Juke Box N°35

De l’humour avec les Fatals Picards et Angle Mort et Clignotant, du reggae africain engagé avec Filentre, de la pop joyeuse avec The Strumbellas et un reggae « soul » pour soigner vos états d’âme avec Guive & the Ora ! Voici les coups de coeur d’Alex et Chris ! A vos écouteurs !!!

Il y a peu, je vous présentais le dernier album des Rois de la Suède, véritable perle d’absurdité (chronique ici !) ! Et bien nous retournons en Absurdie (C’est le pays de l’absurde, je viens de l’inventer) avec cette fois nos chers Fatals Picards ! Depuis le départ du chanteur iconique Ivan Callot (chanteur des Rois de la Suède désormais) et après le superbe « Pamplemousse Mécanique », le groupe a continué son chemin accompagné de Paul Léger, (connu aussi sous le nom de Paul le Merveilleux), leader et frontman charismatique (comme le reste de la joyeuse bande d’ailleurs). Depuis cette “nouvelle” formation, le groupe nous a offert quatre albums. À part le précédent que j’ai personnellement trouvé un peu moins bon (malgré ces trois perles que sont « Fils de P »., « Le Reich des Licornes » et « Interlude: Le Club »), les Fatals n’ont rien perdu de leur gloire d’antan comme ce nouvel album intitulé « Espèces menacées » vient nous le confirmer ! Alors, armez-vous de votre second degré et en route pour l’Absurdie ! Avec ce nouvel album, Les Fatals Picards attaquent sur tous les fronts : personnalités politiques, écologie, grands patrons sans morale, régimes alimentaires… tout y passe ! L’album commence avec l’excellent « Sucer des cailloux » pour enchaîner sur « Rebecca », un morceau absolument génial par son texte et l’histoire qu’il raconte (que je ne vous dévoilerai pas pour que vous puissiez le découvrir par vous même !). On continue ensuite sur une interlude…. Car depuis l’album précédent, « Fatals Picards Country Club », le groupe a commencé à intégrer à ses albums de petites interludes qui viennent rajouter une dose d’humour absurde à l’ensemble. Pour ma part, j’ai retenu dans ce dernier album l’interlude « Les enfants s’ennuient » qui annonce la chanson « La Fête Médiévale », absolument hilarante sur tous ses aspects, et l’interlude « Faites entrer le Complément d’Enquête » qui parodie les émissions d’investigation. Mais que serait un album des Fatals sans de bons morceaux qui donnent la pêche et envoient la purée, comme disent les jeunes ?! Après avoir repris « Sans Contrefaçon », « L’amour à la Plage », et plusieurs titres cultes du rock/punk français dans « Noir(s) », les Fatals s’attaquent maintenant à « Banana Split », morceau culte de 1979, en y mettant leur grain de sel bien rock, avec Lio en featuring ! On retrouve également une petite touche de sonorités punk avec « 20.000 Lieux sous les polymères », chanson très drôle qui remet en question la problématique du plastique et de la pollution des océans. Un bon morceau énergique, marrant et dénonciateur qui passe par le prisme de l’absurde. Coup de coeur également pour Angela (la chanson hein) et son instru bien kitsch et efficace qui accompagne une fois de plus un texte bien amusant (qui nous donnerait envie de retourner en 1983 ! ). Vous l’aurez compris, ce nouvel album des Fatals Picard est très réussi car on y retrouve tout ce qui fait le charme du groupe : instru rock énergique, textes à l’humour noir, sarcastique ou absurde et des petites interludes qui viennent étoffer le tout ! Il sortira le 26 avril prochain et les quatre compères sillonnent déjà la France, alors foncez les applaudir sur scène !

« Espèces menacées » / Les Fatals Picards / Verycords / 26 Avril 2019 / CD : 14,99€

Les Fatals Picards et les Rois de la Suède, on peut également rajouter Cadillac (chronique ici !) à la liste des groupes baignant dans le burlesque et l’absurde dont je vous ai parlé dans différents Juke Box. Vous noterez donc que oui, j’ai un certain goût pour le genre. Mais ces artistes que je viens de vous citez ne sont rien comparer (sauf peut être Cadillac)  à la… délicieuse absurdité qui se dégage des deux lascars que je vais vous présenter…. Et nul doute que si la musique teintée d’humour absurde pouvait pencher du côté obscur, Angle Mort & Clignotant en ferait partie ! Ces deux chauffards du hip-hop nous embarquent dans un voyage à grande vitesse avec cet album qui commence avec « Prendre l’air », qui annonce d’emblée la couleur : s’appuyant sur un beat progressif, les deux compères s’adonnent à un vrai ping pong au niveau du chant, en prenant de petites voix qui semblent tout droit sorties d’un dessin animé ! Les titres s’enchaînent avec plaisir, toujours accompagnés d’instrus efficaces et viralement dansantes. Angle Mort et Clignotant alterne entre textes absurdes qui racontent des histoires bien barrées, et titres conçus pour chauffer la foule… Et ça marche, même lorsque vous êtes seul chez vous ! On retiendra en particulier « Des Frites Putain Et De La Sauce Bordel », son beat lourd et son refrain accompagné d’une guitare bien rock, ou encore l’absurde « Google / Ta Gueule » qui donne envie de sauter en scandant le refrain ! La plongée dans l’absurde atteint sûrement son apogée avec « Z.I. », hymne à la gloire des zones industrielles où le texte n’est composé que de noms de marques et de franchises. Attention ! Celle là, rentre bien dans la tête ! D’ailleurs, rien qu’en écrivant ces lignes, je me la suis mise dans la caboche ! « Style Libre » (C’est La Vie) et « Sale Histoire » nous offrent quant à elles des sonorités un peu plus sombres qui apporte une touche un peu différente du reste. Cet album varié nous plonge dans un univers inédit et barré, comme je les aime ! Avec des intrus efficaces et toujours travaillés et des textes amusants et accrocheurs, Angle Mort et Clignotant nous invite à danser furieusement sur des sons mêlant trap, hip hop, festif et parfois une petite dose de rock… Un groupe à voir en live ! Et justement, ça tombe bien, ils seront à Tulle le 20 avril en première partie de Cadillac aux Lendemains qui Chantent !

