Culture Geek ! N°8


Culture Geek est de retour ! Après de longs mois d’absence notre chronique consacrée à la culture geek revient avec un lot de nouveautés made in Label 619 et Ankama. Il n’y a pas que cette chronique qui est de retour d’entre les morts, puisque la série d’anthologie Doggybags fête son grand retour avec une saison 2 et un premier tome riche en émotions ! Le Label 619 vient également de sortir Loba Loca, le premier tome du nouveau spin-off de l’univers Mutafukaz. On terminera sur une note légère et pleine de douceur avec le joli Eli & Gaston de la collection Étincelle d’Ankama.

Doggybags Tome 14, Saison 2

On va commencer par ce nouveau Doggybags ! 13 tomes pour la première saison, avec en plus des déclinaisons comme Doggybags Présente ou Doggybags One-Shot.
Si la première déclinaison citée s’articule autour d’une thématique bien particulière à chaque tome, comme l’opus Beware of Rednecks présenté dans un ancien Culture Geek, la seconde forme quant à elle présente une histoire unique, bien plus longue que celles trouvées dans un Doggybags classique ou un Doggybags Présente, tout en restant dans ce type d’univers trash, sombre, horrifique où tout semble pouvoir arriver. C’était le cas de l’excellent Mapple Squares, dont je parlais dans le tout premier Culture Geek.


Maintenant que tout le monde est à jour si on passait aux choses sérieuses ?
Qu’on se le dise, ce nouveau Doggybags est un vrai plaisir pour la rétine. Son format, sa mise en page et son aspect old-school sont un régal comme toujours. Ouvert par une préface de Run, qui explique le pourquoi du comment Doggybags Saison 2 a vu le jour (une seule saison de 13 numéros était initialement prévue), et présente le classique courrier des lecteurs, avec une sélection de quelques commentaires (souvent empreints de second degré) laissés sur Twitter par les fans de la série.

Et comme tout bon Doggybags, on y va crescendo, avec pour thématique dans ce numéro : La Mort.

La première histoire avec Armand Brard au scénario et Prozeet au dessin, nous amène au Kazakhstan, dans une ville fantôme, vestige des guerres qui s’y sont déroulées jadis. On y suit un frère et sa petite sœur qui utilisent les ruines comme terrain de jeu. Leur situation familiale semble compliquée et le grand frère doit bientôt rejoindre leur père.

Peu de temps après nous voici à nouveau dans cette ville fantôme, où le jeune homme et son père sont relâchés après avoir été tabassés par deux sales types qui souhaitaient s’amuser un peu en les traquant. Mais lorsque vient l’heure de tuer le père, un des hommes de main aperçoit quelques chose de… terrifiant. Est ce en rapport avec cette mystérieuse voix off qui accompagne le récit et qui semble assister à toute cette histoire ?
Je n’en dirai pas plus !


Le trait de Prozeet, avec son style mi-cartoon mi-comics et son goût prononcé pour dessiner les sales gueules, est toujours aussi agréable et met parfaitement en valeur le récit de Brard. On est juste un chouilla frustré que l’histoire ne se prolonge pas un peu plus.



L’histoire qui suit est une nouvelle. Alors là je vois que vous êtes scandalisés parce que sur la couverture il y a marqué “3 histoires sanglantes et mortelles”, or avec cette nouvelle on en est à 4. Et en plus ce n’est pas une BD mais bien une nouvelle écrite avec quelques images qui se perdent dans le récit, et si comme moi vous regardez juste les images des BD parce que vous ne savez pas lire… et bien là pour le coup vous êtes mal barrés ! après

Bon trêve de plaisanterie, cette petite nouvelle vient pimenter le tout, et ce n’est pas vraiment une surprise de la trouver ici, puisque après vérification, j’avais totalement oublié qu’il y en avait dans les autres Doggybags ! Adaptée d’une idée de Run par Tanguy Mandias (qui avait écrit l’excellent recueil de nouvelles Sang d’Encre, chronique ici), et illustrée par Run, cette courte histoire nous prolonge dans la thématique de la mort par le prisme des réseaux sociaux.

