Une Semaine Québécoise…

Hasard du calendrier ou prix de groupe sur les vols Montréal-Paris, deux phénomènes culturels québécois arrivent dans nos contrées. Les 3 Accords viennent enfin nous présenter leur dernier né, Présence d’Esprit. Une tournée française qui va m’appeler au Splendid de Lille et au mythique Elysée Montmartre pour un final en apothéose. Mais ce qui est attendu de manière religieuse, c’est PUB ROYAL, l’anti-comédie musicale des Cowboys Fringants dans le cadre olé-olé du Grand REX.

Je vous promets des larmes et des rires. Ainsi va la vie en cette Semaine Québécoise…

Samedi 13, 7h00. Roissy-Charles de Gaule.

L’oreiller gonflable autour du cou, l’air hagard, je débarque d’Osaka via Pékin et son aérogare fantomatique. 14 heures de vol plus 10 de transit, si je ne dors pas ce soir pendant le show, j’aurai de la chance…

20h30 Grand REX 

Longtemps, longtemps après que les poètes aient disparus, Leurs chansons courent encore dans les rues…

De même, après la disparition de Karl Tremblay, le chanteur des Cowboys Fringants. Les chansons de Jean-François Pauzé, qu’il incarnait si bien n’ont pas fini de nous hanter. Après être passées entre les partitions de l’Orchestre Symphonique de Montréal, du Cirque du Soleil, c’est au tour de la Compagnie des 7 Doigts de la Main de s’en emparer. Ces génies de l’espace et du verbe nous propulsent dans un shaker d’émotions d’où l’on ne ressort pas indemne. Ça saute, ça chante, ça danse, ce n’est plus de la chorégraphie c’est un feu d’artifice !  

Jonathan D. petit assureur en manque d’assurance, pousse les portes du PUB ROYAL pour y chercher assistance après un accident… Nous croisons avec lui une flopée de personnages issus du Panthéon Fringant. De Loulou Lapierre et son Joyeux Calvaire à la Catherine qui a fui Montréal pour Chibougamau, en passant par Norman et Yves, chômeurs d’une Amérique en détresse qui s’anesthésient aux Shooters.  Nous comptons une star de la chanson, Johnny Flash, et un mystérieux et séduisant maître de cérémonie… Les tounes de diverses époques s’entrecroisent et se complètent, pour offrir un récit cohérent, prenant les acteurs comme le public, dans un filet qui se referme lentement, nous serre la gorge et embue le regard. Qu’ils pleurent ou pas, les spectateurs sont sous le choc, complètement chamboulés.

Le scénario terrible n’est pas axé sur ce que JF Pauzé a écrit de plus noir, mais sur sa conscience des réactions humaines devant l’inéluctable. Une réflexion extra lucide sur le temps qui passe et sur notre relation à la vie et à la mort.

Le timing de ce spectacle avec la disparition de Karl est traumatisant pour les fans. Mais il provoque en la circonstance un exutoire formidable.

Et comment ne pas revenir sur l’incroyable ferveur de ce public, issu des quatre coins de la francophonie, venu là plus pour rendre hommage que pour assister à un spectacle. Des gens qui ne veulent pas que la fête s’arrête et qui continuent de chanter dans la salle, dans les escaliers et jusque dans la rue, tard dans la nuit, entre rires et larmes. Les yeux sont rouges, on se prend dans les bras, on se réconforte, et l’on ne sait plus si c’était du théâtre, un concert, ou des funérailles.

JF a inventé le concept de Drama Musical. Un beau cadeau fait à son ami de toujours, qui doit regarder tout ça de là-haut, dans les étoiles, avec son doux sourire…

Longtemps, longtemps après que les poètes aient disparus… Charles Trenet.

Dimanche 14, 14h00. Grand REX

La plupart des fans de la veille sont partis. L’ambiance est plus feutrée. Il y a là les curieux, ceux à qui on a dit, les abonnés… S’il y a moins de ferveur, le public est d’emblée conquis. Je me concentre sur les tableaux spectaculaires. J’attends le marteau géant qui casse le téléphone… la grande voile de La Traversée, et la sidérante crucifixion de la Catherine ! Tout est fluide, furieusement simple… Et toujours quelques larmes pour les inconsolables… Pour d’autres, les chansons sont entrainantes, on n’y comprend rien mais l’accent est plaisant, nous avons en somme passé un bel après-midi.

Lundi, pas d’heure et encore moins de date… Lille

Si on m’avait dit qu’un jour je passerai des vacances à Lille… Un week-end pour un concert avec les potes, à la limite… Non, quatre jours sous la pluie et juste quelques rayons de soleil, pour t’inciter à sortir, parce que c’est beau, qu’il y a un musée, et reprendre une radée ! Mais qu’il pleuve ! Je reste « Sur mon Canapé », enfin celui de Seb, j’ai besoin de souffler et de recadrer les aiguilles de la pendule, en attendant les 3A jeudi soir au Splendid Lillois !!!

Mercredi ou quelque chose comme ça

Je sens que ça va le faire, j’ai croisé des affiches en ville, la pression monte… 3h00 du côté obscur… Je reprends mon rythme !

Jeudi 18

Après la séquence émotionnelle de Pub Royal, il fallait bien une double dose de 3 Accords pour se requinquer. Et quoi de plus joyeux que de gueuler à tue-tête Saskatchewan comme en d’autres temps Awikatchikaën des Cowboys Fringants. Double dose de bonheur, de pop-rock et de bonne humeur.

