Juke Box N°100

Reggae, rock oriental, punk rock, pop rock, chanson française, jazz… Je vous propose aujourd’hui une éclectique sélection d’albums qui vous feront vibrer, vous toucheront droit au coeur et vous donneront une furieuse envie de danser pour célébrer l’été ! Alors, belles écoutes à toutes et à tous… Sous le soleil exactement !!!

Accompagné de ses talentueux « grands frères » (les vieux Môgôs en malinké), Sly Asher nous offre avec « New vision », un album créatif où le meilleur du reggae roots africain se pare de sonorités purement jamaïcaines. Car c’est en dignes héritiers d’Alpha Blondy et de Bob Marley que cette fine équipe distille pour le plus grand bonheur de nos oreilles un reggae mélodique et puissant, nappé de cuivres et de choeurs féminins, sur une ligne de basse envoûtante qui nous invite à onduler de la tête aux pieds ! Un album solaire, positif et empreint de spiritualité où Sly clame (en anglais et en français) sa foi, ses aspirations pour un monde meilleur ou la fierté de ses origines. Dix titres lumineusement efficaces (dont deux versions dub) qui confirment la vision du grand Bob qui affirmait que « le reggae retournerait un jour à sa source, l’Afrique » !

New vision / Sly Asher & Les Vieux Môgôs / Baco Music / 29 Novembre 2024 / Lien d’écoute (ici !)

H.L.R. (High love roots), collectif crée par Daddy Nesta, nous offre un reggae solaire et joyeusement dansant, posé sur des textes engagés ou baignés d’humanité et de spiritualité. Car sur cet EP prometteur (annonciateur d’un prochain album), Daddy Nesta, en rastafariste convaincu, pose avec un évident talent d’écriture des mots sincères qui reflètent sa philosophie de vie, mais aussi ses coups de gueule bien sentis sur une société qui ne respecte pas plus l’homme que son environnement. Des messages néanmoins résolument positifs et rassembleurs qui nous invitent « à prendre le temps de vivre et de nous connecter à la nature », mais aussi à nous unir pour construire ensemble la société de demain. Des propos parfois un tantinet utopistes et naïfs qui ont le mérite de nous faire rêver à ce monde meilleur que nous pourrions faire naître en étant unis et solidaires, tout en nous déhanchant sur un reggae du feu de dieu qui se décline sous toutes ses formes pour nous envoyer des good vibes !

Firestone / H.L.R. / Evolu’son Prod / 21 Juin 2024 / liens d’écoute (ici !)

Un bon vieux rock des années 70, pimenté ici et là d’une pincée de blues et de funk, qui s’ensoleille de disco raï et de sonorités orientales : le cocktail enivrant de Bab El West nous invite à un dépaysant voyage où défilent des paysages musicaux métissés qui annulent les frontières dans une immersive et jouissive intensité ! Car c’est dans la lignée de Tinariwen ou de Rachid Taha que Bab El West excelle à créer des ponts entre Maghreb et Occident, en alliant modernité et respect des traditions, dans une totale et enivrante liberté. Puissante et solaire, leur musique, aussi mélodique que dansante, nous transporte d’un continent à l’autre avec une belle énergie qui nous invite à la danse et à la transe, sous des changements de rythmes, tour à tour endiablés ou hypnotiques, posés sur d’imparables mélodies que l’on se plait à fredonner. Le patchwork musical d’une infinie richesse tissé par ce trio d’enfer dynamite les genres avec une ivresse contagieuse au fil des titres de cet album à écouter en boucle, en attendant de le découvrir en « live »… Car les Bab El West doivent sans le moindre doute générer une ambiance aussi fraternelle que festive sur scène, ça coule de source !!!

Amane / Bab El West / Big Banana Music / 14 Mars 2025 / Lien d’écoute (ici !)

