Histoire(s) de lire… N°42

Emiliano Sciarrino, dans un roman brûlant d’actualité, met en mots avec talent l’absurdité d’un système qui laisse nos jeunes, y compris les surdiplômés, sur les bas-côtés… C’est ensuite Shion Miura qui évoque, avec un palpable amour des mots, l’élaboration aussi minutieuse que titanesque d’un dictionnaire au long cours. Je vous propose ensuite l’histoire vraie, brillamment romancée par Frédérique-Sophie Braize, de l’incroyable destin d’une jeune paysanne et de deux bébés siamois, suivie d’une plongée psychologique dans l’intimité de secrets de famille enfouis, dévoilés par Josèphe Viallard. Pour terminer, deux perles éditées par Le Dilettante avec les irrésistibles « écrivains imaginés » de Cécile Villaumé et le cri du coeur enflammé de Romain Villet pour Oscar Peterson ! Et si vos pas vous mènent vers la Maison de la Poésie à Paris, ne ratez pas le festival de la littérature néerlandaise qui se déroulera du 14 au 16 Mai prochain ! Bonnes lectures à toutes et à tous !

Marco a quitté son Italie natale pour suivre de brillantes études universitaires à l’université de Sorbonne-City où il obtient son doctorat, appuyé par sa thèse sur « les animaux dans la littérature ». Une fois celui-ci en poche, il espère bien obtenir un poste de maître de conférences ! Mais celui-ci lui passe sous le nez et Marco se retrouve dans l’inconfortable peau d’un demandeur d’emploi… Il s’aperçoit vite que trop de diplômes tue le diplôme car, malgré quelques CDD, dont un à Sciences-Mo (Sciences molles !), il galère de petits boulots en jobs mal payés… Jean, son colocataire qui sort d’une étude de commerce, plutôt que de mal gagner sa vie a fait le choix de jouer au poker sur Internet en fumant des joints… Une attitude désabusée commune à une multitude de gens puisque Paris est submergée depuis quelque temps par des manifestations « Jour couché » où les gens s’allongent au sol pour témoigner de leur impuissance face à un système qui les rejette chaque jour davantage… Marie, l’amie de Marco, pense quant à elle sérieusement à monter une start-up « écolo » plutôt que de s’épuiser dans de vaines études qui la mèneront directement dans une impasse… De petites combines en mésaventures, de rendez-vous stériles au pôle emploi aux exigences aberrantes des banquiers, Marco ne sait plus où il en est… A quoi bon tenter de s’élever sur l’échelle sociale puisque son ascenseur est en panne et pas prêt de redémarrer ? A quoi bon crier et se révolter ? Autant rester couché… Emilio Sciarrino, avec humour et désespérance, dépeint à la perfection le monde anxiogène qui est devenu le nôtre, un monde où les intellectuels se compromettent dans des débats douteux sur des théories malodorantes (le grand remplacement…) ou plastronnent dans des talk-shows plus bas que le niveau de la mer… En évoquant la précarité de l’emploi dans un climat malsain de compétition généralisée, le déclassement et la surqualification de nos jeunes diplômés, Emiliano Sciarrino évoque avec un sacré talent l’absurdité d’un système en totale perte de ses valeurs… Brillant !

