Arts et essais N°53

Du Street Art, version XXS ou en visite guidée dans le Nord de la France, le travail de Catherine Feff dévoilé sous toutes les coutures dans une passionnante « saga », les « Modernités suisses » qui s’exposent au musée d’Orsay et les troublantes oeuvres monumentales de Yan Pei-Ming dans celui de Colmar (et dans deux superbes catalogues d’exposition !), une histoire vivante de l’impressionnisme suivie d’une captivante histoire des artistes femmes, les carnets oniriques de Federico Fellini, un érudit essai sur l’art de la caricature, une histoire de la photographie pour tous et un magnifique recueil d’instants volés par Jean-Paul Olive, au sein d’une Grèce éternelle… Suivis du coup de coeur du Rascal pour un talentueux dessinateur contemporain ! Cet « Arts et essais » mérite, aujourd’hui mieux que jamais, son appellation ! Belles découvertes à toutes et à tous !!!

Si vous suivez de près ma rubrique « Arts et essais », vous avez pu constater la passion que je nourris pour le Street Art… Une passion que j’espère vous faire partager ! Je vous ai déjà présenté une multitude d’ouvrages (presque tous édités aux éditions « Alternatives » qui sont résolument au taquet sur le sujet !) où il dévoile sa splendeur, son originalité et la diversité des techniques employées par ses artistes, dans le monde entier : « Combo » et « Street Art today » (ici !), « Street Art contexte(s)« , « Ella & Pitr« , « Jace » et « Atlas du street Art et du Graffiti » ( !), « Bestiaire fantastique du Street Art » (ici !), « L’art en friches » et « Green Art » ( !), « Street Art Europe » (ici !), « Sous le Street Art le Louvre » ( !), « Alter Ego » et « Street Art today 2 » (Ici !), « Street Art Africa » et « Street illusions » ( !) et « Strange Art » (ici !). Je vous propose aujourd’hui un voyage autour du Street Art « version XXS » avec ce très bel ouvrage qui nous propose de découvrir des oeuvres de toute petite taille, réalisées avec une incroyable dextérité et un impressionnant sens du détail par des artistes qui les ont malicieusement insérées dans leur environnement. Et ces petits formats, pour la grande liberté d’expression qu’ils autorisent à leurs créateurs, ont de plus en plus le vent en poupe ! Après une passionnante introduction sur l’histoire des « petits formats » dans la grande Histoire de l’art, c’est ensuite le travail d’une cinquantaine d’artistes venus des quatre coins de la planète, répertoriés selon les techniques qu’ils utilisent, qui nous est présenté au fil de cinq grands chapitres dûment illustrés de leurs oeuvres. Poétiques, humoristiques, militantes et toujours inventives, celles-ci attirent le regard attentif du passant en autant de clins d’oeil complices qui lui donne le sourire et suscite son admiration ! Je ne peux vous citer tous ces beaux artistes, la liste étant bien trop longue… Mais je ne peux résister à vous faire part de mes coups de coeur pour Pablo Delgado, Cal et Super Bourdi (papiers collés et stickers), Moreje, Mifamosa et Megamatt (mosaïques de marbre, pierre, perles et pâte de verre), Fra Biancoshock, Isaac Cordal et Anonymouse (installations), Jaune, David Zinn et JPS (pochoirs, bombes, feutres et craies), Mihaly Kolodko, Ronzo et 7Emplo (bas-reliefs et autres volumes). Selon l’adage populaire, tout ce qui est petit est joli… Et ce n’est pas le Street Art XXS qui le fait mentir, bien au contraire ! D’une beauté sidérante, il demande à ses artistes un travail d’orfèvre qui nous laisse ébahi, quelle que soit la technique utilisée ! Alors, ouvrez l’oeil et le bon, car l’art est partout… Parfois bien planqué !