C’est sur une bande son punk rock sombre et mélancolique que Piedebiche dévoile la dualité de l’homme qui oscille éternellement « entre nuit lumineuse et jour obscur, nuit écorchure et jour à vif ». Sur des textes incisifs posés sur des mélodies éclairées de riffs énervés, Piedebiche dynamite les idées reçues, chante la vie et l’espoir, « invitant les êtres dépossédés à chanter leurs désirs les plus forts, à décider de la traversée et de ne plus rien se faire dicter », mais aussi l’amour et la tendresse qui ensoleillent la dureté du monde. Un rock à fleur de peau, tout en clair-obscur, qui affirme en messages forts, clamés avec un joli brin de poésie mêlé de rage, que si « on regarde la lumière, les ombres resteront derrière nous ». Un postulat qui fait toute l’originalité du premier opus de ce groupe marseillais qui revendique avec force et fierté son appartenance à « l’espèce émerveillée ». Une espèce tristement en voie de disparition dans ce monde gavé de « shoots d’artifices et de box offices, plein de gyrophares et d’égos criards »… Un album punk, rock, poétique et mélancolique qui envoie du lourd… Et un groupe à impérativement découvrir sur scène (dates de concerts ici) !

Bataille du clair et de l’obscur / Piedebiche / Inouïe distribution / 14 Mars 2025 / 16,50€

Avec « Joie sauvage », Nicolas Fraissinet nous offre un somptueux album où sa voix chaude et envoûtante, bercée par une bande son électrique et électro qui se pare élégamment de cordes subtiles et de délicates touches de piano, se met au service de textes ciselés et poétiques qui mettent en lumière la part d’animalité que nous avons enfouie en chacun de nous… Car animal est le maître mot de cet album, le fil rouge qui nous transporte, parfois avec violence, sur les chemins honteux de la condition animale, nous qui sommes loin « d’être enfin dignes » de nos frères à plumes et à poils : « C’est nous qu’on cache loin des regards, des cadavres dans ton placard qui naissent et meurent en silence pour qu’on nous mange sans qu’on y pense. On ne connaît que cette cage, premier et dernier paysage, un logement courte durée si petit que l’on ne peut s’y retourner. Qui a fermé tes yeux, ton coeur, ton regard ? ». Mais si les mots choisis de Nicolas Fraissinet révèlent un indéniable talent littéraire doublé d’une authentique humanité, sa musique quant à elle nous transporte dans un tourbillon de mélodies joyeusement sautillantes ou sombrement mélancoliques, ponctuées de refrains entêtants que l’on garde immédiatement en tête. Un univers musical et émotionnel d’une richesse folle, à la manière d’un William Sheller, par sa force mélodique et par la richesse de ses arrangements ! Je vous conseille bien sûr vivement de découvrir ce « faiseur de joie » par l’écoute de cet album, mais aussi par la lecture du livre éponyme qui l’accompagne… Et d’aller admirer son spectacle accompagné de vidéos où sa musique doit prendre toute sa belle et grande dimension (dates ici) !

Joie sauvage / Nicolas Fraissinet / Trytons / Inouïe distribution / 17 Janvier 2025 / 16,50€

Au fil des titres de ce premier album, Ludwig Brosch, alias Von B, nous offre ses fragments de notes et de poèmes qu’il a lumineusement mis en musique sur de délicats et mélancoliques arrangements pop rock. Des textes forts devenus chansons sous sa voix profonde et douce qui, chantée ou parlée, nous immerge au coeur de l’intime. Car Von B trouve les mots justes pour pointer les fêlures qui nous blessent et nous fragilisent, lorsqu’il évoque la fuite du temps, nos désarrois face aux affres du sentiment amoureux, ou la douloureuse détresse ressentie face à la perte d’un être aimé… Une sensibilité à fleur de peau qui trouve son apogée au fil du glaçant « Zombie walk » où il dénonce de manière poignante les violences faites aux femmes, ou lorsqu’il fait resurgir de nos mémoires les images choc des attentats du 11 septembre, « le bruit des âmes disparues de ces corps pleuvant sur les trottoirs, qui touchent le sol sans aucun son ». Un album subtil et personnel qui touche droit au coeur…

