Papiers à bulles ! N°48

Vous jouerez avec jubilation à l’héroïne (ou au héros !) de la délectable et imaginative « épopée infernale » d’Émilie Plateau, au cours de laquelle vous déciderez du destin d’une autrice de BD en mal de reconnaissance… La surréaliste et hallucinante « déflagration des buissons » de Julie Chapallaz qui nous offre un roman photo de très grande classe, vous époustouflera autant par son scénario délirant que par l’esthétisme de ses images… La biographie dessinée très « punk » sur Malcolm McLaren et les Sex Pistols, signée par Marie Eynard, Manu Leduc et Lionel Chouin, vous plongera dans les exubérances du swingin’ London… Et l’improbable road trip d’une équipe bretonne de lancer de marteau vers l’Écosse et ses Highland games, narré avec humour par Fabien Grolleau et Nicolas Cado, fera fleurir vos sourires attendris ! Place ensuite à des ouvrages politiquement engagés en commençant par « La fiancée » de Gwenaëlle Abolivier et Eddy Vaccaro qui nous embarquent dans les années sombres de la seconde guerre mondiale pour nous conter la bouleversante histoire d’amour entre Odette Nilès et Guy Môquet, avant que celui-ci ne soit fusillé par les allemands… Ce sont ensuite Tardi et Dominique Grange qui nous immergent avec une conviction communicative au coeur des luttes de la Gauche Prolétarienne, dans les années 60 et 70, suivis de Willem qui nous régale de ses dernières caricatures saignantes sur l’actualité sociale et politique d’aujourd’hui, et de la dystopie glaçante et rageuse de Stéphane Hirlemann qui nous laisse entrevoir un futur peu enviable et hélas réaliste… Polar sous haute tension ensuite avec la nouvelle enquête (plus sinueuse et surprenante que jamais !) de la brigade Verhoeven, avant de retrouver « La Venin » dans la suite de ses aventures vengeresses qui nous apportent une fois encore bon nombre de rebondissements et d’électrisants shots d’adrénaline à la sauce féministe ! Pour conclure, je vous propose de découvrir les adaptations fort réussies de deux incontournables de la littérature : « Le septième homme et autres récits » d’Haruki Murakami et « La ferme des animaux » de George Orwell revisités par Deveney et PMGL et par Rodolphe et Patrice Le Sourd… Bonnes lectures à toutes et à tous !

Irrésistible d’inventivité et de drôlerie, cette BD « dont vous êtes le héros » nous immerge dans le monde impitoyable de la bande dessinée sous le regard d’une autrice au bord de la crise de nerfs qui nous décrit son parcours de combattante pour enfin atteindre le saint Graal : être éditée dans un premier temps… Et reconnue ensuite par ses pairs en obtenant un fauve d’or au festival d’Angoulême ! Une quête, aussi ardue que celle menée par les chevaliers de la Table Ronde, qu’elle nous décrit avec un humour désopilant sans pour autant banaliser les embûches rencontrées en tant qu’autrice, mais aussi en tant que femme, dans un milieu qui se révèle un brin misogyne. Attentes fébriles après l’envoi d’un manuscrit, dédicaces et festivals où le bénévolat est de rigueur, droits d’auteur qui mènent tout droit à la précarité, vocation souvent incomprise par la famille (dessiner, c’est pas un métier !), craintes de ne pas trouver son lectorat… Il faut une bonne dose de courage et de ténacité pour se faire une place dans le neuvième art ! Mais ne vous attendez pas à une plate narration où la malheureuse artiste remâcherait ses rancœurs en étalant plaintivement ses frustrations… Non ! Car c’est avec un succulent second degré qu’Émilie Plateau nous embarque au fil des pages de cette infernale épopée où le lecteur peut à chaque moment décider de son destin à travers différentes options… Préparez-vous donc à jouissivement tourner et retourner les pages dans tous les sens pour voir notre Émilie se débattre dans d’insondables chausse-trapes ou triompher comme une star en fonction de vos choix ! Interactive et accrocheuse en diable, cette BD vous offrira de délectables moments de lecture… Et un nombre incalculable de dénouements tous plus savoureux les uns que les autres ! Un gros coup de coeur aussi bien pour le concept que pour l’humour et le trait minimaliste et expressif d’Émilie !!!

