Histoire(s) de lire… N°55

Doux-amers, inventifs, nostalgiques, drôles, tendres ou glaçants… Les romans et nouvelles que je vous propose aujourd’hui de découvrir vont vous embarquer dans des ambiances bien différentes… Mais toutes aussi enrichissantes que passionnantes ! Belles lectures à toutes et à tous !!!

Diane vieillit… Et lorsqu’elle passe devant les pompes funèbres du quartier où elle réside, elle décide d’acquérir une concession. Mais celles-ci ne sont disponibles que pour deux cercueils et Diane est seule, malgré une vie amoureuse bien remplie… Ses histoires d’amour ont toujours tourné court, qu’elle ait quitté ou ait été quittée par ses amants, celui le plus cher à ses yeux étant décédé et enterré dans un lointain et inaccessible caveau… Depuis, Diane s’est réfugiée dans l’écriture et comble sa solitude avec les personnages de papier qu’elle met en scène… Avec qui partager son éternité ? Elle décide de rechercher un éventuel candidat pour l’au-delà parmi ses amants encore vivants… Mais l’entreprise s’avère délicate ! Sa meilleure amie, Hélène, l’encourage dans sa quête tout en la moquant gentiment. Veuve depuis l’assassinat de son mari vingt ans auparavant, elle a ses propres démons à amadouer et vient de prendre la décision de mettre en vente la villa de bord de mer où son mari a perdu la vie. Mais en arrivant sur place, elle découvre que sa maison est habitée par deux squatteurs, Angelo et Luca… Les deux hommes n’ont commis aucune dégradation, ils ont au contraire fait preuve d’un total respect pour les lieux… Qui sont-ils et pourquoi ont-ils choisi sa villa ? Hélène est sous le charme des deux hommes qui lui redonnent une seconde jeunesse, mais un doute la ronge… Et si ces parfaits gentlemen étaient les assassins de son mari tant aimé ? Vénus Khoury-Ghata nous offre le portrait de deux femmes libres et indépendantes en proie aux questions existentielles de la vieillesse, au fil des pages de ce court et délicat roman où elle dépeint, avec une belle sensibilité doublée d’une élégante touche d’humour, les affres de la solitude, ponctuées des souvenirs heureux ou malheureux d’une vie… Un roman raffiné et mélancolique au charme fou !

Ce qui reste des hommes de Vénus Khoury-Ghata, Actes Sud /, 2021 / 13,80€

Que fait un écrivain en panne d’inspiration ? Il se lamente devant sa page blanche… Ou décide de laisser le dieu hasard le guider, en choisissant le premier quidam croisé dans la rue pour s’alimenter de son histoire afin d’écrire son prochain roman ! Et qui est l’heureux élu ? Madeleine Tricot, une vieille dame qui perd un peu, mais pas trop la boule, et qui accepte d’entrer dans le jeu. Mais Valérie, sa fille qui lui rend chaque jour visite, ne voit pas d’un très bon oeil l’intrusion de cet étranger, certes célèbre, dans la vie de sa mère ! Elle fait donc un deal avec l’écrivain qui devra inclure toute la famille de Madeleine ou oublier son projet… Bien sûr, il accepte ! Au lieu d’un unique personnage, son roman se composera de toute une famille, celle des Martin : Valérie, la fille de Madeleine, une prof d’histoire géo aussi démotivée dans sa vie professionnelle que personnelle, qui songe autant à une reconversion qu’à quitter Patrick, son mari… Lequel est en proie au harcèlement de son tyrannique chef de service et qui craint d’être licencié… Rajoutez Lola et Jérémie, leurs deux ados, et la boucle est bouclée ! Après des tentatives de réunion familiales autour du « biographe » attitré de la famille, l’auteur, un peu débordé par les comportements plus ou moins rétifs des uns et des autres, demande à les rencontrer séparément. Il entre alors dans l’intimité des Martin et des secrets de famille bien enfouis… Valérie est fâchée avec sa soeur, Stéphanie, depuis des années… Madeleine se découvre l’envie subite de retrouver Yves, son premier grand amour, qui l’a plaquée sans aucune explication… Jérémie utilise cet auteur tombé du ciel pour lui refiler ses dissertations et Lola lui demande de jouer les entremetteurs auprès de son petit ami… Et si la réalité était plus palpitante que la fiction ? En partant de ce postulat, David Foenkinos signe un roman aussi jubilatoire qu’original sur les affres de la création avec cette « biographie romancée » qui, tout en nous immergeant dans la genèse d’un roman, recèle des trésors d’humour et dégage une vraie tendresse pour ses personnages. Sous sa plume alerte et toujours aussi agréable, l’histoire à priori banale de cette famille Martin devient un fleuve romanesque, loin d’être tranquille ! Un délicieux moment de lecture !

