Indignez vous, comme nous le propose avec une belle sincérité la famille des LNP Roots, sur des rythmes « raggacoustic » qui vous mettent illico « irie » ! Laissez-vous ensuite porter par le chant des sirènes de Yara Lapidus, orchestré avec maestria par un Gabriel Yared inspiré de la plus belle manière qui soit… Je vous invite ensuite à une séance de cinéma, pour un voyage apaisant au pays du folk où musique et image sont étroitement liées… Pour finir, Ramon Pipin revient avec un nouvel album délicieusement déjanté et le groupe corrézien « VisAvis » fait à nouveau péter la sono avec un bon vieux rock de derrière les fagots ! A vos platines !!!
Deux frangins, une frangine, des guitares et des chœurs harmonieux, un bon vieux reggae « raggacoustic » façon Tryo (où mister Roukin de Sinsémilia s’est invité avec ses percus), des textes en français qui nous incitent à nous rebeller ou tout du moins à ne pas nous résigner face à l’inhumanité ambiante… Voilà la recette familiale, bien mijotée, que nous propose le groupe bordelais dans ce deuxième EP pour nous faire patienter avant la sortie, prévue en Mars prochain, de leur premier album ! Sur des good vibes, avec un son bien propre et soigné, les textes des LNP, contrairement à leur pochette où ils apparaissent, tels les fameux singes, aveugles, sourds et muets, nous encouragent bien au contraire à regarder notre société bien en face pour mieux contourner ses nombreux écueils, à faire entendre notre voix pour dénoncer sa perversité et ses injustices et à nous engager pour la transformer, tous ensemble et unis : choisir sa vie, ne plus subir, réapprendre à s’indigner pour créer le nouveau monde de demain… Ce discours « peace and love », loin d’être utopique, reflète à la perfection le sentiment d’indignation qui anime depuis quelque temps le peuple français, et je verrai bien le titre « chaque humain » devenir l’hymne des gilets jaunes ! Les LNP Roots Family rêvent d’un nouveau monde où solidarité et partage deviendraient lois : on ne peut qu’acquiescer et leur souhaiter une longue et belle route et de faire largement passer sur les ondes leurs messages positifs !
« Résigné » / LNP Roots Family / Meltin’Recordz / 2018 / téléchargement en MP3 ici
De sa voix hypnotique et claire, envoûtante et enveloppante, Yara Lapidus nous égrène le sentiment amoureux au fil des onze titres de cet album classieux d’une grande douceur mélancolique, sur des orchestrations signées par le grand Gabriel Yared qui nous transporte comme dans un rêve au fil de ses mélopées aux accents orientaux, nappées de guitares limpides, de violons entêtants et de percus bien rythmées, enveloppées de chœurs célestes… Un environnement musical qui épouse à merveille l’univers de Yara où l’amour ne rime jamais avec toujours… Amours envolées, vague à l’âme, temps suspendu… Ses mots égrènent par petites touches, sans mièvrerie et avec un grand sens poétique, les affres des amours contrariées, sur des musiques belles et apaisantes ponctuées de fulgurantes bossa nova aux cuivres swingués… Le dernier titre, « Encor, encore », chanté en duo avec Gabriel Yared sur le thème bien connu (« C’est le vent, Betty…« ) de l’incontournable bijou « 37°2 le matin », vous émeut jusqu’au tréfonds de l’âme… (Vous pouvez également visionner ici le superbe clip de cette chanson, interprétée avec Iggy Pop). Décidément, résolument, infiniment, le duo franco-libanais Yared /Lapidus, beau, doux et caressant, nous donne à rêver, encore et encore, sur la beauté et la douleur des amours enfuies… Abandonnez-vous à la pureté de la voix de Yara et des sons qui l’habillent avec une belle harmonie… Une réussite totale, sur tous les plans !
« Indéfiniment » / Yara Lapidus / Deva Music / 2018 / 11,99€
Six français (Folk Yourself, Me & The Molku Queen, Oh Well, Renz, SF & the Ladyboys, Solaris Great Confusion), cinq américains (Ocean Music, Sam Moss, The Red F, Wilder Maker, Will Stratton), dans la lignée des « songwriters » et « folksingers », entre tradition et modernité, nous livrent dans ce documentaire aux images somptueuses, leur vision de cette musique Folk aux multiples facettes, dévoilant leurs rapports intimes entre leur processus créatif et l’environnement qui les entoure. Se raconter, se divertir, mais aussi transmette, « polliniser » la musique sous diverses influences, chercher des portes vers l’inconnu pour exprimer l’âme au plus près, réenchanter la grisaille du quotidien ou refléter son environnement : chacun a son message à délivrer à travers sa propre expérience et ses influences, dans un goût prononcé pour le vivant, à l’image de la nature (ou de l’univers citadin) qu’ils côtoient au quotidien. Entrecoupé de sublimes images de nature qui épousent à merveille les racines de cette musique intemporelle, ce documentaire nous en dévoile toutes les facettes et tous les genres, à travers ces musiciens humbles et talentueux aux origines et aux influences diverses qui exercent leur art, seul ou à plusieurs. Intimiste et lumineux, le film de Thomas Lincker met en lumière l’authentique et le sincère de leur démarche et nous invite à nous reconnecter à l’essentiel, sans artifice, à leur écoute… Le film se déroule avec lenteur, sans provoquer l’ennui chez son spectateur, bien au contraire : on se retrouve scotché devant son écran, captivé par la musique et les images qui se déroulent harmonieusement, dans une parenthèse au temps qui reste gravée longtemps, suscitant l’envie de s’y replonger pour y retrouver intacte cette plénitude… Magnifique !
