Au programme de cette série de chroniques, je vous propose : les dessins de Tignous sur le thème de « L’écojolie », éternelle oubliée de la plupart des programmes des politiques… Une mise en lumière sur la photographie à travers deux superbes ouvrages sur l’agence Magnum et Brassaï… D’arpenter les ruelles de Montmartre en remontant le temps, à la rencontre des artistes qui ont fait de ce village le symbole de la vie de bohème … Une histoire insolite et passionnante de la médecine… Un dictionnaire truculent et fleuri des mots régionaux… Et pour terminer sur des chapeaux de roues, un panorama sur les voitures des années 1950 à 1970, avant que ces dernières ne soient dessinées par ordinateur … Bonnes lectures à toutes et à tous !
L’écologie était un sujet sensible pour Tignous … Il s’est d’ailleurs impliqué dans bon nombre d’actions sur la défense de l’environnement, prêtant sa plume pour des causes qui lui tenaient à cœur. Rédacteur en chef de la gazette du festival du vent de Calvi (dont la dernière édition a eu lieu en 2014 après vingt-deux ans d’existence), il a crée les affiches des campagnes « Halte aux sacs plastiques » et « Jette pas ton mégot, deviens un héros » et s’est intéressé à l’association NégaWatt qui réfléchit activement sur la transition énergétique… A l’heure où l’on piétine encore et toujours sur les questions environnementales, dont les politiques semblent se moquer comme de leur première mise en examen, les dessins de Tignous, d’un humour noir comme une nappe de pétrole en pleine mer, sont décidément toujours d’utilité publique … Quand comprendra-t-on vraiment que ce n’est pas une affaire de bobos ou de charlatans prédicateurs du pire, mais une nécessité absolue de se pencher sérieusement sur l’avenir de notre planète et de ceux qui l’habiteront après nous ? Hélas, nous ne semblons pas prendre le chemin de la sagesse et de la raison… La préface de ce superbe album où figurent pas moins de cent cinquante de ses dessins sur le thème du saccage de notre planète est signée par son ami, Serge Orru, créateur du « Festiventu » qui rend un bel hommage à ce « chevalier du vent » que fut Tignous…
Ecojolie de Tignous, Le Chêne, 2017 / 14,90€
Créé en 1947, simultanément à Paris et à New-York, Magnum rassemble les plus grands noms du photo-reportage, dont Capa et Cartier-Bresson sont les plus connus du grand public. En quoi cette agence se distingue- t-elle des autres ? Par la prise de position de ses membres qui ont professionnalisé le métier, le choix des sujets traités et surtout leur désir d’indépendance ! Grâce à Magnum, les photographes sont désormais propriétaires de leurs images, protégées par les droits d’auteur … Une révolution ! Ils sont aujourd’hui une petite centaine à faire perdurer la légende de ce rêve collectif dont le but est de « tisser une vision commune à partir de regards singuliers »… Si la formule est jolie, elle est également le reflet de la philosophie de ces femmes et de ces hommes, témoins de leur époque qui ont su évoluer tout en conservant un esprit engagé, prenant fait et cause pour les minorités et jouant un rôle politique (et subjectif) dans le tourbillon de l’histoire, notamment dans la période de la décolonisation… Ils nous interpellent, à travers leur vocation solidement chevillée à l’âme, sur l’art d’être photographe … Mais ne rentre pas qui veut dans la « coopérative » Magnum ! Il faut montrer patte blanche pendant au moins quatre ans et faire ses preuves avant d’en devenir membre à part entière ! Clara Bouveresse a fait un fabuleux travail de fourmi studieuse sur ces archives qu’elle nous restitue avec une passion contagieuse, analysées d’un esprit critique aiguisé, dans leur contexte d’origine. A travers son histoire, elle nous balade dans les coulisses de ce mythe toujours bien vivant, dans une passionnante visite guidée du huitième art. Chapeau bas !
