Allez, dernière rubrique avant Noël ! De nouvelles idées de cadeaux, en commençant par deux classieux ouvrages d’art : l’un consacré aux artistes noirs américains « The Color Line », l’autre aux peintre-photographe « kitsch » et très chics Pierre et Gilles. Pour finir, deux ouvrages aussi drôles que décalés ! Avec « du pain et des chats », vous ne regarderez plus jamais votre greffier comme avant ! Quant à « Encore des nouilles », il est signé par Pierre Desproges, donc, inutile de vous dire qu’il est incontournable !!!! Bonnes fêtes de Noël à tous et à toutes !
Depuis le 14 octobre dernier et jusqu’au15 janvier prochain a lieu au Quai Branly une exposition d’exception : The Color Line. Comme tout le monde n’habite pas à Paris, Flammarion a eu la judicieuse idée d’éditer le superbe catalogue de cette expo qui laissera la plus belle trace qui soit sur cet évènement… Color Line (la ligne de couleur), c’est l’expression utilisée par Frederick Douglass, ancien esclave et leader de l’abolitionnisme à la fin du 19ème siècle, pour désigner la ségrégation subie par les noirs jusqu’au « civil right act » signé en 1964 (qui est loin d’avoir aboli tous les problèmes, hélas …). Ce magnifique ouvrage retrace donc un siècle de lutte des artistes africains – américains en abordant tous les domaines artistiques : peinture, dessin, sculpture, photographie, littérature, BD, cinéma, musique mais aussi le sport, notamment la boxe où les athlètes noirs ont marqué l’histoire. En quatre parties chronologiques, abondamment illustré d’œuvres et de documents, il nous présente des artistes qui, pour la plupart, sont inconnus du grand public, de 1865 à nos jours. Œuvres artistiques mais aussi politiques … Les œuvres présentées sur la persécution par le KKK sont glaçantes et criantes de vérité…Les noirs étaient pendus en place publique et leur calvaire donnait lieu à un « spectacle » très prisé par les « blancs »…Leurs corps suspendus aux branches ont inspiré à Billie Holliday cette chanson poignante « Strange fruit »…En feuilletant ce livre, on est happé par la beauté et la diversité des œuvres présentées et ravi que ces artistes aient enfin une légitime place dans cette histoire de l’art crée par et pour les blancs ! Un siècle d’histoire file sous nos yeux, un siècle de lutte et de sang versé, de souffrances… Chapeau bas à Daniel Soutif, commissaire de cette expo pour son travail de recherche époustouflant ! Et merci à Flammarion pour ce superbe et émouvant ouvrage ! Ah ! Une dernière chose ! Un coffret de 3 CD qui couvre la production musicale de cette période 1916/1962 est également en vente (Frémeaux et associés) pour savourer la bande-son devant ces œuvres exceptionnelles…
The Color Line (ouvrage collectif), Flammarion, 2016 / 49€
Ce superbe ouvrage nous présente l’œuvre née d’une rencontre amoureuse et artistique : celle du peintre Gilles Blanchard et du photographe Pierre Commoy, plus connus sous les noms de Pierre et Gilles. Même si leurs noms ne vous disent rien, vous avez déjà forcément eu sous les yeux, une de leurs œuvres, sur une pochette de disques ou sur la couverture d’un magazine ! Daho et son perroquet sur l’épaule… Jean-Louis Gautier et sa marguerite … ça ne vous dit rien ? Bon sang, mais c’est bien sûr ! Car les photos de Pierre et Gilles sont reconnaissables entre toutes, par l’originalité des techniques qu’ils utilisent : réalisées en studio par Pierre et travaillées ensuite par Gilles en peinture et collages de strass, perles et paillettes qui leur donnent cet aspect « Kitsch » et résolument Pop’art, très coloré à la manière d’icônes ou de chromos. Cet esthétisme léché et flamboyant est la marque de fabrique de ces deux artistes qui s’inspirent de la mythologie et de la religion, mais aussi de Bollywood et de son art naïf et bon enfant. Inconnus ou célébrités courent se faire tirer le portrait chez ces deux « imagénieurs » comme les surnomme Eric Troncy, critique d’art à l’initiative de cet ouvrage, qui fête les 40 ans de ce couple cultissime. Sensuelle et empreinte de culture-gay, provocatrice mais sachant se faire tendre, l’œuvre de Pierre et Gilles est un bonheur des yeux, comme vous pourrez le constater en admirant les 350 œuvres réunies dans cet ouvrage classieux (certaines sont inédites). Deux expos leur seront consacrées en 2017. Une au musée d’Ixelles (Belgique) du 23 février au 28 mai, puis, à la suite, au musée du Havre (ville natale de Gilles) jusqu’au 20 août. Bon anniversaire les garçons !
