Mieux vaut trop tard que jamais comme dit le dicton ! Après m’être consacré à un tas de chroniques musiques, couvertures de concerts et projets autres qu’au sein d’À vos marques… Tapage !, je viens enfin vous parler de cette superbe série qu’est Midnight Tales ! Magie, sciences occultes, épouvante, horreur, suspense et rebondissements sont au rendez vous de cette série regroupant plusieurs dessinateurs du Label 619 !
Midnight Tales : Volume 1
Avec ce premier volume, Mathieu Bablet nous initie à son nouvel univers, celui de l’Ordre de Minuit. Pour comprendre ce qu’est cette confrérie bien particulière, il faut remonter aux sources de la sorcellerie : le Moyen-Âge. Tandis que la chasse aux sorcières est ouverte et prend de plus en plus d’ampleur, certaines femmes commencent peu à peu à résister et à former de petits groupes. La résistance s’agrandit et les sorcières apprennent aux générations suivantes à se préparer aux possibles futures persécutions mais aussi à conserver et entretenir un savoir magique. Puis vint le moment où tous ces petits groupes disséminés un peu partout s’organisèrent en structures hiérarchisées et établirent des cellules à travers le monde.
“Ainsi naquit l’Ordre de Minuit”
C’est ainsi que le Volume 1, et tous les autres d’ailleurs commencent. Par un bref texte, que je viens de résumer, expliquant la création de cet Ordre magique.
Chaque Volume est composé de 4 histoires et d’une nouvelle, racontant les aventures de différentes Midnight Girls, mais également de maints articles sourcés évoquant entre autres les légendes, la magie et la culture d’autres pays. Un concept rappelant les Doggybags.
Avec ce premier Volume, Mathieu Bablet nous fait voyager de nos jours dans différentes contrées, à quelques années d’intervalles, et avec différents personnages.
La première histoire nous amène dans une petite ville des États-Unis en 2018, où l’on suit un groupe de 4 copines qui vont bientôt achever le lycée et se séparer pour continuer leurs études dans différentes universités. Elles doivent alors jongler entre leur vie quotidienne, les cours et la réussite de leur diplôme tout en combattant des forces démoniaques. Une vie pas évidente pour cette petite bande qui d’un côté apprécie le côté aventurier que leur apporte leurs pouvoirs mais qui d’un autre aimerait avoir un train de vie plus normal par moments. Alors, lorsqu’elles aperçoivent une mystérieuse créature qui fait office d’avertissement pour une catastrophe inévitable à venir… les choses deviennent quelque peu tendues.
Une histoire touchante et amusante mise en image par le très beau trait de Guillaume Singelin, que j’apprécie particulièrement (Sa BD PTSD chroniqué juste ici). Ici l’intimité et la complicité des quatre jeunes filles paraît authentique, on peut facilement s’identifier à elles. Le réalisme et la banalité de leur quotidien, hors de leur combat contre le mal, rend ce récit et ces personnages touchants. Une bonne entrée en matière qui nous prépare doucement à ce monde de magie et de forces occultes.
La suite est déjà plus amère…
2012, en Inde. On y suit deux Midnight Girls chargées de protéger et surveiller les morts qui traversent le Gange pour rejoindre l’au-delà. Une tâche assez ennuyeuse aux yeux d’une des deux protagonistes. Elles attendent alors leur amie qui est sensé les rejoindre mais dont la vie familiale prend peu à peu plus d’importance chaque jour, l’empêchant souvent d’accomplir son rôle de Midnight Girl. Mais les choses ne vont pas se passer comme d’habitude…
C’est à partir de là que la série révèle toute la richesse dont elle va faire preuve au fil des histoires.
Midnight Tales semble prendre plaisir à se greffer et à puiser son inspiration dans les cultures, légendes et mythes des différents pays du monde. Et c’est ce qui à mon sens donne à cette série encore plus de saveur. De plus, chaque histoire est suivie de textes documentés sur les légendes, mythes et traditions, voire même du climat social du pays ayant inspiré les scénarios. Une partie très enrichissante des Midnight Tales que j’affectionne particulièrement.
Pour ce qui est du dessin sur cette histoire, la patte de Sourya est juste impeccable pour retranscrire l’atmosphère quasi mystique des rives du Gange et de la culture indienne. La palette de couleurs est chatoyante et on est transporté sur ces rives alors que le soleil se couche à l’horizon.
S’ensuit une nouvelle écrite par Elsa Bordier et illustrée par Mathieu Bablet, qui raconte l’histoire d’une jeune fille découvrant ses pouvoirs de Midnight Girl. Un récit initiatique assez classique mais qui vient apporter une clé de compréhension à cet univers.
