Harry Gregson-Williams (PRINCE OF PERSIA, LE MONDE DE NARNIA 1 & 2, EQUALIZER 1 &2) réitère sa participation au FILM MUSIC PRAGUE pour un concert non pas dédié à l’entièreté de sa carrière ; comme en 2015, mais seulement à l’un de ses fidèles collaborateurs : le légendaire Ridley Scott.
03/02/2019 : -MASTERCLASS D’HARRY GREGSON-WILLIAMS
Au centre-ville de Prague, le compositeur britannique est venu en personne présenter ses méthodes de travail, ses anecdotes et ses outils; en illustrant ses propos par la diffusion de scènes issues de SHREK (Andrew Adamson & Vicky Jenson – 2001), SEUL SUR MARS (Ridley Scott – 2015), MAN ON FIRE (Tony Scott – 2004), TEAM AMERICA (Trey Parker & Matt Stone – 2004) ou encore UNSTOPPABLE (Tony Scott – 2004) pour une immersion totale au cœur du processus créatif de ses musiques de films.
Durant cette masterclass inoubliable, Harry Gregson-Williams a évoqué ses relations avec Hans Zimmer et John Powell, sa longue collaboration avec Tony Scott (MAN ON FIRE, ENNEMI D’ETAT, DEJA VU, L’ATTAQUE DU METRO 123, SPY GAME, DOMINO et UNSTOPPABLE), son recrutement chez Ridley Scott après la mort de son frère, sa répulsion vis-à-vis de la musique temporaire [musiques existantes utilisées pour faciliter le montage d’un film et aiguiller le compositeur sur le style musical à adopter] ou encore sa recherche de sonorités inédites et son goût prononcé pour les Pink Floyd (SEUL SUR MARS contenait une version rock/Pink Floyd de son thème, avant que Ridley Scott lui ordonne d’abolir cette version de son film).
Le compositeur a ensuite pris le temps de répondre aux questions du public (« Quelle est votre score favori ? – Impossible de me décider mais on a tendance à dire que notre dernière production est celle dont nous sommes le plus fier » – « Allez-vous travailler sur d’autres séries ? – Je vais travailler avec mon frère [Rupert Gresgon-Williams] sur la série Hulu, CATCH 22 » – « Sur quel film avez-vous éprouvé le plus de difficultés ? – MAN ON FIRE).
Après une intervention de deux heures, Harry Gregson-Williams a posé avec l’ensemble de la foule (près d’une centaine de personnes) et a signé tout un lot de jaquettes. Le cœur y était même si cela a été assez chronophage !
03/02/2019 : -LEGENDS : RIDLEY SCOTT
Pour ce concert rétrospectif unique, le FILM MUSIC PRAGUE 2019 nous offre l’occasion de voyager à travers la filmographie vertigineuse du cinéaste Ridley Scott ; un vétéran du cinéma hollywoodien au même titre que Steven Spielberg ou Martin Scorsese. Avec 25 longs-métrages à son actif, il fallait procéder à un arbitrage mais là encore, nous pouvons saluer les concepteurs de la set-list qui sont parvenus à placer 11 de ses films en 2h de concert et cela, dans un équilibre parfait ! L’absence de GLADIATOR (musique de Hans Zimmer – 2001) interpelle mais je suis convaincu qu’il sera joué en rappel contrairement à LA CHUTE DU FAUCON NOIR (musique de Hans Zimmer) qui avait été annoncé au programme sur le site.
L’ouverture du concert avec la fanfare originale du festival débouche ensuite sur le thème pompeux de 1492 (musique de Vangelis) avec un chef d’orchestre non pas dénué d’humour et d’enthousiasme qui s’empare du chef d’œuvre de Vangelis. Ce qui s’ensuit se concentre essentiellement sur les collaborations du metteur en scène avec Harry Gregson-Williams, venu spécialement pour l’occasion. Les cordes aériennes de PROMETHEUS (musique co-écrite par Marc Streitenfeld – 2012) retransmettent la dimension crépusculaire de sa musique anxiogène tandis que les chœurs religieux (Vox Pragae Choir) de KINGDOM OF HEAVEN (2006) nimbent l’auditoire d’une aura christique. SEUL SUR MARS (2015), quant à lui, fait enfin intervenir le créateur de ces œuvres sur la scène ; qui se saisit de la baguette de Chuhei Iwasaki pour diriger le Praga sinfonietta. La mélodie de ‘Making Water’ berce autant le public que les images d’étendues de paysages rouges qui défilent sur l’écran géant placé derrière les musiciens. De quoi avoir envie d’entreprendre une randonnée martienne en compagnie de Matt Damon (c’est ironique, bien sûr !).