Jour couché d’Emilio Sciarrino, Le Rouergue, 2019 /19,30€

L’âge de la retraite a sonné pour Araki… Mais avant de quitter son poste chez l’éditeur Genbu Shobô où il travaille sur la réalisation du dictionnaire « La grande traversée » depuis de nombreuses années, cet amoureux des mots ne peut laisser son « bébé » entre de mauvaises mains… Il lui faut donc trouver un digne successeur pour cette noble tâche qui mérite le meilleur traitement et l’esprit le plus affûté ! Araki a repéré au service commercial un jeune homme timide et ébouriffé qui semble ne pas faire l’unanimité auprès de ses collègues qui supportent difficilement son comportement quelque peu étrange… A l’approche de la trentaine, celui-ci vit toujours dans la même pension de famille depuis ses années d’étudiant et semble n’avoir aucun ami… Ses amours ? Encore puceau, il n’ose déclarer sa flamme à Kaguya, la petite fille de sa logeuse, chef dans un restaurant… Ce personnage lunaire interpelle Araki qui y voit du potentiel et, après renseignement, il pense avoir enfin trouvé la perle rare qu’il cherchait : méthodique et perfectionniste, le jeune homme, qui se prénomme Majimé (qui signifie «sérieux » en japonais) a toutes les qualités requises pour travailler à l’élaboration de ce projet ambitieux qu’est  « La grande traversée »… Shion Miura nous entraîne avec grâce dans le sillage des mots et de l’importance d’approcher au plus près leur sens exact, à travers cette histoire de passions… Celle des mots, bien sûr et de l’amour d’une langue «  juste » révélée par des passionnés méticuleux… Mais aussi passion amoureuse entre Majimé et Kaguya, qui se renforce par l’amour de leurs métiers respectifs qui se rejoignent sur bien des points : cuisiner et élaborer un dictionnaire, c’est tenter d’atteindre une infinité de possibilités ! Ce roman à caractère documentaire, subtil et minutieux, décrit, là encore avec passion, une aventure humaine entre des êtres lunaires et hors du monde, auxquels on s’attache pour leur fidélité respectueuse à transmettre au plus juste la valeur des mots… Un livre parfait pour les amoureux d’une littérature raffinée toute japonaise, extrêmement bien traduite !

La grande traversée de Shion Miura (traduit du japonais par Sophie Refle), Actes Sud, 2019 /22€

Après la mort de sa mère, Lily Rossignol, déjà orpheline de père, n’a plus d’autre choix que de quitter son village natal perché dans la montagne : désormais, plus rien ne l’attend ici… Elle décide de rejoindre la ville où ses parents se sont rencontrés et où elle a été conçue, sur les bords du lac Léman. Sa mère lui a tant parlé de ce lieu idyllique… La jeune fille se met donc en route, accompagnée d’Avalanche, son chien fidèle qui lui a sauvé la vie lorsqu’elle était enfant, et d’un mystérieux attelage où se nichent ce qui est désormais sa seule famille : deux bébés siamois, prénommés Castor et Pollux… Pour subvenir à ses besoins et à ceux dont elle a charge d’âme, Lily se voit contrainte de mendier en exhibant les bébés, de foires en kermesses tout au long de son chemin… Que faire d’autre ? Enfin arrivée à destination, Lily se fait remarquer par deux hommes dont les intentions se révèleront intéressées et peu charitables : Audebert, un « demi-monsieur » à la mine bien mise et à l’âme noire, qui tentera de profiter de sa naïveté pour l’emmener sur des chemins de débauche, et Vincent, le chirurgien ambitieux de l’hôpital local, fasciné par les siamois et obsédé par la renommée que ceux-ci lui apporteraient s’il réussissait à les séparer… Pour arriver à leurs fins, ces deux hommes sont prêts à tout… Heureusement, des anges gardiens veillent sur Lily : Madame Agrippine, bourrue au grand cœur, qui tient d’une main de maître l’hôtel où Lily trouvera refuge et la « Louve blanche », une des danseuses nues qu’Audebert tient sous sa coupe dans son cabaret, lieu de perdition où se retrouvent les notables du coin pour des parties fines… Amours, amitiés, trahisons, rebondissements … Frédérique-Sophie Braize nous offre avec sa « Lily sans logis » un roman social haletant qui dépeint à merveille cette fin de 19ème siècle, où se déroule son intrigue. Inspiré d’une histoire vraie, le destin de cette jeune femme et de ces deux malheureux nourrissons dont la vie a joué un bien mauvais tour, se lit d’une traite avec grand plaisir par la grâce d’une écriture aussi soignée que juste !