Avec ces trois histoires, l’auteur de la série pose peu à peu les pierres de l’édifice. On sait plus ou moins comment se passe la découverte des pouvoirs des Midnight Girls, comment se déroule leur adolescence et on a une brève vision de leur tâche une fois adulte. Tout ça dans un joyeux désordre organisé qui nous donne envie de creuser cet univers pour obtenir certaines réponses à nos questions.
C’est avec l’histoire suivante que les choses se corsent. On est en 2015 en Angleterre, en Cornouailles, pour suivre l’histoire de Roxane, une jeune fille à très très fort caractère, dont la mère est une ancienne Midnight Girl. Utilisant ses pouvoirs pour éloigner les mauvais sorts en échange d’argent, la mère de Roxane n’est pas un modèle aux yeux de sa fille qui ne comprend pas qu’elle ait laissé tomber son rôle de protectrice pour vivre dans un appartement miteux avec ses deux enfants.
Roxane n’a comme échappatoire à son triste quotidien que ses pouvoirs et Sarah, son amie Midnight Girl, une jeune fille douce et timide qui se fait souvent marcher dessus par les autres, au grand dam de Roxane. C’est en voulant l’aider, avec un comportement très dur à son égard, que Roxane va pousser Sarah à se surpasser et à affronter un danger auquel elles ne sont pas préparées…
Ici Mathieu Bablet s’installe au dessin en plus du scénario, nous offrant une histoire plus sombre qui nous amène davantage dans le vif du sujet que les précédentes. Avec sa palette de couleurs ternes, Bablet retranscrit parfaitement cette ambiance de petite ville crasseuse qui semble toujours écrasée sous un ciel nuageux et poisseux. Les couleurs deviennent plus chatoyantes et chaleureuses au coucher du soleil tandis que se dessine à l’horizon cette étrange ville flottante… mais je n’en dirais pas plus sous peine de vous gâcher la surprise et cette chute absolument… bref !
Pour la dernière histoire, qui semble faire partie d’une fresque plus vaste, j’ai eu plus de mal à accrocher. Le dessin de Gax, à la fois géométrique, psychédélique et très coloré m’a un peu trop sorti de la BD, qui contraste beaucoup trop à mes yeux avec le reste du Volume 1. Mais cela fait partie du jeu et apporte une touche découverte similaire aux Doggybags, où l’on ne sait jamais sur quoi l’on va tomber, aussi bien au niveau du dessin que du scénario, malgré une thématique commune.
Un premier volume qui met l’eau à la bouche pour la suite!
Midnight Tales : Volume 2
Avec ce Volume 2, Mathieu Bablet nous montre qu’il ne s’agit pas, comme on pourrait le penser, d’une série d’anthologie. Bien que les histoires se déroulent à différentes époques avec différents personnages, ce Volume 2 s’avère en réalité un véritable puzzle à reconstruire, qui s’annonce vraiment captivant !
Il commence en douceur avec une histoire se passant en 2018 aux États-Unis. On y suit Abigail, une jeune fille travaillant comme guide touristique au sein d’une des maisons les plus hantées du pays. Construite par l’épouse du fils de l’inventeur de la carabine Winchester, cette maison renferme les secrets liés à une malédiction ayant frappé la famille suite à l’invention de cette arme.
Sa démesure, les raisons assez sombres de sa construction et son architecture des plus étranges en font une attraction sensationnelle pour les touristes en quête de frayeur. Bien sûr Abigail est en réalité une Midnight Girl sous couverture pour surveiller l’endroit. C’est lorsque débarque une vieille connaissance du lycée, assez insupportable, que les choses se gâtent.
Une histoire qui entame ce Volume tout en douceur donc, scénarisé par Rebecca Morse, Florent Maudoux et Mathieu Bablet et dessinée par Florent Maudoux et avec un joli prologue à l’aspect crayonné réalisé par Faustin De Ravignan.
L’ambiance enchanteresse et étrange de la maison est vraiment plaisante à découvrir et le dessin de Maudoux la met particulièrement en valeur, notamment avec de jolis jeux de lumière. Quelques cases bien psychédéliques sortent clairement leur épingle du jeu.
La seconde histoire quant à elle nous ramène en 1937, au Caire en Égypte, où deux Midnight Girls sont sollicitées par M. Bartholomew, un archéologue anglais assez détestable qui s’est vu subitement rétrécir au contact d’un vase canope ayant appartenu au prêtre d’un pharaon qui aurait possédé des forces magiques mystérieuses. Les deux Midnight Girls se lancent donc à la recherche d’un moyen pour ramener Bartholomew à sa taille d’origine. Bien sûr, les choses ne vont pas être aussi simples.
