Papiers à bulles ! N°33

Les milliards de miroirs de Robin Cousin reflètent un monde en perdition qui se rapproche dangereusement de notre réalité… Roope Eronen nous enferme à double tour et avec délices dans son « Caca room »… Anne Simon nous offre l’intégralité (pour le moment du moins !) de sa saga féministe en pays Marylène… Je vous propose ensuite un recueil de six nouvelles autour de l’univers de Corto Maltese, signées en mots et en dessins somptueux par Marco Steiner et José Munoz, une version inédite de Milady, sans mousquetaires (ou presque) par Sylvain Venayre et Frédéric Bihel, un palpitant western féministe qui nous embarque dans un déluge de feu sous la plume et le crayon de Laurent Astier, les regards croisés de Paco Roca et de José Manuel Casan sur leurs passions respectives pour la BD et la musique, et un thriller machiavélique adapté de Pierre Lemaitre par Bertho et Corboz ! Pour terminer, deux maîtres du manga avec « Amer béton » de Matsumoto et « Barbara » de Tezuka, deux classiques à redécouvrir ! bonnes lectures à toutes et à tous… Et bullez bien !!!

On y est : l’humanité n’a désormais plus que cinq ans devant elle avant de s’éteindre définitivement… Les gens se nourrissent désormais d’insectes et les espèces animales sont préservées dans des conservatoires zoologiques où l’on reconstitue artificiellement leur milieu naturel… L’agence spatiale européenne vient de lancer un satellite doté de milliards de miroirs afin de rechercher une éventuelle planète habitable. Et justement, l’astrophysicienne Cécilia Bressler vient de découvrir d’étranges lueurs sur la planète Gamma Cephei Bb, à 45 années-lumière de la Terre… Celle-ci est elle vraiment habitée ? Et si c’est le cas, faut-il tenter de prendre contact avec ces « aliens » ou se méfier d’une éventuelle colonisation de leur part ? Antimaadmi, gourou d’une communauté autonome, prétend communiquer avec les « céphéens » depuis des années… Dans cette ambiance « no future », les comportements humains oscillent entre ceux qui sont résignés face à l’inéluctable, ceux qui veulent encore croire à un renversement de la situation grâce aux progrès technologiques et ceux qui se réfugient dans une foi irrationnelle… Cruellement d’actualité au vu des derniers bulletins de santé de notre planète, « Des milliards de miroirs » nous invite à une réflexion, certes un peu anxiogène, mais hélas réaliste, sur le devenir de notre humanité…Tous les signaux sont aujourd’hui au rouge et pourtant, qui tente d’enrayer ce processus mortifère ? Certainement pas les maîtres du monde qui prennent des décisions contraires à toute logique écologique en prônant consumérisme et croissance à tout crin alors qu’il serait si urgent de laisser refroidir la « machine… Robin Cousin nous plonge dans le vif du sujet en nous mettant face à notre propre responsabilité comportementale et politique dans ce roman graphique qui flirte avec l’anticipation en pointant du doigt l’essentiel : notre survie. Dans un dessin stylisé et expressif, il tire le signal d’alarme en pointant du doigt le fait que la science et la technologie ne nous sauveront pas et que nous seuls avons les moyens d’inverser le processus en cours en prenant conscience dans chacun de nos actes que nous n’avons pas de planète de rechange… Le plan B n’existe pas et l’étoile qui pourrait nous sauver est encore bien inaccessible… Magistral !