L’épopée infernale par Émilie Plateau, Misma, 2021 / 16€

Edgar se réveille dans un appartement qui lui paraît vaguement familier : mais tout est confus et sa mémoire semble effacée… Accrochée sur un des murs, la photo de deux petits garçons qui se ressemblent comme deux gouttes d’eau l’interpelle : serait-ce lui avec un frère jumeau ? Edgar se rendort, incapable de résister à un profond sommeil… Lorsqu’il émerge à nouveau, il se retrouve sur un banc auprès d’une vieille dame tricoteuse, tout aussi désemparée que lui par son absence de souvenirs… Edgar sombre une fois encore dans les bras de Morphée pour se réveiller cette fois dans le lit d’une femme inconnue qui ne sait pas plus que lui, qui elle est ni où elle se trouve… L’humanité semble désormais peuplée de zombies amnésiques en proie au grand sommeil… Edgar décide de se réfugier dans la forêt toute proche pour tenter de retrouver son présumé frère jumeau. Que trouvera t-il dans la nature sauvage ? Son frère ? Des réponses à ses questions ? Quel album !!! Inventive et audacieuse, cette déflagration de buissons nous catapulte au coeur d’un univers onirique totalement surréaliste où l’on croise une communauté de bûcheronnes féministes et punks, shootées aux sangsues pour se tenir en éveil, un ours docteur en dendrochronologie un brin manipulateur, des hommes en bois, un roi des fourmis et une météorite tueuse, qui naviguent au gré d’un scénario totalement hallucinant porté par une esthétique d’une troublante beauté. Avec Julie Chapallaz, le roman photo prend une sacrée cure de jouvence avec ses artistiques et psychédéliques collages habillés de couleurs kaléidoscopiques qui renforcent l’étrangeté du propos de cet album sous amphétamines qui vous promet un good trip sans la moindre substance ! Pour les amateurs du genre, les éditions FLBLB proposent une année 2022 sous le signe du roman photo, qui leur doit pour beaucoup sa renaissance. « Gaston en Normandie » de Benoît Vidal est paru le mois dernier et « Pauline à Paris » (du même auteur) a été réédité pour l’occasion… Et tout plein d’autres surprises nous attendent cet automne ! J’adore !!!

La déflagration des buissons par Julie Chapallaz, FLBLB, 2022 / 20€

Génial créateur de mode aux côtés de Vivienne Westwood, manager controversé des Sex Pistols, anarchiste et semeur de désordre, Malcolm McLaren cultivait les paradoxes et un goût prononcé pour l’outrance. Adulé par les uns pour son anticonformisme et détesté par tous les bien pensants de la bonne société de l’Angleterre des années 70, l’inimitable dandy du « Swinging London » se plaisait à nager en eaux troubles, toujours prêt à déclencher un scandale pour faire le buzz ! Son rôle auprès des Sex Pistols, largement développé au sein de cette biographie dessinée, dévoile son côté sombre et manipulateur qui n’hésitait pas à créer des tensions entre les membres du groupe pour alimenter leur rage afin qu’ils dégagent de l’énergie pure et sauvage sur scène. Mal ou pas payés, ceux-ci ont fini par jeter l’éponge en lui collant sur le dos un procès, qu’ils ont d’ailleurs remporté… Pour la plus grande joie de Malcolm pour qui l’important était de faire parler de lui, surtout en mal, lui qui vivait comme un outrage la moindre récompense ou une popularité un peu trop « dans les clous » ! Servi par un dessin qui restitue d’un trait énervé très « punk » l’ambiance déjantée et politiquement incorrecte de l’époque, cet ouvrage bénéficie en outre d’une documentation minutieuse, puisée entre autres dans les mémoires de Johnny Rotten ou dans les témoignages des proches de Malcolm McLaren, tels Jean-Charles de Castelbajac et Marc Zermati qui furent ses amis. Un hommage sincère et tout en nuances à cet homme complexe qui bouleversa les codes établis et qui contribua à l’éclosion du mouvement punk en Europe ! Punk’s not dead !

Malcolm McLaren : l’art du désastre par Marie Eynard, Manu Leduc et Lionel Chouin, Futuropolis, 2022 / 25€