La famille Martin de David Foenkinos, Gallimard, 2020 / 19,50€

Victor semble avoir le feu aux trousses… Un véritable danger le guette ou est-il en proie à une crise aigüe de paranoïa ? Peu importe… Il abandonne précipitamment son atelier, laissant une toile inachevée sur le chevalet, et file à la gare pour attraper le premier train en partance. Installé dans un compartiment, il sort son carnet de croquis pour passer le temps et tempérer son angoisse. Comme auparavant Il a pris la précaution de retirer la carte SIM de son téléphone portable, il est désormais injoignable et intraçable… Son attention se porte sur Agnès, une mystérieuse jeune femme enveloppée d’un long manteau, bonnet vissé jusqu’aux oreilles et larges lunettes noires sur le nez… Celle-ci l’observe en train de dessiner et lui demande abruptement de lui montrer son travail en cours. Lorsque le train entre en gare, Victor se fait une nouvelle fois aborder par Agnès qui lui demande cette fois de lui apporter son aide : elle aussi est en fuite pour échapper à la violence de Gabriel, son ex compagnon… Victor accepte de l’aider et l’accompagne chez sa grand-mère qui propose aux deux fuyards sa voiture et les clés de la maison, perdue en pleine campagne, d’une aïeule décédée. Suite à des conflits lors de l’héritage, la demeure est désormais abandonnée et personne ne viendra les déranger… Une maison étrange dont les murs sont recouverts d’oeuvres d’art et où Victor découvre l’atelier de peintre de sa défunte propriétaire… Le temps passe, comme une pause apaisante teintée d’une douce ambiguïté entre Agnès et Victor, jusqu’à l’arrivée intempestive de Gabriel… Après le recueil de nouvelles noires et fantastiques « De but en noir » (chroniqué ici !) et le thriller psychologique « La boussole d’Einstein » (chroniqué !), Gilles Vidal nous offre cette fois un court et intrigant roman où les codes du polar se marient avec finesse au monde de l’art, sur fond de quête initiatique de ces deux âmes en errance. Si la personnalité de ses personnages est extrêmement fouillée, un soin tout particulier a été apporté aux décors où ceux-ci évoluent : notre regard chemine de l’un à l’autre en s’imprégnant des atmosphères qu’ils dégagent, comme on admirerait une oeuvre d’art… Un roman d’une belle profondeur, porté par une écriture empreinte de fulgurances poétiques, qui confirme le talent et la large palette d’émotions que Gilles Vidal sait susciter chez ses lecteurs : son art de manier les mots comme le pinceau, n’est pas un secret pour ses admirateurs !