Street Art XXS : 50 artistes maîtres du petit format par Édith Pauly, Alternatives, 2021 / 25€

Après le « Guide du Street Art à Paris » (chroniqué ici !) et « Le guide du Street Art en France » (chroniqué !), au tour du Street Art de Lille et de sa métropole d’être ausculté à la loupe avec ce premier guide qui nous dévoile toutes ses nombreuses richesses… Car depuis une quarantaine d’années, son identité est très marquée dans la région ! Bouquin en main, vous pourrez suivre huit itinéraires différents, avec pour chacun une carte détaillant son parcours, les artistes emblématiques du quartier, un focus sur une oeuvre, une technique, un lieu culturel, un évènement ou une association, les photographies des oeuvres que vous pourrez découvrir… Et les bonnes adresses (restos, bars, galeries) à ne pas louper pour des petites pauses sympas ! Le premier itinéraire vous guidera de sa gare au vieux Lille, le second à Wazemmes, le troisième de Saint-Sauveur à Moulins (beaucoup d’oeuvres XXL à découvrir !), le quatrième de la Citadelle de Lille à la Maillerie de Villeneuve d’Ascq (au fil de l’eau et à vélo !). Destination Roubaix pour les trois itinéraires suivants (au coeur de Roubaix, « La condition Publique » (laboratoire créatif du Street Art), et balades à vélo sur les célèbres pavés), puis direction Tourcoing avec la découverte de ses friches et de ses graffitis ! Alors, n’hésitez pas à découvrir le Street Art du « pays où habite la pluie »… Et n’oubliez pas de glisser auparavant dans votre poche ce mini guide (par sa taille mais pas par son contenu !)… Il vous sera précieux !

Guide du street Art à Lille Métropole : Lille, Roubaix, Tourcoing (collectif), Alternatives, 2021 / 13,50€

Catherine Feff… Ce nom vous dit quelque chose ? Mais si, voyons ! Rappelez-vous l’appareil photo géant sur le Champ de Mars, l’Arc de Triomphe arborant un patriotique bleu, blanc, rouge, le poste de radio géant sur l’obélisque de Louxor, l’immense trompe-l’œil sur la Madeleine, la porte de Meknès place de la Concorde… Ces oeuvres phénoménales qui ont marqué les esprits ont été réalisées par cette artiste au talent… Démesuré ! Mais Paris n’est pas le seul terrain de prédilection de Catherine qui a offert son immense talent, toujours dans le domaine de l’évènementiel, au service du festival de Cannes (superbe fresque pour célébrer sa cinquantième édition), à Strasbourg (reproductions de monuments emblématiques de 14 pays européens) mais aussi un peu partout dans le monde (Corée du Sud, USA, Allemagne…). Au fil de cet ouvrage, vous découvrirez « la saga » de cette artiste aux multiples talents, qui exerce son art dans bien des domaines… Car, en plus de ses toiles évènementielles (dont je vous ai cité quelques exemples… Parmi beaucoup d’autres !), vous pourrez admirer ses murs peints et ses palissades (façades en trompe-l’œil, ombres portées (d’une beauté sidérante !), »palissade des chevaux » du chapiteau Bartabas…), son travail de décoratrice (piscine du Ritz à Paris, hôtels, restaurants, fresques sur le monde de la danse et de la musique pour le parking Lully à Puteaux…) et ses tableaux de chevalet (portraits, séries de tableaux « quatre saisons », « Fenêtres »…). Fresques à la végétation luxuriante, paysages champêtres ou oniriques, « papiers peints » exotiques, flashy ou hyperréalistes… L’oeuvre faite de démesure, de délicatesse et d’inventivité de Catherine Feff est aussi impressionnante par sa beauté que par son incroyable diversité ! Cet ouvrage, richement illustré de ses oeuvres (et augmenté de nombreux entretiens et témoignages !), nous en dévoile la substantifique moelle !

La saga de Catherine Feff, Catherine Feff Studio, 2020 / 24,90€

A la fin du XIXème siècle, la scène artistique suisse vit naître une génération de peintres, en lien avec les avant-gardes européennes, qui ont renouvelé en profondeur l’art de leur époque par leur recherche sur l’expressivité et sur la couleur. Ces artistes (formés en France, en Allemagne ou en Italie), inspirés par l’Histoire et la culture de leur pays (alors en plein bouleversement avec la création du jeune état fédéral suisse en 1848), ont laissé à la postérité une oeuvre foisonnante d’une incroyable diversité (paysages, portraits, scènes de la vie quotidienne, natures mortes…) où la nature et les paysages, éclaboussés de lumière et de couleurs, tiennent une place prépondérante. Soixante-dix de ces chefs-d’œuvre sont actuellement exposés au Musée d’Orsay (jusqu’au 25 Juillet prochain), pour la plupart d’entre eux pour la première fois en France… Mais si vous ne pouvez vous déplacer jusqu’à Paris, vous pouvez aussi les découvrir au fil des pages de ce catalogue d’exposition de très grande qualité qui nous offre, en plus de la reproduction des oeuvres exposées, les pertinentes et passionnantes analyses de spécialistes éclairés (« Des modernités suisses » par Paul Müller et Sylvie Patry, « Unité refusée, diversité voulue » par Oskar Bätschmann, « Entre sécessions et art moderne de Paris » par Lukas Gloor, « La formation des artistes suisses dans la capitale des arts, vers 1900 » par Paul Müller). En toute connaissance de cause, vous n’aurez plus ensuite qu’à admirer les oeuvres de Ferdinand Hodler, Giovanni Segantini, Cuno Amiet, Giovanni et Augusto Giacometti, Martha Stettler, Alice Bailly, Sigismund Righini, Félix Vallotton, Ernest Biéler, Max Buri, Edouard Vallet, René Auberjonois, Hans Emmenegger, Alexandre Perrier, Albert Trachsel… Les biographies des artistes, les notices de leurs oeuvres, des repères chronologiques et cartographiques, et une bibliographie sélective complètent cet ouvrage aussi passionnant qu’exhaustif !

