Dans cette nouvelle rubrique consacrée à toutes les formes d’art, je vous présente aujourd’hui quatre biographies où musique et cinéma sont à l’honneur à travers quelques-uns de leurs plus illustres serviteurs ! Trois ont été écrites par des passionnés qui connaissent leur sujet sur le bout de leurs doigts et on peut en dire tout autant de la quatrième, puisqu’il s’agit d’une autobiographie ! Vous allez donc pouvoir découvrir ou revisiter sous d’autres angles ces personnalités légendaires et prestigieuses que sont Woody Allen, Bob Dylan et Léo ferré, et voir d’un autre œil Moby qui, jusque-là était davantage connu pour son univers musical… A lire, écouter, regarder !
Léo ferré est décédé un 14 juillet… Ultime clin d’œil du poète anarchiste de quitter ce bas-monde le jour où les défilés miliaires accompagnés de musiques et d’hymnes guerriers retentissent un peu partout dans l’hexagone… Ce funeste jour de 1993, Robert Belleret a été sollicité par le journal « le monde » pour rédiger la nécrologie de cet homme qu’il admirait tant, dont il avait été l’ami… Cet exercice lui a paru tellement superficiel, il y avait tant et tant à dire sur Léo, sur l’homme et sur l’artiste, qu’il a décidé ce soir-là de lui rendre l’hommage qu’il méritait en lui consacrant un livre. Et il n’a pas ménagé sa peine, à l’aune de sa tendresse et de son admiration pour Ferré… Sa biographie, particulièrement exhaustive (un énorme pavé de près de 800 pages…) est devenue LA référence sur Ferré et elle en est à ce jour à sa quatrième réédition… De la naissance de Léo à Monaco à sa mort en Toscane, il nous « repasse le film en intégrale et en VO » de cette exceptionnelle vie d’artiste faite de talents multiples, de sincérité et d’humanité… Je ne vais pas vous raconter « mon » Léo, car on a tous le nôtre, bien au chaud dans notre mémoire et dans notre cœur … Celui qui nous a émus, nous a incités à réfléchir, à nous révolter… « Avec le temps », « graine d’ananar », « les anarchistes », « Jolie môme »… L’héritage de Léo est intemporel, il nous a accompagnés durant toute notre vie et comme tous les immenses artistes, il sera toujours notre compagnon… Je vous laisse entre de bonnes mains, celles de Robert Belleret : il a su donner à Ferré sa juste dimension… Un livre à lire et relire, à avoir en bonne place dans sa bibliothèque ! Pour info, la bibliothèque de Beaune propose jusqu’au 29 octobre prochain une exposition consacrée à Ferré, intitulée « 100 ans… Léo, tu t’rappelles ? ». Si vous habitez dans le coin ou si vos pas vous y mènent…
Léo Ferré une vie d’artiste de Robert Belleret, Actes Sud, 2016 /26€
Depuis la toute première fois qu’il a entendu sur les ondes de “Salut les copains” la voix au timbre si particulier de Bob Dylan, Jean-Dominique Brierre s’est pris d’une passion sans bornes pour cet artiste encore méconnu de tous, dont le talent n’avait pas encore traversé l’Atlantique… Encore lycéen, il s’est mis sérieusement à potasser ses cours d’anglais pour comprendre les textes du folk-singer et a même appris à jouer de la guitare pour pouvoir chanter les chansons de son idole. Tout ça pour en arriver au fait que Brierre est tombé dans le Dylan tout petit et que ce dernier tient une place de choix dans son Panthéon personnel ! Pas étonnant donc que cette biographie ne ressemble pas aux traditionnelles bios d’artistes qui font florès sur les étalages des librairies… Si Brierre y a mis toute sa tendresse et son admiration pour le personnage (sans occulter pour autant les défauts de Mister Zimmermann…), il a également fait un faramineux travail de recherche pour rédiger ce livre. Plutôt que de nous dévoiler “son” Dylan, il a pris le parti de laisser ce dernier s’exprimer par lui-même à travers les multiples interviews qu’il a accordées durant sa longue carrière ou à travers ses propres écrits : ce qui donne le sentiment de passer un moment privilégié, en conversation privée dans l’intimité de Dylan… Artiste prolifique (Plus de 500 chansons…), chanteur folk engagé, rock-star au caractère parfois imbuvable, bon père de famille, poète, musicien, peintre, écrivain, la liste est longue des talents de Dylan, de ses coups de gueule, de son attitude parfois (souvent) détestable face à un public qui pourtant le vénère… Il a tout fait, cet homme, et toujours avec classe et exigence, alors on lui pardonne de n’en faire qu’à sa tête… Libre, révolté, fervent croyant en Jésus, misanthrope mais capable d’empathie devant la pauvreté et la misère, Dylan est tout cela à la fois, Insaisissable, on ne sait jamais trop où le trouver… Grâce à Jean-Dominique Brierre, vous y verrez plus clair !
