Un juke box qui vous emmènera en voyage tout autour du monde ! On commence fort avec Stéphane Edouard qui nous embarque pour une prodigieuse virée jazz entre Inde et Occident, et on continue avec « El Mati » Mathias Berchadsky qui nous offre un flamenco pimenté lui aussi de sonorités indiennes ! Vous en voulez encore ? Alors, grimpez sur le tapis volant d’Aziz Sahmaoui et de son university of Gnawa… Entre tradition et modernité, ils vous feront onduler des hanches aux sons électrifiés de la musique subsaharienne ! Les voix pures des Selkies vous mèneront ensuite sur les rivages de l’Écosse et de l’Irlande, juste avant que le jazz ébouriffant de virtuosité de Xavier Belin vous emmène voguer vers la Martinique… Un petit tour maintenant en Nouvelle-Zélande en compagnie de Grant Haua qui mêle avec un beau brin de poésie, blues rock et culture Maori, avant de retourner dans les forêts de Sibérie, tout au bord du lac Baïkal, avec la sublime réédition, augmentée de trois titres, de l’album » Le silence et l’eau » de Jean-Baptiste Soulard… Belle écoute et beaux voyages à toutes et à tous !!!
Un conseil, accrochez vos ceintures… Car avec « Pondicergy Airlines », vous allez grave décoller de votre fauteuil sous le jazz métissé et coloré de sonorités indiennes de cet artiste époustouflant, batteur d’exception et prince de l’improvisation, bâtisseur de ponts d’une remarquable intensité entre l’Inde, d’où est issue sa famille, et la France (Cergy) où il est né ! Instruments traditionnels indiens, vietnamiens, iraniens ou arméniens (tablas, kanjira, sitar, dan nhi, santour, sarod, santour, duduk, dan moi, flûte bansuri…) s’y mêlent harmonieusement aux guitares, cuivres, piano, violon et même accordéon, joués pour certains par Mister Edouard himself… Et par pas moins d’une vingtaine de musiciens venus de cultures différentes ! A l’écoute de cet euphorisant patchwork musical qui oscille avec bonheur entre mélodies inspirées de Bollywood, ballades psychédéliques, jazz tonique rythmé par d’hallucinants jeux de tablas et apaisantes plages hypnotiques bercées de voix envoûtantes, on ne sait où donner de l’oreille tant ça fuse et groove de toutes parts, pour mieux nous bercer sous les sonorités d’une Inde mystique et désirable… Le mariage fort réussi du jazz et de la world music célébré avec une virtuosité ensorcelante et une énergie incroyablement enthousiasmante !!! Si cette petite merveille est son premier album solo, Stéphane Edouard a déjà derrière lui une carrière prestigieuse auprès d’artistes qui l’ont invité à jouer auprès d’eux : Michel Jonasz, Maurane, David Linx, Ibrahim Maalouf, Daby Touré, Electro Deluxe, Vincent Peirani, Gaël Faye… Pour n’en citer que quelques-uns ! Et je peux vous assurer que leur flair ne les a pas trompés… Quel artiste… Et quel album ! A écouter sans modération !
Pondicergy Airlines / Stéphane Édouard / Cjazz productions / Absilone / 15 Janvier 2021
El Mati n’est pas tombé tout petit dans le flamenco… Avant de devenir un maître du genre (après avoir étudié pendant quinze ans le flamenco en Andalousie), ce guitariste virtuose, qui semble avoir plus de doigts que le commun des mortels, s’est essayé au jazz (et ça s’entend !), au tango argentin, au swing manouche, au classique et même au musette… C’est vous dire que le Monsieur a plus de cordes à son arc que sur sa guitare ! C’est ce que vous allez découvrir au fil des huit titres de cet album où le maestro nous offre toute l’étendue de son talent en explorant finement tous les « palos » du flamenco avec sobriété ou dans une immense densité harmonique… Et on se laisse aspirer avec délices dans ce lumineux tourbillon d’arpèges savants et de boucles hypnotiques, harmonieusement rythmé de frénétiques palmas et bercé de voix lancinantes et sensuelles d’une émouvante beauté… Entre tradition et modernité, les titres s’enchaînent sans nous lasser, entre ballades apaisantes aux accents jazzy et rythmes endiablés qui nous portent en vagues successives vers une apothéose faite de virtuosité, d’extase et d’allégresse… Mais le voyage que nous propose El Mati ne se limite pas aux frontières espagnoles et aux racines du flamenco… Il s’est également entouré d’artistes indiens pour enregistrer ce somptueux album et l’alchimie entre ces deux cultures est particulièrement bluffante… Un manifeste vertigineux, une « fête des mains » qui fait mentir l’adage qui voudrait que la main gauche pense, et que la main droite exécute… Nul doute que les deux mains de ce génial guitariste soient dotées de ces deux qualités… Magistral !!!
