Juke Box N°27

Chanson française, textes forts, poétiques et engagés sous des mélodies pop rock, avec Nesles et DaYtona… Et le nectar de la scène électro avec les incontournables Chinese Man qui nous offrent un remix de leur dernier album, « Shikantaza », revisité par une floppée de remixeurs accompagnés de feats de talent, suivi du dernier album des Scratch Bandits Crew qui confirme que les hommes fétichistes de la cassette en ont toujours autant sous la casquette ! Voici le choix de Chris qui est suivi par celui d’Alex qui nous embarque quant à lui dans d’autres univers musicaux avec le planant et psychédélique Reduxer de Alt-J et le déjanté Cadillac, ancien membre du Crou Stupeflip, qui vient prouver que le Crou ne mourra jamais avec son premier album d’une grande « originullité » ! Bonne écoute à toutes et à tous… Et à très bientôt !

 

 

 

Avec « Permafrost »,  Nesles nous embarque sur ses chemins de traverse, au cœur de ses forêts, loin du monde habité, dans une somptueuse ballade poétique au cœur d’une nature sauvage et minérale. D’une beauté à couper le souffle, tant au niveau des textes, très travaillés,  que de la musique pop folk aux arrangements symphoniques et lyriques, habillés d’ éclats électro bien placés, cet album composé de huit chansons et de trois instrumentaux nous immerge dans des ambiances feutrées hypnotiques et apaisantes. Il se dégage une belle sensualité dans les mots et la voix de cet artiste discret, une signature originale et confidentielle à la manière d’un Murat ou d’un Dominique A… On s’imprègne des refrains dès la première écoute, le bougre ayant un solide sens de la mélodie, et on goûte les mots distillés avec soin, justes et forts, on s’évade, avec des envies de se fondre dans la solitude d’une nature fantasmée, sauvage et préservée,  loin de nos semblables et d’un monde devenu fou… Onze titres flamboyants, élégants et intimistes, sombres et lumineux qui dégagent une classe folle (jusqu’à la conception de la pochette, elle aussi superbe…) pour un album intense à la beauté originelle, à écouter en boucle…

Permafrost / Nesles / Microcultures / Differ-Ant / 2017 / 12€ le CD / 17€ le vinyle

 

https://www.youtube.com/watch?v=vxBbsikbMXA

 

 

Entre son rock aux guitares saturées et pop classieuse, le dernier album de DaYtona se fait le porte-parole des fragiles, des purs et des sensibles à travers chaque mot chanté d’une voix tendre qui s’éraille parfois sous de légitimes colères et déceptions, face à notre monde qui marche de guingois. Des mots poétiques, désabusés, qui nous invitent  à exister plutôt que paraître, enveloppés de nappes parfois énervées, souvent  hypnotiques qui donnent envie de se réfugier la tête dans les étoiles, loin du grondement anxiogène d’un monde qui n’a pas tenu ses promesses… Cet album doux et piquant, désenchanté et lumineux, à l’atmosphère intimiste, nous ramène à l’essentiel de notre humanité de plus en plus diluée, en neuf textes et deux instrumentaux à la beauté sombre…

L’allégresse / DaYtona / Tekini records / Absilone / 2018 / 15€ le CD

 

 

 

 

J’avais adoré l’album « Shikantaza » des Chinese Man, paru l’an dernier (allez jeter un œil sur ma chronique si vous l’avez loupée, elle est ici !). C’est donc avec une saine et néanmoins avide curiosité que j’attendais le remix, réalisé par une ribambelle d’artistes français et internationaux de haute volée… Et je n’ai pas été déçue, loin de là !!! Fidèle à l’esprit de nos chinois marseillais, cet album remix est un véritable puzzle musical des plus inspiré ! Que du beau monde ! Le top du top des remixeurs (une quinzaine sur 17 titres, dont Sly et Matteo) et des feats de renom (dont les incontournables et talentueux Youthstar, Taiwan MC, illaman, Baja Frequencia… et bien d’autres encore !) nous ont mijoté un savoureux melting- pot dense et dansant aux sonorités hip hop / électro, dub ou drum and bass, parsemé de sons épicés venant d’Asie, d’une Afrique tribale ou d’Europe de l’Est. De la belle ouvrage, comme d’habitude, aurais-je tendance à dire, tant cette équipe sait attirer le meilleur de la scène électro d’un bout à l’autre de la planète !!! On retrouve dans ce « Shikantaza remix » tout ce qui fait l’essence de Chinese Man à travers des  sensibilités différentes et complémentaires, dans une osmose portée par le même amour du son et de la fête… On ne s’en lasse pas !!!

