De la beauté encore, toujours … Et plus que jamais !!! Pour vous remplir les yeux, je vous propose aujourd’hui : une rétrospective des œuvres exposées au domaine magique de Chaumont-sur-Loire, la découverte du « Musée secret » de Rodin , avec une série de dessins érotiques jamais exposés jusqu’à aujourd’hui, le catalogue de l’exposition « Tintamarre ! » qui a lieu en ce moment même à Giverny, pour une balade entre pinceaux et musique, une rétrospective du collectif Banlieue Banlieue, pionniers de l’art urbain et, pour terminer, les clichés empreints d’humanité d’Edward Quinn qui vous donneront à voir un Picasso inédit dans son intimité. Couleurs, imagination, émotion… Pour voir la vie… Plus belle !
Classé au patrimoine de l’Unesco en tant que paysage culturel, le domaine de Chaumont-sur-Loire offre aux artistes un lieu et un décor uniques au monde, dans un projet éloigné des circuits des marchands d’art. Depuis 2008, quarante artistes (plasticiens, architectes, photographes, designers) venus du monde entier sont intervenus sur le domaine, invités à créer une œuvre s’imprimant naturellement dans le paysage ou dans les bâtiments, réalisée avec des matériaux issus de la nature, directement prélevés sur le site. L’abondance et la diversité des œuvres exposées laissent deviner l’image d’un autre monde, tel qu’on le rêverait, empreint de poésie et de sérénité… Ces œuvres éphémères étant livrées aux aléas du climat, certaines d’entre elles ont déjà disparu… Ce magnifique ouvrage, tel une invitation au voyage, vous propose une déambulation esthétique à travers ces œuvres qui réenchantent le monde, exposant photographies et présentation des œuvres et des artistes. Un ouvrage qui donne envie d’enfiler ses baskets pour une longue balade dans ce domaine de… 32 hectares !!! Depuis début avril, la neuvième saison d’art a débuté en même temps que le vingt-sixième festival international des jardins. Vous avez jusqu’au 5 novembre prochain pour « recharger la vie » en allant contempler « pour de vrai » ce lieu magique où art et nature sont étroitement mêlés…
Art et nature de Chantal Colleu-Dumond et Eric Sander, Flammarion, 2017 / 40€
C’est à l’âge de soixante ans que Rodin débuta sa carrière de dessinateur, parallèlement à son travail de sculpteur. Après avoir travaillé d’après les sculptures antiques, il entreprit des études sur modèle, voulant retranscrire la vie et le mouvement au plus juste, saisir l’émotion qui le saisissait devant la beauté du corps féminin. Sept mille dessins furent inventoriés à la mort de Rodin… La plupart avaient déjà été exposés, mais il fut découvert dans un carton soigneusement caché par l’artiste, une série de cent vingt et un dessins, sous l’étiquette de « Musée secret »… Ces dessins au crayon, rehaussés parfois de lavis ou d’aquarelle, d’une totale liberté transgressive, ont pour thème la sexualité féminine, l’homosexualité et l’auto-érotisme. Notes de travail de cet amoureux des femmes, ils ne furent jamais montrés au public, en dehors des intimes de Rodin et sont présentés pour la première fois dans ce superbe ouvrage labellisé pour la commémoration du « centenaire Rodin ». Ce qui surprend au premier regard, c’est cette intimité bouleversante et impudique que Rodin instaurait avec ses modèles, dont il est impossible de découvrir l’identité (corps sans tête, visages gommés…). Corps en mouvement, jamais figés, femmes alanguies, tuniques retroussées, les étoffes laissent découvrir en transparence ou dans un mouvement de drapé, le corps et le sexe féminin, sans tabou… D’une furieuse modernité, ces dessins qui laissent percer l’admiration et l’inspiration de Rodin pour les étampes japonaises, ont traversé le temps pour s’offrir à nos yeux pour le plus grand des plaisirs esthétique… Pour info, une exposition du centenaire de Rodin a lieu au Grand Palais jusqu’au 31 juillet prochain, et vous trouverez tout un tas d’infos sur le site du musée Rodin concernant les diverses expos en cours ou à venir !
