Je suis de retour, non pas pour vous jouer un mauvais tour, mais pour vous présenter deux albums qui m’ont mis chacun une claque à chaque joue. Et ils n’y sont pas allés de main morte ! Tandis que je me frotte les joues pour faire partir mes rougeurs, je vous parle du nouvel album d’Architects, mélange de metal et de classique, ainsi que celui de Carpenter Brut, maître de la synthwave.
ARCHITECTS – For Those That Wish To Exist at Abbey Road
De tous les albums que j’ai écoutés, et parmi ceux qui m’ont le plus marqués, For Those That Wish To Exist d’Architects, sorti en février 2021 (chroniqué ici), occupe clairement une place de choix. Son aura de bande-originale de fin du monde, sublimée par la fusion entre le metal et les notes symphoniques, m’a vraiment touché en plein cœur et énormément inspiré. Mais à force de saigner cet album depuis sa sortie, un rêve a commencé peu à peu à émerger : si seulement Architects pouvait faire une version de cet album accompagné par un orchestre… Mon rêve vient d’être exaucé et c’est aussi beau que je l’imaginais, voir mieux par instants.
Connaissant tous les morceaux sur le bout des doigts, j’avais hâte, à l’annonce de cette session d’enregistrement au studio Abbey Road, de voir ce qu’allait donner les nouvelles versions des morceaux que je chéris tant. Do You Dream Of Armageddon?, An Ordinary Extinction, Little Wonder ou encore Impermanence pour ne citer qu’eux. Ces morceaux déjà magnifiques à mes yeux (et oreilles) allaient avoir un nouveau souffle. Et donc ? Nouvelle version réussie ou pétard mouillé ?
Si il y a bien une fusion de genre musicaux que j’adore par dessus tout, c’est bien celle mêlant metal et musique classique. Et le travail mené par le chef d’orchestre, les musiciens, le groupe et toutes les personnes derrière ce projet viennent juste de synthétiser en un album tout ce que j’aime et rêvais tant depuis un an.
For Those That Wish To Exist at Abbey Road apporte davantage de contrastes, là où l’album original proposait quelque chose de plus sombre, teinté d’éclaircies grâce aux petites touches symphoniques. Ici, on assiste à une dualité permanente entre ombres et lumières. La rage de la musique d’Architects est rejointe par le souffle grandiloquent de l’orchestre tout au long de l’album.
L’album commence bien sûr avec Do You Dream Of Armageddon? (celui ci je l’attendais énormément) et fait le choix de ne laisser place qu’à l’orchestre. Le morceau gagne en puissance et en lumière et fait office de la meilleure intro possible pour la suite annonçant un voyage épique.
Lorsque Black Lungs retentit c’est la grosse claque, la fusion des deux genres est impeccable. La batterie d’Architects martèle le rythme effréné du morceau, tandis que les guitares résonnent et qu’une myriade d’instruments se joignent à elles pour faire monter la puissance jusqu’au refrain. Chaque parole est ponctuée par l’orchestre et le tout gagne en puissance et en beauté avec les harmonies menées par les instruments à cordes. Les tambours viendront même apporter un plus à l’aspect fataliste à la fin du morceau pour mieux faire revenir l’espoir sur le dernier acte.
Giving Blood était déjà un morceau que j’aimais beaucoup mais c’est sans doute celui qui m’a le plus impressionné sur cette nouvelle version de l’album. Comme dit plus tôt, les morceaux sont constamment en train d’osciller entre ombres et lumières, et Giving Blood en est le parfait exemple. Le riff frénétique des guitares du refrain est accompagné par les violons et les trompettes dans une charge héroïque qui mène peu à peu au point culminant du morceau. Le calme revient, la voix de Sam n’est d’abord accompagnée que d’un instrument à cordes (violoncelle je dirais), avant d’être rejointe par des notes cristallines et des violons. Le crescendo opère peu à peu, tout en subtilité jusqu’à l’explosion symphonique uniquement accompagnée de la batterie du groupe et de la voix de Sam. Le morceau s’achève dans une apothéose magistrale sublimée par les cuivres.