L’art de la fuite est un secret de Gilles Vidal, La Déviation, 2021 / 12€

Ouragans, sécheresse, canicule : le réchauffement climatique fait des ravages dans toute l’Europe. Politiquement, ce n’est guère plus réjouissant : en France, le parti populiste des Dingues est au pouvoir et de nombreuses milices ultra violentes et de toutes obédiences s’affrontent. Le chaos règne partout, d’autant plus que les cyberattaques qui s’intensifient chaque jour davantage laissent présager la menace imminente d’une grande panne. A Paris, un terrible typhon cause des milliers de morts et d’irrémédiables dégâts. De la fenêtre de son bureau, l’éditeur Alexandre Garnier contemple effaré l’immense torrent de boue qui emporte tout sur son passage… Les rats, sortis des égouts, commencent à envahir les étages… Et plus aucune possibilité de communiquer avec qui que ce soit, sans électricité ni réseau… Alexandre fait le bilan de sa vie et ses remords concernant son ami d’enfance Adrien Vivonne remontent douloureusement à son esprit : jaloux de son talent et de sa personnalité solaire et bienveillante, il a tout mis en oeuvre pour freiner sa carrière après avoir publié ses premiers recueils de poèmes… Il n’a désormais plus qu’une seule idée en tête : tout faire pour retrouver Vivonne, disparu des années auparavant sans laisser de traces, et écrire sa biographie pour se racheter… Mais où peut bien se cacher Vivonne ? ses admirateurs affirment qu’il a trouvé un passage vers un monde meilleur et que celui-ci se trouve au coeur de ses poèmes… La quête rédemptrice d’Alexandre l’emmènera sur les traces de Chimène, la fille d’Adrien engagée dans la terrible milice « Nation Celte » et sur celles des femmes qui ont aimé ce poète qui cultiva tout au long de sa vie un goût prononcé pour l’absolu… Dans un style parfaitement maîtrisé qui s’adapte à chacun de ses personnages, Jérôme Leroy nous offre avec « Vivonne » un palpitant et audacieux roman choral qui nous embarque dans un voyage dans l’espace et le temps, au coeur d’un angoissant monde apocalyptique où la poésie est devenue l’ultime espace de liberté, le sésame vers le paradis perdu… Sombre et lumineux tout à la fois, ce superbe roman laisse entrevoir la ténue mais tenace lueur d’espoir d’un monde de douceur au bout du tunnel d’un désastre annoncé… Un pur chef-d’œuvre !

Vivonne de Jérôme Leroy, La Table Ronde, 2021 / 22€

Gilles Sebhan poursuit avec « Noir diadème » sa sombre et palpitante série commencée avec « Cirque mort« , « La folie Tristan » (chroniqués ici !) et « Feu le royaume » (chroniqué !), où est mis en scène le tourmenté et taciturne lieutenant Dapper, en charge des affaires de disparitions et de crimes d’enfants. Cette fois, c’est le corps d’un jeune migrant qui vient d’être retrouvé, dans un terrain vague proche du camp de fortune où il tentait de survivre en se prostituant… Un crime des plus sordide, le garçon ayant été émasculé et son coeur prélevé de manière chirurgicale… Tandis que l’enquête piétine, avec pour unique indice un jeton de casino trouvé non loin des lieux du crime, le corps supplicié de l’enfant est enlevé de la morgue… Dapper, qui remonte la piste d’un réseau de trafic d’organes, n’a désormais qu’une obsession : retrouver le coupable et offrir une sépulture décente au jeune garçon… L’univers maléfique qui plane sur ce roman labyrinthique et l’extrême cruauté qui y est dépeinte nous laisse bien peu de foi en l’âme humaine… Et Gilles Sebhan fait une fois de plus mouche avec ce quatrième volet tout aussi réussi que les précédents ! Je vous conseille néanmoins de lire les trois premiers tomes si vous voulez pleinement savourer ce « Noir diadème », les flashbacks sur les évènements passés y étant largement évoqués… Il ne vous reste donc plus qu’à vite vous les procurer avant de découvrir cette dernière perle, noire comme la nuit !