Rodin, son musée secret de Nadine Lehni, Albin Michel, 2017 / 35€
Le début de l’impressionnisme marque également l’avènement de nouveaux instruments de musique et l’implantation de la musique dans la vie quotidienne. A nouvelle peinture, nouvelle musique ! Ce vent de modernité et de liberté a soufflé jusque sous les pinceaux des artistes, créant une relation étroite entre les « arts sœurs ». Soixante œuvres sont présentées dans ce bel ouvrage, témoignant de la richesse exceptionnelle de la vie musicale de l’époque et la façon dont elle a touché les peintres dans leurs œuvres, mais aussi dans leur vie privée. Au salon, dans l’atelier, dans les parcs et les rues, cafés concerts, théâtres, la musique a inspiré ces peintres prestigieux que sont Degas, Caillebotte, Manet, Morisot, Renoir, et bien d’autres encore ! Les arts graphiques ont également surfé sur la même vague avec les débuts de la gravure et des illustrations imprimées (presse, affiches, lithographies, illustrations de partitions…) grâce notamment aux talents de Toulouse-Lautrec ou Vallotton. Ce catalogue d’exposition, richement illustré, vous propose en dix chapitres un joli tour d’horizon de ce qui unit ces deux arts majeurs que sont la musique et la peinture, pour un double plaisir !!! Ne manquez pas de visiter l’exposition éponyme mise en place au musée des impressionnistes de Giverny jusqu’au 2 juillet prochain (en partenariat avec les musées de l’Orangerie et d’Orsay)… Tintamarre… va faire grand bruit !
Tintamarre ! Instruments de musique dans l’art 1860-1910, Hazan, 2017 / 29€
Ce superbe ouvrage à la riche iconographie nous propose un tour d’horizon de ce que fut l’aventure du collectif Banlieue Banlieue, à travers articles de presse, souvenirs et anecdotes de ses principaux protagonistes. Ce collectif nommé également les « médias peintres » a largement participé à la construction de la mouvance graffitiste de 1982 jusqu’à la fin de leur travail en commun en 1989. C’est tout d’abord une histoire de copains, d’affinités crées au sein de l’école des beaux arts de Versailles qui les a réunis, la même vision de l’art et la même fougue à le faire fleurir sur les murs des banlieues. Collages, peintures évènementielles, expos collectives, décors de films (I love you, Les frères Pétard) ont marqué leur carrière, rythmés par des peintures performances associées à des concerts de rock (les Fleshtones, La Souris Déglinguée …) Engagés, ils ont mis leur talent au service de grandes causes (droits de l’homme, lutte contre l’Apartheid…) avec humour et dérision, pervertissant l’art établi de la plus jolie des manières … Alain Campos, Anita et Antonio Gallego, José Maria Gonzalez, Daniel Guyonnet, Jean-Marc Denis, Frédéric Durand, Florence Pawlak, Ivan Sigg, Kenji Suzuki, ces banlieuz’art font désormais cavaliers seuls. Restent leur parcours et leurs œuvres communes inscrites dans l’histoire de l’art, dévoilées dans cet ouvrage rétrospectif de très grande qualité… Exhaustif et passionnant !
Banlieue Banlieue : pionniers de l’art urbain, H’Artpon, 2017 / 35€
Quinn vivait dans le sud de la France quand il a rencontré Picasso, en 1951, au cours d’une exposition sur la poterie à Vallauris. De nombreux photographes étaient bien sûr présents pour faire crépiter leurs flashs sur l’auteur de Guernica, venu en famille et accompagné de Jacques Prévert. Quinn a attendu que la foule se disperse… La chance était avec lui quand il s’est trouvé face à Picasso, entouré de ses enfants, Claude et Paloma. En immortalisant ce touchant portrait de famille, Quinn a gagné l’estime et la confiance de Picasso qui l’a invité à le photographier dans ses différents ateliers. Faisant preuve d’une belle discrétion, sa présence n’a pas pesé sur le maître qui travaillait, sans poser, pendant qu’il le photographiait. C’est ces moments de grâce et de création que Quinn a immortalisés, perçant l’intimité d’un génie créateur, sans voyeurisme et avec affection, mais aussi l’ami, le père et le mari aimant au cœur de son quotidien. L’amitié entre ces deux artistes a duré vingt ans, jusqu’à la mort de Picasso… L’ouvrage que je vous présente aujourd’hui est le catalogue de l’exposition qui a lieu jusqu’au 2 juillet prochain au musée d’Antibes et compile cent trente photos, en majorité en noir et blanc, prises entre 1951 et 1973 dans le sud de la France. Les portraits de Quinn dégagent une force incroyable et font apparaître l’aura, toute l’humanité de son modèle… On s’embarque en regardant ces clichés dans un voyage nostalgique et émouvant, sur les traces de Prévert, Leiris, Cocteau, Brassaï, Thorez, Cachin… Edward Quinn a d’abord débuté une carrière de musicien avant d’être pris de passion pour la photographie… Je ne sais si cet autodidacte était un virtuose de la guitare et de la contrebasse, mais je suis sûre par contre qu’il aurait été dommage de se priver de son œil de photographe !
Picasso sans cliché, photographies d’Edward Quinn, Hazan, 2017 / 30€
Christine Le Garrec