Place à l’art, sous toutes ses formes ! Je vous propose aujourd’hui un coup de projecteur sur Gauguin, particulièrement présent dans l’actualité, à travers deux biographies richement illustrées de ses oeuvres, un ouvrage sur les vêtements (et la place) de l’enfant à travers l’histoire de l’art, une passionnante biographie sur Giacometti, un recueil de photographies « Hypernoir » de Jérôme Sevrette… Et pour ne rien rater des expositions mises en place en 2018, un agenda aussi pratique qu’esthétique ! De la beauté, encore et toujours… Bonnes lectures à toutes et à tous !
A l’occasion de la grande rétrospective sur Gauguin qui aura lieu du 11 octobre 2017 au 22 janvier 2018 aux Galeries nationales du Grand Palais, de nombreux ouvrages fleurissent sur ce peintre aussi adulé que controversé. Je vous présente aujourd’hui l’ouvrage de référence de Françoise Cachin et celui de Stéphane Guégan, deux éminents spécialistes incollables sur la vie et l’œuvre de ce « démangé d’inconnu déterminé à réussir ». Deux visions de l’œuvre de Gauguin aussi passionnantes que complémentaires !
Rien ne vous échappera sur la complexité de l’œuvre et du personnage que fut Gauguin, grâce à l’analyse érudite et scrupuleusement détaillée de Françoise Cachin (décédée en 2011, elle fut la directrice honoraire des musées de France). Avec « son » Gauguin en mains, vous tenez un précieux ouvrage de référence sur le sujet ! Biographie exhaustive, photos, reproductions de tableaux, sculptures, céramiques et dessins, largement commentés, composent ce superbe ouvrage qui décortique en profondeur la personnalité de cet homme controversé autant par sa vie tumultueuse que par son œuvre étroitement liées. L’existence romanesque de cet agent de change qui a plaqué une vie bourgeoise (marié, cinq enfants) pour une vie d’aventure où l’art prenait toute la place, a donné lieu à une légende alimentée par ce peintre maudit, créateur scandaleux et sublime, qui a fait le nécessaire pour que sa vie et son art se confondent… Encore aujourd’hui, il est davantage question de ses aventures érotiques et exotiques que de son rôle dans l’histoire de l’art ! Cet artiste troublant a « voulu vouloir » mener une vie de « loup maigre », se détachant de l’impressionnisme, se dépouillant de tout symbolisme pour une vie plus hasardeuse pour sa gloire, dans une quête permanente du « centre mystérieux de la pensée » qui le conduira à revendiquer « le droit de tout oser ». Ce superbe document à la riche iconographie, sans angélisme et de manière très « pointue », en vous éclairant sur les zones d’ombres de ce peintre fabuleux, vous amène progressivement et intelligemment à la compréhension de son œuvre foisonnante… Incontournable.
Gauguin par Françoise Cachin, Flammarion, 2017 / 35€
Stéphane Guégan, conservateur au musée d’Orsay, historien et critique d’art, à travers biographie, œuvres et lettres, retrace lui aussi la vie de bourlingueur de Gauguin, ce « démangé d’inconnu » à la personnalité sulfureuse, qui a fait de son œuvre un journal de voyage…. Car, si l’on veut comprendre son art, il faut assimiler le sens de ses départs au bout du monde, son besoin de se rendre étranger à lui-même au contact de sociétés différentes… Il y avait de l’anthropologue chez cet homme-là, et une soif de liberté, prise à tort ou à raison pour de l’égoïsme et de l’égocentrisme, qu’il a tout de même assumé malgré les convenances ! L’ouvrage de Guégan, lui aussi richement illustré, nous propose en six chapitres d’explorer la vie publique et intime de Gauguin, les amitiés et inimitiés (nombreuses !) de ce sauvage autoproclamé et génial affabulateur. Si les grandes lignes de sa vie sont tout comme l’ouvrage de Françoise Cachin scrupuleusement respectées et documentées, avec « ce voyage au bout de la terre », Stéphane Guégan nous offre « sa » vision de l’artiste et sa propre analyse de l’interaction entre l’œuvre et la vie de Gauguin. Magnifique ouvrage !