Dans Discosure is Dead l’orchestre prend le contre pied et amène cette fois plus de noirceur au morceau. Toujours aussi massif et puissant, ce titre est encore plus beau. L’orchestre se fait plus discret sur les couplets pour mieux ressurgir sur les refrains dans une explosion splendide et dramatique. L’un des membres du groupe rejoint Sam sur le refrain pour faire écho aux paroles, un ajout qui participe à la nouvelle puissance du titre.
Dead Butterflies est sûrement l’un des moins dépaysant puisque le morceau d’origine était déjà beaucoup accompagné par des touches symphoniques. Cette nouvelle version gagne tout de même en puissance avec l’ajout d’arrangements qui n’étaient pas présents dans sa version d’origine.
Alors celui ci je l’attendais avec impatience et je peux vous dire que je ne suis pas déçu. An Ordinary Extinction était déjà chargé d’une aura épique, mais alors là tous les potards sont à fond. Son intro angoissante toute en violons, puis l’arrivée de la batterie et des guitares, le riff de guitare héroïque des couplets qui revient sur le refrain. Et ce refrain… La symbiose entre le groupe et l’orchestre est incroyable. Les instruments classiques nous livrent une charge homérique avec une touche d’héroïsme porté par les cuivres tandis que résonne en arrière plan le riff de guitare bien badass. On se croit porté sur un champ de bataille…
Impermanence était sans doute le morceau le plus puissant de l’album, et il l’est toujours ici. Là où la version originale était davantage sombre et laissait entrevoir un léger crescendo lumineux, ici l’orchestre ajoute justement un contraste permanent, donnant une petite touche héroïque aux refrains. C’est typiquement le titre qui montre à quel point l’alchimie entre l’orchestre et le groupe est réussie.
Flight Without Feathers est le titre qui m’avait le moins marqué, à tel point que je le saute régulièrement lorsque j’écoute l’album original. Cette nouvelle version lui apporte à mon sens un nouveau souffle qui le rend plus intéressant et complet. Il s’agit d’un titre dont la majeure partie ne contient que l’orchestre et la voix de Sam.
Little Wonder était surprenant dans l’album d’origine. En duo avec le chanteur de Royal Blood, ce titre possède un super groove et apporte une touche dansante insoupçonnée dans l’album. Et cette version orchestrale surprend tant elle arrive à conserver tout ça. Little Wonder fait partie des claques de ce nouvel album.
C’était le tout premier titre dévoilé à l’annonce de For Those That Wish To Exist, et c’est le titre que j’ai le plus écouté. Je me demandais comment ils allaient me surprendre sur Animals. Surtout que ce titre avait déjà été réenregistré avec un petit orchestre bien avant que Architects annonce ce nouvel album. Une version que j’avais trouvé quelque peu décevante. Mais là… Animals joué à Abbey Road est une pure dinguerie. L’orchestre reste discret et subtil sur les couplets pour venir rendre plus puissant les refrains, notamment avec ses notes de trompettes qui accompagnent la voix de Sam et qui apportent un souffle héroïque au morceau.
Après ce titre sur l’album d’origine, je trouve la suite moins impactante, et j’ai donc moins d’affect pour ces titres qui restent cependant très bons. Libertine gagne énormément en lumière et en beauté avec l’orchestre. Les arrangements lui donnent un aspect grandiose. Pour Goliath, Demi-God et Meteor je n’ai pas grand chose à ajouter, l’alchimie entre classique et metal fonctionne à merveille, avec un petit plus pour Goliath et son final massif tout en scream qui amène sur un petit moment de calme comblé par de légères notes de cuivres.
L’album finit en beauté avec le magnifique Dying Is Absolutely Safe, qui est ici enjolivé par les belles harmonies des violons. Le final de ce morceau s’achève de manière plus douce et élégante que son original, et vient clôturer avec brio cet album.
For Those That Wish To Exist at Abbey Road est clairement une réussite. Loin d’une simple réédition, cet album propose une vraie nouvelle vision des morceaux d’origine. Pas question ici de savoir lequel des deux est le meilleur, ils le sont tout autant. Ce sont en quelque sorte les deux faces d’une même pièce. L’original initiait quelque chose là où le live à Abbey Road vient le compléter, et les deux albums deviennent meilleurs grâce à l’existence de l’autre. Il est tellement plaisant d’entendre les morceaux originaux magnifiés par l’orchestre, et il est tout aussi plaisant après plusieurs écoutes de retourner sur l’original et de redécouvrir les titres qui paraissent plus bruts.
