Juke Box N°60

Et voilà un Juke box cuivré à souhait qui ne peut que vous refiler une patate d’enfer ! Fête à tous les étages donc, avec Raoul Petite, Moon Hooch, Big Funk Brass et Sidi Wacho qui, en plus de vous mettre la tête à l’envers, vous invite à remettre vos idées à l’endroit avec des textes vous engageant à ne plus vous laisser tondre la laine sur le dos comme des moutons ! De la douceur ensuite avec Igor and the Hippie Land qui distille une pop rock flamboyante qui n’est pas sans rappeler celle, glorieuse, des années 70, et avec Archibald qui vous embarque dans une ballade enchantée au coeur des mythes et légendes du Groenland sous une somptueuse et sensorielle bande son électro pop… Pour terminer, un petit coup de projecteur sur un projet innovant et prometteur nommé « John Doe » dont le coup d’essai est un véritable coup de maître ! Décidément, hein, sans la musique, la vie serait vraiment une erreur ! Bonne écoute à toutes et à tous !

Comment ça, tu connais pas Raoul ??? Le groupe à dix têtes, mené par le vieil anar Christian « Carton » Picard à la bonne tronche de tonton flingueur d’idées reçues, dynamite pourtant façon puzzle nos oreilles depuis maintenant 40 ans avec un style inimitable et une énergie jamais démentie. Pour preuve, ce dernier opus qui réveillerait les morts en même temps que les consciences les plus endormies dans une explosion cuivrée de rock, funk, swing et d’ambiances « baloche » ou « gainsbourienne » qui épousent à merveille les textes décalés et affûtés clamés ou susurrés par la voix rauque de fêtard enfumé du roi Carton ! Hé oui ! C’est à un véritable festival kaléidoscopique qu’ils nous invitent pour souffler leurs quarante bougies, nous prouvant une fois de plus, qu’ils n’en manquent pas de souffle… Et qu’ils mettent le nôtre à dure épreuve en nous faisant groover de la tête aux pieds ! Alors, les néophytes, « Welcome » dans l’univers de ces « poètes organiques qui posent des textes énigmatiques dans le vacarme médiatique sans se soucier des critiques » pour mieux agiter nos zygomatiques et se faire les meilleurs ambassadeurs qui soient de nos bonheurs et surtout de nos colères, dans ce monde « où le mal ne cesse de grandir et qu’il faut hélas sans doute craindre le pire »… A moins de choisir la bonne route en se préservant des « coachs pour pov’cloches » ou des « Amours kamikazes » qui vous mènent plus sûrement en enfer qu’au paradis artificiel. Soyons légers, insouciants et orgasmiques avant que tout ne foute le camp, lâchons du lest en supprimant l’inutile et le futile ! Et pour donner de belles impulsions à ces bonnes résolutions, il n’y a juste qu’à écouter et à danser sur les rythmes variés et colorés de ces prophètes du dance-floor !!! J’adoooore !

Ni vieux ni maître / Raoul Petite / Cannibal Pigs / 27 Mars 2020 / 16,50€

J’avais adoré leur album précédent (« Bordeliko« , chroniqué ici par Bruno !) et leur prestation mémorable sur la grande scène des Nuits de Nacre à Tulle en Juillet dernier (report du concert, photos, vidéo et interview, ici !). Hélas, pas de scène cet été pour fêter ce troisième album explosif qui décline dans une ambiance débridée de cumbia et de hip hop aux accents métissés les multiples raisons de la colère… Mais dix hymnes imparables offerts sur un plateau pour faire entendre nos voix, celles de la France d’en bas, des opprimés, des exploités et des traqués, dans les futurs et souhaitables défilés contre la dictature en marche qui avance à grandes foulées ici et partout dans le monde. Car s’ils ont un sens inné de la fête, les Sidi Wacho sont également dotés d’une belle conscience politique et d’une humanité sans faille. Et c’est le respect de la dignité des humbles et des laissés pour compte qui filtre à chacun de leurs mots dans ce lumineux et dansant « Elegancia popular », accompagnés sur certains titres par notre postier révolutionnaire (Olivier Besancenot, bien sûr !) ou par la voix de Victor Jara. Des voix qui résonnent plus que jamais dans ce monde capitaliste où la solidarité est devenue un délit, la liberté un leurre, l’égalité une chimère, et où la lutte devient une nécessité si l’on ne veut pas tous finir comme des esclaves enchaînés… Sorti peu de temps avant le confinement, « Elegancia popular » prendra toute sa force lors des prochaines contestations à venir, n’en doutons pas ! En attendant ces lendemains qui chantent, affûtons nos consciences et remuons allègrement nos popotins à l’écoute de cet album où la révolte gronde autant que transpire l’amour de la vie et de la fête ! « la lucha sigue » ! Hasta siempre, companeros !

