Le Misanthrope ou comment aimer les comédiens !

La représentation de l’intemporelle pièce de Molière par la troupe du théâtre de Lorient, sur la scène de l’Empreinte à Tulle, a rempli la salle de spectateurs enchantés.

Lundi soir, c’est un public conquis qui sortait du théâtre de Tulle après deux heures d’un spectacle ébouriffant. Rodolphe Dana et son collectif du Théâtre de Lorient s’y sont donné corps et âmes pour faire revivre ce texte créé il y a 350 ans, et ce fut désopilant à souhait. Les vers de Molière résonnaient avec  persuasion et leur modernité apparaissait évidente parce que les comédiens les ont faits leurs. Alceste dénonce l’hypocrisie, les flatteries et la complaisance, tandis que son ami essaie de le convaincre que le vivre en société nécessite de ne point être aussi radical, qu’il y a avantage à ménager ses semblables. L’un refuse le jeu social, les mondanités, parce qu’il ne veut pas de relations basées sur le faux, tandis que l’autre accepte les règles tacites de la vie en société.

Ce texte interroge la propension des humains à caresser autrui dans le sens du poil, à s’entourer d’ « amis » au mépris de ses réelles affections ou idées. L’attitude (l’altitude ?) d’Alceste est-elle vivable ? Jusqu’où peut nous mener la compromission ? Et « lorsque ce n’est pas la raison qui règle l’amour », comment fait-on pour mettre en cohérence  principes et penchants du cœur ? Ces questions cruciales sont traitées avec sérieux mais la mise en scène de Rodolphe Dana apporte un supplément de souffle, une énergie galvanisante ressentie par les spectateurs. C’est un spectacle très visuel : par les costumes, étonnants et drôles, par le sens du merveilleux (un carrosse tout à coup s’avance) et par des références décalées : Célimène rappelle parfois la figure immortalisée d’une Marylin Monroe et Oronte apparaît sous les traits d’une rock star. Tout au long de la pièce, le burlesque s’invite par petites touches et cela fait un bien immense de rire pour ne pas ployer sous le constat que les marauds et les faquins tiennent souvent le haut du pavé en société.

Et si M. Molière avait été dans le public de L’Empreinte ce soir-là, il eut été enchanté par l’interprétation de son Misanthrope, comme nous l’avons été.

Swaz