Gauguin, voyage au bout de la terre par Stéphane Guégan, Le Chêne, 2017 / 29,90€
Dans cet ouvrage aussi instructif que passionnant, Claude Fauque, spécialiste des textiles, décrypte les codes et modes vestimentaires à travers la peinture en occident, du Moyen-âge au 20ème siècle, mettant ainsi en lumière la place faite à l’enfant au fil du temps. Avant la photographie, en dehors de descriptions écrites, seul l’art permet cette étude par l’image ! Constat ? Dur dur d’être un bébé ! Leur sort n’était guère enviable… Un exemple ? Le façonnage barbare du corps du nouveau-né, heureusement depuis fort longtemps disparu (nez et oreilles manipulées pour leur donner la meilleure forme possible, réduction de la fontanelle pour ne pas laisser passer les « mauvais esprits…). Par contre, l’emmaillotement, considéré comme une protection face à la fragilité du nouveau-né, a perduré en France jusque dans les années 50 (Pourtant, dès le 18ème siècle, Rousseau condamnait déjà cet usage qui emprisonnait totalement l’enfant…). Les enfants ont été pendant longtemps représentés nus, pour symboliser la pureté et l’innocence. Cette « mode » a subsisté jusqu’à l’ère de la photographie où l’on voit les bébés fesses à l’air sur des peaux de bêtes ! Ces pauvres petits étaient grimés en adultes (du moins dans l’aristocratie) et bardés de protections inconfortables (bonnets « rembourrés » pour atténuer le choc en cas de chute et lisières pour favoriser leurs premiers pas). La notion de genre, quant à elle, est apparue avec le rose pour les filles et le bleu pour les garçons (et blanc pour tout le monde !) mais jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, tous étaient vêtus de robes ! Le tablier est passé d’objet de parade à celui de protection, symbole de propreté et de bienséance jusqu’à la fameuse blouse de l’école républicaine, qui elle, symbolisait l’égalité. Bien sûr, la représentation des enfants du peuple est bien moins prolifique dans l’art… Seuls les aristocrates faisaient poser leurs enfants dans des tenues d’apparats, fixant la limite entre gouvernants et gouvernés ! Il a fallu attendre le 19ème siècle pour que l’enfant trouve sa place au centre de la famille et de la société et qu’enfin, il soit libre de ses mouvements dans des vêtements adaptés … à son âge ! Magnifiquement illustré d’œuvres d’art et scrupuleusement documenté, cet ouvrage est tout « bonnement » superbe !
Quand les vêtements racontent l’enfance par Claude Fauque, Le Rouergue, 2017 / 29,90€
C’est à un ouvrage de référence que nous convie Catherine Grenier avec cette biographie exhaustive, richement documentée et parsemée d’anecdotes sur cet artiste majeur du 20ème siècle que fut Alberto Giacometti. Dans un style fluide très agréable qui se lit comme une œuvre romanesque, elle nous dévoile une personnalité singulière faite de paradoxes, d’un caractère bien trempé et d’une curiosité insatiable, qui a traversé les avants gardes artistiques sans en subir la moindre influence. Après s’être tourné vers le surréalisme, Giacometti a sa vie durant mobilisé toutes ses forces (au dépens de sa santé), avec une liberté et une exigence acharnée de réalité, visant le but ultime de « représenter ce qu’il voit ». Toujours en proie au doute, il n’hésitait pas à détruire ses œuvres lorsqu’elles n’atteignaient pas la perfection qu’il visait ! De son enfance en Suisse à son installation à Paris, de la création de son atelier rue Hippolyte-Maindron (où il vivra une vie quasi monacale), Catherine Grenier déroule la vie de cet artiste infatigable et passionné, ses rencontres amicales, professionnelles et amoureuses (compliquées…) à travers l’extraordinaire création et production d’œuvres qu’il a laissé à la postérité : cinq cent cinquante modèles originaux de sculptures, autant de peintures et de gravures, des milliers de dessins, sans parler des modèles d’objets décoratifs… Une œuvre poétique, des figures filiformes effilées comme des ombres, fragiles, tout en donnant une impression de vie, en mouvement … Cet ouvrage qui nous immerge dans la profondeur de l’œuvre de Giacometti et dans son destin hors du commun devrait figurer dans toutes les bibliothèques des amoureux de l’art ! Passionnant !
Alberto Giacometti par Catherine Grenier, Flammarion, 2017 / 25€
Cela fait maintenant vingt ans que ce photographe indépendant et musicien de formation nourrit son imaginaire et son inspiration à travers des lieux abandonnés, inhospitaliers et étranges, dénués de toute humanité. Des paysages désolés, des objets inanimés que Jérôme Sevrette capte dans une semi obscurité où la lumière, les contrastes et les textures restituent une atmosphère silencieuse et irréelle. Cet ouvrage présente soixante-dix huit photographies prises entre 1988 et 2016, représentatives de l’œuvre de cet artiste fascinant : paysages ruraux nébuleux, bâtiments fantômes, paysages urbains désaffectés, greniers regorgeant d’objets symboles de vie et de mort, machines abandonnées deviennent, sous son regard, des témoins du déclin de notre civilisation . Chaque cliché en ombres et lumières visite notre histoire, notre évolution et notre déchéance dans ce voyage désespérant et lumineux à la fois, rythmé par les poèmes d’Arnaud Le Gouëfflec, énigmatiques et poétiques, à l’image du travail de Sevrette. « Hypernoir », est un recueil à la beauté vénéneuse et désespérante, une « étoile noire » sombre et brillante qui insuffle une incroyable force évocatrice sur notre condition éphémère face à l’immensité et aux ravages du temps…
Hypernoir de Jérôme Sevrette, Les éditions du Petit Oiseau, 2017 / 30€
Agenda ou livre d’art ? Les deux, mon capitaine ! Comme tout agenda qui se respecte, vous y trouverez, bien sûr calendrier, planning au jour le jour et feuilles de notes. Mais également, sur chaque page, une reproduction d’œuvre d’art illustrant une exposition en cours, en France ou dans le monde ! Pour vous tenir au courant, semaine après semaine sur l’actualité artistique et ne rien louper des évènements à proximité de chez vous (ou pour organiser des vacances culturelles), cet agenda est fabuleusement malin ! Vous trouverez même, en toute fin, les coordonnées des différents musées ! Un outil fonctionnel, esthétique et informatif que les passionnés des arts vont adorer !!!
Agenda de l’art 2018, Le Chêne, 2017 / 19,90€
Christine Le Garrec