Juke Box en Avignon !

C’est entendu, Avignon c’est le théâtre, comme Arles la photo, Orange le lyrique et Le Mans les rillettes… Mais en se promenant dans la cité des Papes autour du off, vous n’êtes pas à l’abri de quelques découvertes musicales enthousiasmantes !

Laissez-moi vous parler du concert flamenco de Luis de la Carrasca au théâtre du Chêne Noir et de la stupéfiante Sophie Leleu en chanteuse de rue de grand standing, au pied du Palais des Papes…

Et comme je ne pars pas en road-trip sans biscuits, l’autoradio nous jouera le dernier Debout sur le Zinc, le félin Baba Wazo et la punchy Kandy Guira

Petit évènement ce jeudi 29 juillet. Premier concert depuis mars 2020 et le début des emmerdes…

Grosse émotion donc derrière le masque…

LUIS DE LA CARRASCA au programme qui présente in vivo, depuis le début du mois, son dernier opus Gharnata, du nom de sa ville natale Grenade en arabe.

Luis de la Carrasca conte sa Gharnata, sa Granada d’enfance.

Ce fruit juteux qu’il égrène en de rutilants rubis, tantôt acides sous la dent, tantôt sucrés sur la langue.

Un contraste de saveurs qui fait le creuset multiculturel de la ville aux jardins légendaires…

Des souvenirs de jeunesse et l’hommage d’un artiste aux poètes qui l’ont forgé, ceux qui lui ont montré la voie et à qui il prête la voix.

Il fait ainsi chanter Federico Garcia Lorca ou Antonio Machado

Il convoque Paco de Lucia aussi bien que Bizet dont il a adapté la Carmen, en flamenco cela coule de source.

Au service du Maestro, un combo de virtuoses plein d’élégance.

Pour moitié flamenco puro avec deux guitaristes remarquablement complémentaires et une danseuse étourdissante.

Imaginez, une danseuse balinaise qui ferait des claquettes avec l’aplomb d’une fière andalouse.

J’en ai encore des frissons…

Associés à trois équilibristes… Un contrebassiste à temps partiel mais qui fait les palmas et donne le climat de son jeu inventif, un pianiste tout aussi talentueux qui nous emmène bien plus loin que la péninsule et un percussionniste canadien à ressort…

Un flamenco avec une légère teinte jazz des plus suave…

Une fusion subtile toute en maîtrise et maestria. Du grand Art !

Par-dessus tout ça, un chant authentique, sans fanfaronnades, qui puise sa vérité au plus profond de ses racines et nous l’expose en toute humilité.

D’une voix âpre et mélodieuse. Une douce âpreté…

Gharnata / Luis de la Carrasca / Association Andalouse Alhambra / 11 Octobre 2019 / 15,70€

Un don du ciel…

Sur le chemin qui mène à Luis de la Carrasca, une voix divine s’élève au loin.

Mes oreilles toutes émoustillées me guident vers une mélopée pleine de nostalgie et s’égaye sous les traits cristallins d’une harpe…

Hors du temps…

Un mini concert à l’ombre du Palais. Une grande belle femme chante des mélodies séfarades en s’accompagnant de l’instrument le plus délicat.

Un enchantement de tous les sens.

Quand Sophie LELEU, une mezzo-soprano de renommée mondiale se penche sur le répertoire séfarade un peu oublié, cela donne quelque chose de lumineux, d’irréel et pour tout dire, de bouleversant.

Des chants transmis de mères en filles, De Femmes En Femmes, que la voix à la fois puissante et aérienne de Sophie LELEU magnifie au plus haut point.

Elle nous porte dans l’espace et dans le temps. D’un moyen-âge à l’amour courtois, aux contes orientaux, dans des élans emplis de mysticisme.

Découvrir cette musique sous les roches qui soutiennent le Palais des Papes n’en fût que plus édifiant…

On peut mesurer la beauté d’une musique ou d’un spectacle, à la qualité du silence de l’audience.

Avec sa prestance, sa gestuelle gracile de harpiste et sa voix tombée du ciel, Sophie LELEU a tous les atouts dans ses manches de grandes prêtresse pour ce qui est de captiver (capturer ?) un public…

Et sur cette placette d’Avignon on n’entendait pas une trottinette électrique voler…

Plus tard, à l’écoute de son album enregistré dans une église en Dordogne au son si ample et si pur, je constate que mes impressions premières furent les bonnes.

Sophie LELEU à contrario de nombreuses artistes lyriques qui s’attaquent à d’autres registres que le « Répertoire » avec un grand R, ne sur-joue pas.

Elle n’interprète pas, elle incarne…

Une passion, des sentiments, des traditions…

Avec un sens aigu de la nuance…

Un opus à quatre mains, avec Antoine Morineau, un percussionniste au toucher précis et sensuel.

Le duo dégage une telle intelligence musicale, que d’une économie de moyen résulte une richesse d’émotions harmoniques entre les cordes et les peaux.

Je crois, peut-être à tort, que la beauté peut se suffire à elle-même.

Nul besoin d’être spécialiste en musiques savantes pour apprécier une telle œuvre.

Quand les meilleurs donnent leur meilleur et que l’âme prime sur la technique…

Il reste la béatitude d’un auditoire conquis…

Yerushalayim !

De femmes en femmes / Sophie Leleu et Antoine Morineau / 6 Novembre 2020 / Lien d’écoute ici !

Pas à un paradoxe près, je vais vous parler de L’Importance de l’Hiver dans un Juke-Box au cœur de l’été.

A moins que les gars de DEBOUT SUR LE ZINC ne soient que trop prévoyants.