Des milliards de miroirs de Robin Cousin, FLBLB, 2019 / 23€

Ce matin, en lisant son journal, Toutou est tombé sur une alléchante offre d’emploi : un dessinateur propose un poste de « crotteur » pour sa future BD ! Crotteur ? Nickel ! S’il y a bien une chose que toutou maîtrise, c’est bien crotter ! Il envoie donc illico un échantillon de son caca et est très vite appelé pour participer à ce casting de rêve…Et bingo, il est retenu pour le rôle ! William, le producteur en forme de cuvette de WC, l’envoie illico avec  le réalisateur (fan de K7 sur les ovnis) faire le repérage des décors de l’œuvre à venir… Seule condition, mais contraignante, ne pas caguer avant la scène finale, car il n’y aura qu’une seule prise ! Dans un dessin faussement naïf réalisé aux feutres de couleurs, Roope Eronen, en évitant toute vulgarité, nous embarque avec son « Caca room » pour un délirant road-movie scatologique sur les chemins de la création au cours duquel vous découvrirez l’importance de la qualité d’un bon PQ, les difficultés pour trouver des financements auprès d’investisseurs constipés et un crâne de cristal en ligne directe avec la planète Sirius qui pourra peut-être sauver l’humanité… Si elle le mérite ! Avec sa couverture marron et jaune (what else ?) et sa réalisation soignée, cette dernière pépite de chez Misma, loin d’être merdique, fleure bon l’irrévérence et l’esprit bon enfant ! Déjanté et drôle à souhait !

Caca room de Roope Eronen, Misma, 2019 / 15€

Oyez, oyez, braves gens, dame Anne Simon vous narrer la geste d’Aglaé en pays Marylène ! Préparez-vous à découvrir un univers impitoyable pire que celui de Dallas (en beaucoup plus imaginatif et complexe !) où amours, trahisons et quêtes de pouvoir s’affrontent en d’incessants combats ! Commençons par le commencement… Il était une fois Aglaé, une jeune océanide qui se retrouva enceinte après avoir été séduite et abandonnée par un homme poisson : ce déshonneur lui valut l’ire de son père qui la chassa de ses terres liquides… Son errance d’exilée la conduisit en pays Marylène où elle rencontra Monsieur Kite, un directeur de cirque qui, follement amoureux, la demanda en mariage : une proposition à prendre au sérieux puisque Von Krantz, le sanguinaire souverain du pays, condamne à une mort certaine les mères célibataires et leur progéniture… Aglaé accepte donc et met au monde trois filles que Kite élève comme les siennes. Les années passent, un peu mornes, Aglaé n’ayant pas vraiment choisi l’homme de sa vie et sa condition de mère au foyer… Le jour où Von Krantz, en mal de chair fraîche, kidnappe ses filles, elle décide de tout mettre en œuvre pour les sortir des griffes du dictateur : après l’avoir approché par ruse, elle le tue, délivre ses filles et le pays par la même occasion, en devenant reine. Fini de rire les mecs, Aglaé est désormais aux commandes ! Et son règne sera marqué par son engagement féministe auprès de ses sœurs de misère, elle qui fut abandonnée puis mariée contre son gré ! Pour commencer, elle s’émancipe en prenant un amant, Philippe, un homme pierre coincé dans une grotte. De cette passion charnelle naîtra Boris l’enfant Patate, et le début de ses ennuis … Mais n’allons pas trop vite en besogne et laissons Aglaé savourer encore pour quelque temps sa position toute puissante qui sera de courte durée puisque la grosse et infâme impératrice Cixtite, en kidnappant tous les mâles de Marylène et en leur ôtant leurs attributs virils, sèmera le désordre dans son royaume…  Aglaé réussira t-elle à déjouer les plans de Cixtite ? Fera t-il toujours bon vivre en pays Marylène où les gens coéxistaient jusque là en harmonie dans une totale autogestion ? C’est sans compter sur Boris, le tyran en culottes courtes, qui fomente de renverser sa mère, grâce à l’appui de l’armée des frites guerrières du défunt Von Krantz (voir ma chronique de « l’enfant patate ici !)… En trois volumes, Anne Simon, avec une belle imagination, a créé de toutes pièces un univers onirique sous la forme d’un feuilleton à rebondissements qui soulève de nombreuses questions politiques et féministes de premier plan ! C’est drôle, c’est fin, ça se lit sans faim comme on dévore un bon cornet de frites trempé dans une sauce aigre-douce ! Avec un humour grinçant, un dessin épuré et efficace, cette fable cruelle où aucun personnage n’est exempt de défauts est une pure merveille d’intelligence !

