Les 4 Fantastiques : un chef d’œuvre cosmique signé Michael Giacchino

L’égérie musicale de Marvel Studios signe un retour fracassant avec une œuvre mélodique et chorale jouissive qui propulse avec panache la mythologie des Quatre Fantastique au sommet de leur gloire. Il n’y a pas le moindre doute: nous détenons-là la meilleure bande-originale de l’année !

On ne compte plus les implications remarquées de Michael Giacchino chez Marvel Studios ! Aura mystique et baroque pour Doctor Strange, orchestre candide et hitchcockien pour Spider-Man, vibes rock’n roll pour Thor : Love and Thunder, ambiance elfmanienne pour Werewolf By Night : à chaque marvelerie, son concept, que l’auteur de leur mythique fanfare s’évertue à renouveler avec fougue alors que sa position favorisée au sein de la firme aurait très bien pu le conduire sur le chemin de la paresse. Rassurez-vous ; son Fantastic Four ne fait pas exception à la règle et démontre, encore une fois, qu’il n’est pas exclu de « s’amuser » en composant. On y retrouve tout ce qui fait le génie du compositeur : ses mélodies enjouées, ses leitmotivs williams-nesques, ses orchestrations luxuriantes, sans oublier son insatiable écriture ludique ; autant de qualités exemplaires que sa pièce maîtresse (« The Fantastic Four First Steps Main Theme ») parvient, à elle seule, à synthétiser à la perfection. Flamboyante comme Jonnhy, éblouissante comme Sue, massive comme Ben et intelligente comme Reed, sa mélodie entêtante fanfaronne pour raconter leur origin story et vanter leurs exploits (« Fantastic Four, First Cue »), parade pour glorifier leur mission spatiale (« Out to Launch ») et fédère ses membres grâce à son impeccable dynamique, maintenant l’unité familiale que le jeu des acteurs ne parvient pas toujours à susciter, malgré le casting remarquable qui compose ce 4ème (décidément!) reboot des Fantastic Four (l’excentrique « Carseat Drivers », « Tripping the Lights Fantastics »). Giacchino y déploie un orchestre symphonique massif où le chorus, tantôt enfantin, tantôt grandiose, scandent le nom des héros (« FAN »-« TAS »-« TIC »-« FOUR » en 4 notes donc !) pour capturer l’optimiste débordant de leurs aventures, synonymes d’espoir et d’action. Derrière la création de cet hymne héroïque aux multiples variations se cache bien évidemment une volonté de répondre au cahier des charges habituel (l’héroïsme propre au genre) ou plus spécifique (l’ambiance rétrofuturiste voulue par Matt Shakman), mais aussi une occasion de célébrer son amour pour l’exploration spatiale (le conquérant « Out to Launch ») dont il citera L’Étoffe des Héros (Philip Kaufman, 1983) comme principale source d’inspiration.

Un regret se fait quand même ressentir : le choix d’avoir dévoilé ce fabuleux thème avant la sortie du film s’avère assez frustrant – car il nous a privé de toute surprise – mais révèle une stratégie intentionnelle (gagnante ?), celle d’ancrer ce thème dans l’inconscient collectif pour créer une forme de familiarité avec cette nouvelle équipe super-héroïque du MCU qui saute la case de l’origin story, au profit d’une intégration plus directe. Son importance étant déjà capitale dans les comics ; et bientôt dans les nombreuses phases à venir du MCU, on ne peut que se réjouir de l’ampleur de cette composition qui icônise la création de Stan Lee et Jack Kirby à sa juste valeur (sans vouloir offenser John Ottman, dont le travail n’a pas particulièrement marqué les esprits ; à l’inverse de son X-Men).

Fort heureusement, la complexité de sa partition ne se cantonne pas à celle de son thème principal: Giacchino étoffe la richesse de leur univers grâce à ses deux antagonistes, Galactus, dont la mystérieuse malédiction plane sur ses choeurs cosmiques et dont l’immensité physique se voit amplifiée par une masse de cuivres impressionnante (les crescendos de « Bowel Before Me », « A Walk on the City »); mais surtout la Surfeuse d’Argent, alias Shalla-Bal, dont la trame musicale se voit ici développée avec une attention et une profondeur toutes particulières, parfaitement synchrone avec ce qui se déroule à l’écran. D’abord annonciateur d’apocalypse, son thème arbore des atours prophétiques lorsque la messagère de Galactus débarque sur Terre (la contrebasse menaçante de « Herald Today, Gone Tomorrow »), avant de piloter une course-poursuite spatiale survitaminée (l’exaltant « The Light Speed of your Life ») puis de révéler le sacrifice à l’origine de sa malédiction dans le sublime « Galactus and The Silver Surfer Suite », où s’enchaîne; là encore, une instrumentation très variée –  piano céleste, orchestre élégiaque, solo de violoncelle et harpe mélancoliques – et où rarement le compositeur aura autant versé dans le pathos ; si ce n’est dans « Forget me Knots » (Spider-Man No Way Home) dont ce morceau partage justement la même intensité émotionnelle.

Toujours dans ce même souci du détail, Giacchino souligne chaque aspect émotionnel de l’histoire avec minutie, notamment l’instinct maternel de Sue (la berceuse de « Pregnancy Testing 1, 2, 3 » et « Starship Birth », énième variation du main theme) et sa nature très protectrice (« The Other Sue Drops ») ; qu’il agrémente de quelques synthétiseurs « vintages » pour soutenir le décorum rétrofuturiste de ce New-York alternatif ; sans jamais négliger la gravité de la menace représentée par Galactus (« A Mole in Your Plan », « Span-tastic Voyage »). On aimerait donc beaucoup conclure en vous disant que cette œuvre est tout simplement « FAN-TAS-TIC » mais ce serait un peu trop facile… C’est pourtant bien ce qui la résume aussi parfaitement !

David-Emmanuel – Le BOvore