Bob Dylan, poète de sa vie de Jean-Dominique Brierre, L’Archipel, 2016/ 22€
Quand on compte dans ses ancêtres Herman Melville, ce serait tout de même un comble de faire écrire sa biographie par un “nègre”! Cela dit, le talent n’est pas forcément héréditaire et cela doit être quelque peu terrorisant de prêter le flanc à toute forme de comparaison… Moby s’est tout de même lancé tout seul comme un grand et le résultat ne lui donne pas lieu à rougir de honte, bien au contraire ! Son écriture teintée d’humour et foncièrement honnête se révèle d’une lecture fort plaisante. Dans « Porcelain », il retrace une décennie, celle des années 90 où il a connu moult galères et commis de nombreux excès, fait de belles rencontres aussi (Bowie, Buckley…) dans le New-York underground qui n’était pas encore le nid de bobos friqués qu’il est devenu… Underground et culturellement riche, certes, mais assez mal famé et dangereux, il faut tout de même le souligner… Il y a bien galéré, habitant des squats insalubres et jouant sa musique où il le pouvait jusqu’à son album « Play » qui lui apporta une consécration bien méritée. Cet artiste multi instrumentiste a tâté de tous les genres, pas toujours compris par son public, passant du rock au punk, à l’électro bien sûr et même à des thèmes planants amenant à la méditation et à la relaxation (Vous pouvez d’ailleurs télécharger gratuitement sur son site « Long ambients 1 : calm sleep, quatre heures d’enregistrement pour vous relaxer !). Il exerce également avec talent le métier de photographe (d’architecture et d’urbanisme). Aujourd’hui, à cinquante ans, la gloire ne l’intéresse plus, il ne veut plus faire de tournées et préfère la solitude d’une randonnée à un bain de foule… Végétarien et grand défenseur de la cause animale, grand lecteur de la bible, Moby est vraiment un type des plus recommandables autant sur le plan artistique qu’humain… Pour voir le « vrai » Moby en plus de l’écouter, ce « Porcelain » vous apportera bien du plaisir !
Porcelain de Moby, Seuil, 2016 / 22€
Amoureux du cinéma de Woody Allen, passé ou présent, vous allez vous régaler avec le livre qu’Ava Cahen, fan absolue du bigleux à bob a concocté pour vous ! Elle connait bien son sujet la dame, et nous fait en quelque sorte le bilan de la vie du réalisateur nonagénaire et New-Yorkais, en n’omettant aucun épisode de sa vie, qu’elle soit privée ou publique. Il faut dire que dans le cinéma de Woody Allen, les deux sont fortement liés… Si le rire est le propre de l’homme, l’humour ironique est celui de Woody, sans conteste ! Un humour désespéré et pessimiste où la psychanalyse et la philosophie sont omniprésentes, mais aussi l’absurde et le féérique. A quatre-vingt ans révolus, cet homme, véritable bourreau de travail (pas moins de quarante films à son actif …), se distingue par les thèmes récurrents qu’il aborde tels que la vacuité de l’existence, la mort, le sexe, ou encore la négation de Dieu… La musique pour ce fou de jazz new-Orléans tient également une place de choix dans son univers (il joue de la clarinette et se produit dans les clubs de jazz New-Yorkais… Ah ! Que j’aimerai assister au moins une fois à une de ses prestations !). C’est avec beaucoup d’enthousiasme et de ferveur qu’Ava Cahen nous décortique la filmographie exceptionnelle de ce génie du septième art, en saupoudrant ici et là quelques-unes de ses citations aussi absurdes que savoureuses. Étant moi-même une grande admiratrice de Woody Allen, j’ai pris beaucoup de plaisir à lire cet ouvrage, même si, pour ma part, les meilleurs de ses films sont derrière lui … J’avais adoré les univers de ses premiers films comme « Annie Hall », « Manhattan », « Guerre et amour » (que je revois régulièrement et toujours avec le même plaisir !) pour ne citer qu’eux. Car la liste est longue ! Mais j’avoue être déçue par ses dernières réalisations, trop attendues, où les thèmes tournent un peu en rond et où je ne retrouve pas le piquant de ses premiers films…Mais bon, quand on a réalisé autant de chef-d ‘œuvres, il doit être difficile de se renouveler… Une chose est sûre, Woody Allen est et restera pour la postérité un immense auteur et un des plus grands réalisateurs du 20éme siècle !
Woody Allen: profession cynique d’Ava Cahen, L’Archipel, 2015 / 18,95€
Christine Le Garrec