Lily sans logis de Frédérique-Sophie Braize, De Borée, 2019 /19,90€

Martial, universitaire, rencontre Isabelle, une écrivaine avec qui il monte un projet de recherches sur le thème de l’autobiographie. Le père de Martial, récemment décédé, lui avait confié ses souvenirs d’une femme dont il était éperdument amoureux lorsqu’il était jeune homme… Une femme qui ressemble furieusement à Édith, la soeur d’Isabelle, que Martial découvre à travers un manuscrit écrit de la main d’Isabelle qu’un ami commun lui a confié sans en faire part à son auteure… Dans ce texte, totalement autobiographique, qu’Isabelle n’a jamais voulu publier, elle y dévoile sa relation conflictuelle avec Édith, grande sœur adulée dont la forte personnalité a fini par les éloigner toutes deux l’une de l’autre… Voilà Martial dans une position délicate : comment questionner Isabelle sur sa sœur sans lui dire qu’il a pris connaissance de son manuscrit ? Son intuition devenue conviction est-elle justifiée et Édith est-elle bien l’amour perdu de son père ? Après «Fanny Z » (chroniqué ici !), Josèphe Viallard signe avec « Ecrire Edith » un roman psychologique passionnant où à l’evocation de douloureux secrets de famille se mêle la difficulté de chacun à les évoquer. Des thèmes abordés d’une plume fine et alerte qui touche le lecteur au cœur de l’intime, dans un exercice littéraire que cette ancienne professeure de philosophie maîtrise à la perfection !

Écrire Édith de Josèphe Viallard, Les Ardents éditeurs, 2018 /19€

Quand la littérature s’inscrit autour de l’Histoire, grande ou anecdotique, et qu’elle se fait virtuose et épicée d’humour caustique, ça donne quoi ? Le recueil de Cécile Villaumé qui nous régale et nous époustoufle de son talent à travers ses quinze truculents portraits d’écrivain(e)s qu’elle met plus ou moins en arrière-plan mais avec une intelligence formidable dans chacune de ses « histoires » férocement imaginatives tout en étant fort bien documentées ! Vous y découvrirez avec délectation un Charles d’Orléans fauché et aigri qui tique sur les frais de toilette d’une « lorraine itinérante » pourtant prête à le sauver des griffes des « anglois »… Une Manon Roland digne et courageuse se rendant à l’échafaud sous les pensées d’un Charles Sanson un peu dépassé par les proportions que prend sa charge de bourreau… Vous y croiserez Fiodor Dostoïevski en témoin (bigleux mais néanmoins encombrant !) d’un double meurtre… Un Stéphane Mallarmé dépressif et indigent professeur d’anglais malmené par ses élèves et pris en pitié par un inspecteur qui lui conseillera d’arrêter la poésie « qui ne lui réussit guère »… Un Arthur Conan Doyle désabusé qui en ras la casquette de son personnage opiomane, violoniste et content de lui, qui signe la mort dans l’âme une lettre de recommandation à Jules Bonnot, son chauffeur, qui se retire en France… Ou encore Marcel Proust, en obscur convive d’une réunion de baronnes et de duchesses, où celles-ci s’évertuent à trouver des arguments pour convaincre la comtesse Greffuhle d’honorer de sa présence la vente de charité au bazar de l’hôtel de ville…Où toutes périront dans un incendie de sinistre mémoire ! Voici quelques-unes des perles distillées dans une langue parfaite rehaussée d’un revigorant irrespect et par un humour aussi fin que désopilant, par cette talentueuse auteure dont j’attends pour ma part avec impatience le prochain ouvrage ! Excellentissime !!!

Des écrivains imaginés de Cécile Villaumé, Le Dilettante, 2019 /17,50€

Romain Villet, promis à une belle carrière dans l’administration, est tombé en amour pour le jazz, il y a quelques années de cela, grâce à sa petite amie de l’époque qui lui a ouvert les oreilles en l’emmenant à un concert d’Oscar Peterson. Un déclic ! Ce coup de foudre immédiat lui a fait jeter aux orties ses projets pour reprendre assidûment le piano qu’il avait délaissé à l’adolescence, afin de tenter d’approcher de ses dix doigts cette musique céleste… Pari tenu, car aujourd’hui, Romain en a fait son métier et se produit avec talent sur scène, en trio comme Peterson, avec un bassiste et un batteur ! Mais toute passion est contagieuse et celui qui est pris dans ses filets n’a qu’une seule envie : la partager et communiquer au plus grand nombre la fièvre qui l’anime ! Romain Villet ne pouvait donc se contenter uniquement d’interpréter la musique « de noirs défoncés qui révèle la pureté des mystères translucides que masquent d’ordinaire nos pâles raisons opaques »… Il lui fallait apporter la bonne parole et crier son amour pour le jazz (et pour Oscar !) à la face du monde ! Et c’est ce qu’il fait aujourd’hui au cours d’un spectacle d’exception où il introduit les plus grands standards de jazz par des mots qu’il manie avec autant de classe et de talent que ses doigts courent sur l’ivoire des touches de son piano : un spectacle vivant qui laisse une large place à l’improvisation et où il dévoile en même temps que sa formidable érudition, un humour dévastateur ! Ce petit recueil est la retransmission écrite de ce spectacle (que je ne peux que vous conseiller d’aller voir et surtout écouter au théâtre de l’île Saint-Louis à Paris jusqu’au 26 Mai prochain). Il nous y offre une formidable leçon de jazz en professeur passionnant et parfois irrévérencieux qui ne peut que laisser « ses élèves » bouche bée d’admiration devant sa drôle et touchante déclaration d’amour pour cette musique « sensuelle et nerveuse, qui s’écrie et s’écoute, et non pas une musique surcérébrée, livresque, qui s’écrit et se calcule ». Chapeau bas, Monsieur Villet… A vous lire, on n’a plus qu’une seule envie… Réécouter les standards intemporels de cette musique indomptable, vivante et libre !

