Un juke Box où le jazz apparaît sous toutes ses coutures ! Vaporeux et intimement mêlé de classique avec Charlotte Reinhardt, il se fait multicolore avec David Linx (entouré d’une pléiade d’invités de tous horizons !), prend des accents classiques colorés de notes orientales sous le souffle délicat des cordes de Renaud Garcia-Fons, avant de laisser place au « Rag’n boogie » exécuté avec frénésie par l’étonnant et talentueux Sébastien Troendlé (sur cd ET dvd !)… Il prend ensuite un « virage » rock amorcé avec virtuosité par le duo d’une totale liberté que forment François Castiello et Cyril Gilibert (attachez vos ceintures, ça dépote !!!), avant d’exploser en un somptueux Jazz rock aux couleurs de l’Orient avec Sarāb… On continue avec le « rythm’n blues funky soul » (vintage à souhait !) des bien nommés Excitments, suivi du blues rock jouissivement énervé des Boogie Beasts, avant de revenir au calme avec l’élégant et planant électro pop rock distillé par Gami… Pour terminer, Monokini nous offre une délicieuse et rafraichissante virée à l’époque du « twist yéyé » et Kenny LCT, une double dose de son rap intimiste et engagé ! Belles écoutes à toutes et à tous !!!
C’est avec une infinie douceur que Charlotte Reinhardt déploie sa palette de couleurs musicales, colorée de nuances de classique et de jazz, au fil des plages de ce somptueux album. L’album d’une virtuose qui, avec une extrême délicatesse, nous invite au coeur de ses voyages intimes, de petits matins murmurants en collines d’ombres, dans un bouleversant déferlement de paysages sonores empreints d’une sérénité à nulle autre pareille… Des paysages en clair-obscur, solaires ou teintés de nostalgie, où l’on se promène avec nonchalance pour savourer en toute quiétude l’univers chatoyant de cette artiste passionnée, où plages apaisantes et épurées viennent épouser harmonieusement de somptueux déferlements de notes cristallines voilées de dissonances, éclairés sur quelques titres de sa voix aérienne d’une grande pureté. Un album contemplatif à écouter les yeux fermés pour en goûter les multiples saveurs…
Colors / Charlotte Reinhardt / Cristal Records / 6 Mai 2022 / 16€
J’avais découvert les stupéfiantes performances vocales de David Linx à l’écoute du superbe album « Skin in the game » (chroniqué ici !) où il m’avait époustouflé par sa virtuosité… Et je le retrouve avec autant de plaisir au fil des pistes de cet album, indéniablement placé sous le signe de l’excellence partagée, où sa voix s’épanouit en nous révélant l’étendue sans limite de son art, au cours de savoureux « dialogues » avec des artistes de tous horizons, venus du monde entier (Or Solomon (piano et voix parlée), Hamilton de Holanda (cavaquinho), Magic Malik (flûte), Eric-Maria Couturier (violoncelle), Tigran Hamasyan (piano), Nguyên lê (guitare électrique), Rani Weatherby (ukulélé et chant), Bart Quartier (vibraphone), Diederick Wissels (claviers), Ran Blake (piano), Peter Hertmans (guitare électrique), Marc Ducret (guitares acoustique et électrique), Gustavo Beytelmann (piano), Théo Bleckmann (chant) et Trevor Baldwin (voix parlée). Et la voix envoûtante de David Linx, qui s’adapte à la perfection à tous leurs univers, s’élève avec autant de puissance que de clarté sur des partitions aux couleurs jazz, gospel, tango, fado, baroque ou folk-country, avec une insolente aisance et une rare élégance ! A noter deux reprises qui m’ont franchement impressionnée par leur troublante originalité : « Hunter » de Björk et « Round Midnight » de Thelonius Monk… S’il ne fallait citer que deux des quinze pépites de cet album d’une incroyable richesse !