Noir diadème de Gilles Sebhan, Le Rouergue, 2021 / 18€

Amateurs de nouvelles et d’humour noir, ce recueil va vous combler ! Vous y découvrirez quatre histoires sombres à souhait dont les atmosphères très cinématographiques vont vous procurer frissons… Et grand plaisir de lecture ! « La maison à claire voie » qui inaugure et donne son nom au recueil, vous embarquera dans un univers à la « Délivrance »… Kim fuit son mari violent mais sa cavale prend fin lorsque le moteur de sa voiture rend l’âme au milieu de nulle part… Sous un soleil de plomb, elle marche pendant des heures lorsqu’elle aperçoit enfin une habitation délabrée… Son salut ou le début d’un cauchemar bien pire que sa vie conjugale ? On continue avec « L’assassin viendra ce soir » qui évoque le film « Le prix du danger », avec un candidat qui lui, n’a rien demandé ! Julien, 11 ans, regarde en famille l’émission de télé réalité « L’assassin viendra ce soir ». Son pitch ? Un spectateur, tiré au sort, devra sauver sa peau lorsque des tueurs chevronnés viendront chez lui pour l’abattre. Stupeur… Le visage du père de Julien, un gros beauf aviné, apparaît sur l’écran… La troisième nouvelle, « Le persan bleu », est particulièrement savoureuse ! Florian, un jeune voyou, pénètre par effraction chez sa vieille voisine pour lui voler ses économies… Mais au lieu du butin espéré, il tombe sur la vieille, armée jusqu’aux dents, qui l’accuse d’avoir tué son chat… Sa vengeance sera terrible… Ment originale ! « Les chiens noirs », qui clôture le recueil, flirte quant à elle avec le fantastique… Lester, à cause de son penchant prononcé pour l’alcool, a perdu son job et sa maison… Le voilà contraint de partir avec Rachel, sa femme, et leur petite fille, chez une tante qui accepte de les héberger… Sur la route, en voulant éviter un énorme chien noir, Lester fait une embardée et la bagnole s’encastre dans un arbre. Tous trois s’en sortent sains et saufs mais Rachel se souvient brutalement d’un article qui mentionnait des chiens noirs, semblant sortir tout droit des enfers pour annoncer la mort… Au même moment, un homme à bord d’une vieille guimbarde, ses trois chiens noirs à l’arrière, s’arrête et leur propose de les héberger… Aussi angoissantes que drôles, les nouvelles de Brice Tarvel bénéficient en outre d’une fort belle plume ! Un recueil… Qui a du chien !

La maison à claire-voie de Brice Tarvel, Zinédi, 2021 / 17,90€

Sainte-Croix les vaches, un bled paumé au fin fond des Cévennes, loin de tout axe routier… Rien à 100 kilomètres à la ronde, un désert. Pas plus d’école que de médecin, encore moins de gendarmes. Quant à Internet et la téléphonie mobile, on oublie… Rien ne passe à Sainte-Croix, et encore moins la technologie ! Et ça arrange aux petits oignons Thomas Sorlut, le maire de ce village d’irréductibles qui a comblé à sa manière les manquements de la république envers les zones rurales en créant lui-même sa petite entreprise, très lucrative ! Thomas a fait de son « royaume » une plaque tournante du cannabis qu’il cultive sur une grande échelle en employant des roumains sans papiers… Et en parlant de papiers, justement, la petite imprimerie locale en imprime à tous les malfrats de sa connaissance qui viennent se mettre régulièrement au vert dans son patelin ! Tout roule d’autant plus que Thomas a récupéré le butin de l’un d’entre eux, miraculeusement assassiné dans les collines ! Aussi, quand un projet d’autoroute qui traverserait Sainte-Croix arrive aux oreilles de Thomas, c’est un brin la panique… Qui dit autoroute dit passage, dit flics, dit emmerdements de tous genres et surtout, fini la tranquillité pour son business ! Et pour ne rien arranger, une toute fraîche et ambitieuse députée « En avant » débarque de Paris dans le but de faire de Sainte-Croix un « Fab Lab » pour mettre en valeur les atouts du monde rural ! Comment se débarrasser de cette jolie emmerdeuse qui, en outre, ne laisse pas Thomas indifférent ? Et comment contrer ce projet d’autoroute ? Vincent Ravalec signe avec « Le seigneur des Causses » un désopilant polar rural doublé d’une délirante et jouissive satire sociale, qui égratigne allègrement les mondes de la politique et de la communication. Rythme soutenu, nombreux rebondissements, humour irrésistible… Ce roman est diablement jubilatoire ! Et comme un bonheur n’arrive jamais seul, Vincent Ravalec lui a donné… Deux suites ! Vous pourrez ainsi, dans la foulée, prolonger le plaisir avec « Le retour d’Horace » et « La fin des haricots » !

