Arts et essais ! N°2

La cause animale défendue avec fougue par Aymeric Caron, Rock et chanson française décortiqués rapido par un enfant du rock, le petit écran consulté jusqu’à la nausée par Samuel Gontier, et enfin un ouvrage abordable et décalé sur le marketing par le talentueux et spirituel Valéry Bonneau ! ça vous tente ?

 

antispeciste

 

Il fut un temps où notre consommation de viande était raisonnable et où les conditions d’élevage des animaux réservés à notre consommation respectaient dans leur ensemble la dignité des animaux. Ce qui, au vu de ce qu’on constate aujourd’hui était un moindre mal… Depuis plusieurs décennies cette agriculture de paysans a cédé la place à une agriculture intensive qui ne ménage pas davantage le bien-être des animaux que notre propre santé. Les pauvres bêtes sont parquées dans des bâtiments d’où ils ne voient ni la terre ni la lumière du jour, enfermées dans des cages ou dans des stalles, ils tombent malades,  on les gave d’antibiotiques et de farines animales qu’on ingère à notre tour… ‘En France, chaque année plus d’un milliard d’animaux est abattu après avoir vécu pour la plupart d’entre eux dans des univers concentrationnaires que les nazis n’auraient pas réfutés … Dans le monde, ce chiffre s’élève à 142 milliards… Si on suit l’étymologie du mot « génocide », c’est bien de cela qu’il s’agit : on abat, tue, massacre, pour notre plaisir et pas forcément pour notre bien-être, aveugles que nous sommes … Pourquoi un chat ou un chien aurait-il plus d’importance qu’une poule, une vache ou un cochon ? Les animaux ressentent TOUS des émotions, tout comme nous, même s’ils ne disposent pas du langage … Ce qui nous arrange bien ! Les antispécistes pensent que nous avons des obligations éthiques et morales envers les animaux. Si l’on en doutait encore, Aymeric Caron avec cet essai, nous apporte tous les arguments, de façon claire et archi documentée, que nous faisons fausse route humainement, écologiquement et économiquement… Pourquoi les spécialistes en biologie, génétique et éthologie ne s’expriment-ils pas dans les médias ? Parce qu’ils n’y sont pas invités, pardi ! L’affaire est trop juteuse et changer de mode de vie bouleverserait les intérêts des lobbies de l’exploitation animale et de leurs actionnaires ! Caron nous invite donc à ce débat public nécessaire pour l’écologie, la santé  et l’éthique animale. Il ne fait pas que dénoncer car ce journaliste d’investigation a des solutions à proposer : à commencer par le boycott de la viande et des produits laitiers, de toute forme d’exploitation animale, végétarisme dans les cantines (Jamais trop tôt de prendre conscience …), etc … . Dans cet ouvrage, il fait la comparaison entre l’esclavage et l’élevage intensif … Exagéré ? Pas tant que ça, si on y regarde bien … Utopique ? Ça ne tient qu’à nous de renverser la vapeur et de manger équitable et autrement et d’arrêter d’être complices de cette souffrance animale qui nous rabaisse au niveau des bourreaux. Actifs ou passifs, nous participons à cette économie de marché … C’est à une véritable révolution que nous invite Caron, avec intelligence et clairvoyance.  A nous tous de mener ce changement éthique, économique, social et culturel… Merci à Aymeric Caron, après Jonathan Safran Foer et son dérangeant « Faut-il manger les animaux » de tirer une fois de plus le signal d’alarme !

Antispéciste d’Aymeric Caron, Don Quichotte, 2016/ 20,90€

 

 

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Nougaro chantait “entre le jazz et la java”… Mais qu’en est-il de la relation entre la chanson française et le rock ? C’est justement cette histoire, souvent douloureuse, qu’Yves Bigot, spécialiste s’il en est, revisite avec minutie et talent. Chroniqueur dans la presse écrite (Libé, Rolling Stones…), programmateur en radio (France Inter, entre autres) mais aussi à la télévision (Rapido, Les enfants du rock…), le monsieur a également œuvré dans les maisons de disques (Fnac music, Mercury …) et a même présidé les victoires de la musique ! Autant dire qu’il connait son sujet et qu’il le maîtrise sur le bout de ses dix doigts !!! La chanson française, c’est d’abord un texte … La musique ne vient que pour accompagner, renforcer la force des mots. En quelque sorte, notre exception culturelle ! Car chez les anglais et les américains, la musique prédomine… Longtemps considérée chez les gaulois comme une musique décadente, dégénérée, rebelle voire dangereuse, les artistes français ont eu bien du mal à évoluer dans leurs styles musicaux pour les faire admettre à un public plutôt réticent (Musique de sauvages !) bref, une musique trop indépendante, trop libre avec un côté mauvais garçon qui ne séduisait que les jeunes chevelus (ou à banane) dans les années 60, épris de liberté… Chanter en français sur des rythmes rock’n’roll, il faut bien le dire est un exercice assez périlleux, notre langue ne se prêtant guère à cet exercice (et je ne parle pas des difficultés qu’elle rencontre pour s’exporter !) Nos « Yéyés » ont donc bien ramé pour sortir d’un registre plus « moderne », frôlant parfois le ridicule et le mépris de leurs fans, en se faisant traiter de « plagieurs » (Euh… Comme dirait Karadoc, c’est pas faux !) Bien souvent, il faut bien appeler un chat un chat, leurs performances touchaient à la parodie … Alors, rock’n’roll, les français ? Oui, bien sûr, surtout quand ils chantent dans la langue de Shakespeare ! Il y a quand même des Bashung, Noir Désir, Magma (un petit coucou à Francis et à Laurent cités par Bigot, ça fait plaisir !)et bien d’autres encore qui ont su prendre ce virage avec virtuosité et grand talent… Bigot témoigne de cette période de transition, du parcours de ces artistes en mutation avec une belle lucidité et une vraie tendresse. De Gainsbourg à Goldman en passant par Renaud, Nougaro, Lavilliers, (la liste est bien trop longue pour tous vous les citer…) il retrace carrières et discographies de ceux qui ont marqué leur temps, le sien. Une belle ballade au milieu de ces enfants du rock !