Be my guest / David Linx / Cristal Records / 12 Novembre 2021 / 18€
Le souffle des cordes… Celui, magique, de la contrebasse (à cinq cordes) du virtuose Renaud Garcia-fons, accompagné d’un orchestre de cordes classiques (violons, alto et violoncelle) et d’instruments à cordes venus du monde entier (guitare flamenco, kemençe turc et kanoun albanais)… Un souffle précieux et gorgé de vie, qui se dévoile en une enivrante symphonie au fil des plages de ce somptueux album qui, entre jazz, classique et musiques du monde nous embarque pour un exaltant voyage autour de la méditerranée. Au coeur de chacune des douze partitions, somptueusement composées par Maître Renaud, les univers s’entremêlent pour abolir les frontières, nous offrant d’harmonieux changements de climats dans un audacieux et inventif maelström de sonorités d’une stupéfiante beauté… Par la puissance et l’énergie mêlée de douceur qui en émane, cet album est une pure merveille que l’on ne se lasse pas d’écouter encore et encore… Éblouissant !!!
Le souffle des cordes / Renaud Garcia-Fons / E-motive / L’Autre Distribution / 12 Novembre 2021 / 18€
Seul au piano, le talentueux Sébastien Troendlé revisite le Ragtime et le Boogie-woogie avec une énergie peu commune au fil des quinze pistes de cet album. Il faut dire que le jeune homme est tombé dans la marmite des musiques noires américaines alors qu’il était tout petit… Et que sa passion s’entend dans le déferlement de notes qu’il fait naître du bout de ses doigts avec une dextérité qui n’a d’égale que la délicatesse de son toucher ! L’album démarre sur une de ses compositions, suivies de reprises emblématiques du genre (dont le célèbre « Maple Leaf Rag » de Scott Joplin, « Harlem strut » de James P. Johnnson, ou encore un titre de Claude Bolling dont il est un fervent admirateur…). Un choix judicieux de titres nonchalants et désinvoltes ou joyeux et carrément endiablés qui nous laisse entrevoir toutes les subtilités de ces musiques qui sont à l’origine du Rhythm’n’blues, du rock et du jazz. A l’écoute de ces morceaux d’anthologie, vous ne pourrez résister à l’envie de vous trémousser en tapant du pied… Mais si vous fermez les yeux, vous vous retrouverez au coeur des années folles, dans une salle obscure où défilent sur un écran des histoires sans paroles magnifiées dans l’ombre par un pianiste noir qui improvise avec brio pour donner vie et lumière aux personnages… Bien qu’il soit blanc de peau, cet homme aurait très bien pu être Sébastien Troendlé tant il est animé par la même fièvre… Chapeau Monsieur !
Si vous étiez au festival d’Avignon en Juillet dernier, peut-être avez-vous eu la chance d’applaudir Sébastien Troendlé qui présentait son spectacle « Rag’n Boogie » au théâtre La Luna… Et si ce n’est pas le cas, je vous conseille de vite le découvrir grâce à ce DVD qui nous en propose les deux versions (tout public et jeune public à partir de 12 ans) ! Un spectacle musical ? Pas seulement… Car Sébastien, seul en scène, démontre également ses talents de conteur et de comédien en nous narrant, avec autant d’émotion que de passion, la tragique histoire de l’esclavage et de la ségrégation, étroitement liée à celle du Ragtime et du Boogie-woogie… Une histoire qu’il parsème d’anecdotes savoureuses sur les interprètes qui ont fait naître cette musique aux rythmes joyeux et survoltés (Scott Joplin, Fats Waller, Jelly Roll Morton…) avant bien sur de s’installer au piano pour jouer leurs titres emblématiques avec une énergie survoltée ! De par son propos, illustré d’images et de films d’archives qui nous intiment au devoir de mémoire, la démarche de Sébastien Troendlé est indubitablement pédagogique… Mais elle est également fort ludique grâce à sa virtuosité, à son charisme et à son humour bienveillant ! Un spectacle à savourer en famille, qu’elle que soit la version choisie !!!
Rag’n Boogie / Sébastien Troendlé / CD / Frémeaux et associés / 2022 / 20€ / DVD 2 spectacles (tout public, mis en scène par Ismaïl Safwan et jeune public, mis en scène par Anne Marcel) / Frémeaux et associés / 2022 / 26€
Défricheurs de sons et d’atmosphères, François Castiello et Cyril Gilibert nous invitent à l’exploration de terres musicales jusqu’alors inexplorées au fil des plages de cet album inclassable… Et furieusement addictif ! Leurs seules armes pour nous conduire aux confins de leur univers ? Un accordéon (doté d’amplificateurs et de pédales d’effets) et une batterie… Deux instruments exploités avec génie par ces deux savants fous qui nous entraînent dans une transe hypnotique et obsessionnelle dont la cadence infernale nous enivre dès la première écoute ! De climats ténébreux en envolées balkaniques, la batterie démoniaque de Cyril et les trilles jubilatoires de l’accordéon de François se répondent en échos pour nous étourdir dans un tourbillon de sons rageurs et percutants où le rock et le jazz s’invitent dans un mélange des genres sous haute tension dont on ne ressort pas indemne ! Alors, conseil… Entrez vite dans la transe… Car ça décoiffe grave de chez grave !!! Gros coup de coeur !