La geste d’Aglaé d’Anne Simon, Misma, 2012 / 14€ / Cixtite impératrice d’Anne Simon, Misma, 2014 / 19€ / Boris l’enfant patate d’Anne Simon, Misma, 2018 / 18€

Marco Steiner fut le collaborateur d’Hugo Pratt durant de longues années, jusqu’à sa disparition en 1995. Quant à José Munoz, il fut embauché par le maître pour travailler sur « Precinto 56″… C‘est dire que l’esprit de Pratt et de son iconique personnage de Corto Maltese plane et hante les six nouvelles de ce magnifique ouvrage où l’on chemine avec émotion sur les traces de l’infatigable voyageur, en revenant sur ses escales et rencontres passées… Dans un exercice littéraire des plus bluffant, Marco Steiner redonne vie au nonchalant et mystérieux Corto qui navigue à nouveau de par le monde, nous invitant à des destinations lointaines et exotiques à travers ces textes originaux empreints de poésie où souffle le vent de l’aventure, sublimés par les dessins pleine page d’une beauté stupéfiante de José Munoz, au trait si loin et si proche de Pratt… Avec un profond respect, ces deux magiciens nous immergent dans l’intimité de l’oeuvre de ce grand artiste en lui rendant le plus bel hommage qui soit : continuer à faire vivre le sublime et élégant aventurier… En fin de volume, un cahier avec les recherches graphiques de José Munoz vous est également proposé dans ce très bel album qui va combler les aficionados de Pratt et séduire ceux qui, par le plus grand des hasards, ne le connaitrait pas encore…

Mirages de la mémoire : itinéraires hypnotiques dans les pas de Corto Maltese par Marco Steiner et José Munoz, Casterman, 2019 / 18€

Anne de Breuil, comtesse de la Fère, survit miraculeusement après avoir été pendue et laissée pour morte par son mari lorsqu’il  découvre sur son épaule nue la fleur de lys, marque de l’infamie… On la retrouve à Londres, veuve du comte de Winter, en espionne de Richelieu : celui-ci lui a confié la mission de récupérer les férets que la reine a offert au duc de Buckingham, son amant présumé… Si cet épisode est bien connu de tous ceux qui ont eu un jour en mains « Les trois mousquetaires » d’Alexandre Dumas, le récit que nous offre Sylvain Venayre avec cet ouvrage surprenant est assez déroutant, puisque vous ne verrez apparaître que brièvement les trois bretteurs en arrière-plan de la célèbre et vénéneuse Milady ! Et si celle-ci était la véritable héroïne du roman ? C’est ce que nous démontre avec brio Sylvain Venayre qui a « épluché » et lu entre les lignes le roman que Dumas a écrit sous l’inspiration des mémoires du comte de La Fère, qui n’est autre qu’Athos : en s’interrogeant en historien sur la place donnée à l’espionne de Richelieu, il nous offre un nouvel éclairage dûment argumenté sur cette œuvre intemporelle, dans cet ouvrage qui oscille entre enquête littéraire, thèse et BD d’aventures, sans cape ni épée ! Son propos, qu’il détaille longuement dans la préface, nous permet d’envisager sous un autre angle le roman de Dumas, avec une conviction qui titille son lecteur qui n’aura plus qu’une seule envie : relire « Les trois mousquetaires » ! Quant au dessin de Frédéric Bihel, « crayonné » dans les tons de gris, il fait la part belle aux expressions des personnages, nous dévoilant lui aussi un autre visage de Milady… Passionnant !

Milady ou le mystère des mousquetaires de Sylvain Venayre et Frédéric Bihel (d’après Alexandre Dumas), Futuropolis, 2019 / 20€