Histoire de l’agence Magnum de Clara Bouveresse, Flammarion, 2017 / 35€
Brassaï était un grand amoureux de Paris qu’il a immortalisé de jour comme de nuit dans un noir et blanc lumineux… On retrouve dans cet ouvrage en format poche (à tout petit prix !) cent-vingt photos, prises pour la plupart d’entre elles au cours des années 30, de cet artiste qui a su capter l’air du temps avec son incroyable regard… Monuments et quartiers (mais aussi graffitis qui ont fait l’objet l’an dernier d’une exposition au centre Pompidou et d’un catalogue, toujours chez Flammarion), brouillards et reflets apparaissent, sous l’œil de Brassaï, irréels et mystérieux… Mais ce sont surtout ses portraits, graves ou empreints de malice, qui reflètent au plus près l’humanité de Brassaï. Captés au cœur de la vie quotidienne, ses clichés, témoins d’une époque révolue, ont une véritable valeur du point de vue sociologique, en plus, bien évidemment, de leur qualité artistique… Brassaï nous a légué sa vision d’un monde tour à tour tendre et poétique, dur et sauvage, par ces précieux et nostalgiques instantanés du temps passé… Superbe et émouvant …
Paris Brassaï, Flammarion, 2017 / 9,90€
Pour les amoureux de ce quartier pittoresque de Paris, cet essai est vraiment incontournable: toute la petite et grande histoire de Montmartre y est relatée de fond en comble ! Cette commune libre, rattachée à Paris en 1860 (avec pour premier maire Georges Clémenceau) fut un lieu stratégique pendant la Commune, où l’on entonnait « Le temps des cerises » à l’Élysée Montmartre… Avant que ce vieux village soit investi par les artistes, il fut avant tout un quartier populaire et ouvrier où l’on exploitait les carrières de plâtre et où les moulins étaient en activité. Mais Montmartre est avant tout connu pour ses ateliers d’artistes et par les nombreuses célébrités du monde artistique qui y ont vécu leur vie de bohème : Berlioz, Delacroix, Braque, Apollinaire, Aristide Bruant, Toulouse Lautrec, Renoir… La liste est bien trop longue pour les citer tous ! Les cabarets y fleurissaient comme le lilas au printemps : « Le chat noir », investi par des sociétés constituées de poètes, peintres, musiciens et chansonniers aux noms évocateurs : « les hydropathes », « les anciens hirsutes », » les incohérents » … Le café de « La nouvelle Athènes », lieu de rendez-vous des Impressionnistes… « Le lapin agile », le bal annuel des « Quat’z’arts » et ses défilés costumés en fanfare chantés par Brassens… Le moulin de la Galette immortalisé par Renoir … Le Bateau-lavoir où Picasso peignit « Les demoiselles d’Avignon » accueillit bon nombre d’artistes dont certains vendaient leurs toiles aux brocanteurs pour une bouchée de pain afin de payer leur loyer…Aujourd’hui, Montmartre est devenu un quartier « sélect »réservé aux plus aisés et un des lieux les plus visités de la capitale par les touristes… La place du Tertre est envahie par pas moins de trois cents dessinateurs plus ou moins doués, successeurs de Francisque Poulbot qui immortalisa les gamins de Paris… Ses ruelles ont néanmoins conservé un doux parfum d’authenticité, hantées par des fantômes bienfaisants qui sont entrés dans l’histoire par leur talent et leur courage…. Il suffit de déambuler dans ce quartier pittoresque, loin de la foule, à l’heure où Paris s’éveille et s’étale dans la brume du petit matin, contemplé depuis les marches du Sacré-Cœur, pour s’en convaincre… Jean-Paul Caracalla a recueilli minutieusement une multitude d’anecdotes, avec une passion qui s’entend dans l’écriture, en amoureux de Montmartre qu’il est sans nul doute… Passion communicative, car il suscite l’envie de flâner dans ce lieu chargé d’histoire et d’émotions…
Montmartre : gens et légendes de Jean-Paul Caracalla, La Table Ronde, 2017 / 7,10€
Quand il fut demandé à Jean-Noël Fabiani de faire un cours sur l’histoire de la médecine à des étudiants de première année, celui-ci eut une idée géniale. Plutôt qu’un cours magistral et assommant, il choisit l’angle de raconter des anecdotes… Et il fascina son auditoire ! C’est au tour de ses lecteurs d’être captivés par ces « Histoires insolites qui ont fait la médecine », car, brillant chirurgien, Fabiani se révèle également excellent conteur ! De l’histoire du serment d’Hippocrate à Edmond Locard (personnage digne de Sherlock Holmes) qui a créé la médecine légale et la police scientifique (graphologie, empreintes digitales…), le professeur Fabiani nous entraîne dans un voyage dans le temps, à la rencontre de personnalités exceptionnelles qui, par leurs précieuses découvertes, ont fait la médecine telle qu’on la connait aujourd’hui. Il serait bien trop long de toutes vous les raconter, et fort dommage de les dévoiler, tant c’est un plaisir de les découvrir… Allez, juste une : c’est en visitant le secteur des oiseaux exotiques au jardin d’acclimatation où ceux-ci étaient réchauffés dans des incubateurs, que le docteur Tarnier (obstétricien) a inventé la couveuse qui sauve encore aujourd’hui d’une mort certaine les prématurés… Allez, j’arrête ! Vous allez vous régaler !