My heart belongs to Oscar de Romain Villet, Le Dilettante, 2019 /10€

Café Amsterdam : Festival de la littérature néerlandaise : demandez le programme !



Du 9 au 20 mai : Errances littéraires – Paris et Amsterdam : Exposition du photographe néerlandais Bart Koetsier, textes de Margot Dijkgraaf / Balades littéraires à Paris et Amsterdam : Adriaan van Dis, Anna Enquist, Michel Houellebecq et Remco Campert. Vernissage Maison de la Poésie, le 9 mai, 17 heures.

Du 14 au 16 Mai 2019, les Phares du Nord nous éclairent sur la littérature des pays-bas, à la Maison de la Poésie, à Paris.
Café Amsterdam est une activité dans le cadre de la campagne Les Phares du Nord, initiée par l’Ambassade des Pays-Bas et la Fondation des Lettres néerlandaises.

Mardi 14 mai 2019 ( 20 H) : Jan Brokken et le Berlage Saxofoonquartet : Le chemin de la liberté (Soirée littéraire-musicale)

Un pianiste homosexuel (Youri Egorov) qui fuit l’Union soviétique et trouve la liberté à Amsterdam. Un compositeur estonien (Arvo Pärt) qui est à l’origine de la Révolution chantante et de l’indépendance de son pays. Un violoniste kurde (Hawar Tawfiq) qui, à seize ans, a quitté l’Iraq et devient un compositeur important aux Pays-Bas. Un écrivain russe (Fiodor Dostoïevski) qui a survécu à la Sibérie grâce à une amitié et y a écrit son premier chef-d’oeuvre : Souvenirs de la maison des morts. Voilà quelques récits remarquables qu’on trouve dans l’oeuvre de l’auteur néerlandais Jan Brokken, ce soir lus par lui-même. Il sera accompagné de la musique de Moussorgski, Schulhoff, Pärt, Chostakovitch, Eisler, interpretée par le fameux Berlage Saxophone Quartet. Les membres de cet ensemble international (Allemand, Hongrois, Espagnol, Néerlandais) s’inspirent des créations épurées de l’architecte amstellodamois Berlage.

Mercredi  15 mai (19H) : Hagar Peeters & Claire Castillon (Animé par Regis Penalva)

Une fille née hydro­céphale rejetée par son père, un poète mondialement connu. Un mari qui a tué son épouse qui l’a terrorisé pendant des années. Comment se tissent les relations entre père et fille et celles entre un homme et son épouse et comment peuvent-elles dégénérer au point de devenir haine et grande tristesse ? Dialogue croisée entre Hagar Peeters en Claire Castillon. Dans son premier roman, la poétesse néerlandaise Hagar Peeters, donne la parole à Malva, la fille du poète chilien Pablo Neruda et sa femme néerlandaise. Elle est morte à l’âge de huit ans, son père l’ayant effacé de sa mémoire. Dans son plus récent roman, Ma grande, Claire Castillon nous plonge dans un livre d’un mari tyrannisé par sa femme pendant quinze ans. Dès les premières lignes, il s’adresse à celle qu’il a tuée : « je suis mieux depuis que t’es pas là. Mais je sais que j’avais pas le droit. »


Mercredi  15 mai (20H) : Adriaan van Dis – entre l’Indonésie et l’Afrique (Animé par Regis Penalva)