Sainte-Croix-Les-Vaches : le seigneur des causses (tome 1) de Vincent Ravalec, Au Diable Vauvert, 2020 / 9€

Si on connaît bien le chroniqueur enthousiaste qui prêtait sa fabuleuse plume au journal l’Équipe, et si l’on excepte l’inoubliable « Un singe en hiver » magnifiquement popularisé sur grand écran, les romans d’Antoine Blondin (seulement au nombre de cinq…) sont moins connus du grand public… Quelle erreur !!! Car lire Blondin, c’est le sésame assuré pour s’immerger avec délices dans une époque révolue… Et l’assurance d’avoir le sourire aux lèvres tout au long de sa lecture ! C’est bien sûr le cas avec ce roman aux allures autobiographiques où il nous dépeint, avec humour et dans une langue savoureuse, sa vie de bohème dans les années 50 à Saint-Germain des Prés. Attendez-vous à du décapant… Car les comptoirs des bistrots et les cellules de dégrisement des commissariats parisiens n’avaient aucun secret pour cet épicurien ! On y croise une foule de personnages farfelus et attachants, telle Popo, l’exubérante prostituée, un sculpteur de buste du président de la République en état permanent d’ébriété… Et bien sûr la mère d’Antoine, une femme un peu barrée qui donne en exemple à son dilettante de fils le succès… Des Beatles ! Situations incongrues (comme cette intrusion de nuit dans un ministère où la maréchaussée l’a retrouvé au petit matin, endormi dans le fauteuil du ministre !), amours complexes, amitiés indéfectibles avec des « Hussards » qui, tout comme Monsieur Jadis cultivaient anticonformisme, originalité et élégance en toutes circonstances, tel son très cher ami Roger Nimier… Les éditions de La Table Ronde ont eu l’excellente idée de rééditer cet ultime roman d’Antoine Blondin (sorti en 1970, déjà à La Table Ronde) dans un format poche au prix tout doux… Une somme bien modique pour le plaisir que ce livre procure à ses heureux lecteurs ! La classe à l’état pur, un humour d’une finesse rare, une belle pincée de nostalgie… Bref, un pur bonheur !

Monsieur Jadis ou l’école du soir d’Antoine Blondin, La Table Ronde, 2020 / 7,30€

