De la pop rock mordante et bien pêchue avec Parpaing Papier, ou aussi psychédélique que musclée avec Bilbao Kung-fu… Du jazz électro d’une époustouflante ingéniosité avec Sarrazy Rochelle, ou symphonique et furieusement visuel avec Ola Kvernberg… Du jazz toujours avec le très jeune et déjà confirmé Tom Ibarra qui nous offre un album solaire totalement exaltant, ou avec le Ludovic Ernault Quartet, collectif et inventif en diable au fil d’un enregistrement live qui dévoile leur indéniable talent… Direction ensuite l’Argentine, point de départ d’un long voyage jusqu’aux rivages de la Méditerranée, en compagnie de Cuarteto Tafi… Un album qui va vous mettre les poils dès la première écoute ! Pour conclure ce premier juke box automnal, je vous propose de découvrir trois excellents albums de chanson française : Belfour et Alexandre Delano qui posent sensuellement leurs mots choisis sur une pop rock électro nimbée de douceur et de mystère, et OK Boomer qui nous dévoile un savoureux bouquet d’émotions, entre humour et tendresse, rires et larmes. Bonne écoute à toutes et à tous… Et à très bientôt pour d’autres découvertes !!!
C’est bien connu, tout fout le camp, que ce soit la planète ou les rapports humains. Alors, plutôt que de pleurnicher sur notre triste sort, s’il faut sombrer, sombrons avec panache et élégance en dansant et en chantant à tue-tête avec ces p’tits papiers à l’énergie électrisante et communicative ! Car cette bande de zèbres manie les mots avec un humour noir particulièrement jouissif et libérateur, sur une bande son redoutable d’efficacité, où leur rock pêchu qui lorgne du côté punk, s’apaise par petites touches en une pop soyeuse aux mélodies sucrées de choeurs harmonieux… Un sacré cocktail à déguster sans modération et sans risquer la gueule de bois car il n’y a décidément rien à jeter au fil des douze pistes de cet album revigorant en diable ! Empoisonneurs du samedi soir (« Entrée, plat décès« ) pilotes interstellaires (« Dans ma fusée« ), amoureux fous, éconduits ou pas (« Le choix« , « Marilou » « Mon américaine« ), Les Parpaing Papier (« Dur comme du parpaing, fin comme du papier ») chantent sur les ruines d’une humanité qui finira bien par disparaître (« bon débarras, il faut s’y faire ») en faisant souffler un sacré coup de vent sur le rock hexagonal ! Leur rock ébouriffant nous balance une multitude d’uppercuts en pleine tête et en plein coeur, sans nous mettre KO pour autant… On les attend donc de pied ferme pour un second round ! Qui sait, au printemps prochain, en même temps que les premières jonquilles et le vol des premières hirondelles ? On y croit ! En attendant, foncez vite acheter ce premier album survitaminé qui va vous donner une patate d’enfer !
Croire au printemps / Parpaing Papier / 18 Juin 2021 / 18€
Bilbao Kung-fu… Ce nom intrigant a été déniché par nos lascars après lecture d’un fait divers dénonçant un moine Shaolin de Bilbao qui trucidait ses disciples avant de les enterrer sous son tatami. Et il a été fort bien choisi… Car sous ce patronyme se cache une tuerie de groupe ! Ces enfants du rock, dont la filiation se dispute entre Jean-Louis Aubert et Jim Morrison, distillent avec délectation un savant mélange de rock énergique et de pop psychédélique, pour nous dévoiler, entre cris et chuchotements, un univers musical d’une richesse folle, porté par des textes qui révèlent une belle sensibilité poétique… « Jeu, set et match » et sans tie-break donc pour les Bilbao Kung-fu avec ce premier EP addictif où ils nous embarquent avec une énergie pure au coeur d’une douceur sensuelle jusqu’au chaos ultime ! Alors préparez-vous à décoller avec ces petits princes qui nous invitent à tutoyer les étoiles perdues et à toucher du doigt les arcs-en-ciel irisés, sous une avalanche d’hallucinants riffs de guitare et d’ébouriffants solos de batterie ! Un groupe à suivre de très près !