Daleco / Virage / La Curieuse / Inouie Distribution / 28 Janvier 2022 / 15,70€
Les six « âmes libres » qui officient de main et de voix de maître au sein de Sarāb nous éblouissent par leur virtuosité tout au long de cet enivrant album où leur musique qui gomme les frontières terrestres et musicales sous un flot harmonieux de sons aux couleurs cuivrées jazz rock, se pimente de tonalités orientales qui nous embarquent au pays des mille et une nuits, sous la voix céleste de la chanteuse franco-syrienne Climène Zarkan… L’album s’ouvre sur une envoûtante mélopée (magistrale reprise d’Oum Kalthoum) qui monte crescendo jusqu’à éclater en un mélange explosif et savamment dosé de jazz rock aux accents méditerranéens qui nous scotche littéralement par son audace et sa diversité. Le ton est lancé… Car ces subtils changements de climats à l’intérieur de chaque titre font tout le sel de cet album où les parfums d’Orient se fondent harmonieusement dans une fusion électrisante éclairée parfois de fulgurances électro, qui réconcilie modernité et tradition ! Une bande son magique et fascinante qui s’appuie sur des textes en arabe et en français, dont la musique des mots renforce le pouvoir évocateur, tel un instrument vibrant qui lui apporte son supplément d’âme… A noter la participation de l’auteur Alain Damasio sur le poignant et poétique texte « Étranger est un verbe » où sa voix s’entremêle avec douceur à celle de Climène avant de se muer en un cri rageur pour dénoncer ce mot « étranger », « qu’on utilise pour mettre à distance ceux qui sont pourtant comme nous, pour les éloigner de cette évidence qu’ils sont comme nous… » Un texte engagé qui reflète à merveille l’humanisme de cette formation dont la générosité n’a d’égale que la liberté et le talent… Une très belle découverte !!!
Arwah Hurra / Sarāb / L’Autre Distribution / 15 Novembre 2021 / 13€
En 14 titres dansants et ondulants, les « so exciting » Excitments, dont l’appellation résume à elle seule leur groove des plus jouissif, nous invitent au coeur de la musique black des années 60 avec un répertoire soul, funky et rythm’n blues délicieusement « vintage »… Qui ne pourra que vous inciter à faire la fête ! Une BO à la Tarantino où planent les bienveillants fantômes d’Aretha Franklin ou de James Brown, sans doute ravis de voir que leur relève est assurée par ces survitaminés musiciens barcelonais et leur pulpeuse chanteuse à la voix soul aussi puissante que sexy… Sous un ruissellement généreux de cuivres, les titres courts et percutants s’enchaînent en éclatant de mille étincelles sous des rythmes explosifs dopés à l’adrénaline, ou en se parant de langoureux accents bluesy… Le tout avec une énergie à laquelle il est impossible de résister tant elle est volcanique ! Chaud devant… Chaud bouillant !!!
Keepin’ on / The Excitments / Satélite K / 26 Novembre 2021 / Lien de téléchargement ici !
Le Blues Rock dopé aux amphétamines des Boogie Beasts laisse à penser que ces quatre belges (deux wallons et deux flamands… Parfaite parité !) saupoudrent de speed leurs fricadelles ! La formule magique du son bien barré et totalement jouissif de ces « bêtes de somme » (dont l’ADN est plus proche du loup indomptable que du placide et obéissant cheval de trait !) ? Des riffs de guitare saturés à fond les manettes qui apportent un son « brouillé » et « crade » à souhait, une rythmique sauvage et rageuse, une infatigable batterie branchée directement sur le secteur, un harmonica aussi lancinant que lumineux et une voix qui nous laisse entrevoir de superbes mélodies dans le chaos ambiant… Mais néanmoins fort bien organisé ! Car leur énergie pure laisse toutefois place à des plages hypnotiques aux accents psychédéliques ou à des ballades bluesy… Entre deux explosions atomiques d’un Blues Rock électrisant et furieusement accrocheur ! Un album énervé, aussi survolté que mélodique (si, si, c’est possible !) qui sent la sueur et la testostérone !
