Histoire(s) de lire… N°59

Avant d’attaquer la prolifique rentrée littéraire, il serait dommage de passer à côté des quelques pépites que je vous propose de découvrir (certes, un peu tardivement !) au fil de cette sélection constituée en grande partie de romans qui abordent sous forme de fiction des sujets sociaux et politiques inspirés de faits réels : la réalité du monde paysan par Corinne Royer, les choix de société diamétralement opposés de deux frères par Jocelyn Bonnerave, ou la mise en lumière des assassinats de centaines d’algériens lors de la manifestation indépendantiste d’Octobre 1961 par Gérard Streiff… Des sujets traités avec autant de talent que de conviction par ces auteurs humanistes et engagés ! Tonino Benacquista nous offre ensuite le troublant récit de son enfance où il dévoile avec humour sa précoce vocation d’écrivain et son approche chaotique de la littérature, suivi par David Foenkinos qui a quant à lui imaginé avec brio le pathétique destin de celui qui a « failli incarner Harry Potter à l’écran », au fil des pages du fabuleux roman « Numéro deux »… On continue avec un recueil de nouvelles mordantes, signées par Serguei Dounovetz et avec le bestiaire insolite et poétique de François David qui nous invite, en photographies et en mots teintés d’humour, à une réflexion philosophique sur les frontières entre la vie et la mort… Et pour finir, je vous propose trois romans où art et littérature sont étroitement mêlés avec les histoires romancées de trois célèbres tableaux ! Belles lectures à toutes et à tous !

Après neuf jours de cavale, Jacques Bonhomme a été abattu par des gendarmes. Un dangereux criminel, le Bonhomme ? Non. Seulement un paysan solidement attaché à sa terre et soucieux du bien-être de ses bêtes qui, débordé par une aberrante paperasserie administrative, a omis de déclarer la naissance de ses veaux dans les délais prévus, sans avoir eu la moindre intention de s’y soustraire. Le début de contrôles intempestifs qui ont enfermé Jacques Bonhomme dans une spirale infernale… Car pendant trois longues années, Jacques n’a eu de cesse de clamer sa bonne foi devant des fonctionnaires zélés, méprisants et ignorants du travail de la terre, jusqu’à ce qu’ils confisquent son troupeau… Et sa raison d’être. Accusé de fraude, de négligence et de maltraitance envers ses animaux, Jacques ne s’est pas résigné devant tant d’injustice et a tenté pacifiquement, mais en vain, de rétablir son honneur. Menacé d’internement et épuisé par tant d’acharnement, il a fini par prendre la fuite, jusqu’à ce qu’il soit froidement abattu, sans pourtant opposer la moindre résistance… Tout comme Jérôme Laronze, un éleveur de Saône et Loire dont le tragique destin a inspiré à Corinne Royer ce roman où elle dénonce en mots percutants la réalité du monde paysan d’aujourd’hui. Un monde dur et absurde qui conduit un jour sur deux un agriculteur à se suicider, et tous les autres, entre désespoir et révolte, à lutter contre les aberrations d’un système qui les écrase. L’agriculture de masse et l’élevage intensif qui leur sont imposés reflètent à eux seuls les terribles méfaits du capitalisme : surproduction, épuisement de la terre et des ressources naturelles, pollution, misère sociale (investissements, emprunts, surendettement… Pour finalement vendre à bas prix leur production), sans parler de la souffrance animale, les bêtes étant devenues des objets dont on dispose sans le moindre état d’âme… Tous ces thèmes sont abordés au fil de ce roman polyphonique où elle donne tour à tour la parole à Jacques, à sa soeur, ses amis et ses voisins, mais aussi à un contrôleur de l’administration, horrifié des conséquences tragiques de ces contrôles abusifs, pour nous dévoiler une vision de cette affaire qui, si elle est romancée, est traitée comme une enquête minutieusement menée. Par la force de conviction qui s’en dégage, la lecture de « Pleine terre » suscite autant l’empathie qu’une légitime colère… Tout en nous questionnant sur les valeurs de ce monde déshumanisé que nous laissons aux nouvelles générations. Un roman aussi brillant que glaçant…