En descendant du train en gare de Silver Creek, Emily apprend que l’homme qu’elle devait épouser est décédé quelques jours plus tôt et repose désormais six pieds sous terre… Pas de bol ! Sans le sou, elle n’a désormais d’autre choix que d’accepter le boulot d’entraîneuse que lui propose le patron du saloon et, vu qu’elle a vécu son enfance dans un bordel de la Nouvelle-Orléans où sa mère se prostituait, la perspective ne lui rappelle pas que des bons souvenirs… Étrange tout de même que son arrivée à Silver Creek coïncide pile poil avec la visite officielle du gouverneur du Colorado qui se présente aux prochaines sénatoriales… Un hasard ? Mmh… Pas si sûr ! Amateurs de western, de coups de feu, de peaux-rouges sympas et de chasseurs de primes, vous allez être séduits par cette BD qui remet le genre au goût du jour avec un talent fou : tout y est, avec en plus une sacrée dose de féminisme et des rebondissements à gogo dès les premières pages ! Dans un dessin à la « Blueberry » somptueusement colorisé, Laurent Astier s’est visiblement amusé avec les codes du western (y ajoutant par ci par là des clins d’œil au cinéma que les cinéphiles reconnaîtront au premier regard) et dans la construction de son scénario où il joue à égarer son lecteur avant de le remettre d’une pichenette sur les rails ! On craque illico pour la belle Emily et pour sa force de caractère tout au long de ce «Déluge de feu » où souffle le vent des grandes plaines en même temps que celui de la colère… Et la bonne nouvelle, c’est que d’autres aventures nous attendent puisque la série devrait compter cinq volumes ! Hâte de retrouver cette pétroleuse au charme fou et à l’âme bien trempée !!!

La Venin : déluge de feu (tome 1) par Laurent Astier, Rue de Sèvres, 2019 / 15€

C’est lors d’une émission de radio que Paco Roca, auteur de romans graphiques, et José Manuel Casan, leader du groupe espagnol Seguridad Social, se sont rencontrés et qu’une amitié réciproque entre ces deux-là est née avec l’envie de monter un projet ensemble. Durant quatre années, Paco et José Manuel se sont donc retrouvés régulièrement autour d’un verre pour échanger sur leurs expériences, heureuses ou malheureuses, chacun livrant sa vision de son métier, entre ombre et lumière … « Crossroads » est le fruit de cette introspection aussi minutieuse que passionnante sur le processus créatif. Tout au long des pages de ce docu BD au graphisme raffiné, vous allez découvrir pas à pas le quotidien d’un auteur de BD et d’un musicien (comme Davodeau l’avait brillamment réalisé avec un vigneron dans  « Les ignorants »), entrecoupé de onze chansons illustrant chacune un style musical. Une immersion en profondeur sur les doutes et les affres de la création et sur ses bonheurs mais aussi sur les codes et contraintes du monde de l’édition et des labels qui broient ou mettent au sommet ceux qui les font vivre… Ce projet de roman graphique était accompagné par un projet musical et je vous invite à écouter (ici !) l’album « La Encrucijada » qui a vu le jour simultanément. De la belle ouvrage… Passionnant !

Crossroads de Paco Roca et Seguridad Social, Delcourt, 2019 / 21,50€

Camille Verhoeven et Irène, sa femme, nagent dans le bonheur… Ils vont bientôt être parents ! Sous l’œil goguenard d’Irène, Camille tente de monter (sans grand succès !) un meuble en kit lorsqu’il reçoit un coup de fil de sa brigade : un crime odieux a été commis et il est appelé sur les lieux. Un vrai carnage… Camille est de suite intrigué par la mise en scène qui lui rappelle un autre crime commis quelques mois auparavant où le tueur s’était inspiré d’une scène du roman « Le dahlia noir »… Cette fois-ci, c’est « American psycho » qui a inspiré le psychopathe… A-t-il d’autres crimes à son actif et va-t-il récidiver ? Sans nul doute car Verhoeven semble être le témoin privilégié ou plutôt la cible du tueur qui lui écrit à son domicile… Pour tout arranger, Buisson, un journaliste du « Matin », le harcèle et semble un peu trop au courant des évolutions de l’enquête… Une course contre la montre va débuter entre Verhoeven et le tueur machiavélique… J’avais déjà adoré « Rosie » (chroniqué ici !) des mêmes auteurs qui avaient adapté le roman « Rosy et John » de Pierre Lemaitre. Cette fois-ci, ils sont encore montés d’un cran pour nous offrir une intrigue des plus soignée au suspense aussi hallucinant que glaçant, adaptée de « Travail soigné », toujours de Pierre Lemaitre, bien sûr ! Avec son scénario béton d’une efficacité redoutable et son dessin qui « colle » à merveille à l’histoire, ce second tome de la brigade Verhoeven tient toutes ses promesses et je vous défie de le poser avant de l’avoir lu d’une traite, quasi en apnée ! Deux autres tomes sont prévus… Nous n’avons plus qu’à patienter en relisant les deux premiers qui sont décidément d’une exceptionnelle qualité !