Architects marque sans aucun doute un tournant dans sa carrière avec ces deux albums et on ne peut désormais que rêver de voir ce At Abbey Road en live désormais. En attendant je vous conseille de foncer l’écouter !
For Those That Wish To Exist at Abbey Road est disponible en CD / Vinyle, digital ainsi que sur les plateformes de streaming
CARPENTER BRUT – Leather Terror
Le retour tant attendu d’un des maîtres de la synthwave ! S’il y a bien un artiste qui me manquait terriblement dans le paysage musical, c’était bien Carpenter Brut. L’artiste français nous avait laissé en 2018 avec une tournée de show incroyable pour la sortie de son Leather Teeth (chroniqué ici), premier album studio et première pièce d’une trilogie musicale. Les fans du bonhomme avaient pu apprécier sa musique lors de la sortie de Blood Machines, moyen métrage du duo Seth Ickerman, inspiré par leur collaboration sur le clip de Turbo Killer. Toujours est-il que Carpenter Brut s’est fait très très discret depuis 2018 mais qu’avec Leather Terror, il marque son retour en force !
Ce nouvel opus vient poursuivre la trilogie initiée en 2018, nous contant l’histoire de Bret Halford, un étudiant en sciences introverti, amoureux d’une des cheerleader de son lycée. Mais Bret n’est visiblement pas aussi intéressant que le quarterback vedette de l’établissement. Furieux, Bret tente d’utiliser ses connaissances en sciences pour concocter un breuvage qui lui donnera le contrôle sur les autres. Mais les choses ne se passent pas comme prévu et le voici défiguré. C’est ainsi que son parcours de rock star en tant que Leather Teeth, chanteur de Leather Patrol commence et se poursuit avec sauvagerie dans ce Leather Terror.
Vous l’aurez compris, c’est dans cet univers rétro qui sent bon les films d’horreur des 80’ que cet album prend place. Ce kitsch assumé et parfaitement maîtrisé nous renvoie dans des petites banlieues ensoleillées, non loin des routes bordées de palmiers où l’on voit le soleil se coucher derrière l’océan. Mais la musique de Carpenter Brut n’est pas toute rose, et ses ambiances paradisiaques sont souvent troublées par des scènes morbides et ici c’est notre héros, Leather Teeth qui prend des allures de sérial killer vengeur.
L’album démarre en force, avec un son massif qui nous annonce la couleur. Comme son prédécesseur cet opus est pensé comme la bande originale d’un film où Leather Teeth est le protagoniste principal. Et à travers les sonorités imposantes de Opening Titles, on a peu de mal à s’imaginer notre serial killer plongé dans une une semi obscurité, se préparant à se venger des gens qui l’ont humilié au lycée avant de se lancer dans cette quête sordide, sur le puissant et effréné Straight Outta Hell. Dans cet opus, pas la peine de chercher de guitares, Carpenter Brut les as enlevées au profit de synthés enragés et d’une batterie surpuissante rappelant les rythmiques de death metal. On retrouvera même une petite touche de mystique avec des cœurs désincarnés qui se perdent dans toute cette superbe cacophonie et rappelle certaines petites vibes de ses premiers EP.
Lorsque Leather Teeth monte sur scène sur The Widow Maker, on embarque dans un morceau oscillant entre la noirceur de son histoire et une vibe dansante bien rétro. Si les guitares sont absentes de cet album, on notera la présence de plusieurs featurings qui viennent apporter une touche chantante moins présente habituellement chez Carpenter. Ici c’est Alex Westaway qui apporte cette touche et vient donner un côté addictif et entêtant à ce morceau tout en puissance, dévoilé il y a quelques jours accompagné d’un superbe clip qui nous plonge dans l’histoire de Leather Teeth.