Ici on y suit Michael, qui suit son train-train quotidien. Bouchon, boulot, pause café, réunion… etc. etc…
Coincé dans le trafic routier, le jeune homme va naturellement patienter sur les réseaux sociaux et tomber sur la vidéo d’une émission radio où un invité remet à sa place les interviewers. Michael lâche un commentaire : “Calme toi, tu vas nous faire un infarctus…”
Arrivé au bureau, il entame son travail, lorsque sa cheffe lui annonce qu’un éditorialiste connu vient de mourir d’une crise cardiaque… En l’occurrence, l’invité de cette émission radio visionnée plus tôt sur les réseaux. Les choses deviennent étranges lorsque que Michael laisse un nouveau commentaire haineux sur une publication… et que les personnes désignées meurent d’une façon similaire à ce que le jeune homme souhaitait dans son commentaire. Il s’interroge… Aurait-il le pouvoir de faire mourir les gens via les réseaux sociaux ? Doit-il faire attention ou bien en abuser pour se débarrasser des gens qu’il souhaite ne plus voir dans son fil d’actualité ?

Une nouvelle vraiment prenante qui tient en haleine jusqu’à sa chute. Grâce à la mise en page dans laquelle les commentaires et posts viennent s’incruster, on est davantage immergé dans le récit. Un amuse bouche pour ce qui va suivre !



La seconde histoire est signée par Mud (déjà vu également sur le Beware Of Rednecks) et illustrée par Shavrin. Tirée d’une expérience vécue par le scénariste, Glascow nous fait vivre l’histoire perturbante d’un homme coincé dans son propre corps. Touché par une paralysie subite, le protagoniste de l’histoire se retrouve dans l’incapacité de faire quoi que ce soit, y compris de parler. C’est comme si son corps était mort mais son esprit toujours là. À la fois vivant… et mort en quelque sorte.

Ce récit sous forme de métaphore, dépeint un phénomène réel totalement perturbant: l’échelle de Glascow. Le dessin de Shavrin est pour ma part un vrai coup de cœur et donne une vraie puissance au récit. Accompagnée au début et à la fin d’un entretien entre Run et Mud qui relate l’expérience vécue par ce dernier, cette histoire devient angoissante et palpable. Le trait de Shavrin, à la fois géométrique, brut et crayonné, donne un dynamisme incroyable à cette BD, et arrive à nous faire ressentir la souffrance du protagoniste de l’histoire. La disposition des cases permet également de nous faire entrer davantage dans la tête du personnage et de vivre avec lui cette expérience terrifiante, voire de ressentir sa douleur.

Ce numéro de Doggybags s’achève sur une histoire de Run, illustrée par Neyef, une nouvelle collaboration entre les deux artistes, qui avaient déjà travaillé sur l’excellent Puta Madre, spin off de la série Mutafukaz (chronique ici).

Shadow of Death commence avec l’exécution d’un homme, de nos jours, quelque part aux États-Unis. Avant de passer de l’autre côté, Chris Denfer décide de nous raconter son histoire pour nous expliquer comment il en est arrivé là. Et c’est là où ça devient intéressant, puisque le flashback remonte au Moyen-Âge en 1586 en France, où Chris mène une vie de paria. À l’écart de son village avec son père et sa mère herboriste, et ses nombreux frères et sœurs, le jeune homme voit sa vie chamboulée après la mort de ses parents et le départ du reste de sa famille.

Reprenant le métier de ses parents, il est accusé de sorcellerie suite à une épidémie qui s’est répandue dans son village et donc condamné à mort. Mais un revirement de situation vient lui “sauver la mise”. Le bourreau du village s’étant fait lyncher par les villageois suite à une exécution ratée, le poste se trouve être vacant et Chris se voit offrir la possibilité de reprendre cette fonction. Et c’est là que ça devient très intéressant. Les années passent, Chris s’habitue aux sales besognes qui lui sont confiée, tortures et exécutions, jusqu’au jour où après une nuit trop arrosée, le diable lui apparaît dans une ruelle et lui confie qu’à chaque vie qu’il enlève, c’est la sienne qui se prolonge. Le récit que Chris nous livre est donc celui d’un homme maudit par le sort de l’immortalité qui va traverser les époques et tenter de survivre au fil du temps.

Je suis assez fan de ce genre d’histoires. De plus, ici, le prisme choisi est original : l’aspect « contre la montre » engageant le protagoniste dans une spirale infernale, en l’obligeant à ôter la vie d’autrui pour continuer à vivre. le dessin de Neyef est toujours aussi beau et dynamique et la palette de couleurs varie et s’adapte aux époques en rendant l’immersion et la lecture plus agréable. Côté scénario, Run nous tient en haleine avec cette histoire racontée par le protagoniste principal. On est plongé dans sa tête, ses pensées. Très peu de dialogues avec les autres personnages, mais cela renforce le suspens jusqu’à la chute… ironique.
Mais que serait un bon Doggybags sans ses petites phases documentées ? Ici on a droit à un bon dossier sur les méthodes de tortures utilisées à travers les âges, histoire de voir à quel point l’humain est bien sadique et de nous mettre un peu plus dans la BD.