Shikantaza remix / Chinese Man / Chinese Man Records /2018 / 13,50€ le CD, 22,50€ le vinyle

 

 

 

 

Les Scratch Bandits Crew nous offrent avec ce dernier opus un patchwork cousu de fil blanc aux sonorités électro hip hop cosmopolites et bigarrées, qu’ils ont mûri après une longue période de tournées qui les a emmenés sur les routes de France et de Navarre. Avec ses sonorités métalliques et urbaines aux accents futuristes et son flow reconnaissable entre mille, ce dernier opus reste dans la même veine que les précédents albums tout en étant extrêmement différent… Car s’il y a indubitablement un son « scratch », Supa Jay et Syr ne cessent d’évoluer et de se renouveler, cultivant le chic de s’entourer de feats qui apportent à leur musique une palette de tonalités kaléidoscopiques aux facettes multicolores. Telles les pièces d’un tangram (puzzle chinois) avec lesquelles on peut créer une multitude de formes, les colombiennes Feback et Lyda Aguas, les américaines Gavlyn, Reverie et Blimes Brixton, et bien évidemment le gratin de l’écurie Chinese Man (Taiwan MC, Youthstar, Illaman..) conviés sur ce bel album, apportent leur patte et leur couleur aux sonorités des bandits, tandis que les beatmakers de Baja Frequencia, Tribeqa, Vax-1, Bonetrips et Chicho Cortez y apportent une touche cumbia, groove jazzy africain, orientale ou future beat. Un sacré métissage qui fait « Bang » ! Et si on compte bien… on trouve autant d’hommes que de femmes sur cet album ! Décidément, ces alchimistes du son ont trouvé une fois encore le bon dosage pour nous embarquer dans un voyage interplanétaire hors du temps… Magie, magique !!!

 Tangram series / Scratch Bandits Crew / Chinese Man Records / 2018 / 10€ le CD, 15€ le vinyle

 

 

Christine Le Garrec

 

 

 

Alt-j, porté par la voix sublime de Joe Newman, c’est un groupe qui vous hypnotise, vous fait planer et vous transporte dans un océan de sonorités subtiles et psychédeliques. L’an dernier, sortait leur nouvel album, Relaxer, successeur de l’excellent This Is All Yours. Si vous n’avez pas encore écouté ces deux albums, je ne peux que vous conseiller de brancher vos écouteurs, en particulier pour Relaxer, puisque l’album dont je vais vous parler lui est fortement lié. Voici un avant goût de Relaxer avec l’excellent clip du titre Deadcrush !

 

 

Reduxer, sorti le 28 septembre dernier, est donc le nouvel album d’Alt-j. Il s’agit d’un remake de Relaxer, une version alternative…  rap/hip hop ! Alt-j a toujours eu des influences hip hop, il est donc assez normal de le voir plonger à fond dans le genre. Mais au lieu de nous proposer du tout neuf, le groupe britannique s’est orienté vers des remixes de leurs titres précédents. On peut donc se demander si il y a un véritable intérêt à cet album, alors que le précédent est plutôt récent, et que ce petit nouveau n’est pas si nouveau que ça ? Et bien pour ma part je dirais que oui, il vaut carrément le détour ! On redécouvre les morceaux de manière inédite, c’est une nouvelle facette d’Alt-j qui se dévoile à nous. Les sonorités propres au groupe sont toujours présentes et viennent se mêler aux nouvelles, importées par les rappeurs en featuring. L’album est d’une belle diversité musicale mais également linguistique puisque l’on retrouve un rappeur allemand ainsi que le français Lomepal qui a bien marqué cette année 2018. Et comme si la musique ne suffisait pas, Alt-j et leur featuring nous offrent un panel de clips aux visuels bien psychédéliques. Le groupe britannique a toujours su proposer des clips originaux à l’imagerie marquante, ici, pas d’exception puisque les clips, comme les titres de l’album, offrent un mélange des univers des rappeurs et d’Alt-j. Ce nouvel album est une  pépite qui permet au groupe un véritable renouvellement tout en conservant ce que l’on apprécie chez eux. Allez vous faire votre propre avis, foncez écouter ce nouvel album, et si le groupe vous est toujours inconnu c’est le moment de le découvrir ! Je vous laisse, en plus du dernier clip de Deadcrush, le lien vers un petit jeu bien psyché disponible sur le site du d’Alt-J !