Pleine terre par Corinne Royer, Actes Sud, 2021 / 21€

Alors qu’il est en tournée, Maxime, célèbre musicien qui ne vit que pour son art, reçoit un appel désespéré d’Émeline, la compagne de son frère Christophe, qui lui apprend que celui-ci est porté disparu depuis une violente descente policière dans la ZAD dans laquelle ils se sont installés. Bien qu’il entretienne peu de contacts depuis longtemps avec son frère, Maxime décide de tout abandonner afin de participer aux recherches. Arrivé sur place, il découvre le mode de vie choisi par Christophe, entouré de militants engagés dans la décroissance et le respect de l’environnement, bien loin de la société de consommation et du paraître… Et fait la connaissance de Lilia, sa petite nièce de quatre ans dont il ignorait l’existence… Comment les deux frères, si proches durant l’enfance, ont-ils autant pu s’éloigner et prendre des chemins de vie si différents ? Maxime bien installé dans ses certitudes et son confort, sous le feu des projecteurs et de la renommée et Christophe, bien campé sur ses idéaux, en marge d’une société qu’il réfute sous tous ses aspects… Les souvenirs remontent à la surface et les questions se bousculent dans l’esprit tourmenté de Maxime, d’autant qu’il est de plus en plus troublé par les liens qu’il tisse chaque jour davantage avec la petite Lilia… Que penser de la disparition de Christophe ? Est-il parti volontairement en abandonnant Émeline et leur fille ? Et si c’est le cas, pour quelle raison ? Et s’il a été tué, pourquoi ne retrouve t-on pas son corps ? C’est également un tragique faits divers (la mort du jeune Rémi Fraisse, tué sur la ZAD de Sivens en 2014) qui a inspiré à Jocelyn Bonnerave ce roman où il nous offre autant de pistes de réflexions sur la société actuelle, avec une habile mise en lumière de deux choix de vie totalement opposés, que sur les relations fraternelles, à travers le travail introspectif de Maxime. Un roman qui laisse toute place à une intrigue toujours en suspens, porté par une écriture fluide qui retranscrit avec justesse et lucidité la complexité des liens du sang, dans un monde qui ne l’est pas moins.

Zone blanche par Jocelyn Bonnerave, Le Rouergue, 2021 / 19€

Leglay, un policier retraité, est retrouvé noyé dans la Seine. Pour son fils, il ne s’agit pas d’un accident et encore moins d’un suicide… D’où lui vient cette intime conviction ? D’un tract, reçu par son père peu avant sa mort, où apparaissent les noms de flics impliqués dans le massacre de centaines d’algériens, notamment lors de la sinistre journée du 17 Octobre 1961, où une manifestation indépendantiste fut réprimée de manière particulièrement sanglante. Et dans cette liste, apparaît le nom de son père, mais aussi celui du préfet Papon, attestant que tous deux ont supervisé et encouragé les multiples crimes commis avec l’aide de la milice harkie, surnommée « Les calots bleus », qui avait en charge d’infiltrer les fellaghas… Afin de faire la lumière sur la mort de son père, Leglay junior décide de faire appel à Chloé Bourgeade, une jeune détective privée. Aidée de son ami Racine, ancien chef des archives nationales, et d’Ihsane Khider, un journaliste dont le père fut torturé par la police et son oncle porté disparu cette funeste nuit du 17 Octobre, Chloé va se retrouver au coeur d’une enquête aussi éprouvante que nauséabonde qui s’avèrera vite fort gênante pour certaines personnes « haut placées » ne souhaitant visiblement pas voir resurgir du passé ces évènements peu glorieux… Quand un autre flic, mentionné également sur le tract, est lui aussi retrouvé mort dans d’obscures circonstances, le doute n’est plus permis : il s’agit bien d’une vengeance… Si Gérard Streiff est écrivain, il est également journaliste. Et si la lecture de ce roman est particulièrement agréable grâce à la fluidité de son écriture, le sujet qu’il aborde est mené quant à lui à la manière d’un reportage solidement documenté. Sur la base de faits réels, il nous offre un polar glaçant aux multiples rebondissements, tout en nous dévoilant une douloureuse page d’Histoire trop longtemps occultée : celle où des centaines de morts et de disparus sont restés classés sans suite par les autorités… Un roman dur et poignant qui rend justice à toutes ces victimes et à leurs familles, en mettant au grand jour cette ignominie dont certains démentent la véracité quand d’autres en sont encore nostalgiques… Merci, Monsieur Streiff.