Les fans impatients comme moi auront sûrement écouté le morceau suivant à s’en faire saigner les oreilles et exploser les cervicales. Imaginary Fire fut le premier morceau dévoilé, et il annoncé du très très bon. Accompagné de Greg Puciato au chant, ce titre a tout ce qu’il faut pour faire un tube. Le chant entêtant, les sonorités ensoleillées qui côtoient les synthés plus sombres et enragés et la montée en puissance du titre.
L’ambiance redescend un peu et reprend son souffle avec …Good Night, Good Bye. Un titre étonnamment calme, accompagné par la voix d’Ulver qui survole les délicates notes de piano. Une belle surprise qui vient préparer le terrain pour le deuxième acte si l’on peut dire.
Ce qui suit est absolument incroyable… L’enchaînement Day Stalker et Night Prowler nous renvoie directement sur la macabre histoire de Leather Teeth et on ne peut s’empêcher de fantasmer le moment où ces deux titres, qui ne semblent faire qu’un, vont résonner dans les salles de concerts. Day Stalker est un condensé de tout ce que sait faire Carpenter. Un son rétro, des synthés parfaitement ajustés, une montée en puissance où fourmille tout un tas de petits sons parfaitement millimétrés, le tout dans une ambiance sombre qui donne une furieuse envie de danser et de se déchaîner. Et lorsque le sommet est atteint, Carpenter fait redescendre le tout pour mieux le faire remonter en puissance dans Night Prowler, où il dissémine des sonorités angoissantes façon Psychose de Hitchcock, tout en faisant revenir le leitmotiv de Day Stalker. Un vrai régal.
Après les obscures et macabres sonorités dansantes de ces deux incroyables titres, l’artiste nous prend complètement au dépourvu avec Lipstick Masquerade. Si l’on sent la vibe 80′ dans l’univers Carpenter Brut, là je peux vous dire qu’on est dedans à 200%. Je vous parlais de tube avec Imaginary Fire, ici on en tient clairement un autre. Porté par la voix de Persha, ce titre nous plonge dans une ambiance chaleureuse qui sent bon les néons roses et les scènes de fitness des films des 80’. Pulsé par la puissance des percus, on se retrouve avec un son typique à l’ancienne mais dopé au rock/metal. Pas de doute que celui-ci viendra enflammer les salles comme Beware the Beast et Maniac le faisaient avant lui. Une superbe surprise pour ma part.
Cette atmosphère chaleureuse n’aura duré qu’un titre, puisqu’avec Color Me Blood, on se retrouve à nouveau dans cette ambiance de slasher. Survitaminé, nerveux, brute et sombre, voilà à quoi ressemble ce morceau terriblement entraînant.
Carpenter soigne aussi bien ses entrées que ses finals. La pression accumulée avec le morceau précédant redescend avec l’hypnotique et mystique Stabat Mater et la sublime voix de Sylvaine qui l’accompagne sur ce titre, nous amène peu à peu vers un final apocalyptique qui n’est pas s’en rappeler quelque peu celui de Trilogy.
Paradisi Gloria nous porte avec sa montée épique et ses chœurs pour laisser place au final avec Leather Terror qui vient clôturer le macabre périple de notre héros avec une belle sauvagerie, mêlant la synthwave avec le death metal. Un morceau tout en puissance porté par une aura mystique et la voix tonitruante de Jonka du groupe Tribulation.
Après avoir fait danser avec ces 3 EPS réunis sous le nom de Trilogy, après le succès de Leather Teeth, puis un passage du côté de la bande-originale de Blood Machines, Carpenter Brut vient à nouveau nous montrer qu’il fait définitivement et incontestablement partie des plus incontournables du mouvement synthwave. Avec Leather Terror, il insuffle un nouveau souffle dans sa musique tout en gardant sa patte. Plus massif, plus sauvage mais toujours aussi dansant, ce nouvel album est peut-être le plus abouti et complet de Carpenter, une vraie pépite, un condensé de tubes. Il ne reste plus qu’à patienter pour le voir en concert. Et pour l’avoir déjà vu plusieurs fois, je peux vous dire que ça va dépoter !
Leather Terror sort le 1er Avril en CD / Vinyle chez No Quarter Prod / Virgin Records, et sur toutes les plateformes de streaming.
Alexandre Vergne