Ici le dessin de Da Coffee Time se mêle parfaitement au lieu et à l’atmosphère que dégage l’Egypte. Le dessin est beau, fin, il dégage quelque chose, fourmille de détails et est embelli par une palette de couleurs variées. De l’ambiance apaisante de l’appartement des deux jeunes filles aux rues étroites et ombragées des bazars, en passant par la douceur du coucher de soleil et à la nuit aux apparences mystiques, tout est là pour régaler la rétine. Sans oublier les vestiges des pharaons, en partie ensevelis sous le sable, qui fourmillent de hiéroglyphes.
Une histoire complétée tout au long du Volume par des documentations sur le rapport à la magie dans l’Egypte Antique, la culture de l’époque et les mythes entourant les pharaons. Un Volume qui s’annonce rapidement passionnant !
C’est avec la nouvelle qui suit que l’on commence à apercevoir les premières pièces du puzzle qu’est Midnight Tales, puisque cette nouvelle suit l’histoire de la mère de Roxane, Kim, et de son ami Kendra. Des personnages croisés dans le Volume 1 lors de la quatrième histoire. Cette nouvelle vient ainsi étoffer le personnage de Kim qui était alors assez secondaire précédemment. Elle nous donne presque l’espoir de la recroiser dans un prochain Volume, afin de résoudre le final de la quatrième histoire du Volume 1. Je n’en dis pas plus…
L’histoire suivante quant à elle nous plonge davantage dans une ambiance épouvante. Dessiné et scénarisé par Mathieu Bablet, cette très courte aventure nous fait suivre une jeune fille chargée de protéger sa grand-mère sur le point de mourir, emportée par un esprit vengeur qui plane sur elle depuis des années.
Une histoire délicieusement mystérieuse et horrifique avec une ambiance étrange et poisseuse. Les jeux de lumières sont tout simplement saisissants et l’apparition de l’esprit vengeur est juste… incroyable.
Tenant en haleine le lecteur avec quelques cases montrant des détails de la chambre de la grand-mère, Bablet achève sa page sur une vue d’ensemble de la chambre avec la grand-mère mourante, sa petite fille lui tenant la main, et rien d’autre. Et c’est lorsqu’on tourne la page que l’esprit vengeur apparaît, dans une case similaire à la précédente et l’effet provoqué est juste dingue. Le design de la bestiole, sa stature qui occupe tout l’espace, les effets de lumière, tout est là pour surprendre et glacer le sang du lecteur. S’il devait y avoir un bémol… l’histoire est un peu trop rapide, il n’y a donc plus qu’à espérer y voir une suite dans les prochains volumes.
La nouvelle qui suit est un vrai coup de cœur ! Suspense, horreur, ambiance étrange et glauque… On y suit une sœur, travaillant également pour l’Ordre de Minuit, qui se rend sur une île près de Terre-Neuve, suite à un message demandant expressément l’aide de l’Ordre suite à des phénomènes plus qu’étranges s’attaquant aux habitants de l’île. Une nouvelle très très prenante écrite par Tanguy Mandias, à qui l’on devait le recueil de nouvelles Sang d’Encre (chroniqué ici) et qui montre à nouveau son talent pour l’étrange et le suspense.
Le Volume s’achève avec un super récit nous montrant un cas bien particulier. À Bangkok en 1991, Chantira possède des pouvoirs de Midnight Girl, mais à l’instar de ses consœurs, elle ne les utilise pas pour combattre les forces maléfiques mais pour survivre dans des combats clandestins. D’une rare puissance, ses pouvoirs risquent de lui attirer des ennuis.
Une histoire qui vient achever le Volume 2 en beauté, en nous dévoilant une autre facette des Midnight Girls tout en plaçant de nouvelles pièces au puzzle qu’est la grande histoire.
Midnight Tales : Volume 3
Midnight Tales s’offre un Volume spécial Japon ! 5 histoires dont une nouvelle entièrement consacrée aux Midnight Girls du pays du Soleil-Levant. Avec ce Volume 3, Mathieu Bablet vient ajouter une touche de nuances et complexifie son univers en offrant une nouvelle perspective qui nous fait prendre du recul sur les histoires des Volumes précédents en nous amenant à nous questionner sur pas mal d’éléments.
Il fallait s’en douter, avec un Volume dédié au Japon il était impossible de passer à côté des grandes catastrophes qu’a connu le Japon. C’est donc tout naturellement que ce nouveau chapitre de Midnight Tales s’ouvre sur la fin de la Seconde Guerre Mondiale et sur la destruction d’Hiroshima. Une bombe nucléaire vous dites ? Pas sûr qu’il s’agisse de ça…
Une histoire très prenante mêlant la fiction aux faits réels, une thématique que j’apprécie particulièrement et qui est ici bien maîtrisée. Accompagné de documents classifiés de l’Ordre de Minuit racontant cette sombre époque, un nouveau pan de l’histoire des Midnight Girls s’ouvre.