L’arc-en-ciel / Bilbao Kung-fu / Baltique Musique / 11 Juin 2021 / 7€
Marc Sarrazy et Laurent Rochelle nous dévoilent toute l’ampleur de leur talent mais aussi leur prodigieuse inventivité avec cet album quasi expérimental, composé de reprises de titres de leur répertoire qu’ils ont recomposés en les confrontant à d’autres univers musicaux. Et le travail de ces deux alchimistes, d’une beauté aussi sidérante qu’inquiétante, nous hypnotise littéralement au fil de ce bouquet de « chansons lunatiques » au parfum parfois vénéneux… Jazz et électro fusionnent harmonieusement, se parant d’effets sonores semblant venir d’une autre galaxie, les sons s’enroulant en spirales infinies pour nous aspirer au coeur d’un monde étrange et envoûtant… La poésie s’invite ici où là, entrecoupée de fragments du 7ème art : le rire sardonique de Fantômas côtoie Baudelaire, la voix d’Antoine Volodine nous immerge dans une ambiance post-apocalyptique, Mike Ladd se confie à Malkovitch tandis que Manel Cheniti nous envoûte de son chant profond et clair, tout en légèreté… Une marche funèbre éclairée d’éclats de cuivre précède les rumeurs d’un western à Bollywood, le chant des sirènes nous invite dans une transe dont on ne sort pas indemne… Cet album fascinant, puissant comme une déferlante, nous invite à nous laisser « dériver comme une vague, pour voyager sans but »… Intranquille, entre rêve et cauchemar, cet album est tout simplement époustouflant… Gros coup de coeur !
Cyclotimic songs / Sarrazy Rochelle / Les disques Linoleum / Inouïe distribution / 11 Juin 2021 / 17€
Ola Kvernberg, violoniste et compositeur de jazz, oeuvre également dans la musique de film… Et cela s’entend à tous points de vue au fil des plages de cet album envoûtant où son jazz symphonique, servi par de talentueux musiciens, nous transmet des émotions visuelles à la manière d’une BO épousant à merveille les images qu’elle sert. Une bande son hypnotique et planante qui défile en sept titres qui n’en font qu’un, chacun comportant une multitude de ruptures pour nous dévoiler un univers en subtiles variations : douceur et harmonie laissent place à un jazz électro d’une puissance exaltante, montant crescendo jusqu’à l’apothéose avant de revenir à un climat contemplatif et romantique… Nappée de synthés psychédéliques à la Tangerine Dream, la musique d’Ola Kvernberg, obsédante jusqu’à la transe, nous exalte au cours de cette expérience onirique de haut vol où il nous convie à un voyage au centre de la Terre, dans une vertigineuse descente où l’ivresse des profondeurs nous submerge sous un flot de belles et exaltantes émotions. Sublime, tout simplement sublime…
Steamdome II / Ola Kvernberg / PIAS / Grappa / 11 Juin 2021 / 16€
A l’âge de 22 ans, Tom Ibarra signe avec « Luma » son troisième album : une carrière déjà bien remplie pour ce tout jeune homme qui a tourné dans le monde entier, partagé la scène avec des artistes prestigieux, tels que Marcus Miller ou Didier Lockwood, et raflé au passage de multiples prix, amplement mérités ! Prodige de la guitare et compositeur confirmé, Tom nous offre donc, accompagné de jeunes musiciens à l’indéniable talent, un album solaire où son jazz lumineux et puissant se pare d’éclairs d’électro avec une sacrée belle originalité. Il se dégage une incroyable énergie positive à l’écoute des neuf titres de cet album exaltant… Ses plages mélancoliques d’une douceur extrême se transforment crescendo en montées en puissance jubilatoires, en autant d’hymnes à la joie. Sous les arpèges doux et harmonieux qu’il tisse de ses doigts précis, et sous ses solos de guitare ébouriffants de virtuosité, le piano égrène ses notes romantiques et les cuivres distillent une douce et enveloppante chaleur sous les beats d’un électro jazz qui se fait fusion à l’occasion : un subtil mélange des genres pour un patchwork musical onirique qui se déploie en une multitude d’ambiances en clair-obscur, savamment dosées en un équilibre parfait. La classe à l’état pur… Quelques dates de concerts sont prévues cet automne, alors, si Tom Ibarra et son band se produisent non loin de chez vous, ne passez pas à côté d’un intense moment de plaisir… (dates ici !)