Ces histoires insolites qui ont fait la médecine de Jean-Noël Fabiani, Plon, 2017 / 22,50€
A travers ce « Petit dictionnaire insolite », le linguiste Loïc Depecker nous propose cinq cents mots et expressions qu’il a répertoriés dans les régions de France ou d’Outremer. Typique de chaque région, ce florilège exprime toute la richesse et la diversité de la langue française. Ces « patois » ont chacun leur particularisme et ne manquent ni d’inventivité, ni de bon sens ! Et surtout, ils sont bien vivants ! Vincenot les appelait les « mots irremplaçables »… Une bien jolie et juste dénomination pour désigner ces mots fleuris ou poétiques qui expriment avec humour ce qu’ils désignent ! Objets du quotidien, faune et flore, amour, sexe, ivresse, famille… Ces mots en héritage sont toujours en usage et font le bonheur de ceux qui les entendent que ce soit « avé l’assent » du sud ou celui des « ch’tis » ! Je ne résiste pas à vous en donner un avant-goût à travers quelques expressions qui m’ont donné le sourire ! Dans l’Ouest, celui qui a les oreilles décollées les a « vent arrière ». Joli, non ? « Faire manquette » désigne l’école buissonnière en Auvergne. La « Marie-vole » est le nom donné à la coccinelle en région Centre tandis que la « pipe d’avril » désigne la jonquille dans les Ardennes ! Quand on se balade nez au vent en région lyonnaise, on « grole ». Dans le midi, on fait une « cagade » quand on fait une erreur, pendant qu’aux Antilles, on « doucine » quand on se fait des câlins… Le dernier verre de calva en Normandie, c’est « Le coup de pied au cul », et dans le Nord, quand on est doté d’un confortable postérieur, on a « le cul comme une jument de brasseur ». Merci à Loïc Depecker de nous faire partager sa passion pour ces expressions savoureuses et … A nous de les faire vivre !!!
Petit dictionnaire insolite des mots régionaux de Loïc Depecker, Larousse, 2017 / 9,95€
Je ne sais pas pour vous, mais pour ma part, je trouve qu’aujourd’hui, toutes les voitures se ressemblent… Fonctionnelles, aérodynamiques, elles consomment certes moins d’énergie… Mais ne font plus rêver comme auparavant, dans leur banalité d’outil quotidien. En compulsant ces trois albums où figurent la construction automobile sur trois décennies, des années 50 à 70, on s’en prend plein les mirettes ! Il n’y a pas à dire, elles avaient de la gueule, les « caisses » de ces époques ! Certaines font resurgir des souvenirs d’enfance, des bouffées d’émotion quand on retrouve des modèles oubliés conduits par nos parents quand on était minots… D’autres font rêver par leur luxe, leur forme et la classe qu’elles dégageaient… Certaines ne doivent plus guère rouler qu’à Cuba !!! Ces trois documents sont une mine d’or pour tous les nostalgiques mais aussi pour les collectionneurs : pour chaque modèle, vous trouvez tout ce qu’il est nécessaire de savoir ! Fiches techniques, photos, concepteurs des modèles, chiffres de production, histoire, tendances, anecdotes… et cote ! Vous serez surpris de la valeur de la vieille deudeuche ou de l’indestructible 4L aujourd’hui ! Familiales, utilitaires, tous terrains, sport, luxe, aucune d’entre elles n’a échappé à ces panoramas très exhaustifs. A offrir aux collectionneurs et amateurs de belles carrosseries !
Voitures des années 1950, 1960, 1970 sous la direction de Patrick Lesueur, Le Chêne, 2017 / 19,90€
Christine Le Garrec