Modernités suisses 1890 – 1914 (collectif), Flammarion, 2021 / 45€

Yan Pei-Ming est à l’honneur au Musée Unterlinden de Colmar qui expose plus de soixante de ses oeuvres jusqu’au 11 Octobre prochain. Bouleversants et envoûtants, ses tableaux de taille monumentale nous questionnent sur notre humanité, par les thèmes de la filiation, du sacré et du sacrifice que Yan Pei-Ming aborde avec une rare sensibilité… Un vrai choc émotionnel ! Si vous habitez non loin de Colmar ou si vous avez choisi l’Alsace comme destination pour vos prochaines vacances, un conseil… Ne passez pas à côté de cette expo ! Mais si vous n’avez pas cette chance, il vous reste une belle opportunité de découvrir le travail de cet artiste atypique et innovant, grâce à ce très beau catalogue d’exposition qui explore son évolution artistique sur près de quarante ans de carrière. Vous y découvrirez la genèse de l’exposition (rédigée avec une belle émotion…) par sa commissaire, Frédérique Goerig-Hergott, qui nous relate ensuite les années de formation de l’artiste avant de nous offrir son analyse sur « Pandémie », l’oeuvre inédite créée par Yan Pei-Ming pour cette exposition. La biographie et le parcours artistique de Yan Pei-Ming sont ensuite relatés par Christian Besson, suivis de l’analyse de son oeuvre (tout en superlatifs !) par Eric de Chassey. Un long entretien, où Yan Pei-Ming dévoile avec humilité le regard qu’il porte sur lui-même et sur sa création, précède ses sublimes oeuvres qui s’offrent à notre regard dans toute leur splendeur et leur démesure : portraits (de son père et des membres de sa famille, de Mao, de Bouddha), paysages, autoportraits (dont le triptyque « Nom d’un chien ! Un jour parfait »), tous brillamment commentés par Casey Ackermann et Frédérique Goerig-Hergott. Ce magnifique catalogue qui met en lumière l’exceptionnel talent de cet artiste aussi attachant que troublant, est à découvrir de toute urgence !

Yan Pei-Ming : au nom du père (sous la direction de Frédérique Goerig-Hergott), Hazan, 2021 / 30€

Voici un ouvrage bien original pour aborder l’histoire des impressionnistes ! Un ouvrage qui ne respecte pas la chronologie habituelle, mais qui nous restitue, année par année (de 1863 à 1905), une multitude d’anecdotes sur la vie et sur le travail de ces peintres rétifs aux écoles, aux groupes et aux dogmes, en ne se limitant pas uniquement à ceux « estampillés » impressionnistes, mais en incluant d’autres artistes qui ont enrichi, suivi ou dépassé ce mouvement. C’est en profondeur, et en s’appuyant sur les écrits de quelques-uns de ces illustres artistes, que Valérie Mettais nous immerge au sein d’une époque et des évènements qui l’ont marqué, et au coeur de la création de ces peintres farouchement indépendants, tour à tour conspués ou adorés. Se découpant en quatre grands chapitres abondamment nourris d’anecdotes et de faits (« Au salon, à l’atelier, en plein air », « intransigeants, indépendants », « Les impressionnistes du petit boulevard », « Passages de relais »), ce superbe ouvrage, par sa riche iconographie et son imposante documentation, est décidément un ouvrage de référence, passionnant et accessible à tous ! L’histoire que nous conte Valérie Mettais, qu’elle soit artistique ou historique, mérite à tous points de vue l’adjectif « vivante » qui lui sied à merveille ! Un régal… Autant pour l’esprit que pour le regard !