Luma / Tom Ibarra / Modulor Records / Kuroneko / 29 Janvier 2021 / 14€
Le jazz est une affaire de complicité et de virtuosité… Et avec cet album « Live », l’osmose entre Ludovic Ernault et les jeunes musiciens qui l’accompagnent est palpable dès les premières notes, tout comme leur immense talent ! Au fil d’une passionnante et spontanée conversation musicale d’une incroyable vitalité, et avec un sens du jeu d’une rare intelligence, les envolées majestueuses du sax de Ludovic éclairent les capiteuses notes du piano d’Enzo Carniel, les rafales de percussions tout en finesse de Simon Bernier et les cordes discrètes mais omniprésentes de la contrebasse de Florent Nisse, pour nous dévoiler une multitude d’ambiances colorées, tour à tour enveloppantes et feutrées, puissantes et exaltantes, ou vaporeuses et sensuelles. Cet album nous délivre décidément un jazz classieux et inventif, tout en rondeur et chaleur, qui laisse toute place à de fulgurantes improvisations d’une totale liberté. Du jazz qui se la joue collectif et en toute harmonie, comme on l’aime !
Live / Ludovic Ernault Quartet / Freshsound New Talent / 18 Juin 2021 / 14€
Si Cuarteto Tafi est basé sur Toulouse, l’Argentine, pays d’origine de Léonor, fille d’exilés politiques et voix d’or du groupe, fut la terre de rencontre de ces quatre passionnés qui ont donné naissance à ce fabuleux quatuor. Une voix limpide, puissante et douce à la fois, qui chante avec sensibilité et conviction les révoltes et les espoirs des opprimés, sur des rythmes sud-américains métissés des musiques du pourtour méditerranéen, en un ensoleillé mélange des genres. Les rythmes chaloupés ondulent sur des sonorités de cumbia, de flamenco, de rebetiko ou d’harmonies du Maghreb sous les notes du bouzouki de Ludovic, de la guitare flamenca et de l’oud de Frédéric, et des percussions afro latines de Mathieu, qui font naître de leurs doigts d’envoûtantes mélodies, dansantes ou mélancoliques. De nombreux invités ont été conviés pour apporter leur énergie et leur couleur à la palette déjà colorée de cet album lumineux : la fabuleuse Leïla Martial qui a prêté sa voix, Jean-Luc Amestoy ses délicates trilles à l’accordéon, Mathieu Saglio, la suavité de sa contrebasse et Ghislain Rivera tout son savoir-faire pour saupoudrer le tout d’élégantes et dansantes notes électro. Ce sont toutes ces sensibilités et ces talents conjugués qui font la magie de cet album poétique et engagé, qui abolit les frontières et éclaire par sa puissance et sa beauté les ténèbres de notre triste époque… Avec « Amanecer », Cuarteto Tafi nous offre un fabuleux sésame pour un voyage qui « caresse nos sens et nourrit nos âmes » et réussit, par sa profonde humanité, à nous laisser entrevoir un coin de ciel bleu porteur d’espoir… Ces magnifiques artistes étant actuellement en tournée, profitez-en pour vite filer vous réchauffer à leur flamme si vous en avez l’occasion… Car, sans l’ombre d’un doute, leurs concerts ne peuvent que vous procurer de sacrés beaux moments d’émotion !