« A10 » / Angle Mort et Clignotant / Fauchage collectif / 20 Avril 2019 / CD : 5€

Alexandre Vergne

Après son EP, « Homme libre » nominé aux victoires du reggae 2016, Filentre a bourlingué du Mali à la Guinée en passant par la Côte d’Ivoire pour chercher l’inspiration sous la musique, la lumière, les couleurs et la chaleur du continent africain. Une inspiration qu’il a sans l’ombre d’un doute trouvée au fil de ses rencontres, car avec «Inou Wali » (qui veut dire merci en soussou) enregistré à Bamako avec le backing band Siman Roots, il nous offre dix titres lumineux en autant d’hommages à l’Afrique, devenue désormais sa terre d’adoption. Entouré de feats prestigieux tels que Tiken Jah Fakoly, Takana Zion et Sidiki Diabaté, Filentre pose ses mots qui résonnent fortement au rythme d’un reggae aérien et épicé de cuivres, qui laisse parfois place à de nostalgiques et émouvantes ballades au son de la kora. Des mots où il nous engage à nous révolter contre ce monde individualiste et à tendre la main à nos frères humains opprimés comme dans « Seulement vivre » où il expose avec une sacrée émotion le sort des migrants, faisant résonner « leurs cris dérisoires dans un désert d’eau salée »  en un hymne bouleversant dédié à ces âmes envolées, chavirées dans l’oubli et l’indifférence… Des mots où il sait aussi se faire tendre et rêveur quand il nous invite à contempler la Terre, si belle lorsqu’elle perd ses frontières, quand l’humain étouffe le pire pour faire ressortir le meilleur de lui-même… Un album sensible où Filentre, envoûté par sa rencontre avec une Afrique meurtrie et généreuse, apparaît plus que jamais comme un homme libre… Et profondément humain… Inou Wali, mister Filentre !

« Inou Wali » / Filentre / Dibyz Music / 2019 / 13,99€

The Strumbellas nous offrent avec ce quatrième album un bain d’optimisme et de bonne humeur : dès la première écoute, on est instantanément sous le charme de leur pop folk pétillante orchestrée aux petits oignons dont les mélodies donnent illico envie de chanter à tue-tête… Alternant Ballades folk romantiques et nostalgiques et titres pop joyeux et colorés, ce rattlesnake, loin d’être venimeux, vous fait irrémédiablement voir la vie du côté ensoleillé ! L’amour et le temps qui passent donnent le tempo à ces neuf titres optimistes et rayonnants, accompagnés de chœurs d’une efficacité redoutable, dans cet album lumineux qui dégage une incroyable énergie positive et nous apporte, avec un peu d’avance, un avant goût d’été et d’insouciance. J’adore !!!

« Rattlesnake » / The Strumbellas / Glassnote records / 2019 / Téléchargez ici

Guive, accompagné de The Original Reggae addicts (ORA), nous invite avec ce premier album à un reggae cuivré, joyeux et énergique qui côtoie harmonieusement une soul du meilleur cru. Les textes tendres ou engagés ne mâchent pas leurs mots en dénonçant le sort inhumain réservé aux migrants dans une société qui fait « s’envoler en charter » ses repères et ses valeurs humaines, ou en dévoilant avec une belle sincérité la complexité du sentiment amoureux. S’il nous invite avec force à la désobéissance civile où être à l’écoute de nos états d’âme entre le coeur et la raison, Guive ne perd jamais le fil d’un groove puissant et dansant au fil des treize titres de cet album (dont sept en anglais), nous offrant même deux superbes reprises avec le fameux « Lean on me » de Bill Withers qu’il emballe avec une belle dose d’émotion et l’intemporel « Unchain my heart » de Ray Charles, dans une version ska aussi étonnante que brillante ! La musique est le remède de Guive… Et devient le nôtre à l’écoute de cet album qui met du baume au cœur et donne envie de chanter la vie, même (et surtout !) sous la pluie, « car la grisaille est enivrante et le soleil décevant » ! Profitez donc des giboulées de ce printemps pour écouter en boucle cet album qui balance entre reggae tonique et soul ondulante avec flamboyance, sous la voix et les chœurs d’une formation qui tient toutes ses promesses !

« La musique est mon remède » / Guive & the Ora / Healing Sound / 2019 / 17,99€

Christine Le Garrec