Arts et essais ! N°20

Devenir dictateur… C’est ce que nous propose avec humour Mikal Hem, dans un traité en dix leçons savoureuses, le festival de Cannes terminé, Bruno Cras vous propose les confidences et anecdotes de réalisateurs de films cultes, Simon Pradinas, avec un talent fou, dessine pour nous les plans d’un Paris aussi mystérieux que captivant. Pour finir, la parole est à François Millo qui nous retrace l’histoire de l’appellation « Côtes de Provence » qui fera le délice de vos soirées estivales. Bonnes lectures à toutes et à tous !

 

 

 

Ne devient pas dictateur qui veut, d’autant plus que la concurrence est rude et que les vocations ne manquent pas dans le monde. Si vous voulez accéder au pouvoir suprême, il vous faudra de la méthode. Et ça tombe bien, petits veinards ! Le journaliste norvégien Mikal Hem a rédigé pour vous un guide pratique en dix leçons, dûment argumenté, pour vous aider dans votre entreprise. Tout d’abord, (si vous héritez du siège de papa, passez cette première leçon) préparez votre coup d’état (de préférence dans un pays pauvre) et assurez vous le soutien de l’armée et d’un pays étranger. Ensuite, pour garder le pouvoir, éliminez toute opposition et contrôlez les médias. Ne lésinez pas sur la propagande en titillant les instincts nationalistes de la population. Cela fait, pour entretenir votre image, donnez vous un titre qui mettra bien les pétoches à votre peuple forcément déjà soumis. Trouvez-en un bien ronflant en vous inspirant d’Amin Dada (qui se proclamait « seigneur des bêtes de la terre et des poissons de l’océan, ça jette, non ?) N’hésitez pas à vous en mettre plein les poches avec les caisses de l’état, tout vous appartient, ne l’oubliez pas ! Et préparez l’avenir (le peuple peut être si imprévisible) en planquant votre fric (préférez l’or, facilement transportable). Avoir du pognon ne suffit pas, il faut le faire savoir et l’exhiber : organisez des fêtes somptueuses sur des yachts immenses, ne vous déplacez qu’en jet privé et en voiture de luxe blindée (et oui, le peuple est TOUJOURS imprévisible !) Faites preuve de mauvais goût : le bling-bling impressionne toujours les pauvres. Ah ! Votre vie sexuelle (symbole de puissance) doit elle aussi être connue de tous et vous ne serez qu’un petit joueur ridicule à moins de quatre maîtresses différentes par jour (Kim II Sung en entretenait 2000 à une époque, pas par jour, hein !). Écrivez vos mémoires ou de la littérature pour que quoi qu’il arrive, vous rentriez dans l’histoire (Saddam Hussein, Kadhafi et Kim II Sung (encore lui) avaient paraît-il leur petit talent). Rendez leur lecture obligatoire, surtout dans les écoles. Soyez correctement sapé en vous choisissant un style : classique, ethnique, rebelle ou tape à l’œil, il sera votre marque de fabrique. Préparez votre succession en choisissant un fils ou à défaut un proche pour perpétuer votre œuvre… Mais choisissez le bien… Judas se cache parfois derrière Jésus, méfiance ! Si votre règne commence à prendre l’eau, essayez de partir à temps avant de vous faire buter ou de vous faire jeter en taule. (Vous avez de toute façon tout prévu, si vous avez bien suivi les précédentes leçons). Si vous vous sentez indéboulonnable et que vous avez la certitude de mourir dictateur, prenez vos dispositions pour que l’on vous vénère même « ad patres » : prévoyez de vous faire embaumer et exposer dans un mausolée, afin que votre peuple, au désespoir, puisse venir se recueillir sur votre dépouille. Bon, vous avez tout bien noté ? Alors, de fantastiques possibilités s’ouvrent à vous ! Merci qui ? Merci Mikal ! Une satire politique irrésistiblement drôle et largement agrémentée de « vraies » curiosités dictatoriales ! Mikal Hem ou comment tourner en dérision … Le pire !