Tout commence par un coup de foudre, au sens littéral du terme : un vrai de vrai coup de tonnerre de Brest qui foudroie Nico, le coach d’une équipe bretonne de lancer de marteau… S’il en sort indemne, durant le laps de temps où il s’est trouvé dans les vapes, Nico a eu une vision : celle de Sean Connery, en kilt, lui intimant de faire participer son équipe aux Highlands games, en Écosse ! Comment résister à l’appel du plus célèbre des Highlanders ? Nico décide donc de tenter l’aventure avec sa petite bande de jeunes gens qui, s’ils sont motivés et enthousiastes, ne brillent pas vraiment par leurs performances… D’autant plus qu’ils se retrouveront face à des lanceurs expérimentés (et costauds !) de marteau, certes, mais aussi de troncs d’arbre et de rochers ! Après avoir trouvé le financement de leur voyage, voilà notre improbable et fort sympathique équipe en route pour un long road trip (qui sera bien sûr ponctué d’impondérables de toutes sortes !) à bord d’une vieille guimbarde délabrée… Sous cette histoire tendre, farfelue et empreinte d’un humour bon enfant, se cache un bel hommage au sport amateur et à l’amitié qui cimente des êtres autour d’une passion commune, juste pour le plaisir de se dépasser et de partager de bons moments ensemble. Inspirée de personnages réels (les jeunes que Nicolas Cado entraîne dans la « vraie » vie), cette BD qui n’a d’autre but que de nous distraire sur la base de valeurs humaines et positives atteint son objectif. Un album que vont adorer les sportifs du dimanche, quelle que soit leur discipline, tant le sujet est universel !

Highland games par Fabien Grolleau et Nicolas Cado, Delcourt, 2021 / 20€

1941. Après avoir été arrêtés par la police française, Odette Lecland et Guy Môquet, jeunes résistants âgés d’à peine dix-sept ans, se retrouvent tous deux internés dans le camp de Chateaubriant, géré par des autorités elles aussi bien françaises… Leur seul crime ? Pour Odette, s’être trouvée sur les lieux d’une manifestation qui n’aura même pas cours, et pour Guy, fils d’un député communiste, d’avoir distribué des tracts et fait passer des messages à la résistance… Au cours de leur captivité, heureusement entourés de camarades solidaires dont la présence adoucissait leur angoissante captivité faite de privations et d’humiliations, les deux adolescents connurent leurs premiers et bien innocents émois amoureux, qui ne durèrent que l’espace de quelques battements de coeur… Après un attentat dans la ville toute proche de Nantes où un officier allemand fut exécuté par des résistants, les représailles tombèrent comme un couperet : les allemands fusillèrent vingt-sept otages, sélectionnés par le ministre de l’intérieur de Vichy parmi les prisonniers politiques du camp, où figurait le nom du jeune Guy Môquet… C’est sur le témoignage d’Odette (devenue par la suite Madame Nilès) que Gwenaëlle Abolivier nous dévoile cette bouleversante histoire d’amour, tout en nous immergeant avec précision dans la réalité quotidienne de ce funeste camp. Servie avec une belle sensibilité par les superbes aquarelles d’Eddy Vaccaro, cette BD célèbre avec force et émotion le courage, l’intégrité et la détermination de ces hommes et de ces femmes qui se sont battus pour notre liberté, au péril de leur propre vie… En fin d’album, vous trouverez une enveloppe qui recèle une lettre manuscrite, hâtivement écrite au crayon sur un bout de papier déchiré… Non, ce n’est pas la désormais célèbre lettre du jeune Guy à ses parents. Mais ses derniers mots d’amour pour Odette, qui a conservé ce déchirant billet doux tout au long de sa vie… Une leçon d’Histoire à mettre entre les mains de toutes et de tous, pour ne pas oublier…

La fiancée par Gwenaëlle Abolivier et Eddy Vaccaro (d’après la vie d’Odette Nilès, l’amoureuse de Guy Môquet), Soleil, 2021 / 20€

C’est à une autre page d’Histoire, celle des milieux gauchistes et révolutionnaires de la fin des années 50 aux années 70, que nous convient Dominique Grange et Jacques Tardi au fil de ce récit qui, avec un esprit militant des plus convaincant, met en lumière la nécessité des luttes de l’époque, qui sont aussi celles d’aujourd’hui… Sur une narration qui nous immerge au coeur des idées et des actions de cette période mouvementée, on suit le parcours d’Élise (personnage largement inspiré de Dominique) qui, partie de Lyon pour Paris afin de se lancer dans une carrière de chanteuse, abandonnera bien vite les lumières factices du showbiz pour s’engager corps et âme dans la lutte auprès de ses camarades au sein de la Gauche Prolétarienne. Sous l’inimitable trait d’un Tardi au faîte de son art, défilent ainsi les révoltes et les luttes organisées du peuple de gauche face à l’horreur de la guerre d’Algérie et de celle du Vietnam, à l’invasion de Prague par les chars russes et au coup d’état de Pinochet au Chili, sans oublier bien sûr les évènements de 1968 qui ont apporté tant d’espoir, suivi hélas d’autant de cruelles déceptions… Les combats d’Élise / Dominique contre les violences politiques et policières, son implication aux côtés des immigrés maltraités ou des ouvriers exploités (qui l’ont conduite en prison et contrainte à vivre dans la clandestinité pendant une longue période…), la ferveur toujours intacte de cette femme engagée et indignée « à vie » qui n’a jamais renié ses convictions, nous ouvre la voie que devrait suivre tout humaniste face à l’injustice et à la répression. Cette bande dessinée sème des graines de révolte qu’il serait temps de voir enfin s’épanouir pour faire éclore une société plus humaine et plus juste… Et c’est le moment ou jamais de s’y mettre, non ? Une BD incontournable… Et en ce qui me concerne, un énorme coup de coeur !!!