Von B / 4 Octobre 2024

Un piano, accompagné de synthés « vintage » et de rythmiques électro, des mélodies toniques ou délicatement mélancoliques qui épousent harmonieusement des textes tour à tour poétiques ou incisifs que Stéphane Barrière, l’Homme Héron, slame de sa voix chaleureuse et feutrée. Au fil de ce drôle d’album, cet élégant et curieux oiseau moqueur a lissé sa plume et acéré son regard de fin observateur pour nous dévoiler sa vision d’un Monde qui tourne de moins en moins rond, entre désastres écologiques, crises migratoires, « démocratures », immoralité et vanité des puissants… Un Monde de rapaces voraces que notre rossignol contemple avec gravité, en gardant toutefois une becquée d’espoir pour cette humanité de plus en plus défaillante. Shooté à la poésie, « il lève ses vers, en corps à corps avec les mots, il panse son monde et ses blessures », nous parlant d’amour et déroulant le temps qui passe en nous berçant de mots doux et de mélodies consolatrices. Ce talentueux spécimen se perchera sur « le Figuier Pourpre« , au festival d’Avignon en Juillet prochain… Une belle occasion de découvrir cet oiseau rare !

Drôles d’espèces / L’homme Héron / Hasard des Mondes / Inouïe distribution / 7 Février 2025 / 17€

D’une voix sensuelle et malicieuse qui nous enlace, Aline Chevalier nous invite à prendre un bain de douceur au coeur de son univers poétique, bercé de nostalgiques notes de piano, délicatement enveloppées de lumineuses percussions et du velouté du vibraphone de Gilles Belouin. Dix titres enchanteurs où cette « heureuse cavalière d’un gracieux quart de queue » nous révèle à « mi-mots » ses confessions intimes, posées sur des mélodies aux couleurs jazzy, tour à tour pétillantes ou nostalgiques, qui infusent une infinie plénitude dès la première écoute. Un album tout en légèreté qui nous engage « à flâner le long des rocailles et coraux de la mémoire » en mots doux et tendrement ciselés… Une bien jolie découverte !

Satori / Aline Chevalier / Sylzelle / Inouïe Distribution / 10 Janvier 2025 / 20,80€

Sur une mélancolique bande son « pop jazzy » éclairée d’hypnotiques nappes électro, Grazzia Giu pose ses mots de sa voix douce et lumineusement émouvante (en anglais, mais aussi en français et en italien, avec ici et là quelques fragments en néerlandais) pour panser ses blessures d’enfance et son cortège de pesants souvenirs. Une interprétation d’une sensibilité à fleur de peau qui vous touche droit au coeur surtout lorsqu’elle chante en français et que sa voix laisse entrevoir la grâce fragile de Barbara… Une superbe reprise très épurée de « La chanson des vieux amants » de Brel, un poignant clin d’oeil à Léo Ferré, un hommage à Basquiat et à tous les grands de ce monde qui ont prôné ou chanté la paix à travers le monde : pétri d’humanité et de résilience, « Bright Darkness » est un pur joyau, tant par la poésie qui en émane que par la douloureuse mélancolie qui se dégage de ses mélodies envoûtantes. Un album bouleversant de sincérité qui nous immerge dans l’intimité de cette artiste forte et fragile à la fois, qui « respire, écris et fais parler ses pensées, quelques notes imprégnées de souvenirs contrastés » pour nous consoler de nos propres douleurs… Lumineux !