Mani Fiesta / Mathias Berchadsky (El Mati) / IButano ! / Inouïe distribution / 4 Décembre 2020 / 18€
Je vous avais déjà présenté Aziz Sahmaoui & University of Gnawa lors de la sortie de leur superbe album « Poetic Trance » (chroniqué ici !). Cette fois, c’est à l’écoute de leur Best of, édité pour fêter les dix ans de leur belle aventure, que je vous convie : quinze titres (dont deux inédits : « Un homme bon » et « Afrikia ») où instruments électriques se marient harmonieusement aux instruments traditionnels maliens (calebasse, N’goni, kora…) sous la voix envoûtante d’Aziz accompagnée de somptueux chœurs… Une merveille !!! On y retrouve l’ambiance festive et le groove oriental de L’orchestre national de Barbès (dont Aziz est l’un des fondateurs) et des ambiances douces et proches de la transe, où tradition et modernité s’enrichissent mutuellement de sonorités tribales et de rock subsaharien aux accents jazzy, en un hommage respectueux à l’art des musiciens Gnaouas… Une dimension mystique qui n’a d’égale que le dynamisme du « rock à la Casbah » insufflé par cette « université » de haute volée dont les membres sont incontestablement les premiers de leur classe ! A noter la participation de Naïssam Jalal sur le titre « Firdawss », venue apporter avec sa flûte enchantée sa part de paradis à cet album poétique, spirituel et dansant qui nous propose un bien joli moment d’évasion au coeur de la sinistrose ambiante… Un bienfaisant rayon de soleil !
Best Of / Aziz Sahmaoui & University of Gnawa / Zahora label / L’autre Distribution / 11 Décembre 2020 / 13€
Selon une légende celtique, les Selkies sont de douces créatures marines dont le chant se ferait entendre des rivages d’Écosse à ceux d’Irlande, jusqu’à la lointaine Islande… Un chant mélodieux et apaisant pour célébrer la vie et la beauté de la nature que Cynthia, Nirina et Céline incarnent à la perfection, par la grâce et la pureté de leurs voix harmonieuses et ensorceleuses qui nous bercent tout au long de cet album, dans un métissage de langues et d’onomatopées où l’improvisation s’invite. Onze titres qui se succèdent dans une belle continuité pour nous offrir un hypnotique voyage sous les voix aériennes de ces sirènes venues de Martinique, de l’île de la réunion et de Paris, accompagnées d’un jazz coloré, tour à tour feutré et intimiste ou rythmé de percussions tropicales, où planent de ci-de là des notes de maloya… Il se dégage un immense sentiment de calme et de bien-être à l’écoute de cet album lumineux et porteur d’espoir, aux harmonies parfaites et à l’originalité certaine, qui nous élève bien au-dessus des nuages, sur les ailes du désir d’un monde enfin apaisé… Superbe.
