider par l’âme de ce rêveur en apesanteur, sous des vagues de tonalités sereines et apaisantes éclairées de chants créoles de toute beauté. Entre calme et tempête, Grégory Privat, accompagné de deux musiciens touchés eux aussi par la grâce, célèbre la vie de sa voix hypnotique et lumineuse d’une rare douceur, au fil des douze titres de cet album qui nous éclabousse de poussières d’étoiles. Foisonnant, contemplatif, empreint d’allégresse et porteur d’émotions positives, le jazz distillé par ce trio de virtuoses nous invite à la volupté. Fermez les yeux… Et savourez !
Phoenix / Gregory Privat / Buddham Jazz / 2 Février 2024 / 14€
Digne représentant du renouveau du jazz persan, Arshid Azarine est également un chercheur réputé en imagerie cardio vasculaire. Engagé pour de nobles causes, notamment pour le mouvement « Femme, vie, liberté« , il est sans nul doute un artiste accompli dont l’humanité n’est pas la moindre qualité… Au fil des neuf plages de ce somptueux album, les notes du piano s’envolent sous ses doigts d’or avec une incomparable clarté, bercées par la basse hypnotique d’Hervé de Ratuld et des lumineuses percussions d’Habib Meftah, pour nous dévoiler un univers soyeux aux compositions éthérées, où le jazz insuffle des pulsations de vie avec autant de force que de douceur. Par la grâce de ses ondulantes mélodies, parfois nostalgiques mais toujours empreintes d’espoir, « Vorticity » nous offre un havre de paix où se reposer loin du chaos ambiant, un moment rare et précieux à savourer à l’écoute des battements de notre coeur… Magistral.
Vorticity / Arshid Azarine / Ohrwurm records / 12 Avril 2024 / 12€
Christine Le Garrec