Amanecer / Cuarteto Tafi / Tierradentro / 19 Mars 2021 / 15,70€
L’une chante et écrit, l’autre compose et joue… Couple à la ville comme à la scène, Lucie et Michaël forment, sous le nom de Belfour, un duo en parfaite osmose… Et qu’il est doux de s’immerger dans leur univers mélancolique où textes et musique coulent de source, intimement liés en toute harmonie… Portés par sa voix envoûtante et sensuelle, les mots de Lucie nous murmurent des histoires tendres et intimes d’amour et d’amitié, et évoquent avec une poésie pure les fragilités et les difficultés à surmonter pour exister aux yeux du monde, « à ouvrir ses ailes quand elles restent collées entre elles, à se débattre pour être celui ou celle que nous ne serons pas »… Des mots « posés sur une plume », celle des soyeux arpèges de Michaël qui, nimbés d’un doux halo électro, nous offrent une pop rock aérienne et voluptueuse. Au fil de ces six titres caressants et hypnotiques, Belfour nous invite à un précieux moment de beauté et de douceur avec autant de sincérité que de profondeur… A découvrir de toute urgence !
Si la rivière coule / Belfour / 4 Juin 2021 / Lien de téléchargement ici !
Après six albums avec son groupe, « The Delano Orchestra » et un premier album solo (« Eau« ), voici le deuxième opus, écrit et chanté en français, de l’éminemment discret Alexandre Delano. Un album à son image, aux atmosphères diaphanes et intimistes, où il dévoile de sa voix fragile et sensuelle toute une palette de sentiments, dessinés en mots poétiques sur les harmonies d’une élégante pop folk électro d’une extrême douceur… Bercés de choeurs féminins, les dix titres feutrés de cet émouvant album « changent la couleur du temps » et « tamisent les poussières » en délicates touches où l’espoir affronte le spleen, et le rêve, la dureté du monde… Minimaliste et tout en nuances, « Ven Ven Ven » se savoure l’oreille attentive pour goûter pleinement les émotions suscitées par ce chercheur d’or : intimiste et épuré, cet album est certainement sa plus belle pépite, ou du moins la plus aboutie…
Ven Ven Ven / Alexandre Delano / Bleu Nuit / Inouïe Distribution / 18 Juin 2021 / 15,70€
OK Boomer : une expression dans l’air du temps utilisée par les jeunes générations pour dénoncer les « baby boomers », dont les comportements irresponsables ont fini par dérégler le climat… Drôle de nom pour un groupe, et casse-tête pour retrouver sur le Net celui qui se cache derrière ce mystérieux patronyme ! Et bien, après moult recherches, j’ai fini par le dénicher… Il s’agit de Jean-Philippe Pisanias, qui a longtemps prêté sa plume à Télérama avant de se lancer dans une carrière d’auteur compositeur interprète. Et si l’on en croit l’évident talent qui se dégage des neuf pistes de cet album, il a choisi la meilleure voie possible pour exprimer sa belle sensibilité ! Sur une pop pétillante et enjouée, déclinée en mélodies qui restent bien en tête, Jean-Philippe nous déroule ses mots poétiques et tendres, pour nous parler d’amour, qu’il soit charnel ou filial, dans un esprit très « carpe diem », teinté d’humour ou de nostalgie. Sept titres entrecoupés de deux intermèdes, le premier vantant les mérites de l’amour libre (par la voix si reconnaissable de Jules-Edouard Moustic), et le second les merveilleuses possibilités du Mellotron (instrument polyphonique très utilisé dans les années 60 et 70) qui donne à certains titres de cet album des couleurs délicieusement « Vintage ». On ne peut que dire « OK t’es bath » à l’écoute de cet album aussi atypique qu’optimiste… Une belle découverte et un artiste à suivre !
OK Boomer / Lien Bandcamp ici !
Christine Le Garrec