Octobre à Paris par Gérard Streiff, La Déviation, 2021 / 12€

Au fil de ce récit, Tonino Benacquista nous ouvre les portes de son enfance pour nous dévoiler son quotidien, ses doutes et ses rêves au sein de sa famille, venue d’Italie pour s’installer en France. Une enfance difficile mais pas malheureuse, entre un frère et trois soeurs, un père alcoolique et une mère dépressive, tous deux analphabètes. Ce qui vaudra à Tonino, le seul de sa fratrie à être né en France, de devenir le traducteur attitré de ses parents, grâce à sa maîtrise de la langue française. Une langue qui lui donnera très jeune l’envie de devenir écrivain, malgré son approche de la littérature plus que chaotique… Sans la moindre concession, Benacquista se raconte en racontant les siens. En mettant en lumière ses douleurs d’enfant face aux disputes du couple mal assorti que formait ses parents, en évoquant en mots simples et forts la difficulté de l’intégration, et en nous offrant sa vision toute personnelle sur l’acte de lire et d’écrire, il nous livre une part de lui-même avec autant de sincérité que d’humilité, s’égarant pour notre plus grand bonheur sur les chemins de la fiction avec la touche d’humour qui le caractérise. Sans pathos, et de son écriture que l’on ne se lasse pas de savourer, Benacquista signe certainement là son livre le plus personnel, comme Cavanna l’avait fait en son temps avec « Les Ritals ». Lire « Porca Miseria », c’est comme piocher dans les photos jaunies des albums de famille : le meilleur moyen pour faire remonter à la surface des vagues de sentiments nostalgiques, précieux et douloureux à la fois…

Porca Miseria par Tonino Benacquista, Gallimard, 2022 / 17€

Alors qu’il accompagne son père, assistant décorateur sur le tournage de « Coup de foudre à Notting Hill », Martin est remarqué par David Heyman, le producteur qui met en place le casting du premier volet des aventures d’Harry Potter au cinéma, pour sa troublante ressemblance avec le célèbre sorcier. Une chance inespérée pour le jeune garçon qui se voit déjà en haut de l’affiche… D’autant plus que, parmi des centaines de postulants, sa candidature est retenue après des essais fort concluants ! Le voilà maintenant en lice avec un autre jeune garçon, Daniel Radcliffe, dont les essais ont été nettement moins bons que les siens. Mais contre toute attente, Daniel est retenu pour le rôle… Commence alors un interminable calvaire pour Martin dont la déception est à l’aune de ses espérances : « Numéro deux » recalé, il s’enferme dans cet échec d’autant plus insurmontable qu’Harry Potter est partout, sur toutes les lèvres et sur tous les murs, lui rappelant sans cesse le brillant destin qui lui a échappé de justesse. Persécuté par ce succès planétaire et omniprésent, Martin s’enlise alors dans la dépression et s’isole dans sa bulle, loin d’une réalité devenue insupportable… Sur une idée géniale inspirée d’un réel fait divers, David Foenkinos a imaginé la descente aux enfers et la difficile reconstruction de ce jeune garçon, pour nous amener à une habile réflexion sur la réussite, souvent illusoire. Nourri d’une multitude d’anecdotes sur la genèse de la saga d’Harry Potter, qu’elle soit littéraire ou cinématographique, ce récit servi par l’inimitable et toujours addictive écriture de David Foenkinos est aussi inventif et drôle qu’émouvant et juste… Chapeau bas !