Incantation / Selkies / Matrisse Productions / 19 Octobre 2020
Pitakpi. Ce mot, qui sonne étrangement et agréablement à nos oreilles métropolitaines, fait référence aux rythmes donnés par les claves, percussions typiques de la musique traditionnelle martiniquaise. C’est également le nom donné au quartet de ce pianiste surdoué qui s’est entouré de pointures (Alexis Valet au vibraphone, Elvin Bironien à la basse et Tilo Bertholo à la batterie et aux percussions) pour nous distiller un jazz fusion d’une totale liberté sur des rythmes caribéens. Un jazz où l’improvisation est reine sur des partitions ensorcelantes qui jouent habilement des dissonances. Un jazz généreux où chaque musicien fait éclater son talent au cours de solos ébouriffants où l’on savoure avec enthousiasme la douceur tonique du piano, le son inimitable du vibraphone, les époustouflants jeux de percussions et l’onctuosité de la basse. En onze titres d’une modernité absolue, aussi bien pour les compositions personnelles que pour les deux superbes reprises savamment arrangées (« Fanm Matinik Dou » de Francisco et « Evidence » de Thelonius Monk), Pitakpi nous offre un jazz métissé et inventif qui nous porte, en douceur mais avec une belle énergie, vers les rivages ensoleillés des Antilles… La grande classe !!!
Pitakpi / Xavier Belin / Déluge / 16 Janvier 2021 / 12€
C’est à un blues rock aussi riche qu’atypique que nous convie Grant Haua au fil des douze pistes de cet album lumineux… Du blues littéraire, car ses textes, d’une poésie troublante, relèvent d’une fort belle plume ! Lorsqu’il évoque sa mère disparue à qui il rend un respectueux hommage empreint d’humour, la patience et l’amour inconditionnel de sa femme ou la tristesse de voir tomber un ami dans une addiction destructrice, il en appelle au plus profond de nous-mêmes avec une extrême délicatesse mêlée de pudeur… Lorsqu’il nous invite à être nous-mêmes, « d’emballer nos espoirs et de rassembler nos rêves » ou qu’il insuffle de l’espoir en des jours meilleurs, il nous parle droit au coeur… Nostalgique ou endiablée, la musique de Grant Haua, portée par sa voix chaleureuse et puissante, bénéficie de plus d’un sens inné de la mélodie et chaque titre s’imprime durablement dès la première écoute, tel le superbe « This is the place » où il évoque ses racines maories… Rien de surprenant que deux artistes prestigieux aient apporté leurs talents à ce petit bijou : Fred Chapellier et Neal Black dont je vous ai présenté dernièrement les derniers albums (« Best of 25 years on the road » ici et « A little Boom Boom Boom« , là !)… Car Grant Haua est un grand artiste, sur tous les plans !
Awa Blues / Grant Haua / Dixie Frog Records / 19 Février 2021 / 16€
Lors de sa sortie en Avril dernier, Je vous avais présenté « Le silence et l’eau« , superbe album de Jean-Baptiste Soulard inspiré par le livre de Sylvain Tesson, « Dans les forêts de Sibérie » (chroniqué ici !). Pourquoi en reparler quelques mois plus tard, me direz-vous ? Parce que celui-ci ressort, enrichi de trois autres titres composés pendant le premier confinement… Trois titres lumineux dont un superbe instrumental cuivré et planant avec Erik Truffaz (« Une saison oubliée« ) et un duo harmonieux avec Emily Loizeau (« Les morsures« ). Le troisième titre, « Dernier bar avant la fin » clôture cet album décidément incontournable (encore plus avec cette nouvelle édition !) pour sa poésie et sa douceur bienveillante qui nous invitent à l’introspection et à une réflexion sur la marche du monde, bien trop rapide… Une ode à la contemplation, bercée d’arpèges aériens et nappée d’arrangements somptueux qui nous convie au recueillement avec une intensité rare, sous la voix chaude et sensuelle de cet artiste à l’immense talent… Vous aviez raté cette pépite sous sa première forme ? Un conseil, ne ratez pas ce « renouveau » qui va vous procurer un intense moment de sérénité !
Le silence et l’eau (Le Renouveau) / Jean-Baptiste Soulard / Un Plan Simple / Horizon musiques / 27 Novembre 2020
Christine Le Garrec