Pierre et Gilles d’Éric Troncy, Flammarion, 2016 / 50€
Nul doute qu’Alexandre Géraudie adhère complètement aux idées développées par le CCC (comité contre les chats) : Si vous adorez votre matou, ne laissez pas traîner ce livre sous ses yeux, on ne sait jamais, il pourrait développer une agressivité bien légitime (en plus de tous ses innombrables défauts, le chat est d’une fourberie sans nom) ! Dans le cas contraire, soit vous avez un chat et ne pouvez pas le blairer, soit l’idée d’avoir sous votre toit une de ces créatures ne vous a jamais effleuré. Si on y regarde bien, c’est quoi un chat ? Une créature bien souvent moche qui ne sent pas la rose… Ils sont bruyants (et que je te miaule et que je te ronronne… horripilant !), fainéants, complètement assistés, ils ne pensent qu’à bouffer. J’en sais quelque chose, j’ai un chat (en fait, c’est plutôt un chat qui m’a…) qui n’est sympa que quand il a faim, c’est-à-dire tout le temps, en fait (Il me ruine en boulettes, le salopard). Et le pain, dans tout ça, me direz-vous ? Le pain est beau, bon, tendre, il ne se plaint jamais et lorsqu’il est perdu, on le retrouve facilement. Personne ne dira le contraire, c’est une évidence, non ? Si on compare le chat au pain, l’équation est vite résolue, on mange le chat et on adopte un pain !!!! Je ne sais pas à quoi carbure, Alexandre (aux chats, il les mange ????) mais je veux la même chose (Gaffe, Chico !) Son livre est un éclat de rire à lui tout seul ! Un mystère, cependant… Où a-t-il trouvé, pour sa magistrale démonstration, des photos de chats aussi laids ? A offrir (loin de la SPA et de Brigitte Bardot) à des gens de goût qui aiment les chiens et le pain et qui ont forcément un sens de l’humour aiguisé. Ou à votre boulanger, ça ne mange pas de pain. Pour le prix de deux belles miches (de pain), moi, je vous le dis, vous ferez des heureux !
Du pain et des chats d’Alexandre Géraudie, FLBLB, 2016 / 5€
Quand on a proposé à Pierre Desproges d’écrire des chroniques culinaires pour le très bourgeois magazine « Cuisine et vins de France », son premier réflexe a été de refuser (et on le comprend !). Il a fini par capituler devant une proposition de choix, que lui seul pouvait accepter (et à qui on pouvait la proposer !) : se faire payer en bouteilles de bon vin ! Son péché mignon pour lui qui aimait autant la bonne chère que les grands crus (sa cave ressemblait à la caverne d’Ali Baba). Alors, Desproges en chroniqueur culinaire, ça donne quoi ? Sans grande surprise, c’est grivois, décalé, drôle, pétillant, absurde et parfumé à l’humour noir ! Amateur de premier degré et d’eau minérale, fuyez ! Vous ne méritez pas d’être intronisé dans la grande confrérie Desprogienne ! Pour ce faire, il faut savourer la bonne chère (et la bonne chair !), reconnaître un grand cru d’une piquette et surtout, apprécier la qualité d’écriture de ce grand lettré que fut Desproges… Illustré par l’équipe de Charlie Hebdo (Cabu, Catherine, Charb, Luz, Riss, Tignous et Wolinski) qui apportent leur part de talent à l’édifice, ce livre compile les textes de Desproges en rapport avec la gastronomie (certains sont inédits). Alors, prêt pour la recette du cheval melba (on peut remplacer le cheval par un chihuahua, c’est plus économique) ou du pot-au-feu Marie-croquette (ou l’art d’accommoder sa fille aînée) ? Vous découvrirez également dans ce précieux ouvrage le nom de l’inventeur du pain à saucer (allez, je vous le dis, c’est Jonathan Paxabouille) ou ferez connaissance avec Marie Curry, créatrice de la sauce du même nom… Je ne résiste pas à conclure cette chronique par une citation du Maître : « C’est pourquoi, au risque de m’attirer les foudres de la faculté et du syndicat des garçons de bains en eau douce, je ne crains pas d’affirmer ici haut et fort : l’eau est vénéneuse. Elle contient un autodepresseur suractif dont la consommation régulière peut conduire l’homme au suicide, au meurtre, voire même à s’abonner à Jours de France. Faites comme moi. Ménagez votre santé. Buvez du vin, nom de Dieu ! » .Merci Pierre pour ces conseils avisés que nous ne manquerons pas de suivre. Une dernière chose… Tu nous manques….
Encore des nouilles (chroniques culinaires) de Pierre Desproges, Les échappés, 2014 / 14,90€
Christine Le Garrec