Numéro deux par David Foenkinos, Gallimard, 2021 / 19,50€

Dix nouvelles noires et mordantes, truffées de références rock, rédigées d’une écriture nerveuse et fleurie furieusement addictive : voici le menu de ce recueil aussi drôle que désespérant qui, en dix tranches de vie, fait le tour des bons et surtout des mauvais sentiments qui animent notre triste et perverse humanité. Lâcheté, abandon, vengeance, rivalités et violences imbéciles… C’est avec une imagination fertile doublée d’un humour décapant que Serguei Dounovetz nous dévoile une galerie de losers magnifiques en prise avec leur destin, des écorchés vifs souvent touchants dans leur inaptitude au bonheur. On y croise une gamine peu gâtée par la vie qui se réfugie dans la musique pour oublier l’absence du père, le suicide de la mère et la maladie du grand-père adoré, un apiculteur qui commet un crime parfait, un auto-stoppeur justicier, un braqueur pas très malin harcelé par sa conscience personnifiée par un piranha surdoué, des histoires d’amour d’un soir un peu glauques, des amitiés improbables, des retrouvailles sanglantes entre un père et sa fille… Jamais de happy end. Comme dans la vie, et comme dans la chanson des Rita Mitsouko, les histoires de Serguei finissent toujours mal, tant elles sont ancrées dans la réalité. Un recueil jouissivement sombre à déguster frappé, sur une bonne bande son rock !

Un piranha ne fait pas le printemps par Serguei Dounovetz, Zinédi, 2021 / 17,90€

Après « Et c’est moi que je vois » (chroniqué ici !), François David explore cette fois les frontières fugaces entre la vie et la mort, au fil d’un exercice intime où il décline avec humour anecdotes personnelles et rêveries poétiques à partir de photographies qui nous invitent à de multiples réflexions philosophiques sur « l’absolu mystère d’être et d’avoir été ». De son regard doublé d’un style fluide et agréable, il nous interpelle sur nos propres ressentis face à la dureté de notre société où l’avenir se dessine en pointillés de plus en plus flous, tout en nous invitant à réfléchir à notre condition humaine… Deux oiseaux enlacés dans la mort, une mue de serpent, le jeu cruel du chat et de la souris, la morne existence d’un iguane dans son terrarium… Chaque « nature morte » exposée à notre regard est une invitation à « regarder la mort en face et à vivre dans l’intensité de chaque moment qui nous est prêté ». Préfacé par Jean-Pierre Siméon, le « cabinet de curiosités de l’imaginaire » de cet auteur sensible et touchant nous convie à « vivre le grand rêve, celui de réduire à néant l’anéantissement »… Un ouvrage insolite d’une créativité visuelle et littéraire hors du commun !

Les morts vivent plus longtemps qu’avant par François David, Le Vistemboir, 2022 / 20€

« Le mariage de la vierge » du Tintoret, « Le baiser » de Klimt, « Le champ de blé aux corbeaux » de Van Gogh : trois oeuvres majeures qui se retrouvent au coeur de trois romans où l’art et la littérature s’entremêlent avec passion !