Love me some / Boogie Beasts / Donor productions / L’Autre Distribution / 10 Décembre 2021 / 21€
Bienvenue dans l’univers hypnotique et onirique de Gami… Un trio qui éclabousse de son indéniable talent les ambiances ténébreuses qui planent sur cet élégant premier opus ! Leur univers enchanteur et nostalgique, illuminé par d’éblouissants riffs de guitare et d’une discrète batterie qui emprunte sa délicatesse au jazz, est magnifiquement servi par la voix chaude et enveloppante de Capucine Trotobas, posée sur d’aériennes nappes électro qui l’éclairent telles des lucioles dans la nuit… Tout est là, tout est dit… Pour sa douceur planante mêlée de force qui donne naissance à une alchimie menant tout droit à la plénitude, cet album précieux et raffiné est à découvrir de toute urgence… Belle et longue route à Gami qui trace déjà à merveille son chemin !
Make a path / Gami / 27 Octobre 2021 / Lien d’écoute ici !
Twist Yéyé wap dou wap !!! Acidulé comme un sucre d’orge, le premier album de Monokini nous plonge avec délices dans les années « Âge tendre et tête de bois » au temps de l’insouciance bercée de rock et de twist yéyé, sous la voix sexy et ensorcelante de Brunehilde Yvrande. Un « copié collé » nostalgique ? Oui… Et non ! Car si la musique ne laisse aucun doute sur les influences qui l’ont fait naître, les textes bénéficient par contre d’un savoureux second degré baigné d’une fausse naïveté des plus jubilatoires ! Les amours adolescentes y sont relatées avec candeur et humour, sur fond de diabolo menthe et de gauloises bleues, look blousons noirs, banane et santiags pour les garçons, mini jupes, pulls moulants et coupes de cheveux improbables pour les filles ! On y retrouve tout l’esprit des idoles des jeunes de ces années légères comme des bulles de savon, retranscrit avec pep’s et fraîcheur par des musiciens chevronnés qui visiblement prennent plaisir à nous en donner ! Mes préférées ? « Quand c’est non, c’est non ! » (dénonciation malicieuse et néanmoins énergique de la domination masculine… Et son clip est un pur bonheur !!!), et « Merci bisous » qui relate les déboires d’un amoureux éconduit un peu niaiseux, façon Brel et ses « bonbons » ! J’adore !!!
Merci bisous / Monokini / Sire Bernard productions / Idol / 26 Novembre 2021 / Lien Soundcloud ici !
Pour l’écriture de ce deuxième album (écrit, composé et enregistré à la maison…), Kenny LCT a trempé sa plume dans le sang de sa rage et dans les larmes de ses désillusions… Un album introspectif où il se met à nu pour nous dévoiler en mots choisis son parcours artistique, mais aussi ses envies et ses rêves, dans une société en pleine déliquescence où les promesses « d’avenir sont plus sombres qu’un film de Coppola ». Des mots percutants, rappés en français (et en occitan), qu’il pose sur un hip-hop ondulant mêlé de reggae, de funk et de sonorités orientales qui reflète la diversité culturelle de Marseille, sa ville tant aimée… Des mots coups de poing en autant d’uppercuts pour dénoncer l’injustice, le racisme et le chacun pour soi, des mots touchants et sincères pour exprimer son mal de vivre et son besoin d’exister… Les rimes de Kenny LCT ne sont pas « déguisées par le paraître, ni écrites dans la paresse », et sa « musique n’a rien d’éphémère » au fil des plages de cet album qui nous délivre une belle « Double dose » d’émotions, qu’elles soient littéraires ou musicales… Nul doute que par son talent, Kenny LCT réussira « à toucher le ciel pour y laisser sa trace »…
Double dose / Kenny LCT / La Boît’ A’ Zik Production / 10 Décembre 2021 / Lien Soundcloud ici !
Christine Le Garrec