Histoire vivante de l’impressionnisme par Valérie Mettais, Hazan, 2021 / 29,95€

Trop souvent oubliées, les artistes femmes qui ont pourtant marqué de leur empreinte et de leur talent l’histoire de l’art, n’ont eu de cesse d’obtenir une parité (encore bien loin d’être atteinte) avec leurs homologues masculins… Une injustice flagrante que Susie Hodge « répare » au fil des pages de cet ouvrage, en mettant en lumière leur importante contribution au sein des différents mouvements artistiques (de la Renaissance à l’art conceptuel), en explorant les grands tournants de leur histoire (le long chemin vers l’égalité, le refus de la femme objet, la célébration de la femme, l’entraide entre artistes femmes, l’affirmation de soi, les arts « dits féminins »…), en abordant les nombreux thèmes pour lesquels elles ont œuvré, et en exposant 60 de leurs chefs-d’œuvre, de tous styles et de toutes époques. Cet ouvrage fort bien réalisé, découpé en quatre grands chapitres où des liens nous permettent de naviguer de l’un à l’autre pour nous permettre de mieux comprendre les influences entre les différentes artistes et l’évolution de leurs idées (avec de nombreux encadrés nous signalant les principales artistes et une artiste « Phare »), nous immerge en profondeur dans une histoire, toujours et encore en cours d’écriture… Passionnant !

Petite histoire des artistes femmes par Susie Hodge, Flammarion, 2021 / 19,90€

« La Strada », « La dolce vita », « 8 et demi », « Satyricon », « Amarcord », « La cité des femmes », « Ginger et Fred », « Et vogue le navire… », et tant d’autres encore… Fellini n’en finit pas de nous faire rêver à travers ses films qui ont fait de lui le maître incontesté du cinéma italien… Une magie qui perdure avec le livre de ses rêves où il nous offre les clés de sa vie intérieure, de sa perception du monde, et de son art de cinéaste. Car, comme il l’affirmait lui-même, tout est étroitement lié : « Au fil des pages du livre de mes rêves, on trouve tout mon cinéma, tout mon art »… Chaque jour, Fellini notait, dessinait et coloriait ses songes (crayons de couleur, aquarelle, gouache, stylos bille, feutres, encre…) où apparaissaient toutes ses obsessions, ses paradoxes, son humour et son sens de l’exagération, que l’on retrouve dans son oeuvre cinématographique : « Le livre de ses rêves est donc aussi celui de ses films, de même que ses films définissent le cinéma de ses rêves ». En contemplant la splendeur et la richesse de ses carnets (répertoriés en deux époques, de 1960 à 1990, et augmentés de « feuilles volantes » et de « feuilles offertes »), on s’immerge avec délices au coeur de sa création, dans un foisonnement de dessins éclatants de couleur, tour à tour drôles, effrayants ou érotiques (qui révèlent un vrai talent de dessinateur et de coloriste !) et de lignes qui semblent vouloir sortir de leur cadre de papier pour s’imprimer sur celui de la pellicule… Avec une émotion non contenue, Daniel Pennac exprime toute son admiration pour le maestro dans la préface de cette merveille, suivi par des spécialistes et amis de Fellini qui nous offrent anecdotes et analyses de son oeuvre : Lina Wertmüller (cinéaste et assistante de Fellini sur « 8 et demi »), Gian Piero Brunetta (critique et historien), Filippo Ceccarelli (journaliste politique), Simona Argentieri (psychanalyste), Milo Manara (dessinateur et scénariste de BD) et Sergio Toffetti (président du musée national du cinéma à Turin). Vous trouverez également en fin de volume les traductions des textes de Fellini, bien évidemment écrits en italien, de son écriture tremblée et rapide… Un livre précieux, exubérant et émouvant, qui nous offre l’essence même du talent de cet homme à l’imaginaire sans limite et à la sensibilité exacerbée… Incontournable !!!

