• zinzinule,, je te suis • 14 •

Et pour bien commencer l’année, voici les deux livres qui m’ont le plus marquée ces temps-ci.

Bonnes lectures ! ✦

Les Veilleurs – Cinq vigies, autour des frontières

Les cinq oiseaux de la couverture font écho aux cinq voix recueillies par la journaliste Taina Tervonen et évoquent simultanément les migrations intercontinentales, les voyages de celles et ceux qui bravent les eaux.

Dans la continuité de ses enquêtes sur l’exil et les disparus, Taina Tervonen ancre son livre auprès des vies englouties par la frontière, par l’océan, entre l’Afrique et l’Europe. 

Elle a rencontré Marie Dupont, Saliou, Hervé, Maria et Marie Cosnay. Les Veilleurs. Simplement muni.e.s de leurs téléphones portables et des réseaux sociaux, œuvrant depuis leurs domiciles, ces hommes et ces femmes forment un réseau informel qui surveille les bateaux, tente de sauver des vies et d’archiver les destins de celles et ceux dont on perd la trace. 

A l’origine de leur engagement, il y a souvent une rencontre, la prise de conscience du double drame de la mort évitable et du deuil si difficile à faire lorsque l’être aimé est disparu. 

Ce que ce livre raconte, c’est “qu’il n’y a pas deux mondes”, il n’y en a qu’un, en partage. Les naufrages au large des côtes européennes, la détresse sur l’eau et la souffrance des familles sont les conséquences directes de politiques migratoires de plus en plus restrictives, appliquées en notre nom.

Ce livre nous parle des vivants, nous aide à comprendre le choix si risqué de nombreux.ses migrant.e.s et l’irréductibilité du droit à la mobilité. Il donne à lire une réalité tangible, différente de la fatalité médiatique.

Ce livre nous parle aussi des morts, du respect qui leur est dû.

A travers la paroles des Veilleurs, souvent messagers des naufrages auprès des familles cherchant leurs proches, on saisit l’empathie et la délicatesse nécessaires pour faire le lien entre vivants et morts, entre celles et ceux qui restent et les corps qu’on ne retrouve pas. Pour permettre le deuil.

Ce livre est important. Pour vous et moi, pour qui passer une frontière n’est pas synonyme de peur ou de mort, pour qui la mer et l’océan ne représentent pas la perte de visages aimés. Il nous ouvre les yeux et participe à sauver de l’indifférence les morts des frontières.

Les Veilleurs, Cinq vigies autour des frontières, par Taina Tervonenéditions Marchialy, 2025/ 20€

Aliène

Comme son titre l’évoque, ce livre est différent. D’abord par son écriture rare, émancipée des codes, qui joue à nous désorienter en passant du songe à l’emprise crue des sens, du présent aux souvenirs. Différent aussi par la force avec laquelle il aborde les thèmes de la détresse, de la violence et de la domination (des femmes, des mouvements résistants, des animaux).

On y suit Fauvel,une jeune femme ayant perdu un oeil lors d’une manifestation. Une amie lui propose de garder Hannah, la chienne de son père, dans une campagne mal desservie. Histoire de se mettre au vert. Mais Hannah n’est pas une chienne comme les autres ; c’est un clone, tout en muscles, et dont le village se méfie. 

Rapidement, le récit prend la tournure d’une enquête, avec la peur comme boussole. 

Des massacres d’animaux ont lieu la nuit, et il y a aussi ces étranges témoignages d’enlèvements par des extraterrestres, dont les victimes semblent liées à l’usine d’eau minérale du coin.

Fauvel, traquée par ses propres traumatismes (ou serait-ce par cette obscure campagne), se met en quête de réponses. 

Un superbe roman sur l’instinct et l’animalité, sur les forces vivantes qui nous lient au monde. Envoûtant. 

Aliène, par Phoebe Hadjimarkos Clarkeéditions du Sous-sol, 2024/ 19,50€

Nush