Juke Box N°81

Jazz, world music, blues rock, rock pêchu psychédélique, pop, chanson française… Ce juke box métissé de milles couleurs explore une multitude d’univers apaisants ou dansants qui vous feront vibrer de milliers d’émotions ! Belles et bonnes écoutes à toutes et à tous !

Auteure, compositrice et interprète, Fanelly a indéniablement le feeling pour créer un univers musical autour de ses mots : une évidence à l’écoute de ce somptueux album où ses textes, portés par sa voix claire et aérienne, épousent comme une seconde peau les mélodies accrocheuses d’un jazz feutré qui flirte en toute harmonie avec des couleurs pop ou folk. Si deux bouleversements d’importance (le décès de son père et les terribles attentats de 2015 à Paris, où notre belle italienne réside) ont été les déclencheurs de son envie de mettre en mots ses sentiments, c’est dans le métro que Fanelly a puisé son inspiration au fil des stations de ce « Metro stories » où chaque chanson est une tranche de vie fantasmée, une histoire puisée dans le regard de gens ordinaires et anonymes, croisés entre deux rames… Sa voix envoûtante qui dévoile une sensibilité à fleur de peau, et sa musique qui éclate en de délicates bulles de plaisir sous la virtuosité de musiciens au diapason de son talent, nous invitent au coeur de jardins secrets invisibles dans le tumulte du monde… En l’espace de dix chansons, cette belle artiste nous élève avec une grâce infinie vers un monde de pureté, pour une parenthèse au temps qui nous offre un durable sentiment de sérénité… Et ça fait bien plus qu’une petite différence dans notre monde en proie à la folie ! Magique !

Metro Stories / Fanelly / TuneCore / 19 Mars 2021

Avec ces somptueux et symphoniques « Nouveaux mondes », les frontières entre jazz et classique s’effacent et se mêlent harmonieusement pour dessiner des univers mouvants, déclinés en dix superbes paysages sonores : rien ne s’oppose, bien au contraire, entre ces deux univers qui se répondent et s’entrelacent dans un dialogue d’une rare puissance évocatrice. Composée avec autant de virtuosité que d’inventivité par Samuel Strouk, cette symphonie, interprétée par un quatuor à cordes (le fabuleux quatuor Elmire) et un trio jazz de haute volée, nous élève vers des hauteurs vertigineuses, sous les arpèges aussi savants que délicats de Samuel à la guitare : les apaisants et planants moments de calme annoncent de tempétueuses tempêtes évoquées par un éblouissant tourbillon de cordes sous un délicat nuage de batterie, à la présence tour à tour feutrée ou exaltée… Bercé de douceur et transcendé par les exaltantes envolées que nous offre ce magicien, il nous vient une irrépressible envie de quitter la terre pour se réfugier au coeur de ses nouveaux mondes aux horizons insoupçonnés… Puissant, étonnant, vivant, cet album au goût de liberté est hallucinant de beauté… Un gros coup de coeur !

Nouveaux mondes / Samuel Strouk / Well Done Simone / 5 Mars 2021

Sérénité et sagesse règnent sur la moindre note de cet album envoûtant où les frontières ne semblent jamais avoir existé et où les cultures s’enrichissent au lieu de s’opposer : la chaleur du désert y fait place aux embruns de la mer d’Écosse avec une immense douceur… Compositeur et musicien globe-trotter, Abaji se définit comme un « ethno musicologue ». Polyglotte (il parle pas moins de six langues…) et multi instrumentiste (il collectionne et joue de plus de 500 instruments de musique…), ce musicien virtuose d’une sensibilité exacerbée, est un amoureux des sonorités du monde qu’il recueille pour nous les offrir ensuite, harmonieusement entrelacées. Au fil des seize plages de cet album aux couleurs métissées, il mêle sa culture et ses racines orientales à celles des celtes dans une surprenante partition où ses instruments traditionnels (bouzouki, oud, duduk, percussions, clarinette en bambou… Mais aussi harmonica et une étonnante guitare double manche) se fondent dans une parfaite osmose avec l’accordéon et la flûte celtique des écossais Donald Shaw et Michael McGoldrick. Quant à la voix d’Abaji, puissante et déchirante, elle vous touche droit au coeur et à l’âme… Alors, respirez, fermez les yeux… Et laissez vous envahir par un profond sentiment de bien-être à l’écoute de « Blue Shaman » qui nous invite à une expérience unique, d’un rivage à l’autre, au creux d’un rêve soufflé par d’hypnotiques et bienveillantes ondes… Tout simplement sublime.

