Dans cette rubrique, je vous propose trois ouvrages parlant aux corps : les déplacements géo-politiques ou énergétiques qui les animent, la poésie de l’arène ou encore l’écoute qu’ils requièrent, autant de manières de les reconsidérer, au jour le jour.
Dans la peau de l’étranger
Connu pour sa subversivité et sa dissidence, l’artiste-activiste chinois revient ici sur la genèse de son film documentaire Human Flow, paru en 2017. Ce projet au long terme articule des images et histoires de camps de réfugiés du monde entier. En lien direct avec son histoire et trajectoire personnelles, marquées par l’exclusion et la fuite, Ai Weiwei nous parle de ses motivations à entreprendre ce film.
Ce texte bref, écrit “en guise de manifeste”, offre plusieurs pistes de réflexions sur les mouvements de populations mondiaux et la condition d’exilé. Mêlant mémoire personnelle, anecdotes de travail et réflexions politiques, il est l’occasion de poser un autre regard sur une des plus prégnantes questions de société.
Dans la peau de l’étranger, par Ai Weiwei, Actes Sud, 2020 / 8,90€
Tantra,, l’intimité au masculin
Aliam Karim Rizzi, praticien tantrique pour hommes, nous parle ici de cette discipline ancienne de la conscience et du corps, et la démystifie avec adresse. Émaillé de témoignages de travail et de portraits sensibles de ses patients, ce texte propose un retour aux sens et aux sensations, à l’acceptation de soi.
Les questions du corps et du désir, centrales dans cette pratique, sont abordées via la mythologie, mais aussi l’expérience vécue. L’auteur souligne aussi la toxicité des représentations binaires du genre et des comportements sexuels attitrés dans notre société. Dans son studio de travail, il offre à ses patients l’espace et l’attention permettant de récréer du lien, de soi à soi, et d’appréhender le monde dans la non-dualité.
Les questions du masculin trouvent ici des biais de réponse, et le tantrisme contemporain nous apparaît comme une voie de bien-être abordable, pertinente & attirante.
Tantra, l’intimité au masculin, par Aliam Karim Rizzi, Actes Sud, 2020 / 12€
Sur un nuage de terre ferme
Sur un nuage de terre ferme, lieu de réunion du poète, du plasticien et du toréador, pour un hommage synesthésique aux dieux de l’arène.
Ce magnifique ouvrage trouve sa naissance dans les éblouissantes corridas de José Tomas et les instants d’éternité qu’il convoque. Il est finalement question moins de tauromachie que du duende, cette force sombre à l’orée du destin, ce point suspendu dans l’arène, ce pouls que l’on partage avec la terre, avec le sang, avec la bête, avec l’auditoire.
Par ses dessins, Ernest Pignon Ernest saisit la poésie du mouvement, de l’arête du temps, la poésie des ocres, des traînées de poussières et des souffles coupés, tandis qu’André Velter traduit en mots, dans un récit miroir & bilingue, la grâce de l’affrontement.
Sublime.
Sur un nuage de terre ferme, par André Velter et Ernest Pignon-Ernest (illustration), Actes Sud, 2020 / 26€
Nush