« Fragments folk » : un film de Thomas Lincker ( Big Bogue prod) / Red Rock / 2018 / Durée : 69 minutes / VOD ou DVD
Moue boudeuse et cheveux poivre et sel, Ramon Pipin a toujours la voix claire, le ton railleur, la plume incisive et l’humour noir à fleur de peau… Pour preuve, ce dernier album « Qu’est-ce que c’est beau », où « L’ironiste » nous décline son chapelet de perles à Pipin en treize titres décalés et rigolmuches nappés sous de délicieuses mélodies pop / rock où se côtoient des sonorités classiques de haute volée avec le quatuor Psoriasis aux archets. Beau et drôle, c’est certain si vous êtes adepte de mélodies classieuses et du second degré farci des jeux de mots potaches de notre icône des années 70 ! (pour les plus jeunes, je rappelle que Ramon sévissait déjà à l’époque avec les mémorables groupes « Au bonheur des dames » et « Odeurs »). Mais la nostalgie n’est plus ce qu’elle était, comme disait Simone, et lorsqu’elle apparaît par intermittence dans les textes de Ramon, on ne sait trop si c’est du lard ou du cochon, car d’une pirouette, l’animal tourne tout en dérision. En nous déclinant l’histoire du rock à travers des anecdotes vécues, il se juge quant à lui « bien trop sage, superflu et banal, rien qu’une simple anecdote… ». Bien sûr, on le démentit grave !!! Une panne d’inspiration ? Il chante en albanais (« comme ça les gens ne comprendront rien. Et puis, c’est pas parce qu’on a rien à dire qu’il faut fermer sa gueule « !) « L’hymne sublime, surtout à l’heure de l’apéro », de la chanson titre « Qu’est-ce que c’est beau » nous envoie au choix des instantanés de petits bonheurs ou « un tissu de conneries débitées à l’infini » (« d’une origine du monde, brune ou blonde, tout en haut d’un escabeau »… aux « doigts d’un enfant dans une prise »…). Il balance au passage sur les têtes pensantes des Think Tank « où qu’y a des gens qui pensent pour que le monde avance », pour aboutir au fait qu’il y a guère de solutions… Trois ans de visionnage de séries télé lui font affirmer que « rien ne peut égaler ce chef-d’œuvre qu’est l’homme du Picardie, sa série fétiche avec une péniche » ( » bien que Derrick soit pas trop merdique »). Il nous fait part de l’angoisse de perdre ses mots de passe (« faut pas oublier de les sauvegarder… Avec un mot de passe pour y accéder »), nous présente son arbre « génialogique » où l’on découvre que « les aïeux de Pipin, c’est pas des crétins, que c’est pas des cons les aïeux de Ramon », puisque dans sa lignée on trouve l’inventeur du presse purée (sous Napoléon) ou encore de l’atlas mondial des ronds-points (fort utile en ces temps troublés !). Il nous invite au « Polpote park », (« c’est pas trop loin, c’est juste au coin ») où de joyeux dictateurs font fureur (Poutine s’éclate sur les montagnes russes pendant que le marquis d’Assad vend des barbes à papa au goût chimique… n’y goûtez surtout pas !). Si Renaud chantait avec nostalgie les mistrals gagnants de son enfance, Ramon, quant à lui, chante la gloire du viandox, bien que ce « jus d’os écrasés » soit « dégueu et trop salé ». L’ascension sociale ? Elle se fait en Combaluzier, avec mépris et coups bas à tous les étages… Pour finir, sur les conseils éclairés de Ramon, partez en vacances à Pyongyang : « on y rencontre peu de gens car ils ne sortent qu’une fois par an pour le défilé militaire »… Une chanson vraiment très « cong » ! Pisse vinaigre à la bouche en cul de poule, fuyez ! Car l’univers déjanté de Ramon Pipin n’est pas fait pour vos oreilles délicates… Et de toute façon, vous ne le méritez pas ! Pour ses nombreux aficionados, il sera en concert au café de la Danse à Paris, les 16 et 17 Février prochain ! ) Va y avoir du monde au balcon, réservez vos places !!!
« Qu’est ce que c’est beau » / Ramon Pipin / Mon Salon records / 2019 / 20€
Nous les avions vus sur la scène de « 100 % Corrèze », en 2016, au château de Sédières et ils nous avaient épatés par leur énergie intacte : à les voir évoluer sur scène, difficile d’imaginer que les musicos de VisAvis tournent maintenant depuis plus de trente ans… Le rock, ça conserve et le temps semble ne pas avoir de prise sur nos rockeurs ! 2016, justement, année de leur reformation après une période d’arrêt de plusieurs années suite à la disparition de Philippe Mauget qui assurait la partie chant du groupe. ll a fallu ce temps pour se reconstruire et retrouver l’envie de créer de nouveaux morceaux… Après un premier vinyle de cinq titres en 2017, voici aujourd’hui le tout dernier album composé de neuf titres pêchus à la sauce rock’n’roll de nos « soldats du son » qui reviennent avec une « machine de guerre » bien huilée ! Riffs de guitare enragés, choeurs au diapason, batterie époustouflante : Pierre-Henri, Pierre et Régis ont mis le paquet pour séduire les amoureux d’un bon gros son rock, agrémenté sur le titre « Mine tonight » de ballades nostalgiques bluesy à l’harmonica. Furieusement moderne, le groupe VisAvis n’a pas à craindre la concurrence des petits jeunots qui ont tout à apprendre de ces vétérans du rock ! Cet album, celui de la maturité, dégage un souffle qui décoiffe : il reflète l’amplitude du talent de ces trois musiciens passionnés, dont on n’a pas fini de causer… En Corrèze et ailleurs ! Ils assurent grave de grave !!!
« War machine » / VisAvis / Ellie promotion / 2019 / 10,99€
Christine Le Garrec