Une histoire que j’ai beaucoup aimée aussi grâce au dessin de Baptiste Pagani (l’excellent The Golden Path, chroniqué ici) dont le dynamisme donne un vrai punch aux séquences d’action.
Avec l’histoire suivante signée Elsa Bordier, on poursuit des années plus tard le récit d’un des personnages présenté précédemment, qui d’ailleurs sera plus ou moins un fil conducteur dans la suite du Volume. Bien que je sois personnellement mitigé au niveau du dessin de Thomas Rouzière, à la fois emballé sur certaines cases tandis que sur d’autres, non, l’histoire prend de l’intérêt en montrant l’évolution du personnage clé de ce volume.
Après quelques passages documentaires fort intéressants sur les kaijus, et une nouvelle, c’est au tour de Florent Maudoux de nous conter la suite des événements. Nous sommes en 2011 et nous assistons aux conséquences de la catastrophe de Fukushima. Suivant un groupe de quatre Midnight Girls partant pour ce qui semble être une mission suicide, on est plongé dans les pensées de l’une d’elle : Sakura. À travers des flashbacks on en apprend plus sur elle, sur son caractère, sur la conditions des femmes au Japon ou encore sur les dégâts causés par le tsunami.
Ces flashbacks sont d’ailleurs sublimes graphiquement. Tout en noir et blanc, Sakura se détache du décor avec ses vêtements et son rouge à lèvres en couleur, rappelant celle des cerisiers japonais. Une belle façon de souligner son caractère rebelle souhaitant rester hors des conventions de la société. Le dessin en général est d’ailleurs très beau et l’histoire quant à elle continue d’enrichir l’univers et de poursuivre ce fil rouge qui constitue ce volume.
C’est avec l’histoire suivante cependant que Mathieu Bablet vient mettre un grand coup dans notre perception de son univers. Avec le dessin du collectif The NEB Studio, que je trouve vraiment très beau, on commence à remettre en question certaines choses vues depuis le premier Volume… mais je ne peux en dire plus sous peine de spoiler…
En résumé, ce Volume est vraiment très très bon. Et avec toutes ces nouvelles choses qu’il apporte à la série la suite s’annonce fort intéressante.
Midnight Tales : Volume 4
Avec ce Volume 4 fraîchement sorti, Mathieu Bablet tire le rideau sur la première saison de sa série dédiée à l’Ordre de Minuit et à ses nombreuses Midnight Girls disséminées à travers le monde et les époques.
Après 2 premières histoires d’où je suis ressorti assez mitigé (la première sur le scénario et son rapport aux Midnight Girls et la seconde sur la patte graphique à laquelle je n’ai pas vraiment accroché), c’est avec la nouvelle de Tanguy Mandias que je me suis fait happer.
Débutant sur quatre Midnight Girls envoyées de toute urgence à Johannesburg pour intercepter un nouveau né dégageant une forte puissance magique, le récit prend une tournure intrigante lorsque l’une d’elle meurt et ressuscite pour revivre les événements… en boucle.
Offrant une métaphore intéressante, cette nouvelle s’avère très prenante et on brûle d’envie d’en savoir plus sur la suite des événements.
C’est avec l’histoire suivante que les choses sérieuses commencent et que Bablet reprend son fil rouge qui nous conduira par la suite à en apprendre un peu plus sur le personnage de Sheridan, introduit dès le premier tome, qui doit traquer les Midnight Girls les plus puissantes pour les empêcher d’être consumées par leur propre pouvoirs.
Les histoires s’enchaînent et l’ensemble de l’univers de Midnight Tales s’éclaircit pour nous annoncer ce qui va suivre.
J’avoue être un chouilla déçu car plusieurs de mes questions sont encore sans réponse et j’espérais en savoir plus avec ce Volume. Davantage concentré sur les histoires et avec moins de contenu documentaire que les précédents, ce Volume fait la transition vers la saison 2 qui devrait envoyer du très lourd et approfondir encore plus l’histoire vu l’épilogue et le teasing annoncé à la fin !
Dans tous les cas, fans de BD, d’étrange, de sorcellerie et de fantastique, je ne peux que chaudement vous recommander cette excellente série, variée, riche, intéressante et intrigante avec son scénario semblable à un grand puzzle palpitant.
L’ensemble des Volumes de la série est à retrouver en librairie ou sur Ankama Shop / 13,90€ chacun
Alex