Reduxer / Alt-J / Infectious records / 2018 / 11,99€

 

 

 

 

Si toi aussi tu as participé aux premières ères du Stup et que tu penses toujours que le Crou ne mourra jamais, alors tu n’es pas sans savoir que Cadillac, patron de la menuiserie, débarque en solo pour son premier album ! Si tu n’as pas tout compris à ce que je raconte,  je ne peux que t’inviter à découvrir Stupeflip, ce groupe alternatif mélangeant rap rock hip hop et ritournelles de variétés. Le Crou, comme il se fait nommer, évolue dans un univers riche en personnages étranges et nous présente des histoires décalées à l’aide d’interludes ou de chansons aux textes travaillés avec des sens cachés et de vrais messages ! Alors si tu ne connais pas Stupeflip va donc écouter, car c’est dans ce groupe que Cadillac a fait ses débuts musicaux ! Quant à vous Lapins, parlons-en de cette entrée fracassante de Cadillac dans le paysage musical ! Pour ma part en tant que gros fan de Stupeflip, l’annonce d’un album solo de ce membre du Crou m’a à la fois rempli d’enthousiasme et de crainte… Quand on voit un membre d’un groupe culte se lancer en solo, c’est assez souvent un poil décevant… Mais alors là, quelle claque ! Pardonnez moi l’expression mais j’en suis encore sur le cul ! Le bougre nous livre un premier album riche (21 morceaux, interludes et chansons), teinté de sa touche personnelle qui nous fait découvrir une nouvelle facette de sa personnalité, tout en semant un peu partout des influences et des sonorités de Stupeflip. L’album commence fort avec une petite intro qui nous envoie sur le titre Game Over, dévoilé avant la sortie du disque avec un super clip ! L’ambiance de l’album est plus ou moins annoncée : décalée, absurde, agréablement débile, engagée sur certains points, des sons étranges, des sons dansants, une voix gueularde mais maîtrisée et un jonglage permanent avec les mots que Cadillac tourne et retourne, changeant une lettre par ci, par là, donnant lieu à des doubles sens avec des sonorités aux intonations amusantes, comme dans l’excellent titre L’umour Fou, une petite perle totalement barrée, remplie de jeux de mots et d’une certaine tendresse dans la voix. Côté musique, synthés aux sonorités délirantes, riffs de guitares aux allures désaccordées et des sons électroniques qui viennent se perdre dans cet univers étrange… Quand on connait Stupeflip, on sait que Cadillac ne chantait et ne s’exprimait quasiment qu’en criant. Et pourtant, dans cet album, nous avons droit à plusieurs morceaux où il chante d’une voix calme que nous ne lui connaissions pas et qui apporte un plus à cet album, notamment sur le morceau Rétroviseur, instrumental électronique aux aspects sombres, sur lequel sa voix ajoute un aspect hypnotique qui vous plonge dans une ambiance nocturne comme si vous vagabondiez dans les rues d’une ville sous une pluie légère. Le titre qui suit, Spdc, enchaîne à la perfection : toujours dans une ambiance électro, le morceau gagne en noirceur avec un beat plus violent et avec la voix gueularde de Cadillac qui fait son retour. Ce premier CD est également accompagné de featurings : on retrouve naturellement avec joie King Ju et Mc Salo, ses deux autres camarades avec qui il formait le Crou Stupeflip, ainsi que Mona Soyoc qui apporte une touche anglophone sur le titre Arkboot.  Quant à Débile qui réunit les trois compères pour une véritable ode à la stupidité, c’est un régal ! En bref, que ça fait du bien de retrouver Cadillac et de découvrir un peu plus son univers ! Cadillac a déjà entamé sa tournée… Et pour ma part,  j’irai couvrir le concert du 6 décembre à Bordeaux ! Yes !!!!!!

Originul / Cadillac / Etic System / 2018 / 11,99€

 

 

Alexandre Vergne