Venise, au mitan du XVIème siècle. Au coeur de l’atelier de maître Jacopo, « Le mariage de la Vierge », une toile commandée par les Frères Mineurs, est en cours d’exécution. Mais cette oeuvre foisonnante de détails et de couleurs, qui semble s’animer sous une multitude de personnages en mouvement, sera finalement refusée par le très austère ordre des Frères pour son arrogante modernité et l’indécent faste qui s’en dégage… Offert au Nonce Archinto, la célèbre et mystérieuse toile connaîtra un destin aussi tumultueux que celui de son propriétaire… Avec « Le miroir de Venise », François de Bernard nous offre un roman d’une extraordinaire originalité… Le narrateur n’étant autre que ce célèbre et mystérieux tableau à qui il donne vie et sentiment ! Doté d’un regard acéré et d’une parole mordante, la toile du « maître des couleurs », confrontée aux intrigues et conspirations qui l’entourent, nous immerge ainsi, avec autant d’humour que d’érudition, au coeur des lumières et des ténèbres de la Sérénissime au temps de la Renaissance. Rédigé d’une écriture raffinée et dans un style éblouissant de maîtrise, cet atypique roman d’aventures aux multiples rebondissements maintient le lecteur dans un suspense haletant de la première à la dernière page : le roman « d’art-fiction » d’un esthète qui passionnera autant les amateurs d’art que ceux des belles lettres !

Le miroir de Venise par François de Bernard, Héloïse d’Ormesson, 2021 / 18€

Et voici deux titres de la collection « Le roman d’un chef-d’oeuvre » éditée par les Ateliers Henry Dougier (tout plein d’autres titres vous attendent ici !). Un fantastique concept entre roman et biographie qui, sous la plume de différents auteurs, nous immerge au coeur d’une oeuvre et dans la vie de son créateur !

Vienne, dans ce début de XXème siècle, vit ses derniers instants de gloire et d’insouciance avant la guerre qui approche à grands pas. Klimt, dans son atelier, travaille à son ultime chef-d’oeuvre du « cycle d’or », « Le baiser », une oeuvre majeure, flamboyante et mystérieuse, qui personnifie à elle seule l’aboutissement de son génie… Quelle intention Klimt a t-il voulu donner à sa toile en ces temps troublés ? Une vision idéale du sentiment amoureux ou une représentation mystique de la beauté et de la douceur devant la laideur qui s’annonce ? « Sauver l’amour, les champs de fleurs, les arbres qui croulent sous leurs fruits et la plainte amoureuse des femmes quand elles aiment, en les sertissant d’or pour que tout reste dans cette beauté séparée du reste du monde »… Sans rien affirmer, Alain Vircondelet nous offre ses pistes de réflexion, solidement bâties autour de la biographie de Klimt, au fil de ce passionnant « docu-fiction » où il nous livre la genèse de la création de ce tableau mythique tout en nous offrant de multiples anecdotes sur la vie de son génial auteur. Servi par une écriture fluide et agréable, ce roman nous distrait autant qu’il nous instruit !

De l’or dans la nuit de Vienne selon Klimt par Alain Vircondelet, Ateliers Henry Dougier, 2021 / 12,90€

A partir de la toile « Le champ de blé aux corbeaux », oeuvre aussi lumineuse que sombre considérée par erreur comme étant l’ultime tableau de Van Gogh, David Haziot nous propose sa thèse sur la triste fin de l’homme à l’oreille coupée, en s’appuyant notamment sur la correspondance de l’artiste avec son frère Théo. En mettant en lumière son intolérable solitude qui le mena à la folie, l’extrême misère qui l’a conduit à être dépendant financièrement de son frère, mais aussi ses aspirations et ses chagrins, David Haziot nous dépeint un portrait fidèle de ce génie tourmenté, prince de la couleur et des contrastes. Rédigé dans une écriture évocatrice où pointe une admiration sans bornes pour l’homme et pour le merveilleux artiste que fut Van Gogh, cet ouvrage intense et sensible nous offre un très beau travail de reconstitution qui relate de manière aussi érudite que ludique, les « Chemins sans issue » de cet artiste écorché vif !

Chemins sans issue selon Van Gogh par David Haziot, Ateliers Henry Dougier, 2021 / 12,90€

Christine Le Garrec