Bright Darkness / Grazzia Giu / Jazz Quart / Inouïe distribution / 8 Novembre 2024 / 16,50€

Après « Petite » (chroniqué ici !), Charlotte Planchou revient avec un nouvel album composé essentiellement de reprises, piochées dans un large registre allant de la chanson traditionnelle anglaise du 16ème siècle aux poèmes de Baudelaire et d’Aragon immortalisés par Léo Ferré, en passant par la pop soul de Carole King, avec des détours du côté de Kurt Weill ou de Barbosa… Un choix judicieusement éclectique qui permet de mettre en lumière l’époustouflante maîtrise vocale de Charlotte qui, seulement accompagnée au piano par le virtuose Mark Priore, apporte un supplément d’âme à ces intemporelles partitions, par la grâce et l’élégance de sa voix qui épouse comme une seconde peau la moindre émotion pour nous la restituer avec flamboyance. Ponctués des cliquetis d’un carillon d’antan qui égrène le temps qui passe, les styles et les époques défilent, de ballades romantiques en bossa nova, d’ambiances de facture classique en envolées jazzy, pour nous offrir une infinie palette de sons délicatement sculptés par le piano qui s’enroule harmonieusement autour de la voix de la diva. Un album authentique et d’une désarmante sincérité, à l’image de ces deux artistes d’exception qui commencent dès ce mois de Juin une longue tournée… Alors, filez vite les applaudir s’ils passent près de chez vous (dates ici) !

Le carillon / Charlotte Planchou / Quai Son Records / Pias / 11 Octobre 2024 / 16€

Pour fêter ses 60 printemps et ses 40 ans de carrière, David Linx nous offre un somptueux album où sa voix, qui caracole avec autant de liberté que de sensibilité, nous embarque pour une véritable odyssée vocale sur les vagues d’un jazz, mouvant et coloré, interprété de main de maître par des musiciens qui semblent touchés par la grâce (Grégory Privat au piano, Chris Jennings à la contrebasse, Arnaud Dolmen à la batterie et Hermon Mehari à la trompette)… Un jazz lumineux, voluptueux, nostalgique ou joyeusement sautillant que le roi David respire, enlace et libère pour faire éclater ses mille et une nuances de sa voix sensuelle et indomptée qui éveille en nous un infini bouquet d’émotions. Un incomparable voyage pétri de beauté et d’élégance que vous pourrez savourer en « live », le magicien étant parti pour une looooongue tournée (dates ici) !

Real men cry / David Linx / Cristal Records / L’Autre Distribution / 7 Mars 2025 / 18€

Mais combien de doigts ont-ils ces hommes ? Techniquement, vu qu’ils sont six (trois guitares, une contrebasse, des percussions et une batterie), je dirai 60… Mais à l’écoute, on jurerait qu’ils sont mille fois plus nombreux !!! Preuve à l’appui avec ce double album (un CD acoustique avec 10 titres et 1 CD électrique avec 13 titres, tous inédits) où leur jazz créatif, tout en changements de rythmes et d’atmosphères, vous convie à un voyage sonore qui abolit les genres et les frontières. Sous le son pur et cristallin des cordes qui se déploie en de virtuoses et rafraichissantes cascades, on se laisse porter par leur jazz tonique et vagabond, empreint d’allégresse et de liberté, qui s’habille de couleurs ensoleillées sous de délicates touches manouches, latinos ou arabo-andalouses, ou s’enrobe de sonorités « free » quand il s’électrise… On peut affirmer sans la moindre hésitation que ces virtuoses maîtrisent à la perfection l’art de l’errance pour nous conduire avec une époustouflante dextérité sur des chemins buissonniers où l’on savoure en toute plénitude la beauté dépaysante des paysages qu’ils dessinent de leurs doigts d’or ! Quelques concerts sont programmés (notamment le 29 Juin prochain au Maisons-Laffitte jazz festival) jusqu’à cet automne (dates ici)… Alors, un conseil, précipitez-vous pour aller les applaudir !

Erratic, the art of roaming (double CD) / Les doigts de l’homme / Lamastrock / Inouïe distribution / 20 Septembre 2024 / Lien Bandcamp (ici !)

Christine Le Garrec