Blue Shaman / Abaji / Absilone / 12 Mars 2021

Les Balaphonics fêtent leurs dix ans d’existence en excellente compagnie avec cet album épicé et piquant à souhait… Qui fait BOOM ! Car cette galette magique se place sous le signe de la rencontre, musicale et amicale, avec les lumineuses et enrichissantes participations de feats prestigieux (Kandy Guira, Jupiter & Okwess, Franz Von Song et Moriba Diabaté) qui apportent leurs couleurs et leurs voix puissantes (mazette, celle de Moriba Diabaté m’a mis les poils !) à la musique métissée et festive, entre jazz et afrobeat groovy, de nos talentueux frenchy ! En douze pistes (de danse, of course !), vous allez onduler de la tête aux pieds à l’écoute de cette musique diablement attractive où balafon et soussaphone, accompagnés d’une batterie, de percussions, de guitares et d’une explosion de cuivres, nous offrent un éblouissant cocktail de rythmes langoureux et ondulants qui se font sans transition frénétiques et dansants… Et oui, car avec Balaphonics « Yakadancé, les ouïes et les yeux en émoi, en oubliant tous nos tracas »… Et c’est bien loin d’être négligeable en cette période morose qui n’en finit pas de nous désespérer ! Vitaminée, énergisante, dépaysante, chaleureuse… La musique de Balaphonics, c’est la fête à la maison assurée, que l’on soit seul ou entre potes… C’est d’ailleurs en me trémoussant, le casque vissé sur les oreilles (et volume à fond !) que j’ai rédigé cette modeste chronique où je tente de vous faire partager l’intense plaisir que j’ai ressenti à l’écoute de cet album ! Vous pensez que mon enthousiasme est quelque peu immodéré ? Sachez braves gens que le (très…) regretté Manu Dibango et que l’immense Tiken Jah Fakoly ont adoubé le talent et la générosité des Balaphonics ! Si « La musique guérit nos âmes égarées depuis la nuit des temps »… celle que distillent ces « faiseurs de bonheur » libère notre esprit sous une avalanche de good vibes ! Alors, vivement la reprise des concerts (on n’en peut plus, là !!!)… Car je subodore que les Balaphonics doivent donner leur pleine mesure sur scène !!!

Spicy Boomboom / Balaphonics / Vlad / 30 Avril 2021

Avec cet album « cousu main » réalisé à la maison durant le confinement de 2020, Popa Chubby, remonté comme un coucou suisse de haute précision, nous offre un chapelet de chansons bien ficelées où il épanche sa légitime colère contre les politiques arrogants et incompétents, sur fond de pandémie dévastatrice qui aurait pu être mieux gérée… Notamment par « l’homme aux cheveux jaunes » dont la défaite a dû réjouir (comme beaucoup d’entre nous !) notre blues rocker préféré qui a sans nul doute repris deux ou trois fois des nouilles à l’annonce de son départ tant espéré ! S’il râle à juste titre, Popa nous laisse tout de même entrevoir l’espoir de jours meilleurs et nous offre de tendres moments où il déclare sa flamme à sa toute nouvelle épousée et à ses fans, déboussolés et frustrés d’être privés d’exaltants moments en « live »… Des mots énervés ou doux comme du miel qu’il pose sur une décapante bande son blues rock, qui s’aventure dans des registres délicieusement rétro en un hommage nostalgique aux années 60 et 70, avec même un petit détour… Du côté du reggae ! Ses époustouflants riffs de guitare sont toujours aussi énergiques et convaincants et confirment, s’il en était besoin, l’indéniable virtuosité de Popa Chubby au fil des 11 titres de ce « Tinfoil Hat », baptisé du nom du ridicule chapeau en papier alu qui d’après certains allumés éloignerait les ondes maléfiques… Ce nouvel opus, sur un ton ironique et grinçant mais non dénué d’humour et encore moins de clairvoyance, ne distille quant à lui que des bonnes ondes positives ! Un album à écouter à fond la caisse en dansant sur les ruines du vieux monde… En appelant de nos vœux un avenir plus rieur !

Tinfoil Hat / Popa Chubby / Dixiefrog / 12 Mars 2021

Préparez vous à du lourd, du très lourd, avec ces « ours liquides » qui nous offrent avec cet EP un rock brut de décoffrage énervé à souhait, entre heavy rock et punk un peu crade… Comme on l’aime ! Avec une énergie qui décoifferait un chauve, ils mettent en scène une ambiance apocalyptique qui se matérialise sous nos oreilles ébahies par un déluge de décibels fait d’attaques de riffs de grattes endiablées, de coups de baguettes magiques d’un batteur survolté, et par un chant rageur qui réveillerait un mort… Un rock brut annonciateur de fin du monde qui, sans perdre de sa puissance, nous offre sans transition de planantes envolées psychédéliques à faire pâlir de jalousie les rock stars des années 70 ! Inventive, inattendue et intense, la musique de ces quatre garçons dans la tempête est décidément hors des clous et cet EP sauvage et passionné ne peut que séduire les amateurs de bon gros rock qui tache autant que les nostalgiques d’une époque que les moins de trente ans ne peuvent pas connaître… Ces « terrains lourds » qui savent se faire légers ont décidément une putain de gueule d’atmosphère… Et on en redemande ! Alors vivement l’album car ces cinq titres nous ont mis l’eau à la bouche !