Elegancia popular / Sidi Wacho / Balle Populaire / 21 Février 2020 / 12€

Entrez dans la transe ! Avec le trio Moon Hooch, rompu à la scène (et à la rue !), je vous mets au défi de résister plus de dix secondes aux appels de leurs éblouissants riffs de saxo rivalisant de virtuosité avec les coups de baguette d’une batterie magique qui donnent le tempo à un hallucinant électro jazz planant et électrisant en diable ! On commence par hocher la tête et à taper du pied. Quand on se laisse aller à onduler des hanches, c’est trop tard… On se retrouve direct propulsé vers une autre galaxie, en proie à une endiablée danse de saint-guy, hypnotisé comme un lapin pris dans les phares ! Et vous savez, quoi ? C’est totalement jouissif !!! La passion enragée de ces trois New-yorkais est plus contagieuse que le pire des virus (pas le dernier en date, hein, cette saloperie qui nous prive pour on ne sait combien de temps encore de l’indicible plaisir de rencontrer les artistes sur scène) et leur talent est tout simplement… Phénoménal. Sauvage, musclée, tribale, un brin déjantée, leur « cave Music » (comme ils la définissent eux-mêmes) vous embarque dans un trip musical hors normes qui vous fait tutoyer les étoiles ! Alors, y a-t-il de la vie sur d’autres planètes ? Embarquez à bord de la fusée Moon Hooch et ouvrez bien grand vos oreilles…Vous trouverez sûrement la réponse ! Wouaoh… Époustouflant !!!

Life on other planets / Moon Hooch / Megaforce Records / 10 Janvier 2020 / 14,95€

Le son ravageur des picards du Big Funk Brass dégèlerait à coup sûr les esgourdes les plus frigorifiées ! Leur devise, avec ce dernier (et troisième) opus ? Aller plus loin, plus haut, pour nous emmener ailleurs, dans de lumineuses sphères jazzy teintées d’une bonne dose de funk épicé de soul et de hip hop… Alors ? Formule magique et pari réussi haut la main ! Car, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’on décolle grave à l’écoute de ces onze titres hautement cuivrés qui franchissent allègrement les limites du son en le fracassant en éclats tour à tour lumineux et joyeux ou feutrés et veloutés… Pas de pétards mouillés chez les BFB, mais un explosif feu d’artifice qui fait briller les yeux et vous donne une furieuse envie de passer entre les gouttes et de sauter dans les flaques ! Pas étonnant donc que les talentueux Ben l’oncle soul et FP (d’ASM) se soient invités sur cette énergique et salutaire galette où le groove n’a d’égal que la puissance inventive de ces gars du Nord que vous avez peut-être déjà croisés sur d’autres projets, avec entre autres (et excusez du peu !) No Jazz ou Electro Deluxe. Foncez acheter ce condensé de bonheur totalement jouissif qui va vous transformer en deux temps trois mouvements en marsupilami déchaîné, promis ! Arghhhh… ça fait un bien fou, nom de Zeus !!!

Higher / Big Funk Brass / 30 Avril 2020

Igor and the Hippie Land nous offre avec cet album au rock énergique et à la pop soyeuse, un délicieux voyage au coeur du flower power des années 70. Douze titres aux atmosphères variées, planantes et envoûtantes ou pétillantes et joyeuses, qui ont tous pour point commun de distiller une immense douceur sous des mélodies imparables, chantées de la voix de crooner douce et profonde d’Igor, dont le timbre n’est pas sans évoquer celui, non moins agréable, d’Iggy Pop. Avec pour seules armes leurs instruments (guitares, piano, mandoline, basse, batterie) et une sacrée belle dose d’amour et de talent, ces chevaliers de l’utopie combattent le chaos et la morosité dans un duel en douze rounds qu’ils remportent haut la main en suivant la plus belle route qui soit : celle qui mène au Hippie Land où règne l’harmonie « Peace and love » de la grande époque. Cet album à écouter en paressant au soleil nous abandonne la tête remplie de rêves en couleurs… Alors, merci aux magiciens du Hippie Land pour ces « perfect songs » à consommer sans la moindre modération !

