Quand un ami est dans la mouise, les copains sont là et ils pensent très fort à lui !
Tout le long de ma vie, dès que je le peux, je fais le DJ. Et cela a commencé avec Gilles, mon vieil ami d’enfance…
J’avais quatre ans, il en avait deux, c’est dire si ça remonte… Une famille aussi aimante que la mienne. Quand je n’étais pas chez lui, Gilles était chez moi. Nous partagions tout, les bonbecs, les plaques de chocolat, les rigolades, les billes, les cabanes dans les arbres, les images Panini…
Il y avait aussi Jean-Philippe le grand-frère, moi qui n’avais qu’une petite sœur. Un grand frère branché musique, dans les années 60 pour un duo de branleurs, ça nous a évité les Sheila, Cloclo et consorts. Le Philippe nous a mis sur les bons rails du blues, du rock et du psyché…
Nous avons écumé ensemble les salles de concerts bordelaises. L’Alhambra pour un Mink de Ville cocaïné jusqu’aux oreilles, le Grand Parc et les concerts mémorables de The Cure, Toots and the Maytals, Wishbone Ash, Joe Jackson, Xalam et j’en passe… La salle des fêtes d’Arlac qui deviendra Krakatoa et programmait à l’époque beaucoup de groupes africains dont l’Étoile de Dakar avec Youssou N’ Dour, Salif Keita et le Rail Band de Bamako. Le Palais des Sports pour The Clash, Nina Hagen ou Madness. En plein 80’s c’était de la folie, l’apothéose de notre jeunesse éclatante !
Et les mégas shows de Zappa, Neil Young, Bob Marley, Supertramp, AC/DC au gigantesque (et au son pourri !) Parc des Expositions. Nous nous retrouvions toujours en bande pour la grande messe, Gilles avec Mumu, moi avec Anne-Marie et le gang du collège, Yoye, Jean-Claude et Bruno. A nous tous, nous connaissions tout le monde. Ça roulait, ça fumait, ça riait. L’excitation montait et d’un coup c’était tout noir et nos cœurs bondissaient.
Show Must Go On !
Plus tard quand il m’a fallu un comparse pour partir à New-York assister à un show des Stones au Giant Stadium, c’est naturellement Gilles qui s’y colle et moi je le suis dans ses aventures malgaches, jusque dans les bouges mal famés de Hell-Ville…
Et donc un jour, le Gillou toujours à l’affût d’un bon plan, s’est retrouvé DJ dans une cave voutée emménagée en micro boîte de nuit. Le patron était cool et j’ai pu l’assister quelques fois. Je le regardais ambiancer la soirée, changeant de style au bon moment, haranguer les danseurs, faire taper dans les mains…
Et je coupe le son ! Nooooooon !
Et je remets le son ! Haaaaa !
Philippe Katerine n’a rien inventé, c’est aussi con que ça, le pouvoir de l’homme derrière la platine…
Merci mon Gillou, garde toi bien.
Et un Juke Box rien que pour toi ! Avec CANCRE, ce qui ne devrait pas te dépayser, AZMARI pour un voyage entre Afrique et Orient comme du temps ou tu traversais le Sahara en bagnole avec Jajo et Xave… BEYRIES, une caresse pour ton âme et THE SIDESHOW TRAGEDY parce que c’est du rock et qu’on aime ça !
Alors mon Gillou, un groupe qui s’appelle CANCRE, toi qui comme moi ne t’es jamais trop éloigné du radiateur, évidement ça interpelle !
L’EP de CANCRE, ce sont quatre titres entre poésie aérienne et fulgurances électriques, qui déménage gentiment en Vol de Nuit, pour nous laisser 13 minutes et quelques secondes plus tard sur le carreau complétement hébété.
Dès le second track nous filons sur Rodez pour un instru rock tout en roue libre.
Toujours le nez dans le guidon, Face au Vent, dans un rock tendu aux guitares incendiaires.
« …Osez le contre-courant… »
Et je le pensais quand c’est sorti tout seul…
« … Rien ne sert de pisser face au vent… »
On croit se ressaisir avec Saisir, mais ça tourne en duel de six cordes sur un texte du grand-père sorti de carnets retrouvés de la guerre de 14.
Car CANCRE c’est une histoire de famille avec deux frères aux manettes et un hommage appuyé à un grand-père poète des tranchées.
Ces gars-là, ont beau s’appeler CANCRE, j’y vois plutôt les bons élèves d’un rock énergique et d’une redoutable efficacité. Ils ne devraient pas avoir de mal pour passer en classe supérieure !
Face au vent / Cancre / Upton Park / 20 Novembre 2020
Vous n’allez pas me croire, mais le plus court chemin pour Istanbul c’est de filer sur Bruxelles en passant par Addis-Abeba…
Après c’est comme vous voulez, les bus d’Euroline c’est pas cher mais c’est long… En tapis volant c’est risqué mais vous vous en souviendrez…
Sinon il y a AZMARI et son furieux mélange de transes orientales et d’afrobeat chaloupé.
Thé à volonté, serviettes chaudes et eau de Cologne citronnée, le voyage en SAMA’Î peut démarrer.
Sur une rythmique confortablement moelleuse, la formation bruxelloise AZMARI nous invite avec son Ethno-Jazz à une fusion peu commune, entre la musique lascive et ondulante des grandes formations d’Addis-Abeba et celle non moins sensuelles des cabarets d’Istanbul.