Elise et les nouveaux partisans par Dominique Grange et Tardi, Delcourt, 2021 / 24,95€

Après une longue carrière où il aura œuvré pendant plus de 50 ans au sein de « L’enragé », « Hara Kiri », Charlie Hebdo » ou « Libération », Willem raccroche les crayons pour prendre une retraite bien méritée. Cet opus où sont compilés ses dessins de presse parus en 2020 et 2021 est donc l’ultime chant du cygne de ce caricaturiste de génie… En quinze chapitres thématiques, il y décrypte comme à son habitude, sans tabou et sans la moindre concession, les affres de notre monde quelque peu désespérant, en égratignant allègrement aussi bien le monde politique que la folie banale et ordinaire des hommes. Crise du Covid, politique française et ses multiples « affaires », politique internationale et son cortège de dictateurs de tous poils, extrémismes religieux, racisme, violences policières, crises sociales, écologie en détresse… Willem avait le chic pour mettre à jour les incohérences et les absurdités hélas récurrentes du genre humain, d’un trait fluide et incisif qui laissera une trace indélébile dans le monde du dessin de presse et dans l’esprit de ses admirateurs. Nous restent en héritage ses milliers de croquis, en autant de témoignages lucides et percutants sur un demi-siècle d’actualités bien trop souvent désolantes… Merci Monsieur Willem, votre impertinence va nous manquer… Nous vous souhaitons une longue et belle vie !

Retenez nous ! Ou on fera un malheur par Willem / Les Requins Marteaux, 2022 / 18,50€

Pour avoir « confondu paix et marchés et consommation et liberté », le monde est devenu un gigantesque chaos, tant au point de vue social que climatique. Pour la jeunesse, c’est no future. Pas d’autre alternative que de se résigner en tentant de survivre, ou de courageusement choisir la résistance face à cette déliquescence programmée… C’est cette deuxième voie qu’emprunte un groupe de jeunes gens, unis et solidaires face aux injustices de cette société : Pêche, une jeune black insoumise et rebelle qui suit clandestinement des cours à la fac, ne pouvant payer les frais de scolarité devenus exorbitants, Caro, amoureuse d’un migrant prisonnier d’un des gigantesques camps en périphérie de la capitale et fille d’un prof « bien pensant », avide de chair fraiche non consentante, et Rix, un hippie barbu et utopiste, prêt à tout pour renverser l’ordre établi. Tous trois partagent le même rejet de ce nouveau et triste monde où big brother surveille les moindres faits et gestes de la population et où toute velléité de révolte est violemment réprimée par des flics racistes et sexistes, véritables robocops incapables de la moindre humanité… Nos trois amis vont multiplier les actions de résistance, certaines plus judicieuses que d’autres… Attentats terroristes, répression politique, violences policières, dénuement économique, social et intellectuel, météo délirante… Même si Stéphane Hirlemann pousse son scénario à son paroxysme, force est de constater que la société apocalyptique qu’il met en scène comporte de lugubres similitudes avec celle que nous vivons de plus en plus au quotidien… Dystopique, tout en se rapprochant dangereusement de la réalité, ce récit de bruit et de fureur est un véritable cri d’alarme dont le propos rageur et angoissant, servi par un superbe dessin lui aussi sous haute tension, installe un malaise palpable et nécessaire pour enfin réveiller les consciences, avant qu’il ne soit trop tard… Magistral !

