Juke Box N°82

I’ll be back qu’il disait, et bien me revoilà ! Un nouveau juke box, probablement mon dernier avant un bon moment, histoire de me concentrer sur d’autres projets. Et pour finir en beauté, voici un trio d’albums pas piqués des hannetons. D’abord je vous emmène du côté de Gojira, pour une excursion au cœur de leur nouvel opus, Fortitude, qui marque une nouvelle étape dans leur discographie. Puis on ira faire un tour du côté des forêts mystiques baignées de brouillard où l’écho du dernier album de Wardruna résonne encore. Et pour finir on vire totalement de bord, on prend l’autoroute direction l’Absurdie pour aller rendre visite à mes chauffards préférés, Angle Mort & Clignotant. 

Gojira

Voilà qui vient illuminer cette année ! Les français de Gojira viennent de sortir leur nouvel album Fortitude, 5 ans après l’excellent Magma.
Après le single Another World en août 2020, l’album s’est dévoilé un peu plus au cours des derniers mois avec trois nouveaux titres, attisant un peu plus l’envie de poser le casque sur les oreilles et de se laisser porter par la puissance du groupe.

C’est chose possible depuis aujourd’hui!

Fortitude commence sur les chapeaux de roues avec Born For One Thing, déjà dévoilé en février dernier, qui montre que les quatre frenchy n’ont pas perdu la main. Entre la batterie toujours aussi incroyable, le chant de Joe, les riffs acérés des guitares et la basse qui tabasse, on retrouve clairement le son de Gojira avec toutes ses imprévisibilités.

Le voyage se poursuit avec l’excellent Amazonia où la guimbarde vient rejoindre le son bestial et sauvage du groupe. Une nouveauté accompagnée par des effets de vents et autres sonorités tribales qui offrent un magnifique mélange pour un résultat saisissant et assez nouveau pour le groupe.


De la nouveauté il y en a dans cet album. Si avec les trois premiers morceaux nous sommes en territoire connu, c’est avec Hold On que les choses prennent un tout autre tournant. Un morceau quelque peu déroutant à la première écoute, mais qui à la seconde commence à offrir tout son potentiel. Dans cet album le chant poursuit ce qui a été initié avec Magma, moins de scream, une voix plus légère, aérienne, moins gutturale.
Une fois passée cette intro toute en chœurs et baignée de lumière, le morceau prend une direction un peu plus familière pour les fans. Avec son aspect fédérateur autour du refrain, son riff lourd et ses passages de tempêtes menés par les baguettes de Mario, Hold On se révèle extrêmement prenant. Un morceau aérien et lumineux, empreint d’une touche d’espoir.
New Found vient entretenir cette aura lumineuse et fédératrice, en particulier avec son refrain. 

C’est avec le morceau Fortitude qu’on comprend clairement que Gojira évolue et apporte de la nouveauté sans renier sa patte. Cet interlude instrumental extrêmement doux et apaisant permet de reprendre son souffle après les précédents morceaux. C’est également une transition parfaite qui se fait avec The Chant qui poursuit sur la lancée de Fortitude en ajoutant un peu plus de percus, des guitares et des basses. Joe penche à nouveau pour un chant plus aérien, tout en oscillant avec des passages un peu plus rocailleux. Avec Fortitude le groupe offre un magnifique moment de transe.

Le calme avant la tempête… Puisqu’avec Sphinx on retrouve clairement la patte Gojira, avec ses effets bien connus, ses riffs aigus, son son lourd et le chant qui devient un peu plus bestial.

Le morceau qui suit, Into The Storm, est pour ma part la pièce maîtresse de cet album. Dès l’intro, on est happé par un tourbillon de sonorités. Le riff effréné des guitares et le martèlement de la batterie faisant penser à une charge de cavalerie, sont sublimés par le chant légèrement rock et aérien. L’ensemble nous menant au refrain, salvateur et teinté de rage et de mélancolie, qui donne envie de crier à l’unisson avec eux. Un titre entre ombre et lumière, une maîtrise impeccable et une émotion puissante. Gojira ne m’avait pas fait ressentir ça depuis Born In Winter et Liquid Fire de l’album L’Enfant Sauvage.

Après cette vague d’émotions, le groupe nous emmène dans un voyage mélancolique avec le très beau The Trails et qui nous conduit vers le final avec Grind. Brutal, bestial, sauvage et enragé, on retrouve à nouveau le son typique de Gojira. Peu à peu cette rage s’apaise, des riffs plus doux apparaissent, la batterie devient moins colérique et la mélodie s’éloigne peu à peu, ne laissant que des échos et des notes de guitares, solitaires.