Heavy Grounds / Liquid Bear / 5 Mars 2021

Part-Time Friends : amis à temps partiel… Et artistes à temps complet ! Le duo que forment Pauline et Florent nous offre une pop pétillante à souhait, en demi-teintes mélancoliques, qui prend toute sa mesure par la grâce harmonieuse de leurs deux voix mêlées. Une pop song solaire qui sent bon le printemps et les premiers rayons du soleil où leurs voix légères habillent de douceur des textes parfois sombres (chantés en majorité en anglais, mais aussi en français et en espagnol) qui dévoilent les blessures, mais aussi les espoirs d’une jeunesse quelque peu déboussolée… Fortement inspiré par la pop anglo-saxonne, cet album aux harmonies aussi colorées que sa superbe pochette, nous invite à la danse, sous des mélodies charmeuses et envoûtantes : un délicieux bonbon acidulé que l’on ne se lasse pas de déguster !

Weddings and funerals / Part-Time Friends / Un Plan Simple / 19 Mars 2021

Bruno Dibra, qui se cache sous le nom de Renarde, nous offre un premier EP d’une sacrée belle originalité… Une pop symphonique servie par un quatuor de cordes et un trio de cuivres, de somptueux arrangements, une esthétique soyeuse et élégante comme la voix sensuelle de ce dandy qui crève l’écran et semble tout droit sortir des sixties, au coeur de la Nouvelle Vague… A l’écoute de ces « Courts métrages », les images défilent sur ses textes poétiques et doux amers, sur une bande son à la fois dansante et hypnotique, vintage et furieusement addictive. Cinq titres, cinq plans séquence sur la complexité des sentiments humains, cinq mélodies accrocheuses d’une sensibilité à fleur de peau… Ne doutons pas que Renarde n’a pas fini de nous surprendre… Car ces cinq « courts métrages » ne demandent qu’à prendre de la longueur… La grande classe !

Courts métrages / Renarde / Nuance Records / Kuroneko / 12 Mars 2021

Encore de la pop avec Tellma… Une pop contemplative et planante qui nous ramène au meilleur des 80’s, avec ses mélodies délicates qui restent bien en tête et que l’on se plaît à fredonner… Une ambiance feutrée, accentuée par la parfaite harmonie des voix accompagnées de chœurs aériens, qui nous invite à de langoureux slows sous ses rythmes sensuels. Un univers intimiste qui se pare de couleurs folk sous de sublimes arpèges à la guitare douze cordes, davantage pop et jazzy sous les envolées lumineuses du sax, et résolument pop new wave par les nappes de synthés qui nous soufflent de délicates bouffées de nostalgie… Cette précieuse et mystérieuse « Meteorite » tombée des cieux nous offre un enivrant voyage dans le temps qui s’ancre néanmoins dans le présent par son originalité et sa modernité. Superbe !

Meteorite / Tellma / 19 Mars 2021

Pendant plus de deux ans, Manu Galure a usé ses semelles de vent en arpentant à pied les chemins de France pour porter sa douce parole chez l’habitant et partout où l’on était près à l’accueillir (pas moins de 400 concerts… Et 10 000 kilomètres parcourus !). Il nous offre aujourd’hui, en un somptueux bouquet de dix titres où la poésie se dispute à l’humour, les chansons nées sous ses pas ou au creux de ses rêves. Une ambiance étrange plane sous ses accords jazzy au piano accompagnés de percussions (et d’instruments bricolés non identifiés…) et de sa voix lumineuse comme un jour d’été… Si ses textes quelque peu surréalistes dénoncent parfois avec amertume la folie des hommes, les « chants curieux et familiers, étranges mots, étranges airs » de ce doux rêveur qui a fait de la contemplation et de la lenteur une philosophie de vie, laissent surtout fleurir des sourires sur nos lèvres, nous émeuvent et nous consolent… Troubadour des temps modernes, Manu Galure qui « chante clopin-clopant pour les gens qui l’écoutent, marche trop légèrement quand le monde court en boitant », nous offre une sacrée bouffée d’air frais avec ce lumineux « Vertumne »… Pas étonnant que des artistes tels que Thomas Fersen ou les regrettés Jacques Higelin et Anne Sylvestre l’aient invité à partagé leurs scènes : en plus d’un indéniable talent, il est sans contexte un de leurs frères humains et leur plus digne héritier… Chapeau, l’artiste !

Vertumne / Manu Galure / Le Cachalot Mécanique / Bacchanales productions / 12 Mars 2021

Christine Le Garrec