Basile, génial inventeur de concepts pour « agiter les neurones », vient d’ouvrir dans sa petite ville natale une boutique « comportementaliste » au nom aussi poétique qu’intrigant, « Le bazar du zèbre à pois », où il vend ses originales créations. Une boutique qui défrise Louise, la rédactrice psycho rigide du journal local et présidente de l’association réac et bien pensante « Civilissime », qui ne voit pas d’un bon oeil celui qu’elle considère comme un hurluberlu subversif… Comme si elle n’avait pas suffisamment de pain sur la planche avec l’énergumène, certainement un gosse mal élevé et livré à lui-même, qui chaque nuit orne les murs de la ville de ses graffitis provocateurs ! Et justement… L’artiste en question, un ado rebelle qui se prénomme Arthur, intrigué par ce magasin à nul autre pareil, en franchit la porte, furète et chipe un objet… S’il pensait être passé inaperçu, raté ! Mais plutôt que de lui passer un savon, Basile, qui décèle un fort potentiel chez le gamin, décide de le faire bosser avec lui et de l’encourager dans sa démarche artistique… Et qu’en dit Giulia, la mère d’Arthur (on ne parle pas de son père qui a mis les voiles en plaquant sa petite famille !) ? Non seulement elle accepte le deal, ravie de voir son fils s’épanouir, mais voit de plus en Basile celui qui l’aidera à monter un projet qui lui tient depuis longtemps à coeur : un « détonateur sensoriel » dont les effluves réveilleraient les émotions… Car Giulia est « Nez » pour un fabriquant de déodorant et elle ne peut plus sentir ce boulot qui ne lui apporte plus aucune satisfaction ! Les rencontres « Silex » entre ces trois là, malgré la chasse aux sorcières fomentée par l’acariâtre Louise, fera des étincelles… Raphaëlle Giordano nous offre avec son « Zèbre à pois » un roman qui donne du peps car tout n’est que positivité dans l’univers poétique et non dénué d’humour qu’elle nous dévoile. Les bons sentiments de ses personnages ne sont pas mièvres et mettent au contraire en lumière des valeurs essentielles que l’on a un peu tendance à perdre de vue : l’écoute de l’autre, la solidarité, la bienveillance… Et « l’audacité » (audace et ténacité) sans laquelle, souvent pour de mauvaises raisons, on ne tente pas de réaliser nos rêves ! Un livre tendre, drôle et malin… Aussi original que les créations de Basile !

Le bazar du  zèbre à pois de Raphaëlle Giordano, Plon, 2021 / 18,90€

Après le décès de leurs parents dans un dramatique accident de voiture, Robert et sa soeur Elsa ont retapé la ferme familiale en Alsace pour en faire une ferme auberge. Elsa est la coordinatrice des lieux, celle qui organise et fait le lien avec les clients. Quant à son ronchon de frère, il refuse tout contact avec l’extérieur : son jardin qu’il cultive avec amour, et sa cuisine où il mitonne de délicieux petits plats qui font le bonheur des touristes de passage, sont ses seuls univers… Même David et Charlotte, les turbulents enfants d’Elsa, n’arrivent que péniblement à dérider cet oncle mal léché qui les adore sans jamais leur montrer l’immense affection qu’il leur porte… Elsa, qui se fait du souci pour son frère, décide de tout mettre en oeuvre pour que cet handicapé du coeur s’ouvre enfin à la vie… Et elle sera grandement aidée dans sa délicate entreprise de sociabilisation par la nounou des enfants, cette fine mouche de Fatima qui, à petits pas prudents, semble réussir à amadouer le solitaire endurci… Et puis il y a Hassan, le fils de Fatima, qu’Elsa a imposé à Robert comme aide cuisiner. Un jeune homme réservé qui aime lui aussi sa solitude… De sérieux atouts pour Robert qui se découvre bien des points communs avec le jeune garçon ! Petit à petit, Robert sort de ses certitudes et commence à prendre plaisir en compagnie de ses semblables… Et quand Maggie, une anglaise pétillante et pleine de vie, débarque à la ferme sur l’invitation de Fatima qui est une de ses grandes amies, l’homme qui murmure aux fanes de ses carottes et bichonne ses tomates, voit sa carapace se fissurer de tous côtés… Une pincée d’humour et de tendresse, des personnages attachants, un cadre agréable où il fait bon vivre, tous ces éléments finement dosés pour un résultat ni trop sucré ni trop fade : voilà la recette toute simple (mais efficace !) que Julia Mattera nous a mitonné d’une plume légère et gourmande pour nous offrir ce premier roman, appétissant en diable, où l’on se délecte des émotions de chaque protagoniste. Un roman « feel good » qui, s’il n’a que la prétention de nous offrir un agréable moment de lecture, a atteint son but !

Le fermier qui parlait aux carottes et aux étoiles de Julia Mattera, Flammarion, 2021 / 18,50€

Christine Le Garrec