Love & chaos / Igor and the Hippie Land / Dragonwhy / 22 Novembre 2019 / 15,70€

Six titres pour ce mini album qui va vous procurer un peu plus de 15 minutes d’une totale plénitude… Respirez et laissez vous guider par la voix claire et sensuelle de Roxane qui vous immerge au coeur des mythologies du Groenland dans un voyage inspiré et inspirant, fruit de sa rencontre avec ce pays de glace et de mystère lors d’une résidence d’artiste. Une voix nappée de chœurs aériens et vaporeux, d’arpèges de guitares cristallines et de violoncelles ténébreux, posés sur des nappes électro aussi apaisantes que fascinantes. Une voix qui vous hypnotise comme le doux et envoûtant chant d’une sirène… Sous le souffle d’Aurora, la nature se réveille. Mû par Malina, le soleil se lève et distille sa lumière blanche dans un ciel d’azur. Sous la protection de Sedna qui veille sur ses enfants marins, l’océan gronde, faisant apparaître en écume des éclats de poissons argentés. Parcourez les grands espaces désertiques, immenses et toujours renouvelés, sans crainte de vous égarer : lady Cairn a tout prévu pour guider vos pas… Subtile et poétique ode à une nature sauvage encore préservée de la folie des hommes, cet album, petit par sa durée mais immense par l’infinité d’émotions qu’il suscite, nous offre une incomparable bulle de sérénité propice à la méditation où l’on se niche avec délices. Archibald devrait, si tout rentre enfin dans l’ordre, présenter ce petit bijou sur la scène des Trois Baudets à Paris, le 17 Septembre prochain. Certainement un des premiers concerts de la reprise culturelle tant attendue… Alors, chanceux de parisiens, ne le loupez pas !

Out of sight / Archibald / Aurasky Music / 24 Avril 2020 / liens de téléchargement ici !

Mais qui est donc ce mystérieux John Doe ?

Le nom John Doe fait référence au statut anglais « sous X » qui désigne une personne non identifiée. L’idée fondatrice de ce projet étant d’encourager la création musicale et de soutenir la liberté artistique dans son sens le plus large en donnant la possibilité aux artistes qui ne souhaitent pas forcément être mis sur le devant de la scène de pouvoir partager leur travail et de collaborer sur des projets musicaux, l’expression « John Doe » colle donc parfaitement bien au concept de ces collaborations d’artistes en tous genres qui souhaitent garder l’anonymat ! Interprètes, topliners, beatmakers, producers, songwritters, ingénieurs du son… Français ou internationaux, ils collaborent sans aucune limite de style ou de format. 


John Doe n’a donc pas d’univers musical défini et les artistes changent selon les projets. Ainsi, le premier titre autoproduit, « C’est la fin du monde », est French électro et a été créé par des artistes « x, y, z… pendant le confinement. Ce titre illustre à merveille le paradoxe entre l’envie irrépressible de revenir à une vie normale, à nos vies d’avant et la volonté que tout cela soit le début d’un profond changement. Retraçant le contexte historique de la crise du coronavirus, le clip a été réalisé à partir de bribes de vidéos où l’on voit « John Doe » pirater les ordinateurs et les télévisions pour y diffuser les moments les plus marquants de toute cette période de crise. Mais le second projet, déjà en préparation, aura un univers musical complètement différent et les artistes participants seront, eux aussi, différents… Pour ma part, j’ai déjà hâte de découvrir la prochaine création de ces « Anonymous » que je vous invite vivement à suivre et à encourager ! Alors, partagez, partagez !!!

Vous êtes artiste, vous avez des sons, des mélodies, un talent à proposer ? Contactez John Doe via les réseaux sociaux (Instagram : @johndoeofficiel, Facebook : Jdoe officiel) !

Christine Le Garrec