Je t’aime moi non plus d’Yves Bigot, Don Quichotte, 2016 / 19,90€

 

 

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Moi, je lui tire mon chapeau à Samuel Gontier … Certes payé, je l’espère pour lui très correctement, il doit passer toutes ses soirées vissé devant le petit écran, à ingurgiter tous les types d’émissions dont la télé gave le bon peuple … Moi qui ai débranché la mienne, de télé, depuis maintenant un bon moment, j’avoue que je suis admirative de son dévouement à décrypter tout d’abord pour les lecteurs de Télérama et aujourd’hui avec ce livre, pour le plus grand nombre, l’univers impitoyable et souvent nauséeux, dans le meilleur des cas insipide, des programmes télévisuels. Bourdieu, il y a plus de vingt ans avait écrit un essai sur le sujet qui est toujours une référence. Mais en vingt ans, bien des choses ont changé et Samuel Gontier n’a pas écrit ce livre en tant que sociologue, mais en tant que spectateur lambda. Bon, d’accord, à force de TOUT regarder, il a certainement plusieurs longueurs d’avance sur le télévore de base ! Mais il se positionne néanmoins en observateur davantage qu’en intellectuel, et c’est ce qui me paraît intéressant ! Son analyse, véritable réquisitoire à l’humour grinçant, n’en n’est pas moins clairvoyante et affûtée… Et ce sont bien  ses raisonnements et ses conclusions qui amènent aujourd’hui bon nombre de gens à débrancher cet animal domestique au profit de leur chaîne Hi-fi ou de leur bibliothèque … Infos en continu avec faits divers sanglants et récurrents (Tremblez braves gens !), bouillie verbale de ceux, nombreux, qui n’ont rien à  dire, obéissance servile aux diktats politiques, racisme sous-jacent, sexisme, publicité à gogo pour encourager le consumérisme, émissions de téléréalité plus débiles les unes que les autres, compétitions acharnées… Bref, la liste est longue des griefs que l’on peut reprocher à la télévision et à ceux qui la font, pour maintenir les téléspectateurs dans la pensée unique… Bien sûr, tout n’est pas à jeter et certaines émissions sont même intelligentes et instructives … Après une heure du matin ! Certaines chaînes sont même fréquentables ! Mais ce ne sont pas celles qui récoltent le plus d’audience … Certains publics, comme les personnes âgées n’ont bien souvent que la télé pour seule distraction et il est fort dommage de constater la pauvreté de ce qu’on leur propose. Âgés peut-être mais pas idiots !!! Quant aux enfants, les chaînes qui leur sont dédiées sont particulièrement désastreuses …Après avoir lu cet essai, je me sens confortée sur mon choix d’avoir mis ma télé au rebut… Sans écran plat, on vit mieux, on réfléchit mieux, on stresse moins, on s’informe autrement, on se parle en famille et on choisit de se divertir avec une autre exigence de qualité … Oui, monsieur Gontier, bravo, grâce à vous, au moins, on a les clés pour éviter le pire de la télé, c’est déjà beaucoup. Votre sacrifice n’est pas vain !

Ma vie au poste de Samuel Gontier, La Découverte, 2016 /17€

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J’aime beaucoup l’écriture de Valéry Bonneau, son humour et sa perception du monde. J’avais adoré « Mon collègue est un robot » qui traitait  (sans blague) de robotique. Valéry écrit aussi des nouvelles et des romans et je vous encourage à faire un tour sur son site, il vaut le détour ! Alors, quand j’ai appris qu’il sortait un bouquin sur le marketing avec ce titre alléchant « sans s’emmerder », je me suis dit que ça valait le coup d’y jeter un œil, ne serait-ce que pour la prose du monsieur. Alors, c’est quoi le marketing, au fait ? Et comment l’approcher sans mourir d’ennui ? Et bien voilà, je vous donne la réponse à ces questions ! Il suffit de compulser ce gros pavé qui s’il est épais n’est pas indigeste ! Sous forme de dico, Valéry Bonneau nous explique pas à pas tout ce qui concerne le sujet, en parlant français et d’un ton alerte. Une prouesse ! Avec ce bouquin, cette discipline n’aura plus de secrets ni de zones d’ombres pour vous : décryptage des termes barbares (généralement proférés dans un langage d’initiés qui tiennent à le rester… les médecins, les avocats et bien d’autres professions sont spécialistes de cette manière classe d’enfumer le néophyte), identifier les différents domaines (ne pas confondre marketing historique, d’entreprise ou en direction du consommateur, hein !). A qui s’adresse ce livre ? Aux étudiants qui gagneront un temps fou (et de manière beaucoup plus agréable), aux professionnels qui veulent se mettre un peu à la page (les vieux pros) et aux curieux comme moi, un peu masos, qui ne veulent pas mourir idiots ! Je ne dis pas que je suis incollable sur le sujet, hein ! Pas d’interro écrite, j’ai toujours eu l’esprit cancre et rêveur, Mais j’ai passé néanmoins un moment agréable à compulser cette bible des temps modernes ! On dit quoi ? Merci Valéry !

Le marketing sans s’emmerder de Valéry Bonneau, Maxima,  2014 / 24,80€

 

Christine Le Garrec