Juke Box N°76

Place tout d’abord aux garçons avec les perles rares et les trésors cachés de l’incontournable Charlélie, et avec le reggae jazzy de Kubix… Qui s’inclinent ensuite devant ces dames ! Et quelles nanas !!! Laura Perrudin va vous envoûter avec sa pop soul électrique et dansante, le trio Zéphyr va vous embarquer dans un fabuleux voyage dans les musiques du monde, et Rosemary Standley va vous faire partager avec un immense talent sa passion pour Schubert ! Belles et bonnes écoutes à toutes et à tous !!!

Ça fait un bail que j’écoute Charlélie. On peut dire que je suis fan… Alors, vous pensez bien que ce n’est pas aujourd’hui que… Je vais la lui mettre à l’envers ! Surtout qu’il n’y a aucune raison car le poète rock nous dévoile quatorze joyaux issus de ses coffres personnels. Les « Trésors Cachés & Perles Rares »… De « Charlie Haute Couture » comme dirait ma fille. Ca promet du lourd ! Et franchement, on n’est pas déçu du voyage (je vous l’ai dit… j’suis fan) ! Avec ce 24ème opus, tel un archéologue opiniâtre, Charlélie est retourné sur ses pas pour visiter le musée de son histoire et il en a exhumé ces quelques bijoux volés au temps qui passe. Se remettre toujours et encore en question. C’est ce que j’aime chez cet artiste qui n’en a toujours fait qu’à sa tête… Avec la complicité de quelques vieux potes zicos, il a retaillé ces quelques titres issus de son impressionnante discographie (du sur mesure !) tels « La Ballade de Serge K », « Good Night Esméralda », « Après la Fête »… Et parce que Charlélie ne fait que dans la haute Couture, il nous balance quelques inédits avec « La Maline » (poésie d’Arthur Rimbaud), « Tu me Manqueras » (sur une musique de Sam Garcia), « Non, Je n’ai pas changé » (Dino Ramos et Claude Lemesle)… Sans fioritures inutiles ni instruments superflus, entre rock tendu, blues social et poésie cinématographique, le style unique de ce poète rock inclassable ne peut encore (une nouvelle fois) qu’être apprécié par ses fans passés et à venir ! Alors Charlélie, quand tu n’as rien d’autre à faire, retaille tes perles rares et fais nous découvrir tes trésors cachés… moi je suis preneur !

Trésor Cachés & Perles Rares / Charlélie Couture / Rue Bleue & Flying Boat / 30 Octobre 2020 / 15€

Kubix est un petit plaisantin : son album s’intitule « Guitar Chant »… Et y’a pas de chanteur ! Faudrait-il en conclure qu’il s’agit du chant de la guitare ? Que ce disque est un instrumental ? Et qu’on va devoir écouter toutes ces notes, ces harmonies, ces silences aussi, sur une rythmique reggae ? Bon, là les gars, je crois qu’il va falloir se résoudre à cette théorie… Ah, c’est sûr que pour les puristes du jazz ou du reggae, ça va leur titiller les oreilles ! Mais peu importe, Kubix aime ce qu’il joue et ça se ressent au fil des onze titres qui composent cet album. Mais voilà, il ne suffit pas d’être très bon guitariste, il faut aussi qu’il y ait du groove derrière tout ça ! Pas de souci, son carnet d’adresses est bien rempli et de supers musiciens sont bien entendu passés au studio pour tailler la bavette et au passage enregistrer quelques pistes. Imaginez un peu… Aya Kato la pianiste japonaise, Marcus Urani, le claviériste de Groundation et encore plus étonnant, le légendaire bassiste et chanteur des Gladiators, Clinton Fearon… Rien que ça ! Et je ne vous parle pas de la section cuivre… Eric Gaulthier, Matthieu Bost et Zacharie Ksyk, sans oublier Nicolas « Nicodrum » Belouet aux tambours traditionnels jamaïcains, maître dans l’art du Nyabinghi et des percussions ancestrales… Que des noms prestigieux ! Ça donne pas le frisson ? Je confirme, « Guitar Chant » n’est pas seulement du jazz métissé qui prend sa source en Jamaïque, c’est aussi un album qui puise son inspiration dans les rencontres musicales et humaines de Kubix , qui met en lumière les musiciens et leur laisse toute place pour s’exprimer. Ça c’est sur… ça va jazzer chez les puristes ! Yes I !