Et si je devenais dictateur de Mikal Hem (traduit du norvégien par Jean-Baptiste Coursaud), Gaïa, 2017 / 21€

 

 

 

La tradition du « guide illustré » ne date pas d’hier : pour l’exposition universelle de 1867, les principaux écrivains et artistes de l’époque en avaient réalisé un en deux tomes (Victor Hugo en avait fait l’introduction) et depuis, poétique, humoristique ou historique, le genre a fait des émules et de nombreux ouvrages ont été édités. Si celui que nous propose Simon Pradinas est un peu tout cela à la fois, il est avant tout d’une grande qualité artistique ! C’est en marchant que ce cueilleur d’émotions et de sensations s’imprègne et s’inspire pour visualiser ses futurs plans dessinés. Naïves et colorées, ses œuvres foisonnantes nous « racontent » Paris à travers son architecture, accompagnées de textes truffés d’anecdotes sur les noms des rues ou les personnages illustres qui les ont fréquentées : flâneur sensible et curieux, il nous prend par la main pour nous convier à une balade poétique (et très documentée) dans les méandres du temps et de l’histoire. Pour les amoureux de Paris où ceux qui souhaitent le découvrir, ce guide précieux les aidera à porter un autre regard sur cette ville qu’on ne peut comprendre et apprécier que le nez au vent…Comme cet artiste nous en donne le chemin et l’envie ! Simon Pradinas expose régulièrement dans des galeries parisiennes liées au mouvement street art. Lors de vos excursions parisiennes, renseignez-vous ! Vous aurez peut-être la chance de voir exposés ses superbes plans dessinés !

Street Paris de Simon Pradinas, Le Chêne, 2017 / 19,90€

 

 

 

Réaliser un film est un vrai parcours du combattant qui peut prendre des années… Avec humour et beaucoup d’humilité, les réalisateurs de trente films « cultes » ont confié à Bruno Cras (le monsieur cinéma d’Europe 1) leurs secrets de tournage et une multitude d’anecdotes croustillantes, drôles ou émouvantes. Du « fabuleux destin d’Amélie Poulain » à « Dobermann » en passant par « Cyrano de Bergerac », « 37°2 le matin » ou « Marche à l’ombre », on se glisse avec délectation dans la peau d’une petite souris pour se faufiler dans les coulisses de ces tournages qui ont valu à leurs réalisateurs autant de crises de fous rires que d’angoisse ! Vous en voulez une ou deux ? Allez, je vous livre les deux qui m’ont particulièrement fait craquer : vous vous souvenez de la mémorable tirade de Daniel Gélin dans « La vie est un long fleuve tranquille », quand, l’air ahuri, il déclame indéfiniment son célèbre « La salope…. La salope…. » ? Il a ensuite confié à Chatiliez que l’inspiration lui est venue… En pensant aux femmes de sa vie ! Une autre pour la route ? Sur le tournage des « Valseuses », un plan met en scène Dewaere et Depardieu au volant d’une 2 CV… Au « Partez » de Blier, ils ont bien démarré… Mais pour ne revenir qu’une heure plus tard ! Un ouvrage que les amoureux du septième art vont adorer !

Secrets de cinéma de Bruno Cras, Plon, 2017 / 16,90€

 

 

 

L’ingénieur agronome (et excellent photographe !) François Millo a dirigé jusqu’en 2015 le conseil interprofessionnel des vins de Provence. Auteur d’une dizaine d’ouvrages sur la Provence et ses vins, ce natif de la région est donc un fin connaisseur du sujet ! Il nous propose dans ce très beau livre un tour d’horizon très complet, en petits chapitres composés de textes concis et précis sur l’histoire, l’évolution et la popularité de cette appellation qui fête cette année ces quarante ans. Une exploration passionnante de ce vin de terroir qui repose sur la diversité géologique et climatique de cette belle région, émaillée d’anecdotes insolites ! Saviez-vous, par exemple, que le vin était considéré comme un poison (il y a fort, fort longtemps…) et que nous devons nos ivresses paillardes et joyeuses à une femme qui, voulant se suicider avec ce breuvage maudit, a démontré que non seulement, il n’était pas mortel, mais qu’en plus, il procurait gaieté et bonne humeur ! En quatre grands chapitres, François Millo nous dépeint les spécificités des différents terroirs (appellations « Fréjus », « La Londe », « Pierrefeu », « Sainte-Victoire »…) et nous fait pénétrer dans l’art des vignerons entre techniques et traditions (un milieu qui se féminise). Il conclut par ce que nous ne pouvons qu’approuver : le plaisir de la dégustation, de la convivialité, et le mariage indissociable de la cuisine et du vin, qui fait frémir de bonheur nos papilles gustatives ! Ce vin aux multiples qualités, qu’il soit rouge, rosé ou blanc n’aura plus de secret pour vous après la lecture de ce bel ouvrage aux magnifiques photographies ! A déguster entre sieste et pétanque, entre amis ou autour d’un bon repas, le côtes de Provence est indéniablement lié aux vacances ensoleillées !

Côtes de Provence de François Millo, Le Chêne, 2017 / 35€

 

Christine Le Garrec