Qui peut se le permettre en ce moment ?

DEBOUT SUR LE ZINC ? J’ai déjà essayé…

C’est pas toujours stable, mais c’est de là qu’on voit le mieux !

En tout cas, c’est de là-haut que ces gars là nous jaugent…

Nos petits travers, nos mesquineries. Nos passions sournoises et nos peurs infondées.

Le paradoxe et la tartufferie.

Dans une philosophie qui n’est pas de comptoir…

Car bien plus qu’une route à suivre on s’appuie sur des doutes sans vivre…

« …Je n’ai plus rien à perdre et je n’ai rien à gagner… »

Encore tout secoués de leur expérience sur Boris Vian, le groupe embraye avec ce nouvel opus plein de rengaines et de ritournelles qui auraient fait le bonheur du pataphysicien.

Qui voit ce vieux Monde s’écrouler en version Mariachi Smoothie ?

L’Elu… Une comptine qui ne s’en laisse pas compter sur notre Président. Et ce n’est pas Salengro !

Des paroles pleines de sagesses délivrées à l’aigre-douce, un disque assez sombre, éclairé par de belles mélodies, de décharges électriques et autres tours de magie.

Des retrouvailles sous L’Orage ou tout comme…

Ça va aller… En méthode Coué pour les désespérés. Belle chanson grave dont je sors transis…

W comme un Souvenirs Souvenirs des yéyés à la New Orleans…

Quelques chansons d’amour contrariées ou pas… Entre Ying et Yang

« …Juste pour te secouer les puces… »

Un plaidoyer pour les vieux acariâtres…

« …Passe me Voir et puis vas-t-en… »

Et même quand on se fait larguer ça reste Wap Doo Wap !

« …Dire que j’étais amoureux… Ouais mais ça m’apprendra… »

En 25 ans de carrière et 10 albums au compteur, l’alchimie reste intacte entre les gentils membres du Zinc et toujours la grinta pour pondre un bijou de cet acabit.

Un disque fleuve pour se laisser porter comme un bouchon, sans exclure les remous…

Le cri étouffé d’un mec noyé dans la multitude…

A boire ! « …Ou j’écrase la chenille ! …»

L’importance de l’hiver / Debout sur le Zinc / 7 Mai 2021 / Lien d’écoute ici !

BABA WAZO c’est le joujou de Basile Théoleyre, chanteur, guitariste, trompettiste, transfuge du renommé Orchestre National de Barbès.

Associés à Maximilien Helle-Forget aux claviers et de Benjamin Colin aux fûts et percus ils sortent ANIMAL un EP 6 titres au son classieux et au move entrainant…

Pas sans rappeler les démarches des Talking Heads ou plus près dans le temps du Vampire Week-End, les jeunes et élégants bipèdes s’approprient une musique World, la saupoudrent de jazz et de rock pour en faire leur chose…

« …J’ai l’esprit Cavalier, j’imagine, j’imagine… »

Des textes pleins de sous-entendus, assénés d’une voix pleine d’assurance.

Ça titille aux bas des reins…

Une ode à la Paresse toute pimpante, qui incite plus à la danse qu’à la sieste et s’affole vers un final de cuivres dans un bouge de Lagos…

La flemme s’enflamme !

« …Je brasse de l’air, je vends du vent… »

Et prendre La Vie en intermède jazzy… In the mood…

Puis sombrer dans la Sanza Tristesse du grand frère Francis Bebey.

Une tristesse d’une beauté à tomber…

Une tristesse qui se faufile entre Jazz-Rock et Rock Progressif sur un piano envoûtant et un final encore magnificent…

Ce disque est plus qu’un simple recueil de chansons, il explore des recoins du Monde que nous ne soupçonnions pas…

Le BABA WAZO, ce drôle d’Animal, mérite d’être vu Alive !

Et ce pas plus tard que le 19 octobre 2021 au Studio de L’Ermitage !

J’y serai… Qui vient ?

Animal / Baba Wazo / La Belle Electrique / Inouie Distribution / 24 septembre 2021 / 10€

Pour égayer un peu plus le voyage et mettre enfin du soleil dans cet été poussif, rien de tel qu’un peu de musique africaine…

Celle-ci nous vient du Burkina Faso et nous donne tout ce que l’on attend du genre.

Des rythmes effrénés, des guitares insensées, des chœurs ravageurs et la présence d’une chanteuse à vous transcender et vous faire traverser le désert sans jerrycan !

La chanteuse c’est KANDY GUIRA, l’Amazone du Burkina Faso.

Quelque chose de l’enthousiasme d’Angélique Kidjo, de la chaleur de Myriam Makeba…

Un pas pour la danse, un pas pour la conscience, tel semble être la devise de l’Amazone…

Karango (Scolarité), Vie Chère…

Sur Nagtaba son nouvel album elle distille une musique ou le tribal se marie avec la techno.

Le chant mène sa barque entre nonchalance et envolées libératrices…

Ça bouge, ça bouge… avec ce petit truc qui fait que ça décolle !

Un album à la croisée des continents, rempli de sucreries endiablées.

KANDY GUIRA combine les instruments ancestraux africains à la technologie occidentale pour une World moderne efficace, sans renier ses origines.

Et c’est tout pour notre bonheur et notre bonne humeur…

Avec ce soleil revenu dans l’habitacle, la route parait moins longue et déjà je vois le panneau : AVIGNON !

Nagtaba / Kandy Guira / Que du Bonheur en Son / Vlad Productions / RFI Talents / Inouie Distribution / 22 Octobre 2021

Le RASCAL (collage Bibi sur photos de Catherine)