Guitar chant / Kubix / Attik Prod / Baco Records / 13 Novembre 2020 / 13€

Vous connaissez Laura Perrudin ? Je vous rassure… moi non plus, avant que je tienne entre mes mains « Perspectives & Avatars », son troisième album. Je ne savais pas non plus qu’il existait des… pardon, UNE harpe chromatique électrique, instrument créé spécialement pour elle ! Bon ce soir, j’irai me coucher un peu moins C.. ! Après une formation classique et s’être nourrie de jazz, de soul et de hip- hop depuis sa plus tendre enfance, Laura Perrudin s’intéresse très vite à l’électro et aux bidouillages avec lesquels on peut s’amuser. Armée de sa harpe, de ses pédales d’effet, laptop et looper multipistes, la miss se fait remarquer dès 2015 à la sortie de son premier album « Impressions ». Jusque-là, rien d’impressionnant ! Suit en 2017 « Poisons & Antidotes », un ovni pop aux frontières d’une soul teintée d’electronica et de folk expérimental. Ah là, on se dit, la p’tite, elle a du potentiel ! « Perspectives & Avatars » qui creuse le sillon d’une pop de plus en plus soul, électrique et dansante, nous le confirme en douze titres, où elle est accompagnée de feats prestigieux (Melissa Laveaux, Becca Stevens, Emel Mathlouthi, Ian Chang, Son Lux, Moses Sumney…) dans un concept d’écriture où chaque chanson est un personnage, un avatar. Ce qui nous laisse de belles perspectives… N’est-ce pas Mme Perrudin !

Perspectives & Avatars / Laura Perrudin / Laurent Carrier diffusion / 9 Octobre 2020 / 17€

Archets… Armés… Tirés… ! Bravo le Trio Zéphyr, vous m’avez touché en plein cœur ! Et par ces temps obscurs, ce petit chef d’œuvre remet du baume au cœur ! Avec « Lucia » (album anniversaire de leurs dix ans de carrière… ça se fête !), Delphine, Marion et Claire nous invitent à un doux et rayonnant voyage en dix titres qui s’aventurent dans l’univers des musiques du monde et de l’imaginaire. Elles nous ouvrent les portes d’un jardin où les âmes sensibles et les doux rêveurs se posent pour s’abandonner aux douces sonorités de leur trio à cordes qui a l’art et la manière de chatouiller notre imagination. S’inspirant du jazz, des musiques de l’est et des rythmiques de l’orient, sur des textes purement imaginés par leurs soins, nos drôles de dames jonglent avec les syllabes, se jouent des harmonies et font vibrer la polyrythmie avec une belle intensité. Avec « Lucia », le Trio Zéphyr a puisé au cœur de ses racines, de celles qui font frissonner nos écoutilles pour nous rappeler que « si l’obscurité ne chasse pas l’obscurité, seule la lumière peut le faire » (Martin Luther King). Un album lumineux !

Lucia / Trio Zéphyr / e-motive records / l’autre distribution / 16 octobre 2020 15€

Quelle surprise de retrouver Rosemary Standley, chanteuse du groupe Moriarty, dans un registre aussi classique et de découvrir sa passion pour les lieder du grand compositeur allemand Franz Peter Schubert ! Et pour les amateurs comme moi qui n’y connaissent pas grand-chose en musique classique, c’est une véritable aubaine que de tomber sur ce genre d’album où se côtoient le jazz, le flamenco et la musique de chambre. Mêler des univers musicaux différents n’est pas chose aisée et pourtant, c’est la démarche de l’Ensemble Contraste depuis plus de vingt ans. C’est à l’initiative de l’altiste Arnaud Thorette et de Johan Farjot, qui signe ici les arrangements, que ce « Schubert In Love » a vu le jour. Une superbe déclaration d’amour au maître incontesté du lied ! D’accord, mais faut-il encore que ça plaise, le classique et Schubert… Ce n’est pas la tasse de thé du premier venu ! Mais avec la pléiade de superbes musiciens réunis autour de ce projet (Airelle Besson, Sandrine Piau, Kévin Seddiki, Laure Sanchez…), il n’y avait aucune chance pour que ça capote ! La devise de l’Ensemble Contraste est « Amenez l’auditeur encore plus loin ! ». Pari réussi ! « Schubert In Love » est un bel hommage à Schubert, en total harmonie avec le lyrisme parfait de Rosemary Standley, sublimé par de subtils arrangements d’un Ensemble Contraste… Au plus haut de sa forme !

Schubert In Love / Rosemary Standley et l’Ensemble Contraste / Alpha Classics / Outhere Music / 11 septembre 2020 / 17€

Bruno Robert