Malgré la grande anxiété qui l’envahit, Harry Gregson-Williams attrape le micro pour déclarer sa joie d’être à l’honneur de ce FILM MUSIC PRAGUE 2019 ; dans un discours entièrement traduit en tchèque (je n’ai absolument rien compris !). Au grand dam du public, l’ancien protégé de Hans Zimmer déserte le pupitre pour la suite d’EXODUS (musique co-écrite par Alberto Iglesias – 2014). Un arrangement inédit contenant les 3 compositions originales qu’il a spécialement conçu ; en tant que suppléant, pour ce péplum d’action saisissant. En premier lieu, l’orchestre exécute avec frénésie la partition rythmant la bataille des Hittites (‘Hittite Battle’), faisant jaillir de plus belle la grandiloquence de cette séquence projetée en arrière-plan ; le tout dans une synchronisation parfaite ! Un grand moment d’exaltation qui s’adoucie avec ‘The Vows’, un motif associé à la relation entre Moise et Séphora, plus sentimental et sensuel. Enfin, le fracas des cuivres retentit de nouveau dans le Forum Karlin, tandis que la Mer Rouge se rabat sur les troupes de Ramsès. Et s’il s’agit là de la meilleure partie du concert, on regrettera cependant l’absence de l’enivrant ‘Into Water’ (composé par Alberto Iglesias) dans cette suite… C’est déjà l’intermission, de quoi se remettre de ses émotions !
La deuxième partie du concert est moins évocatrice à mon goût, sans doute parce qu’elle s’adresse moins à ma génération. Les références citées sont sûrement plus éloquentes pour les autres mélomanes de la salle, du fait que l’on dépoussière les classiques du début de carrière de Ridley Scott (entre 1977 et 1985). Cela n’enlève en rien la beauté de ces partitions brillamment interprétées par le Praga sinfonietta. Les mélodies virtuelles de BLADE RUNNER (musique de Vangelis – 1982) font une entrée fracassante grâce à la performance exceptionnelle de l’artiste Kebu (surnommé « Le Maître des synthétiseurs ») qui se défoule sur son équipement; de quoi nous faire revivre les courses-poursuites avec Harrison Ford. De retour sur scène, les musiciens s’emparent des partitions de LEGEND (musique de Jerry Goldsmith – 1985), LES DUELLISTES (musique de Howard Blake – 1977) et HANNIBAL (musique de Hans Zimmer et Patrick Cassidy – 2001). Enfin, les cuivres pétaradants du cultissime ALIEN (musique de Jerry Goldsmith – 1979) ; caractéristiques du style de ce légendaire compositeur, font frémir l’ensemble du Forum Karlin. Dans un dernier rappel, le chef d’orchestre Chuhei Iwasaki intègre avec emphase le GLADIATOR de Hans Zimmer (musique co-écrite par Hans Zimmer, Lisa Gerrard et Klaus Badelt- 2000). Une bonne humeur inoxydable règne sur la scène et dans la salle ; identique à celle provoquée par l’écoute du CD. Le majestueux ‘Honor Him’ suivi d’un tonnerre d’applaudissements closent le concert hommage à Ridley Scott.
Vous l’aurez compris, ce LEGENDS : RIDLEY SCOTT est tout ce que l’on peut attendre d’un concert rétrospectif dédié à ce brillant cinéaste. Les performances du Praga sinfonietta ; nettement comparables à celles du City of Prague Philarmonic Orchestra, mêlées à l’excellente acoustique ainsi qu’à cette set-list complète et judicieuse procurent un grand moment de bonheur. On regrettera l’absence quasi-totale des interventions de Harry Gregson-Williams sur scène et au pupitre. Lui qui nous avait fait part de son appréhension vis-à-vis de ce concert lors de sa masterclass au petit matin alors que sa prestation ne se résumait qu’à l’interprétation d’un unique morceau de 4 minutes sur plus de 120 minutes de musiques ! Heureusement, le charisme et l’enthousiasme débordant du chef d’orchestre Chuhei Iwasaki est parvenu à nous redonner le sourire jusqu’à la conclusion du concert.
David-Emmanuel – Le BOvore