De Ira par Stéphane Hirlemann, Delcourt, 2021 / 21,90€

Après « Rosie » (chroniqué ici !) et « Irène » (chroniqué !), c’est avec un immense plaisir que nous retrouvons Camille Verhoeven, le flic aussi atypique qu’attachant né de la fertile imagination de Pierre Lemaitre, dans une nouvelle enquête qui nous tient en haleine de la première à la dernière page ! Et c’est encore à une histoire d’enlèvement que nous sommes conviés avec ce nouvel opus : Alex, une séduisante jeune femme, est assommée puis enlevée à bord d’une camionnette avant d’être frappée et enfermée entièrement nue dans une cage de fer suspendue au plafond d’un entrepôt, avec des rats pour seule compagnie et des croquettes pour chiens pour unique nourriture… Il est clair que son ravisseur fera tout pour l’humilier avant de la laisser mourir dans d’atroces souffrances… Mais qui est-il ? Et pourquoi tant de haine ? C’est ce que devra découvrir un Camille encore traumatisé par l’enlèvement et le sauvage assassinat de son épouse, au fil d’une enquête qui va s’avérer aussi délicate que complexe… Impossible d’en dévoiler davantage sans spoiler cet épisode particulièrement bien ficelé ! Avec son intrigue tordue à souhait, son travail plus que soigné sur la psychologie des personnages, ses multiples rebondissements et son irréprochable qualité graphique, cette histoire glaçante où règne une ambiance sordide et angoissante vous donnera des sueurs froides… Et prouve une fois encore que l’association Lemaitre / Bertho / Corboz fonctionne à merveille ! La quatrième et ultime enquête de cette série hautement addictive devrait paraître dans les mois à venir… On a déjà hâte de la découvrir !

Brigade Verhoeven : Alex par Pascal Bertho et Yannick Corboz (d’après le roman de Pierre Lemaitre), Rue de Sèvres, 2021 / 16€

Après avoir buté sans le moindre état d’âme un infâme gouverneur (« Déluge de feu« , chroniqué ici !), un révérend libidineux (« Lame de fond« , chroniqué !) et un odieux patron du pétrole (« Entailles« , chroniqué ici !) dans le noble but de venger sa mère, « La Venin » est désormais en proie à tous les doutes… Pour la première fois, son bras vengeur faiblit face à sa prochaine cible, un charismatique architecte new-yorkais dont le charme est bien loin de la laisser indifférente… Ira t-elle au bout de sa vengeance en étant amoureuse de sa future victime ? D’autant plus qu’elle sait désormais que sa mère est toujours en vie… Servi par un dessin qui retrace à la perfection les expressions de ses protagonistes tout en nous immergeant avec une rare précision dans le New-York en plein essor du début du vingtième siècle, mais aussi dans les grands espaces américains, ce nouvel épisode, ponctué de nombreux flashbacks sur le passé de notre pétroleuse de choc, nous offre de surprenantes révélations qui nous maintiennent dans un suspense haletant avant la sortie du prochain et dernier tome de cette série furieusement féministe qui dynamite les codes du western ! Explosif !!!

La Venin : ciel d’éther (tome 4) par Laurent Astier, Rue de Sèvres, 2022 / 15€

C’est à un véritable tour de force que nous convie ce recueil… Car adapter en bande dessinée les nouvelles étranges et déroutantes d’Haruki Murakami sans les dénaturer, c’est relever un défi qui demande bien du talent ! Des nouvelles qui frôlent le fantastique au coeur de situations réalistes, en mettant savamment en scène des personnages ordinaires en proie à des questions existentielles, que ce soit sur l’absurdité de leur quotidien ou plus largement sur le sens philosophique de la vie, tout en donnant au lecteur toute liberté pour les interpréter… Et bien, pari réussi ! Tant au niveau de l’adaptation scénaristique de Jean-Christophe Deveney qui nous en restitue toute la quintessence, que par le graphisme d’une belle originalité de PMGL qui nous immerge magistralement dans leurs univers oniriques, ces neuf nouvelles ont tout pour séduire les aficionados de maître Murakami… Et pour susciter l’envie à ceux qui ne l’ont jamais lu de bien vite réparer cet oubli ! Un ouvrage magistralement réalisé qui suscitera la curiosité et comblera la gourmandise des amoureux de belles lettres et d’ambiances atypiques quelque peu surréalistes !

Haruki Murakami : le septième homme et autres récits par Jean-Christophe Deveney et PMGL, Delcourt, 2021 / 34,95€

Parue en 1945, la célèbre fable politique de George Orwell, qui dénonçait à l’époque le totalitarisme soviétique de manière aussi pertinente qu’originale, s’applique décidément à toutes les dictatures, qu’elles soient d’hier ou d’aujourd’hui… Dans cette version que je vous propose de découvrir, le texte d’Orwell a été « resserré » en une cinquantaine de pages, au fil d’un scénario fort bien construit qui, servi par un dessin agréablement enfantin, séduira les plus jeunes lecteurs par sa simplicité et son esthétisme. Cet ouvrage vulgarisateur, qui ouvre la porte à bon nombre de pistes de réflexion, devrait donner aux nouvelles générations le goût et l’envie de lire ce texte d’une remarquable lucidité qui est toujours et plus que jamais d’actualité…

La ferme des animaux par Rodolphe et Patrice le Sourd (d’après George Orwell), Delcourt, 2021 / 10,95€

Christine Le Garrec