Le livre de mes rêves de Federico Fellini (texte inédit de Daniel Pennac), Flammarion, 2021 / 45€

Objet insaisissable, la caricature se dérobe à toute définition, le terme recouvrant aussi bien le dessin satirique que le dessin d’humour ou politique. « Genre singulier » selon Baudelaire, « Libertinage de l’imagination » d’après Diderot ou « Pulsion d’agressivité » selon Ernst Kris, dotée d’une faible légitimité artistique et culturelle car considérée comme vulgaire, elle a suscité critiques et polémiques avant de prendre une expansion inédite tout au long du XIXème siècle. C’est toute l’histoire et l’évolution de la caricature, et la manière dont celle-ci a été perçue au coeur des milieux et mouvements artistiques, de la Renaissance à aujourd’hui, que Bertrand Tillier nous déroule au fil de cet essai composé de onze chapitres dûment documentés et largement illustrés de gravures d’époque (« Une annexe de l’art », « Hogarth, ligne, variété et confusions », « Un envers de l’art », « Un objet déclassé », « Une figure de la stérilité », « Une métaphore de l’usure (autour de la folie d’André Gill) », « Le risible de l’art », « Une écriture transgressive et expressive », « La déterritorialisation de la caricature », « Abolitions de la caricature » et « La bascule du siècle »). Cet ouvrage passionnant, qui nous immerge au coeur de l’histoire de l’art et des remous de l’histoire, témoigne de la grande érudition de son auteur qui réussit à captiver ses lecteurs, y compris néophytes, sur le sujet !

Dérégler l’art moderne : de la caricature au caricatural par Bertrand Tillier, Hazan, 2021 / 29€

Derrière son objectif, Jean-Paul Olive nous emmène en Grèce, dans un voyage en argentique où le noir et blanc suggère les couleurs dans une déclinaison de multiples et lumineuses nuances… En autant d’instants volés débordants d’humour et de joie de vivre, il nous donne à voir un pays où les vestiges du passé côtoient la plus grande modernité, parfois triviale : hordes touristiques et filles dévêtues se baladant entre ruines et statues antiques aux côtés de vieilles femmes vêtues de noir, fêtes de famille rieuses, célébrations religieuses dans la plus pure tradition, vie nocturne ou sous un soleil éclatant, paysages somptueux figés dans le temps et l’espace… Aucune de ses photographies n’impose un point de vue, mais suggère une histoire qu’il nous incombe de relater, en faisant le lien entre les différents éléments qui la compose, où le moindre détail a son importance. Sa vision d’une Grèce intemporelle où le passé questionne le présent, nous donne autant matière à réflexion que d’occasions pour nous émerveiller… Un étonnant et émouvant ouvrage… Qui nous donne une irrépressible envie de mettre nos pas dans ceux de ce talentueux photographe au regard tendre, amusé… Et aiguisé !

Athènes et ses îles par Jean-Paul Olive, Images Plurielles, 2021 / 29€

On peut aborder l’histoire de la photographie de plusieurs façons : en décrivant mouvements et évolution des techniques au fil du temps, ou en s’attachant au travail d’un photographe dans le contexte de son époque, et en offrant une analyse simple et vivante de ses oeuvres, par le biais d’anecdotes et d’apartés accessibles pour tous. Ian Jeffrey, pour le plus grand plaisir des néophytes, a choisi la seconde formule en nous présentant 80 photographes et pas moins de 440 photographies qui ont marqué l’histoire du huitième art, de ces premiers balbutiements à nos jours. Pour chaque artiste, vous découvrirez les grandes lignes de son existence, dans son contexte géographique et historique, la manière dont il envisage (ou envisageait) son art (thèmes choisis, prises de vue…) et l’analyse claire, concise et captivante d’une ou de plusieurs de ses oeuvres. Deux grands chapitres sont également proposés sur la première et la seconde guerre mondiale, avec bon nombre de photographies d’anonymes qui ont pris ces clichés sur le vif, sans recherche d’esthétisme, pour laisser à la postérité un témoignage de ces périodes troublées. Amoureux de la photographie, que vous soyez admirateurs passifs ou amateurs curieux, cette histoire est faite pour vous !!!

Une histoire de la photographie pour tous par Ian Jeffrey et Max Kosloff, Hazan, 2021 / 35€

La revue « Sphères » : petites communautés, grandes histoires !

Découvrir la passion d’une personne, c’est dévoiler ce qu’elle a de plus intime. Découvrir une passion partagée par des milliers d’autres, c’est comprendre une facette de notre société. Tous les trois mois, Sphères explore une communauté de passionnés à travers 144 pages de journalisme long format et porte un autre regard sur notre époque. Un regard déconnecté de l’actualité mais ancré dans le réel. Avec ses quatre premiers numéros, Sphères a mis en lumière des questionnements contemporains – la valeur de l’artisanat, l’accélération du temps, la place du spirituel, le rapport au passé -, le tout raconté dans de grandes histoires humaines peu médiatisées. En explorant des univers méconnus, Sphères vous fait découvrir ce que les passions disent de notre monde.