Les grooves feutrés nous emmènent loin dans le désert, jonglent avec nos sens et nous laissent à la merci de cuivres ensorceleurs…
L’orgue passe d’un style à l’autre se jouant de l’espace, nous propulsant dans le temps, dans un gig avec les Doors ou une messe avec Sun Râ comme grand prêtre…
Le périple débute de la corne africaine, sur des tracks échappés des Ethiopiques. Une musique emprunte de classe et de mystère.
Cosmic Masadâni, Kamilari, Kuger…
Après une belle traversée du désert.
Tariq Al Sahara
Azalaï sur un tapis de percussions soyeuses et son Oud, nous cueillent dans des senteurs de jasmin et de thé à la menthe. Nous suivons la flûte orientale comme des enfants attirés par des cornes de gazelles… C’est la fête dans le caravansérail et Fat Ari fait sonner son dub !
Sans trop savoir par quel miracle, nous nous retrouvons à Kadiköy le quartier d’Istanbul sur la rive asiatique où il fait bon venir fumer un narguilé.
Et là, je ne sais pas ce qu’ils ont mis dans le foyer, mais ça tangue, ça swingue, ce n’est plus turc, ni érythréen, c’est Universel !
Avec Doni l’atterrissage se fait en douceur et dans des réminiscences d’un Jazz-Rock 70’s intemporel, nous rentrons à Bruxelles !
Sama’î / Azmari / Sdban Ultra / L’autre Distribution / 5 Février 2021
Voilà un album qui nous prend par les sentiments.
BEYRIES sait y faire pour nous plonger dans une torpeur extatique et ce qui semble être un gentil recueil de folksongs délicat, cache des joyaux d’orchestrations et d’harmonies vocales qui nous emmènent beaucoup plus loin que prévu…
Du miel pour les oreilles me dirait le Gillou. Mais là mon chum c’est du sirop d’érable, puisque BEYRIES nous vient tout droit de Montréal.
D’arrangements subtils en gouttes de pluie, en envolées tumultueuses, la voix douce et perchée nous emporte dans une bulle de sérénité, légèrement shaké.
ENCOUNTER le second opus de la compositrice se partage entre pop efficace et balades intimistes.
Son écoute incite tout autant à l’introspection qu’à l’ouverture aux autres, un disque d’une profonde sagesse et d’une grande exaltation.
Il y a du Moon Martin dans le mood d’Over Me, et du Nico dans le sublime Nous Sommes. Le seul son frenchy, c’est bien dommage…
Car l’histoire de BEYRIES se raconte en anglais, avec une rare élégance tout au long des 11 tracks, en balades majestueuses, gospels, pianos et violons…
« …Can You Feel It ? »
Un sirop à déguster au coin du feu pour mieux repousser les frimas de l’hiver et autres saloperies qui traînent dans les rues…
Quoi de mieux que se blottir avec sa blonde et de se laisser bercer par le doux swing canadien de la belle québécoise ?
Encounter / Beyries / Bonsound / 13 Novembre 2020
Ce CD est un piège à chroniqueur. Des semaines qu’il me nargue. Il entretient une relation avec ma platine, qui comme un véritable aimant lui colle à la cellule. Moi je reste passif devant ces effusions, subjugué par le son qui émane des enceintes, incapable de prendre la moindre note.
Alors que te dire mon Gillou pour te mettre l’eau à la bouche ?
Que c’est le truc qui me fait me lever le matin (vers midi !) et qui m’empêche de dormir la nuit…
Forever Young !
Que ça s’appelle After The Fall par THE SIDESHOW TRAGEDY.
Oui ‘Après la Chute’ et à en croire mon expérience, malgré l’intensité de la chose, on s’en relève très bien.
En fait, c’est le truc le plus excitant du moment, celui qui te donne l’impression d’écouter un inédit de Lou Reed des années 70 et même si la comparaison peut sembler flatteuse, elle est restrictive, tant la palette rock du band d’Austin est large.
Successions de rocks brillants, boogies rampants, blues funkys…
En plus du Lou, les texans convoque The Who, Bowie, Alice Cooper, The Jam, Arctic Monkeys sur un After the Fall triomphant.
Easy Action dans un subtil mélange de programmation de boîte à rythmes, de chœurs sauvages, de guitares et de sax. Facile…
Hold on it avec Marc Ribot en guest pour un boogie touffu et toujours ce sax en syncope qui me secoue dans tous les sens…
The Lonely One le plus Lou du lot ! Cherchez la reprise… Le timbre de voix est bluffant, le beat, les chœurs, les cuivres, rien ne manque !
On passe par Capital Crime en climax et on se laisse porter par la vague ondulante. Toujours the Same Thing dit-elle, you know What I Mean ?
Ben oui les perles s’enfilent et ma platine suinte…
Forty Days ! Déjà ? Va falloir que je me magne, cette chronique commence à me filer entre les doigts…
Donc pour finir Young Forever en étendard de la jeunesse éternelle que nous donne cette saloperie de Rock and Roll !
Cet album, After the Fall, est en quelque sorte la quintessence du rock des 70’s à nos jours. Ça peut faire penser à mille choses à la minute, mais au fil des tracks une identité forte se dégage et le nom de SIDESHOW TRAGEDY s’impose comme une évidence.
Tu vois mon Gillou c’était pas si difficile, suffisait que je t’en parle…
After the fall / The Sideshow Tragedy / Spaceflight Records / 30 Octobre 2020
LE RASCAL (Photo d’appel : Gilles FAURE)