Un nouveau Doggybags réussi et qui fait plaisir pour débuter la rentrée!

Doggybags Tome 14 / Label 619 / 13,90€

Loba Loca

Et alors que personne ne s’y attendait, voilà que Run annonce quelques mois auparavant, la sortie d’un nouveau spin-off de Mutafukaz scénarisé par lui même et illustré par Guillaume Singelin (à qui l’on doit l’excellent PTSD, chronique ici).

6 ans après les événements cataclysmiques qui ont frappé Dark Meat City, la vie a repris son cours. On suit l’histoire de Guada, une ado vivant seule avec sa mère et dont la scolarité n’est pas des plus évidente. C’est lorsque bloquée chez elle pendant plusieurs jours, suite à un incident au lycée, que la jeune fille va tomber sur de vieux souvenirs de sa mère et par conséquent découvrir son passé.

Je ne vous en dis pas plus si ce n’est que ce premier tome annonce du très bon pour la suite. Le dessin de Guillaume Singelin est toujours un vrai plaisir pour les yeux, c’est vivant, ça fourmille de détails !

Les fans de Mutafukaz devraient être ravis de cette nouvelle histoire dans cet univers si particulier.

Publié comme les comics aux États-Unis, Loba Loca sera composé de 6 numéros, sous forme de fascicules en édition limitée. Les deux prochains numéros sortiront en novembre et décembre et les trois autres arriveront en 2020. Aucune info sur une éventuelle intégrale une fois les 6 numéros sortis… Donc je vous conseille de faire un tour sur l’Ankama Shop ou dans la librairie la plus proche de chez vous pour les obtenir !

Pour les très fans, sachez que vous trouverez une édition collector avec un sticker qui claque et un coffret pour ranger les 6 numéros de la série.

Loba Loca / Label 619 / Édition standard : 3,90€ / Édition Collector : 5,95€

Eli & Gaston

Changement d’ambiance total avec cette nouvelle BD qui nous vient de la collection Étincelle de chez Ankama, que j’aime particulièrement.
Avec son dos aux couleurs chatoyantes et épurées, le fond blanc immaculé de sa première et quatrième de couverture et son aspect rigide, ce nouvel ouvrage vient embellir votre bibliothèque. Mais quand est-il du contenu, me direz-vous?

Eli & Gaston s’adresse davantage à un jeune public, mais aussi aux grands enfants, à l’instar de The Wendy Project de la même collection présenté précédemment qui possédait plusieurs niveaux de lecture.

Eli et son chat Gaston partent malgré eux en vacances à la campagne chez grand-mère Jo, tandis que les parents retournent à leur quotidien à la ville. Pour Eli, trois semaines au milieu de la cambrousse, lui semble interminable. Après avoir décidé de rentrer par ses propres moyens chez elle, la petite fille et son chat vont atterrir dans une splendide et mystérieuse forêt. Et c’est là que les aventures commencent.

Entraîné dans une joyeuses séries de péripéties, on suit avec bienveillance les aventures d’Eli et Gaston. On retombe en enfance en s’imaginant les histoires qu’on s’inventait étant petit dans la maison de ses grands-parents, s’identifiant au personnage principal.

Le rythme est agréable, l’histoire prend son temps, des petites cases viennent se perdre dans les grandes pour attirer notre regard sur des petits détails. Le dessin de Céline Deregnaucourt vient nous caresser la rétine avec ses couleurs chatoyantes et lisses, ses traits et son très joli travail sur la lumière, tantôt vive et faisant ressortir la beauté de la campagne, tantôt chaleureuse et douce, émanant de guirlandes lors d’un dîner en famille. La forêt est magnifiée par son aspect doux et surréaliste, avec la forme enchanteresse des arbres, des stries de lumières se frayant un chemin à travers leurs cimes.

D’une véritable douceur, le dessin nous emporte avec lui dans cette histoire de Ludovic Villain aux aspects de conte écologique tout aussi doux. Un retour en enfance, une petite pause dans le temps, bref une agréable lecture que cette BD, que je recommande fortement aux plus jeunes mais aussi aux grands enfants et amateurs de jolie patte graphique.

On a même le droit à un petit trailer vidéo!

Eli & Gaston / Collection Étincelle aux Éditions Ankama / 19,90 €