Nous le savions déjà, mais cela devient une évidence, Lille est une étape incontournable sur la route des 3 Accords en Europe. Je craignais une baisse de régime avec le quart de finale contre les gars d’Aston Villa qui ont envahi la ville depuis le début de l’après-midi. Mais le public est toujours au rendez-vous, il connait les chansons par cœur, anciennes comme nouvelles, et il est chaud comme la braise !

Le groupe s’est enrichi d’une percussionniste et d’un clavier. Ils donnent les jolies teintes des deux derniers opus et dynamisent un combo qui ne manquait pourtant pas d’énergie. Personne n’avait oublié le show 2020 d’avant confinement. Et son rappel surréaliste depuis la fenêtre des loges d’où le groupe avait envoyé Pièce de Viande à la demande générale. Par précaution, Simon le chanteur balance le titre sur scène. Il en sera quitte ce coup-ci pour descendre devant la salle avec sa guitare nous jouer Vraiment Beau ! On finit encore une fois par brailler à la lune comme des bienheureux…

Vendredi 19. Paris.

Ce soir c’est la dernière, je me déguise en chien fou. La veille, avec un bonnet de bain j’avais fait marrer Alex, le guitariste chevelu, à qui je commence à ressembler avec ma tignasse grandissante. Clin d’œil… sourires… il m’a reconnu…

La set list reste quasi sublimement la même que la veille. Par ordre décroissant du nombre de lettres dans le titre. Ces mecs sont des malades ! Mais ça donne un show plus proche d’un Best of que de la tournée promotionnelle d’un album où il n’y a pourtant pas grand-chose à négliger. Un set taillé pour régaler le plus grand nombre. Du bonheur en barre ! Et j’y croque à pleines dents. Les Dauphins et les Licornes en 24 lettres pour démarrer. Tout le symbole du concert, on vous prend tout en douceur et l’on vous tétanise, dans un final dément ! On enchaine, Les Amoureux qui s’aiment (21), à celui qui se Touche dans le Parc, les Simon et les Serge ou les Bianca…Tout le Monde Capote (17) encore et encore… Le Bureau du Médecin (17) tombe à pic, pour souffler un peu ou bien faire un check up. Ouais j’ai un peu pris… J’aime ta Grand-Mère (17) pour continuer à faire plaisir. Piscine Hors Terre (16) excellent titre du dernier album, ça passe cinq sur cinq les feux de la rampe. Elle est bonne ! Alex a déjà repéré mon T-shirt Tokyo avec la lanterne rouge et blanche. Tout est prêt pour Tout Nu sur la Plage (16). Dont le refrain serine : A Tokyo tout nu ! A Tokyo tout nu !

Qu’auriez-vous fait à ma place ? L’enlever ! Et je dévoile mon corps à une foule ébahie. Croyant susciter dans ce fol élan, un déshabillage général, je ne récolte qu’un rire d’Alexandre et quelques oh qu’il est beau ! … gros ? … Un bide…

En 14 Visite Nocturne, second titre de Présence d’Esprit, j’avoue que je patine un peu sur le texte, mais comme d’habitude, le refrain emporte le morceau ! Grand Champion (13) en mode lâchez tout ! Costume de Bain (13) et un remake du bonnet vert, blanc, rouge, attendu par beaucoup ! Un gentil hommage à Karl Tremblay avant Saskatchewan dans un grand élan d’amour en 12 lettres. Dans mon Corps (12) … Et il faut encore que je me dévoile. Si seulement je m’étais rasé les aisselles… 11 ! ça sent la fin, Caméra Vidéo pour les souvenirs et un rappel qui enchaine Hawaïenne (9), Pâté Chinois en bug avec 11 lettres (???) mais qui subjugue l’assistance…

St Bruno et Corinne (match nul 7-7) pour finir, et nous laisser pantois sur le dance floor !

Alexandre Parr

Les gars de Drummondville ont encore réussi leur coup. Nous repartirons d’ici, les batteries 3A chargées d’une énergie folle ! En dépositaires du gros son, le batteur Charles Dubreuil, et Pierre-Luc Boisvert le bassiste voltigeur, haranguent la foule. Alex aguiche. Un petit geste, un clin d’œil, il sait se faire complice. Et vous lâche des soli, comme ça, l’air de rien et vous regarde sans frime, juste la satisfaction du beau travail. Simon, lui n’appartient à personne. Il communique, mais c’est d’un autre Monde. Celui des fantaisies qui sortent de sa tête, d’où s’écoulent ces textes hallucinants, que l’on se plaît à hurler à n’en plus pouvoir parler…

Les 3 Accords

Samedi 20 14H00 Parvis de la gare Montparnasse

Je me pose avec mes sentiments mêlés. Content de rentrer, triste que cela s’arrête… Hier soir, j’ai fait la bise à Gwen et à Seb, qui m’ont hébergé, véhiculé, nourri pendant cette semaine québécoise assez irréelle. Ils ont partagé avec moi ces montagnes russes d’émotions. Un grand merci à eux.

Une japonaise passe, élégamment vêtue d’un manteau flottant aux motifs colorés…

Retour de jet lag ? En tout cas la boucle est bouclée.

Le train ne va pas tarder…

LE RASCAL (Photos flous du Rascal, les bonnes de Manu Hic-Hac de l’agence Fringante)