Né en 1946 à Bergen, au nord d’Amsterdam, Adriaan van Dis a grandi dans une famille rapatriée d’Indonésie. Son père, sous-officier de l’armée coloniale, invalide de guerre vivant dans ses souvenirs, a durablement marqué sa sensibilité. Après des études de néerlandais et d’afrikaans en Afrique du Sud, van Dis a opté pour l’écriture après un détour par le militantisme anti-apartheid et le journalisme littéraire. Grand connaisseur de l’Afrique, il se fait d’abord connaître comme auteur de voyage (Sur la route de la soie ; La Terre promise ; En Afrique). Son œuvre se développe ensuite en une majestueuse série d’autofictions où il dénoue les fils d’une identité multiculturelle, à travers une écriture raffinée : Les dunes coloniales, qui a reçu deux prix littéraires importants, Fichue familleLe promeneur et Tête à crack. En 2019 paraîtra son nouveau roman Je reviens, un portrait de sa mère.


Mercredi  15 mai (21H) : Herman Koch & Florence Noiville (Animé par Oriane Jeancourt)

Quelles sont nos faiblesses invisibles, quels sont les manques dans le psychisme humain ? Herman Koch, auteur néerlandais mondialement connu, a fait de l’imposture et de l’absence de morale ses thèmes de prédilection. Florence Noiville, journaliste au Monde, explore dans ses romans les maux invisibles de l’esprit humain. Le succès international de Herman Koch est dû à son livre Le diner (2009) publié dans 55 pays, du jamais vu dans l’histoire littéraire néerlandaise. Dans son nouveau livre, Le fossé, c’est le Maire d’Amsterdam, un homme aux nombreux intérêts et aux lourdes responsabilités, qui perd pied. Mensonge, adultère, abus de pouvoir, paranoïa – l’intrigue est passionnante. Dans son dernier livre, Confessions d’une cleptomane, Florence Noiville étudie avec brio la plus romanesque des addictions humaines, la kleptomanie.

Après la rencontre : musique par la chanteuse néerlandaise Gitta de Ridder. Elle est singer-songwriter, connue pour la grande pureté et simplicité de ses chansons. Inspirée par des artistes folk tels que Anais Mitchell et Iron&Wine, elle est devenue une chanteuse aimée et adorée depuis 2014.

Jeudi 16 Mai (19H) : 3 écrivains, 3 univers : Frank Westerman & Eva Meijer & Tommy Wieringa (animé par Marie-Madeleine Rigopoulos) Photo, musique, film –  trois écrivains néerlandais illustrent leurs univers littéraires.

Ingénieur agronome, reporter et journaliste, Frank Westerman a été témoin de grandes crises en Europe et ailleurs. Son récit autobiographique El negro et moi  était une réflexion historique et sociologique sur l’esclavage et le racisme. Dans La vallée tueuse il étudie la mort mystérieuse, en 1986, de 1200 habitants voisins du lac Nyos, au Cameroun. Dans son nouvel essai, Soldats de la parole, il se demande quel peut être le poids de la parole face aux armes: quel est le pouvoir des mots et de la liberté d’expression face à la violence après les attentats de Charlie Hebdo ? Sans donner de réponse catégorique, Westerman invite le lecteur à réfléchir avec lui sur le terrorisme et sur la façon de l’affronter. Eva Meijer est artiste, chante et compose, elle est également écrivain et philosophe. Dans son livre Les animaux et leurs langages elle combine la philosophie avec son amour des animaux. Descartes disait que les animaux n’avaient pas d’âme parce qu’ils n’étaient pas rationnels : ils ne savent pas s’exprimer. Meijer démontre que chaque espèce communique à sa façon. Le langage animal répond à des règles de grammaire : les dauphins communiquent par leurs clics, les céphalopodes dans les motifs de couleurs de leur peau, les baleines dans la structure de leurs chants. Ce mélange de connaissances académiques et d’une passion toute personnelle a pour résultat un plaidoyer lucide qui nous encourage à écouter les animaux avec plus d’attention: quand peut-on parler de langage ? Quelle est la définition du langage en général ? Historien de formation,Tommy Wieringa est un écrivain voyageur et romancier néerlandais qui a passé une partie de sa jeunesse aux Antilles néerlandaises. Il a débute sa carrière d’écrivain par le journalisme et les récits de voyage. Parmi les 5 romans traduits en français il y aVoici les noms, un grand livre sur la migration : abandonnés en plein désert balayé par les vents, cinq migrants parviennent à survivre et atteignent Michaïlopol, une ville imaginaire située à l’Est de l’Europe, gangrénée par la corruption et la violence. La traduction de son dernier roman, Sainte Rita, paraîtra en septembre 2019, chez Stock.