Brigade Verhoeven : Irène de Pascal Bertho et Yannick Corboz (d’après le roman de Pierre Lemaitre), Rue de Sèvres, 2019 / 16€

Noiro et Blanko, deux jeunes orphelins livrés à eux-mêmes, survivent de petits larcins dans leur quartier de la ville de Takara. Noiro, l’aîné futé et impulsif, protège le jeune Blanko, candide lunaire à la limite de l’autisme : un lien tendre et fort unit ces deux inséparables qui se complètent comme le yin et le yang… Surnommés « les chats » pour leur agilité et leur rapidité, Noiro et Blanko sont insaisissables et se jouent autant des gangs de yakusas que de la police… Autour d’eux, la ville, tentaculaire et omniprésente, est en pleine expansion et leur quartier est devenu la proie d’investisseurs immobiliers peu scrupuleux épaulés par la mafia locale… Mais Noiro est bien décidé à défendre son territoire… Manga d’apprentissage sur fond de guérilla urbaine, « Amer béton » joue sur tous les contrastes aussi bien dans son sublime dessin en noir et blanc que dans son scénario qui reflète toutes les facettes de l’âme humaine, de l’innocence la plus pure à la perversité la plus noire. Cette guerre de territoire au centre d’un univers onirique qui ne manque pas d’une certaine poésie désespérée tient le lecteur sous le charme de la première à la dernière page… Un chef d’œuvre ! Pour prolonger le plaisir, allez jeter un œil sur l’exposition de Matsumoto qui était à l’honneur au festival de la bande dessinée d’Angoulême cette année (ici !) où vous pourrez découvrir l’ampleur du talent de ce grand artiste. Vous pouvez également visionner le film d’animation éponyme qui a été réalisé en 2006 (bande annonce ici !).

Amer béton (l’intégrale) de Taiyou Matsumoto, Delcourt, 2019 / 29,99€

Yosuke Mikura, auteur à succès un peu mondain, est depuis quelque temps en proie à l’angoisse de la page blanche… Un jour, il ramène chez lui Barbara, une jeune hippie alcoolique au comportement imprévisible, qu’il a trouvée en train de mendier dans la rue. Leur relation va devenir au fil du temps aussi violente que conflictuelle et aussi intense que passionnelle, tout en restant platonique… Pourquoi Mikura garde t-il auprès de lui cette jeune femme déjantée qui ne lui apporte que des ennuis et a le don de le faire sortir de ses gonds ? Parce qu’auprès d’elle, bizarrement, son inspiration revient… Lorsqu’elle le présente à sa mère, Mnémosyne (sosie de la vénus de Willendorf… Et déesse de la mémoire dans la mythologie grecque, celle-ci aurait inventé les mots et le langage…), il découvre dans son antre un véritable musée comportant de nombreux chefs d’œuvre de l’art au fil des siècles… Qui sont ces femmes qui l’ont ensorcelé ? Barbara est-elle sa muse ou une sorcière ? Osamu Tezuka nous propose une passionnante réflexion sur les thèmes de l’art et de l’inspiration à travers ce roman graphique étonnant qui oscille entre romantisme flamboyant et décadence sordide, tout en flirtant avec les codes du fantastique. Avec une puissance évocatrice rare, aussi bien dans le dessin que dans le scénario fort bien construit (inspiré des contes d’Hoffman), Tezuka nous invite avec « Barbara » (publié en 1973) dans un univers onirique où il aspire son lecteur dans la spirale de la création avec un immense talent. Un classique absolu !

Barbara (l’intégrale) par Osamu Tezuka, Delcourt, 2018 / 24,95€

Christine Le Garrec