Un album moins sombre que les précédents, aux hymnes fédérateurs et teinté d’espoir. On y perçoit une forme de discours de motivation, une envie de faire bouger les choses, comme en témoigne la campagne lancée par le groupe avec le morceau Amazonia, destiné à récolter des dons pour aider les tribus indigènes d’Amazonie et protéger la forêt tropicale. Musicalement on sent l’évolution, déjà initiée avec Magma. Les fans hardcore de la première heure n’accrocheront peut être pas à cet aspect plus mélodique, et au chant plus clair de Joe, mais pour ma part c’est un grand OUI à tous ces choix. C’est un magnifique album que le groupe nous livre et je n’ai désormais qu’une envie, c’est de pouvoir « lever le poing en l’air” au milieu de la tempête qu’offre chacun de leurs concerts.

Fortitude est désormais disponible sur toutes les plateformes et également en CD et Vinyle

Wardruna

Je compare souvent l’écoute d’un album à un voyage. Avec Wardruna cette comparaison prend tout son sens, parce qu’en plus de changer de pays on change également d’époque.

J’ai découvert Wardruna comme beaucoup des gens de mon entourage, à travers la série Vikings (et ses trois premières saisons incroyables). La musique de Wardruna venait souvent s’y perdre au détour de plans magnifiques, sublimant encore plus les scènes de cultes, de sacrifices, de combats ou encore de pure contemplation.

Le groupe puise son inspiration dans les anciennes croyances nordiques et tente de recréer des mélodies et sonorités qui auraient pu être créées à l’époque, usant parfois d’éléments naturels pour créer des mélodies et rythmiques.

La musique de Wardruna, c’est aussi une bonne bande originale pour vos balades en forêt, transformant ainsi ces bois anodins en lieux à l’aura mystique baignée de mystère. Ça fait partie des nombreux pouvoirs de leur musique.

C’est donc avec mon légendaire retard que je vous parle donc de Kvitravn, le dernier album du groupe norvégien sorti en janvier dernier.

L’album s’ouvre avec Synkverv et l’on est rapidement cueilli par la voix du chanteur, Einar Selvik, et par de légères notes de harpe. On s’imagine déjà arpentant une forêt dense, nappée de brouillard. 

L’immersion se poursuit davantage avec le chant des corbeaux qui ouvre et accompagne Kvitravn

Ce morceau donne rapidement l’occasion de profiter de la maîtrise des chœurs. Les voix masculines se mêlent à celle de la chanteuse Lindy Fay Hella, offrant une mélodie onirique.

Coup de cœur pour le morceau qui suit, Skugge. Sa première partie mélancolique portée par le chœur puis le chant d’Einar aux allures de lamentations, nous prend aux tripes et nous portent dans une légère transe avant de laisser place à une seconde partie plus énergique, riche en percussions, à l’aspect guerrier qui nous offre un beau crescendo.

C’est avec Grá que mon cœur a flanché. Faisant partie des premiers titres dévoilés pour annoncer ce nouvel album, je peux vous dire que je l’ai écouté un paquet de fois.

Commençant dans une aura mystérieuse, avec la voix d’Einar et le chant des loups, le morceau s’annonce quelque peu épique lorsque la voix de Lindy Fay Hella vient se joindre aux percussions. La tension monte légèrement avant d’être interrompue par le chant solitaire de Lindy, avec une montée en puissance aux côtés des percussions. Cet ensemble baigné d’un souffle épique est rejoint par Einar, offrant ainsi un splendide morceau.

Après ça tout s’enchaîne naturellement : les morceaux semblent se ressembler et pourtant chacun a son identité propre, son petit truc en plus, et ce point là est sûrement une des meilleures qualités de Wardruna. On est porté dans leur univers bercé de mythes et légendes, que ce soit avec le son du lur omniprésent dans Kvit Hjort, les légère notes d’instruments à cordes qui ouvrent et clôturent Munin ou encore les sonorités festives portées par la flûte dans Viseveiding.

Wardruna nous livre à nouveau un album riche et transcendant qui montre une fois de plus leur savoir-faire. C’est une porte vers un autre monde, c’est une musique qui nourrit l’imaginaire. Apaisante, énergique, festive, mélancolique, la musique de Wardruna offre de multiples facettes et un beau refuge pour s’écarter de notre monde le temps d’un album.

