Daredevil Born Again: Les Newton Brothers tapent dans le mille !

Daredevil revient déchaîner ses enfers (sur Disney + cette fois) et troque son compositeur John Paesano contre le tandem des Newton Brothers qui, en plus d’avoir parfaitement saisi l’essence du justicier aveugle, apporte un tout nouveau souffle à la série. Pour cette occasion, on a eu envie de vous immerger dans cette œuvre chorale et épique, éditée en deux volumes chez Marvel Music. Et faites-nous confiance : c’est diablement réussi !

C’est bien connu : Disney a la fâcheuse manie de tout vampiriser, accumulant les choix artistiques douteux pour sécuriser la rentabilité au détriment de la qualité. Pourtant, lorsque vint le moment de réintégrer le démon de Hell’s Kitchen dans son Multivers bordélique, la firme s’est heurtée à un constat majeur : son adaptation Netflix a bousculé les codes grâce à son approche plus mature, plus psychologique et surtout plus violente, à tel point que ses fans les plus hardcores seraient prêts à renier le retour du héros s’il venait à subir un énième tour de moulinette Marvel (She-Hulk a déjà causé beaucoup de mal, hélas !). Born Again a donc encaissé bien des coups (reshoots, réécritures) avant de sortir dans la version hybride que nous connaissons, certes imparfaite (défauts de mise en scène, intrigues anecdotiques, erreurs de casting) mais diablement percutante et cohérente par rapport à l’œuvre originelle.

Et, si tout laissait craindre que l’absence du fabuleux John Paesano, architecte musical sous l’ère Netflix, nuise aussi à la qualité de cette quatrième (première ?) saison, force est d’admettre que les Newton Brothers lui apportent un souffle de fraîcheur qui ne manque pas d’originalité ni de complexité. Reconnaissons que la transition est peut-être plus facile à digérer grâce à la resucée de son thème iconique qui prouve, encore une fois, l’essentialité d’une continuité musicale au sein du MCU. Usant de l’orgue et des chœurs à profusion (‘Remorse’, ‘Reflection’, ‘The Devil You Know’, ‘Fear No Evil’, ‘Suffering & Justice’), les Newton Brothers en subliment chaque variation, toutes plus galvanisantes les unes que les autres ; associant Daredevil à une figure biblique ; un symbole de foi et d’humanité, porté par son désir de justice. Étrangement, on a le sentiment que cette dimension sacrée vient renouer avec l’œuvre de Graeme Revell (pour le Daredevil incarné par Ben Affleck, oui oui) qui, bien que déconnectée de l’univers sériel, ciblait elle-aussi son background religieux (écoutez ‘Hell’s Kitchen’ ou la fin de ‘The Necklace’ et vous saurez). Le concept n’est donc pas forcément inédit ni original quand on connait un tant soit peu l’essence du personnage mais il conserve en tout cas sa pertinence avec le sujet, de la même manière que la musique conserve son agressivité avec ses salves percussives à faire pâlir Junkie XL (‘Fear No Evil’) ou son intensité narrative grâce à ses ostinatos inspirés (‘I Love NY’, ‘Femoral Head Midnight’) et cette électronique très présente qui maintient le suspense avec équilibre (‘No Holds Barred’, ‘Muse’).

Pourtant, comme on l’a dit, l’œuvre n’est pas Born(ée) à ce retour aux sources ni à ces citations: au fil de l’écoute, on découvre une partition incroyablement méticuleuse qui révèle son lot de complexité pour mieux nous surprendre; à l’image du morceau d’ouverture, le prémonitoire ‘Brick & Blood’, dont la tension des cordes contrebalance la simplicité de la scène avec brio (le trio d’avocats se rend chez Josie pour boire un verre!); laissant craindre le drame à venir, ou bien le fabuleux ‘Fear No Evil’, bardé de chœurs épiques qui offrent une allure mythologique à la confrontation entre Daredevil et Muse. Stylistiquement, c’est tout simplement fascinant !

Mais là où la musique maîtrise encore plus son sujet, c’est dans sa manière d’illustrer le concept de dualité intérieure – avec d’un côté le thème de Matt Murdock; dont la rythmique héroïque s’oppose à sa volonté de renoncer à ses activités de justicier masqué (‘Main Title’, ‘City Cadence’), et de l’autre celui de Wilson Fisk; dont les chœurs traduisent aussi bien sa rage dissimulée qu’ils ne le persuadent d’être chargé d’une mission divine; celle de ‘sauver New-York’ (‘Fisk’, ‘When and Where’) – mais aussi extérieure, alors même que les deux antagonistes ne s’affrontent jamais physiquement. En ce sens, ‘I Love NY’ apparaît comme l’épicentre de ce nouveau conflit, ici porté à son paroxysme par ce savant mélange de cordes à la fois grandioses et mélancoliques, où le désespoir de Matt Murdock et l’espoir de Wilson Fisk se télescopent à l’annonce de ce dernier en tant que maire de New York. Tout ça pour dire que l’héritage musical de Daredevil est assuré avec maestria !

David-Emmanuel – Le BOvore