J’ai pour ma part consulté le quatrième numéro, « Les reconstitueurs », qui propose de nombreux dossiers sur les reconstitutions historiques… Et sur leurs passionnés ! (tels cet avocat, sosie officiel de Napoléon, qui a appris à parler corse rien que pour formuler correctement les jurons favoris de l’empereur, ou cet arbalestier… Bâtisseur de sous-marin !). Histoire de la reconstitution, stratagèmes déployés par ses adeptes pour réaliser leurs représentations malgré la pandémie (souci entre l’historicité des scènes et le port du masque…), anecdotes sur des reconstitutions réussies ou totalement ratées, déclinaisons des différents « sens » à recréer pour qu’une reconstitution soit parfaite (parfums, bruits et saveurs), techniques judiciaires de reconstitution, coulisses des costumiers et forgerons (pointus en histoire et magnifiques artisans !), dossier sur « le mauvais rôle » de ceux qui incarnent les soldats de la Wehrmacht, reportage à Saint-Pétersbourg au sein du groupe Old Friends (champions du monde du combat médiéval), enquête sur les parcs à thèmes et sur l’histoire du Puy du Fou (controversé par les puristes pointilleux sur l’exactitude historique), entretien avec « Le fou du roi » Stéphane Bern et arguments d’une historienne qui milite pour que les rôles de chevaliers soient ouverts aux femmes, textes d’écrivains relatant des batailles (Victor Hugo, Erich Maria remarque, Louis-Ferdinand Céline, George Orwell, Gustave Flaubert), coup de projecteur sur le superbe film de Stanley Kubrick « Barry Lyndon », présentation d’un jeu vidéo qui nous immerge dans l’Histoire (« Assassin’s creed »)… Vous aurez compris que Sphères » explore en profondeur et avec une passion communicative les sujets qu’elle propose à notre curiosité ! Une ligne éditoriale cohérente, des articles rédigés dans une grande qualité d’écriture, une riche iconographie : cette revue qui a décidément la classe, est passionnante de la première à la dernière page, quel que soit le sujet abordé !

Vous pouvez d’ores et déjà vous procurer le nouveau numéro (« Les cavaliers« ), en le commandant sur le site de la revue (ici !) qui propose également une formule d’abonnement (ici !), ou l’acheter en librairie (différents points de vente!).

Sphères, 20€ le numéro

Christine Le Garrec

Le coup de coeur du Rascal !

Une fois n’est pas coutume, je troque ma tenue de chroniqueur musical pour celui de critique d’Art ! Focus sur Valentin HAVLICEK un jeune artiste bordelais dont le travail m’a tapé dans l’œil.

Mars 2020. Le confinement fait rage.

VALENTIN HAVLICEK habituellement perdu dans les limbes, redescend sur terre et nous ouvre son cœur et son âme.

Il décide de produire un dessin par jour pendant 300 jours.

Voici les 100 premiers reliés dans un recueil classieux.

100 dessins sortis d’un imaginaire débridé, sous influence BD, SF et jeux vidéo, mais la sensibilité de l’artiste n’hésite pas non plus à nous promener sur un coin de caniveau, au fond d’une forêt romantique ou dans une abstraction géométrique.

Sa technique du stylo-bille est incroyable de finesse, particulièrement lorsqu’il travaille les textures.

VALENTIN H. débarque avec sa cohorte de personnages hétéroclites, d’animaux fantastiques ou familiers, de décors de déglingue futuriste.

Le tout navigant entre violence et poésie…

Pour fuir la réalité il s’invente des cauchemars, mais aussi des moments de grâce et de magie.

A croire que le quotidien de ce jeune homme n’est pas de tout repos…

De ces images disparates, il invente un langage, créé de liens et de ruptures.

V.H. nous donne des pistes, à nous d’imaginer les épopées fantastiques derrière les instantanés.

Une œuvre au noir, plus lumineuse qu’il n’y parait. Car V.H. n’est pas un pessimiste, plutôt un visionnaire bienveillant, désireux de nous faire entrer dans son Monde ou les instructions sont signifiées en runes ou en signes cabalistiques.

Rien ne nous est donné, mais tout est à portée de main.

Il suffit d’ouvrir les yeux…

Valentin HAVLICEK : l’Œuvre au Noir

Le Rascal