Jeudi 16 Mai (20H) : Anna Enquist & Eric Fottorino (Animé par Sophie Fay (Nouvel Obs)

L’ombre des secrets, des silences, la perte et une possible réconciliation avec le passé – voilà les thèmes qu’ont en commun l’écrivaine Anna Enquist et le romancier Eric Fottorino. Deux écrivains qui signent des livres qui résonnent avec leur vie, deux romans récents qui parlent d’une ville : pour l’une c’est Amsterdam, pour l’autre la ville de Nice. Anna Enquist est écrivaine, poète, pianiste et psychanalyste. Dans son œuvre elle observe, sans juger, la fragilité des sentiments et des relations amoureuses, amicales ou familiales. Ses romans Le Chef d’œuvre et Le Secret mettent en scène des figures d’artistes prêts à tout sacrifier pour leur art, et narrent le délitement des relations amoureuses, les affres de la jalousie et de la trahison, les secrets et névroses familiales. Son roman le plus récent, Quatuor, reprend l’ensemble de ses motifs littéraires, le deuil impossible, la pratique musicale et ses effets bienfaisants, le vieillissement des corps, et interroge notre société rongée par l’égoïsme, l’affairisme décomplexé et le mépris de la culture. Journaliste, essayiste et rédacteur en chef de l’hebdomadaire Le 1, Eric Fottorino est également l’auteur d’une œuvre impressionante de romans. Dans son roman le plus récent Dix-sept ans, il apporte, une trentaine d’années après son roman Rochelle, la pièce manquante à sa quête identitaire. Dans ce portrait  solaire et douloureux d’une mère inconnue, une femme livre à ses trois fils le secret qui l’étouffe. En révélant une souffrance insoupçonnée, cette mère niée par les siens depuis l’adolescence se révèle dans toute son humanité et son obstination à vivre libre.


Jeudi 16 Mai (21H) : Lieve Joris & Chantal Thomas (Animé par Géraldine Mosna-Savoye (France Culture)

Une grande voyageuse belge et une historienne française réputée reviennent à leurs sources : comment écrire de sa propre famille, comment mettre en mots le trajet personnel d’un écrivain ? Lieve Joris, née dans le petit village de Neerpelt en Belgique, s’envole à l’âge de 19 ans pour les États-Unis. Depuis elle n’a cessé de voyager et de composer, livre après livre, une des œuvres littéraires les plus importantes en langue néerlandaise. D’abord grand-reporter, elle parcourt le Moyen-Orient, l’Afrique, l’Europe de l’Est et l’Asie. Disciple de Ryszard Kapuscinski, elle publie le récit de ses périgrinations sous forme de romans, tels que Sur les ailes du dragon, Ma cabine téléphonique africaine et La danse du Léopard. Joris n’arrête pas d’enjamber les barrières culturelles, de faire de nouvelles rencontres, de retranscrire les rythmes du monde. Dans son prochain roman par contre, Retour à Neerpelt, à paraître en juin, elle revient à son enfance lorsqu’elle apprend qu’un de ses frères, le « mouton noir » de la famille, est dans le coma à la suite d’un accident de voiture. Chantal Thomas, écrivaine, essayiste et scenariste, a publié des livres sur Sade, Casanova et Roland Barthes. Ses romans Les adieux à la reine et L’échange des princesses ont été adaptés au cinéma. Dans son roman autobiographique Souvenirs de la marée basse elle fait revivre, sur les plages de son enfance, une mère secrète qui lui a légué la passion des bains de mer, le goût de s’abandonner à la volupté de la nage : ‘Nager. Nager pour fuir les contraintes, pour échapper aux vies imposées, aux destins réduits.’ Qu’a-t-elle légué à sa fille, cette mère ? Après la rencontre : musique par la chanteuse néerlandaise Gitta de Ridder.

Réservations : https://www.maisondelapoesieparis.com/

Christine Le Garrec