Kvitravn est disponible sur toutes les plateformes ainsi qu’en CD et Vinyle

Angle Mort et Clignotant

Dans un autre monde, moins sérieux que les deux albums précédents, il y a ce merveilleux duo qu’est Angle Mort & Clignotant. Oui, je vous ramène enfin en Absurdie !

Après le très dense et dingo A10 et le un peu plus sombre et maîtrisé Code PIN, ce jeune duo nous offre Toujours Ouvert, un nouvel EP de 6 titres assez fou, il faut le dire.

A la première écoute, j’ai été un peu sceptique et quelque peu dérouté… Maiiiiis à la deuxième écoute, les choses ont changé. Et à la troisième écoute, je me dandinais sur ma chaise… Et au moment où j’écris ces lignes (autour de la 8ème écoute), je bats furieusement le rythme de la tête sur le son de cet EP !

Ce qui surprend dans cet EP lorsqu’on connaît les antécédents musicaux de ce duo, c’est l’aspect plus doux, propre, moins boum boum de fêtard qu’il dégage dans son ensemble.
C’est simple, avec le premier titre, Toujours Ouvert, on a l’impression d’être sur un petit nuage. Le côté boum boum est toujours là, mais il est bien plus doux, juste ce qu’il faut pour se trémousser. Mais c’est côté chant, plus mélodique, plus harmonieux et plus travaillé, que le duo fait fort et nous happe avec ses instrus entêtants, son texte et son chant à la patte un peu cartoon.
Il y a un super travail entre les deux voix d’Angle Mort & Clignotant, une jolie symbiose, très très agréable à écouter comme le prouve la fin du premier titre.

D’ailleurs en parlant de prouver des choses, il faut que tu le prouves que tu es Jean-Paul Rouve ! Oui, alors si vous avez horreur des morceaux qui restent en tête, passez votre chemin jusqu’à la piste 3, parce qu’avec Jean-Paul Rouve nos deux compères ont décidé de faire un petit détour du côté de la musique à l’instru simple mais terriblement efficace qui donne envie de danser en chantant un refrain tout aussi simple que débile”.
Bref avec Jean-Paul Rouve ont retrouve le côté boum boum et absurde du duo, et j’ai très très envie de voir ça en live. Rien de plus à dire si ce n’est : “Regardez donc le clip!”


On continue dans ce petit détour du côté de l’esprit boum boum avec Fais la fête qui… bah… est clairement là pour faire la fête. Tout est là : instru hyper efficace, refrain entêtant, et le flow qui va avec comme le prouve Clignotant  avec son “t’a qu’à taper dans la catégorie des rappeurs qui n’ont pas cabossé la carrosserie de qualité”!
(si je me trompe sur le nom du chauffard qui chante ce passage vous avez le droit de m’envoyer des gros mots)

Mais là où Angle Mort & Clignotant font fort à mes yeux (et à mes oreilles) c’est avec Petit Bac. A quel moment on se dit en tant que groupe “Tiens et si on faisait une chanson sur le jeu du petit bac ?” Personnellement, je trouve ça fabuleux, d’autant plus qu’ils ont invité deux autres artistes pour le faire avec eux, Marie Klock et Martin Gugger ayant rejoint ce bon délire pour venir mêler leurs voix à celles des deux lascars.
Et ce qui est encore plus fabuleux, c’est que le morceau marche de fou (y’ a pas d’autres mots) ! A la fois doux, rythmé, amusant et entêtant (évidemment), un super travail a été réalisé sur les voix et le chant. L’alchimie entre les quatre artistes offre un très très beau résultat.

On retourne sur un morceau un peu plus boum boum/fêtard avec Karaoké, un titre qui avait été composé en direct avec les idées des fans lors du premier confinement. Ici on a une version retravaillée des plus qualitative. Mêlant habilement les bouts de chansons les plus chanté lors des soirées karaoké, le titre s’avère des plus entêtant et des plus festif.

Cet EP s’achève avec Le jeu du piment, un morceau joyeux qui n’a pas eu beaucoup d’effet sur moi malheureusement.

Toujours est-il qu’Angle Mort & Clignotant suivent leur petit bout d’autoroute, en évoluant, en proposant des choses nouvelles et en conservant cette identité musicale oscillant entre l’absurde et, au cas où vous ne l’auriez pas compris, l’électronique boum boum pour faire la fête. Ma foi, hâte de pouvoir taper du pied en concert dans une petite salle imbibée de sueur, de bière et de chauffards.

Toujours ouvert est disponible sur le Bandcamp du label Fauchage Collectif pour la modique somme de 5€ et 15€ en vinyle

Alexandre Vergne